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#include <Elle le fixait et, dans ses iris, il lisait les étoiles dont elle avait parlé. PIERRE BOTTERO>

TIME / Hiver 2052 / "Présent" +765 jours /

// Visites après visites, il me semble que Natsumi commence une autre bataille : celle contre le silence. Malfaisant, il s'amuse à la museler. Son regard muet, coulant sur les vitres hivernales, est un bâillon triste qu'elle se refuse d'arracher. Ces instants fugaces n'existent qu'en mon absence. Je parviens à les surprendre en arrivant quelques minutes plus tôt, en l'observant par l'entrebâillement de la porte, en entrant dans la pièce sans bruit. Dès qu'elle me voit, sa froideur se dissipe. Je suis sa chaleur. Et pour elle, je rayonnerai.

Il fait toujours plus beau quand tu es là, m'annonce-t-elle soudain, en parfait écho avec mes pensées.

/ Sa maxime m'attendrit puis, plus tard, je la revisiterai d'amertume. Plus tard, je comprendrai que c'était la fin de quelque chose. Comme le cristal qui se brise dans un bruit délicat, agréable. Plus tard, je pleurerai en repassant cette scène.

/ Mais pour l'heure, l'espoir naît de son sourire. Je ris. Un rire frais et doux qui ne m'appartenait plus, que j'avais laissé entre les murs de chaux qui encadrait mon lit, l'odeur de ma mère et les balles de mousse que me lançait mon frère. Je ris, au nez de demain, au nez de la fatalité et au nez de la peur. Un rire qui m'appartient à nouveau.

/ Comme nous en avons l'habitude maintenant, je la glisse dans mon grand sac et nous filons sans discrétion dehors. Mais aujourd'hui, il est tard, et ce n'est pas l'Aurore que nous allons rejoindre.

/ C'est la nuit. La plus pure, la plus belle. Natsumi m'a dit la veille qu'elle ne l'avait vu qu'à travers une vitre. Elle m'a appris à regarder la beauté du jour, je lui montrerai celle de la nuit.

/ Je me faufile dans le parc aux saules, mais nous allons plus loin. Je descends dans la rue, le crépuscule commence déjà à colorer les rayons. Le bus s'apprête à partir pour le centre-ville. Je cours, je saute entre les portes qui se referment. Le scanneur me repère et retire le prix du parcours sur mon compte en banque. J'espère que Natsumi n'a pas trop été brassée.

/ Il n'y a pas grand monde. Je m'assois et pose le sac sur le siège d'à côté. En face, une vieille femme me regarde sous les plis de ses yeux comme si je venais d'entrer par effraction.

/ Le trajet est long. Trop long. Mais la radio diffuse « Wish you were here » et Pink Floyd a la capacité surnaturelle de réduire la durée des secondes. Nous arrivons place Notre-Dame. Je me demande si Natsumi aime Pink Floyd.

/ Ça sent le sucre. Un marchand de barbe à papa s'ennuie sur son Appareil. Deux amoureux au visage grave sont assis sur les marches de pierre. Enlacés d'amour. Simple. Pure. Vrai. Leur lien rayonne.

/ Je fais quelque pas vers les mahonias plantés entre l'église et les halles. Je sors Natsumi du sac, elle est en train de boire l'une des briques ROSES que je lui ai apportées. C'est sa cinquième. Il lui en reste deux. Pour un droïde normal, une brique équivaut à une journée. Pour Natsumi, qui dépense énormément d'énergie dans ses réflexions innées, la dose lui tient une heure. Mais l'effort physique la décharge encore plus vite. La fatigue plus vite. Je n'aime pas penser qu'elle se décharge.

/ Pour l'instant, elle est vive, vigoureuse. Elle fait quelques pas trébuchants en battant des bras pour trouver son équilibre. Les petites tennis en daim que je j'ai piqué dans la benne à ordure d'un magasin courent pour la première fois aux pieds d'un droïde. Courent pour la première fois. Natsumi resplendit. Jamais je ne l'ai vue aussi vivante. Aussi vraie.

/ Pour la première fois, je rencontre son corps en même temps que son âme.

/ Nulle part ailleurs qu'ici.

/ Je ne veux être nulle part ailleurs qu'ici, maintenant, devant son regard BLEU, sous le ciel TURQUOISE qui déteint au MAUVE, entre la musique groovy des skateurs et le brouhaha apaisant des discussions de bar, entre les mahonias BRIQUES et les pierres SABLES. Entre l'hier, tendre souvenir et le demain, irrésistiblement désiré comme un second aujourd'hui. J'ai les mains moites et le cœur affolé. Je suis moite et affolé, inhabitué à ce type de ressenti. Elle rit à présent, chasse les pigeons un brin trop gras — quand les pigeons sont-ils devenus ROSES, VERTS, BLEUS ? — puis reviens vers moi avec un sourire plus grand que le monde. Et ses yeux plus grands que le monde. Le plus beau des instants.

/ Je plisse les yeux.

/ Le Soleil brille toujours plus fort quand tu es heureuse.

/ Je ne veux que profiter du temps qui s'écoule devant nos mines éclairées. Profiter du temps de paix qu'il nous reste. Profiter de la vie avant que ne s'échappe le bonheur.

