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XVII. SONNER LE GLAS

Le bureau de M. Khoury était à l'image de son détenteur : sobre et bien organisé. Le bureau, d'un bois chocolat, trônait devant une fenêtre aux cadres blancs et usés qui donnait sur la cour. Un ordinateur fixe avec une grosse unité centrale semblant dater du début des années 2010 et tout un tas de papiers ornés d'un surlignage jaune fluo le décoraient. Devant, deux chaises noires en faux cuir et, sur le mur de droite, un immense tableau paré çà et là de post-its colorés, d'annotations écrites au stylo effaçable – bleu, rouge ou vert – et des emplois du temps accrochés par des aimants ronds bruts. Pierre songea que c'était un bureau qui convenait parfaitement à un directeur de lycée. Il regardait maintenant ses mains pour patienter. Il savait qu'ils n'allaient pas tarder à arriver – sauf à supposer qu'Aela et ce Michaël aient décidé de sécher les cours en s'évadant par la cour. Il secoua la tête, presque amusé par ses propres réflexions : rater les cours n'était pas du genre d'Aela. En répétant son prénom dans sa tête, une légère appréhension vint se loger dans sa gorge : il avait tellement de mal à comprendre ce qu'il ressentait pour elle.

Au début, il avait pensé qu'elle craquerait rapidement. Certes, son comportement avait été cruel, et il le savait. Il avait espéré qu'elle s'accroche à lui, d'abord par crainte, car c'était la première chose qu'il avait souhaité nourrir en elle : de la peur. Et, quand celle-ci aurait été profondément ancrée dans l'esprit d'Aela, suffisamment pour qu'elle reste à ses côtés jusqu'à la fin de l'année, peut-être – oui, peut-être – qu'il aurait changé d'approche. Car au fond de lui, même la méchanceté, même la volonté de l'avoir rien que pour lui, même le besoin de ne plus être seul ne masquait pas le petit espoir qui sommeillait quelque part dans son crâne et qui lui disait Un jour, tu n'auras pas besoin de lui faire peur. Un jour, elle t'aimera, longtemps et pour de vrai, parce qu'elle n'est ni ton père ni ta mère, qu'il n'y aura pas de divorce.

Mais Aela s'était montrée plus indomptable que prévu. Malgré le fait qu'elle avait conscience que Pierre connaissait son secret, elle avait relevé le menton, s'était débattue, l'avait évité, l'avait rejeté. Il l'avait eue par usure plus que par réelle conquête, et c'était lasse qu'il l'avait trouvée bientôt une heure auparavant et qu'il avait pu lui infliger le coup fatal. L'attaque avait été sadique, mais au moins elle avait réussi. L'entrevue avec Michaël, qu'il avait ardemment attendue, ne s'était cependant pas déroulée comme prévu. Il aurait préféré qu'il le frappe une nouvelle fois. Qu'ils se battent. Aela aurait eu peur, il aurait été blessé, et elle l'aurait pris en pitié. Il lui avait été étrange de constater qu'elle semblait plus craindre le jeune homme blond que lui-même, alors qu'il s'en prenait délibérément à elle depuis des mois.

— Bien.

La voix claire de M. Khoury résonna soudain dans la pièce et Pierre sursauta presque dans le fauteuil auquel il était installé. Il tourna la tête pour faire face aux nouveaux arrivants tandis que le directeur faisait le tour du bureau pour s'asseoir à sa place. Michaël et Aela entraient côte à côte. La jeune femme avait l'air inquiète, elle grimaçait nerveusement ; elle échangea un bref regard à son compagnon d'infortune qui hocha la tête avec confiance comme pour lui assurer que tout allait bien se passer. Ne restant plus qu'une seule chaise de disponible – et Pierre n'étant certainement pas prêt à laisser la place à son adversaire – quelques balbutiements survinrent pour délibérer de qui s'y assirait jusqu'à ce que Michaël achève de convaincre Aela qu'elle pouvait y aller. M. Bergson fermait la procession.

— Bon, j'ai cours avec les Premières ES 6, alors je vous laisse là. Renvoie-les-moi en classe dès que tout est réglé, lança-t-il à son collègue.

M. Khoury lui sourit affablement pour acquiescer avant de poser son regard austère sur les trois adolescents qui lui faisaient face, l'air soudain beaucoup plus sérieux. Il s'éclaircit brièvement la voix, tritura ses boutons de manchette et posa ses coudes sur la table avec la sévérité de façade qui convenait à ce genre de situations.

— M. Bergson est venu me chercher tout à l'heure car il semblerait qu'une altercation soit survenue entre vous trois. Vous êtes bien... (Il pencha légèrement la tête pour déchiffrer correctement le post-it froissé dans ses mains.) Pierre Gabarra, de la Première ES 4, et Michaël Deborgies et Aela Lee de la Première ES 6 ?

Un léger silence flotta. Pierre lâcha un soupir ennuyé avant de répondre par l'affirmative à la question.

— Quelqu'un peut me dire ce qui s'est passé ?

Pierre pouvait sentir la présence de Michaël dans son dos et elle l'horripilait. Son entrée aux côtés d'Aela, dans cette espèce de symbiose, comme s'ils s'appréciaient, comme s'ils étaient devenus amis, l'insupportait. Il ne voulait pas perdre, pas maintenant. Il se racla la gorge et toisa le directeur d'un air désabusé pour se donner l'impression de maîtriser les événements.

