Chapitre 7
J'avais passé la nuit à me souvenir de l'homme qui avait été présent pendant une partie de ma vie. Je me sentais nostalgique des moments passés en sa compagnie. Puis rancunière du fait qu'il nous avait laissées.
Il était parti pendant que j'étais à l'école. Ce jour-là, ma mère était venu me chercher à l'établissement comme à son habitude. Ses yeux rougis par les larmes m'avaient accueillis dans l'habitacle. Je me souviendrais toujours du sourire qu'elle m'avait adressée avant de reprendre la route. Je n'oublierais jamais la douleur qui avait suivit la révélation de son départ. Sur le coup, je n'avais pas réalisé les conséquences qu'engendrerait sa disparition. Ce fut au fil des jours qui s'écoulèrent que je compris qu'il ne reviendrait pas, et qu'un vide s'était creusé à l'intérieur de nous.
Je me levai le cœur lourd de souvenir. Il y avait de cela longtemps que je n'avais pas pensé à mon père aussi allégrement. Devant le miroir de la salle de bain, j'observai mes yeux fatigués par cette nuit agitée avant de m'asperger le visage d'eau.
Je devais me ressaisir. Je ne pouvais pas ressasser chaque souvenirs d'un passé heureux. Je me devais d'aller de l'avant pour le bonheur de ma mère. Si l'homme qu'elle voyait en ce moment lui plaisait, je ne pouvais rien faire pour l'en empêcher.
Je pris donc une grande inspiration et commençai mes petits rituels du matin. Une fois que je fus fin prête, je descendis les marches et m'arrêtai à la table de la cuisine. Ma mère chantonnait de nouveau, me mettant profondément mal à l'aise. Dos à moi, sa manière d'agir semblait appartenir à une autre personne. Elle avait dompté ses boucles dorées en un lissage parfait, ce qui ne lui ressemblait pas du tout à vrai dire. Elle avait même tendance à les attacher en un chignon stricte.
- Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait à ma mère ? Demandais-je de manière ironique.
Au son de ma voix, elle se retourna précipitamment et mis une main sur sa poitrine. Le visage blanc, elle s'apprêtait à me répondre quand je la devançai :
- Tout va bien ? Je te trouve bizarre aujourd'hui.
- Oui, oui ça va, assura t-elle avant de retourner aux fourneaux.
Je pris mon déjeuner tout en la suivant du regard avant de ranger les couverts dans le lave-vaisselle et de préparer mes affaires. J'étais impatiente de retrouver Callie. J'avais besoin qu'on me remonte le moral et seule mon amie en serait capable. Elle avait le pouvoir après tout. Je ricanai face à mon petit jeu de mots.
- Qu'est-ce qui te faire rire ?
Elle me rejoignit au bout de la route et je lui fis signe de laisser tomber. Je retenais la capuche fermement au dessus de ma tête, laissant les gouttes de pluie s'abattre sur le tissus. Je me félicitais d'avoir mis mon imperméable rouge.
- Quand est-ce que tu vas jeter ce vieux truc ?
- Ce « vieux truc », comme tu dis, est confortable à porter.
- Et il me pique toujours autant les yeux...
Je levai les yeux au ciel à sa réponse. Le jour où elle arrêtera de se plaindre, il faudra sérieusement commencer à s'inquiéter.
Arrivées au lycée, trempées jusqu'aux os, nous attendîmes près d'une classe jusqu'à ce que la sonnerie retentisse. Je posai mon sac au sol sans ménagement et me tournai vers mon amie. Celle-ci se refaisait une petite beauté devant son miroir de poche. Les cheveux légèrement en bataille, elle prit le temps de remettre chaque mèche à sa place.
- Dis-moi que je n'ai pas rêvé notre conversation d'hier ?
- Tu n'as pas rêvé cette conversation, affirma t-elle après avoir réappliquer son rouge à lèvres.
Je poussai un soupir de soulagement. Merci, mon Dieu !
- C'est pour ça que tu tirais une drôle de tête ce matin ? Enfin, plus que d'habitude...
Le sourire qui accompagnait ses paroles m'obligea à répliquer. D'un simple geste du pouce, je répandis les marques de rouge à lèvres jusqu'à son menton. Elle m'envoya une petite tape sur la main et rectifia le tir à l'aide de son petit miroir de poche. La sonnerie interrompit nos débuts de chamaillerie et nous suivirent les autres en classe. Jason nous salua avant d'aller s'asseoir à une place au dernier rang.
Au midi, nous fûmes rejointes par notre ami masculin à la cantine. Il redressa les lunettes sur son nez avant d'entamer son assiette avec véracité. Il avait visiblement repris du poil de la bête. Je n'avais encore jamais vu quelqu'un avaler les repas de l'école aussi goulûment. Je lui proposai donc la chose qui faisait office de viande dans mon assiette, ce qu'il accepta avec avidité.
- Tu pratiques un sport pour rester aussi maigre ? Demanda Callie en avisant le physique de Jason.
- Les jeux vidéos. J'ai une tonne de muscles au niveau des pouces.
- C'est tellement injuste ça...
Pour une fois, j'étais d'accord avec Callie. Les personnes maigres étaient les plus souvent ceux qui mangeaient le plus. C'était d'ailleurs l'une des plus grandes injustices de ce monde.
- Et Nicole, je voulais te dire que j'aimais beaucoup ton manteau rouge, dit-il entre deux bouchés de viande.
- Merci, Jazz. Je peux t'appeler comme ça ?
- Si ça te fait plaisir.