/ Je l'entraine dans une rue bondée, lui fait lécher les vitrines colorées, esquiver les passants comme si sa vie dépendait de l'originalité de sa pirouette, écouter le joueur de handpan au coin des Cordeliers, respirer l'effluve apaisant des cookies chauds de la Mie Câline, marcher discrètement dans les pas d'un inconnu pour voir son trajet, essayer des lunettes de Soleil bling-bling, s'arrêter pour entendre les carillons au-dessus du magasin de montre, gouter les mochis à l'amande de l'épicerie japonaise, découvrir les points de vue cachés de Poitiers.

/ On file. On file vers quelque chose et je commence à oublier qu'on ne sait pas vers quoi. On file est je commence à oublier que ce ne sera pas éternel. J'oublie ton éphémérité, la mienne, et celle de notre nœud. J'oublie qu'il y aura une fin, fatale, définitive. J'oublie que demain existe. Je pense aujourd'hui. Tu es aujourd'hui. Et c'est ça le plus beau.

/ C'est au-dessus de la salle des pas perdus, l'ancien palais de justice reconverti en médiathèque, que s'achève notre balade enfantine. Là-haut, sur une corniche, où une pauvre échelle a été oubliée du temps des travaux, nous regardons le ciel.

/ Les étoiles peinent à percer la lumière des réverbères. Mais je les vois. Mais Natsumi les voit. Comme elle voit les couleurs dans un monde de GRIS. Comme je vois désormais la délicate collerette ROSE pailletée des pigeons, la pointe MARINE dans l'ardoise des toits, le ROUX du bois des colombages, l'ABRICOT des lueurs de rue. Et ce sol SAUMON, et ce bus VERT POMME, et le CANARI de ce chapeau, le MAGENTA de cette enseigne, les breuvages MENTHES et les volets SARCELLE, la densité du VERMILLON de cette valise, la PAILLE des feuilles mortes, l'OCRE des feuilles mortes, le NACARAT des feuilles mortes, le ZINZOLIN des feuilles mortes. L'Arc-en-ciel des cheveux de Natsumi.

/ Je vois le monde dans des couleurs qui n'existent plus.

/ Debout au-dessus de la ville, nous le regardons s'agiter en silence. Notre attention est bienveillante, presque compatissante de ne pas pouvoir offrir la satisfaction de cette journée aux silhouettes en dessous de nos pieds.

Quelle est ton image de la paix ?

— Le sourire de ma mère. Et toi ?

Cet instant.

/ La nuit est tombée. Natsumi lève le nez vers le ciel et lui sourit. Elle ferme les yeux.

C'est une belle journée pour mourir.

/ Mort. Fracas. Explosion. Déchirure. Que vient faire la Mort avec nous sur cette corniche ? Natsumi n'a pas bougé. Mais elle est soudain trop près du vide et l'image de son corps qui s'échoue sur les pavés est soudain trop proche de mon esprit. J'attrape sa main.

N'ai pas peur, ce n'est pas aujourd'hui que je mourrai.

/ Je n'arrive pas à lâcher sa main. Je n'arrive pas à regarder ailleurs. Je n'arrive pas à penser. Je n'arrive pas à parler. J'étais un cœur arythmique, l'ivresse de frisson, une possibilité naissante. Soudain, je ne suis plus rien. Si. Je suis figé, terrifié, glacé, en colère, poursuivi par la Mort.

/ Que vient faire la Mort avec nous dans ce Paradis ?

— Je trouve que c'est une belle journée pour vivre.

/ Mes mots sont crachés, rendus laids par les tremblements qui agitent mes lèvres, par la main invisible et décharnée qui enserre ma gorge. La Mort est avec nous sur la corniche. Je la sens caresser mes épaules, me murmurer qu'elle ne partira jamais, qu'elle me connait trop bien, qu'elle sait que je la rejoindrai bientôt.

/ Soudain, c'est moi qui suis trop près du vide. Et c'est la main de Natsumi qui me retient.

/ Elle sourit. Mais des larmes roulent. Rondes sous ses yeux, ovales sur ses joues, plates sur son menton, puis à nouveau ovales, puis ronde dans les airs, puis plate sur ses petites tennis en daim.

J'ai pas envie de partir.

/ J'ai besoin d'enlacer cet être de lumière. Sa chaleur dans mes bras. Un instant mon esprit s'égare à l'étonnement face à la perfection de son corps humain factice. Puis mon cœur me gifle et je la serre fort. Il n'y a rien de factice. Elle pleure. Ses petites mains s'agrippent à mon dos. Je la berce. Ses hoquets contre mon torse. Le bar en dessous qui joue " Yours Latest Trick ". Ses larmes qui brillent.

/ L'odeur de blé dans ses cheveux. La peau douce de sa joue dans ma main. La tiédeur de son front contre moi. Elle va mourir.

/ Impuissant à protéger ceux que j'aime.

/ Que me restera-t-il quand tu seras partie ?

/ L'espoir dérisoire que tu reviennes ?

/ Que ton esprit resurgisse ?

/ Te souviendras-tu de moi ?

/ Seras-tu la même ?

— Je veux pas te perdre.

/ Mon murmure est à l'image de mes pensées. Stupide. Égoïste. Elle va mourir et je ne trouve rien de mieux à faire que de me placer en sujet majeur de cette tragédie. Natsumi se dégage. Qui voudrait être consolé par un égocentrique.

/ Mais ses traits ne me jugent pas. Ses paupières CRAMOISIES ne sont pas inquisitrices. Comme si un prestidigitateur transformait ses lèvres en un philtre magique, ses mots soudain me transpercent :

Tu me perdras. Et je me perdrais moi aussi. Le principal, c'est que toi tu ne te perdes pas.

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