— On s'est juste un peu disputés, ça arrive, non ?

— Alors oui, M. Gabarra, ce sont des choses qui arrivent. Mais je vous prie de me parler autrement, je ne suis pas votre « pote ». (Il prononça ce mot avec dédain.) Si vous êtes convoqués ici, c'est que c'était plus qu'une simple dispute. Alors expliquez-moi vite et bien, sinon c'est deux heures de colle pour tout le monde.

— Pierre a fait du mal à Aela. Ce n'est pas la première fois.

La voix de Michaël retentit dans la pièce, d'une autorité curieuse pour une personne de son âge, ce qui troubla Pierre un instant. Il inclina la tête et vit qu'Aela se recroquevillait dans le fauteuil, comme si elle voulait disparaître, être partout sauf là. Elle détestait être le centre de l'attention et maintenant son acolyte venait de la propulser sous le feu des projecteurs. Pierre savait que c'était sa dernière chance de contrôler la situation, car le reste ne jouait pas en sa faveur. Au pire des cas, que se passerait-il ? Un mot dans le carnet, des heures de colle, un renvoi temporaire ? Plus rien ne semblait avoir d'importance, de toute manière. Au moins, cela rajouterait un exploit dans son palmarès et pendant une soirée ou deux, ses parents se soucieraient de lui et se mettraient d'accord à son sujet – comme quand il était petit. Il prit une grande inspiration en essayant d'avoir l'air décontracté.

— Lui faire du mal ? Tu dramatises tout, commença-t-il, sans pour autant regarder directement Michaël. Monsieur, dit-il ensuite en s'adressant à M. Khoury, il raconte n'importe quoi. On sortait ensemble et on a rompu, alors on s'est disputés, voilà. Je ne voulais pas en parler devant vous mais on m'y force. Lui, il est juste jaloux alors il a voulu m'embrouiller et voilà pourquoi on se retrouve tous ici devant vous. Ça ne vaut pas le coup d'en faire un drame, c'est bon.

Michaël siffla avec amertume.

— Il vient littéralement d'inventer ça. Monsieur, je peux vous assurer qu'ils ne sortaient pas ensemble. Il la harcèle, il faut...

— Bon, je vais vous arrêter là, le coupa M. Khoury en soupirant avec impatience. Je me fiche de qui sort avec qui. Messieurs, taisez-vous un instant et ayez la décence de laisser mademoiselle parler.

Pierre se tourna vers Aela, comme les deux autres hommes dans la pièce. Un silence pesant planait au-dessus d'eux. Le sang gagna son visage et c'est les joues roses de timidité mélangée à de la honte qu'elle recoiffa ses longs cheveux clairs avant de prendre la parole.

— Pierre a menti, déclara-t-elle d'une voix tout aussi déterminée que tremblante. Il s'en prend à moi depuis quelques temps, je ne sais pas pourquoi. On s'est déjà un peu battus, avec Michaël aussi. Voilà la vérité.

Elle déglutit difficilement et planta son regard rougit par le stress dans celui de Pierre, avec des yeux dans lesquels luisaient une lueur inexpugnable. Comment parvenait-elle à rester si farouche ? Était-ce une simple mascarade ? Qu'avait bien pu lui dire Michaël pour qu'elle s'extirpe ainsi de sa léthargie ? Il ne le savait pas, et de toute façon, le glas avait sonné. Il avait perdu. Il avait investi tellement de temps dans sa quête et pourtant il avait échoué, lamentablement, comme pour toutes ses entreprises. Rien ne fonctionnait donc avec lui : l'amour, l'amitié, la colère, la peur. Rien. Rien ne donnait aux autres l'envie – si ce n'est la nécessité – de demeurer auprès de lui. Il avait tout essayé en vain. Personne ne voulait de lui. Il était assez idiot de se dire que c'était pourtant écrit : ses parents l'avaient abandonné le premier, ses propres parents. Comment avait-il pu croire une seule seconde que de simples adolescents qu'il côtoyait auraient pu changer la donne ? La défaite était amère. Il ne le cacha pas. Les faux-semblants ne servaient plus à rien.

M. Khoury devait sentir le poids qui flottait soudain dans la pièce à la suite de ces paroles qu'il estima qu'il était temps de couper court à cette réunion.

— Bien. Voilà qui semble plus clair. Donnez-moi tous les trois votre carnet, je vais écrire un mot à vos parents, à signer ce soir et à me ramener demain à la première heure. Mais la prochaine fois que j'entends parler de vous trois, c'est tout de suite en colle, peu importe ce que vous me direz.

Il s'empressa de collecter les cahiers de correspondance, gribouilla rapidement un mot dans chacun d'eux qu'il parapha d'une signature précise, simple et nette. Il les rendit à leurs propriétaires, se leva et leur indiqua la sortie.

— Rejoignez tout de suite vos classes, on ne traîne pas dans les couloirs.

Dans le corridor, Pierre marchait avec abattement, les épaules basses. Il aurait voulu crier – c'était sa manière de pleurer. Même la pensée de sa mère qu'il retrouverait ce soir et qui, confrontée à un énième mot dans son carnet, aurait toute son attention fixée sur son premier fils plutôt que sur le petit dernier qu'elle avait eu avec son nouveau compagnon ne le rassérénait plus comme avant. Peut-être comprenait-il que ce n'est pas parce que l'on croit un filon invincible que la mine ne peut pas s'écrouler sur notre dos. 

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