En complimentant le sujet de beaucoup de critiques à mon égard, Jason avait définitivement rejoint mon cercle d'amis. Mon amie, quant à elle, leva les yeux au Ciel. Je ne comprenais pas son hostilité envers Jason. Heureusement pour elle, il ne remarquait de son petit manège. Elle avait activé son mode « garce » et je n'appréciais pas du tout la manière dont elle refoulait Jason à chacune de ses tentatives amicales. Il allait vraiment falloir que j'en touche deux mots à Callie.
Les cours s'enchaînèrent et la fatigue de la journée commençait à s'accumuler. La pluie était toujours présente et je n'avais qu'une envie : rentrer chez moi. Et je vis cette envie s'éloignait loin, très loin lorsqu'un lycéen à moto me barra la route, un lycéen qui me donnait la chair de poule.
- Qu'est-ce que tu veux ? Je n'ai pas le temps de te parler.
- Je peux te ramener si tu veux, proposa t-il en accompagnant sa demande d'un clin d'œil enjôleur sous son casque de moto.
- Je peux me débrouiller seule.
Suite à ces mots, je repris mon chemin mais fus rapidement rattraper par l'homme à la moto en question. Il n'avait pas du tout une attitude de harceleur en passant...
- Tu vas tomber malade si tu continues à traîner sous la pluie.
- Je ne sais pas quels sont tes intentions mais je ne tombe pas dans le panneau. Alors maintenant, fous-moi la paix.
Je ne pouvais être plus clair. S'il ne comprenait pas des phrases aussi simples, il devrait sérieusement consulter un psychiatre. Je l'entendis souffler derrière moi avant d'entendre le vrombissement de la moto s'éloigner. J'étais peut-être un peu vache envers lui mais je préférais rester méfiante. Il avait des intentions et c'était à moi de découvrir ce qu'elles en étaient.
Le chemin jusqu'à la maison semblait plus long que d'habitude. Callie avait fini plus tôt et j'étais donc seule à faire la route du retour.
Le froid s'infiltrait sous les couches de vêtements, rappelant l'arrivée de l'hiver. Je resserrais les bras contre ma poitrine, à la recherche d'un peu de chaleur. J'atteignis les graviers familiers de la propriété et fus étonnée de voir la voiture de ma mère. Habituellement, elle ne rentrait pas avant 19 heures.
J'ouvris la porte et avançai dans le hall d'entrée sur mes gardes. Je manquai de lâcher mon sac quand je vis ma mère aux bras d'un homme sur le canapé du salon. Mes pas avaient alerté les deux adultes. L'inconnu m'examinait d'un sourire aux coins des lèvres et ma mère ne le quittait malheureusement pas de yeux.
Pour être franche, j'avais envie de m'enfuir en courant et me réfugier dans mes couvertures pour pleurer comme un bébé. Mais, une fois de plus, la méfiance réveilla mes sens.
- Maman, je peux te parler deux minutes ?
A l'entente de ma voix, elle quitta la « bulle » dans laquelle elle était et se dirigea tout sourire vers moi. Nous franchisâmes la porte de la cuisine, que je refermais derrière moi, et je me retournais vivement vers elle.
- Qui c'est lui ?
- Mon nouveau petit copain... Dit-elle les étoiles dans les yeux.
Cette attitude fleur bleu ne correspondait pas du tout à ma mère. Je la dévisageais du regard, cherchant la personnalité forte et détachée qu'elle arborait depuis ma naissance. Il n'en restait rien...
- Et depuis quand tu sors avec quelqu'un d'aussi jeune ? Il a presque mon âge !
- L'amour rend aveugle, ma fille.
Sur ces paroles, elle tapota ma joue et partit rejoindre le jeune homme. Discrètement, j'observai le « couple » se câliner devant les informations. Je secouai la tête face à ce comportement plus que douteux et montai dans ma chambre. Mélancolique, je roulai ma chaise de bureau jusqu'à la fenêtre et admirai la pluie tomber. Comme dans les films, j'étais l'héroïne qui cherchait un sens à sa vie, ou du moins, un plan pour dégager ce profiteur de chez moi. Je pourrais peut-être demander à Callie d'utiliser ses pouvoirs et-
Le cours de mes pensées fut interrompu à la vue de mon loup. Il était revenu ! Sans perdre une seconde de plus, j'enfilai mon manteau rouge et me précipitai vers l'extérieur. Je ne m'inquiétais pas du bruit, ma mère était bien trop obnubilée par son « nouveau copain ».
Je quittai les lieux et m'avançai dans le jardin. Les yeux chocolat de l'animal détonnaient contre les buissons verdâtres qui entouraient le terrain. Lorsque je m'approchai de lui, j'entendis les grognements qu'il dirigeait vers la maison. Je ne l'avais jamais vu le regard aussi féroce. Peu rassurée, j'essayais quand même de le calmer avec des petites caresses affectueuses sur sa grosse tête poilue.
- Toi aussi tu ne l'aimes pas ? Ça nous fait un point commun, mon ami.
Ses grognements cessèrent et il plongea son regard dans le mien. Hypnotisée par son emprise, je m'abaissai à sa hauteur et aperçus ma tenue rouge dégoulinante d'eau se reflétait dans ses yeux. L'espace d'une seconde, je vis la silhouette d'un jeune homme courir dans ma direction. Il tendit une main vers moi avant que l'illusion ne soit rompu par un battement de cil. Je restais quelques instants que cette manifestation étrange se reproduise, seulement pour me rendre compte que tout ça n'était que pur produit de mon imagination.
- Je deviens complètement folle...
Comme pour affirmer mes propos, le loup vint se coller à ma poitrine, reniflant les nouvelles odeurs qui me recouvraient. A mon tour, je collai ma tête sur ses poils puants et sales. Une grimace de dégoût naquit sur mon visage, ne m'empêchant pas pour autant de le câliner. A ce niveau là, ce n'était plus de la folie mais de l'inconscience...
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