- Qu-- Ché ?

Non, ma langue n'avait pas fourché. Je commençais à parler l'italien quand la situation échappait à mon contrôle. Une habitude étrange d'ailleurs... Un rire nerveux échappa mes lèvres. J'ai dût imaginer ce qu'elle venait de me dire.

- Tu n'as rien imaginé du tout.

Voilà qu'elle se mettait à réellement lire dans mes pensées ! Je m'écartai brusquement pour laisser une distance raisonnable entre nos deux corps. Je ne savais même pas quoi répondre à ses dires. Quelle personne sensé croirait ce genre de chose ?!

- Bon, il faut que tu te ressaisisses et que tu m'écoutes.

Elle sortit le collier qu'elle avait sous le tee-shirt et celui-ci se mît à scintiller d'une couleur rougeâtre. Mon cœur enchaînait désormais les loopings et même les salto arrières. La sueur commençait à perler mon front de manière dégoûtante... Il fallait que j'aille prendre l'air. Je me précipitai vers ma fenêtre puis la déverrouillai. Je pris une grande bouffée de CO2 et fermai les yeux.

Je ne savais même pas pourquoi je réagissais comme ça. Pour tout ce que j'en savais Callie filmait la scène et je n'étais que la victime de l'une de ses nombreuses blagues, mais une infime partie de mon esprit espérais que tout cela soit réel. Quand on lisait presque autant que moi des livres de fiction, on s'imaginait toute sorte de chose dont la magie, le fantastique, l'irréel... Aussi absurde que ça puisse paraître, j'avais envie d'y croire.

- Tu vois cette pierre sur mon collier, c'est un talisman qui repousse les forces du Mal. Et figure toi qu'il s'est activé à l'approche du loup. Je te laisse donc deviner la suite...

- Me laisser deviner quoi au juste ? Tu te rends compte de ce que tu m'annonces ?!

- Tu ne prends pas les choses aussi bien que je l'aurais pensé... m'annonça t-elle la mine déconfite.

Elle s'approcha doucement de moi puis murmura quelques mots à mon oreille. Les paupières lourdes, je ne me souvins que de son image demandant pardon avant que je ne sombre dans un sommeil profond. Du moins, c'est ce que je pensais jusqu'à ce que je me réveille à même le sol. Mon amie se tenait près de moi, guettant la moindre réaction de ma part.

L'esprit embrunit, je recherchais à tâtons mes derniers souvenirs. J'avais prononcé un mot en italien et puis... Je me redressais brusquement. Elle avait essayé de me faire tout oublier comme dans les films !

- Je rêve ou tu m'as lancée un sort ?!

Les yeux écarquillés, elle essaya de se justifier. Elle commença à balbutier tout en agitant les mains. J'aurai pu trouver ça comique dans un livre de fiction mais il s'agissait de ma vie, bon sang ! Tout était réel !

Callie observa un instant son collier avant de revenir vers moi tout en prenant une grande bouffée d'air.

- Je ne sais pas exactement ce qui vient de se passer mais je vais réessayer-

- Tu rigoles, j'espère ?! Si tu oses-

Je me réveillai cette fois-ci sur le canapé. Des maux de tête me firent plisser les yeux. Celle que je considérais comme ma meilleure amie se tenait désormais face à moi, maugréant dans sa barbe. Elle ne releva la tête que pour me gratifier un petit sourire contrit. Je croisai les bras contre ma poitrine, la défiant du regard. Elle allait porter la main à son collier quand je l'arrêtai d'un vague mouvement.

- Si tu fais ce que tu fais une fois de plus, je te raye de ma liste d'ami exclusive...

Hélas, la menace ne représentait pas grand chose prononcer de ma bouche. Elle était la seule à faire partie de cette maigre « liste exclusive ». D'ailleurs, répéter cette phrase dans ma tête ne me rendait que plus pathétique. Il allait vraiment falloir que j'élargisse mon cercle social...

Face au sérieux de ma demande, elle soupira avant de s'affaisser contre le fauteuil. J'avais gagné cette manche, il ne me restait plus qu'à commencer mon interrogatoire :

- Je voudrais que tu me répètes ce que tu avais ce qui a été dit avant que tout ça n'arrive, je désignai du doigt nos deux corps.

- Sur le fait que je sois une sorcière ?

- Oui, élabore le sujet.

- Il n'y a pas grand chose à dire. Je suis juste une petite sorcière de rien du tout...

- Callista Atrides, je commençai sévèrement. Ne m'obliges pas à employer les grands moyens.

Je savais que ma menace ne faisait pas le poids face à ses pouvoirs. Cependant, je ne voulais pas que ses révélations aient un quelconque impact sur notre amitié. Bien entendu, je lui en voulais d'avoir garder ce secret pendant tant d'années mais à sa place, j'aurai probablement réagi de la même manière.

- En bref, j'ai hérité des pouvoirs de ma mère, qui les a hérité de ma grand-mère, qui les a hérité de mon arrière grand-mère... La magie est donc une histoire de famille.

- Il n'y a que des femmes qui peuvent recevoir ces pouvoirs ?

- D'aussi loin que je me souvienne, il n'y a jamais eu de garçons dans notre lignée.

- Est-ce que tu as une baguette comme dans Harry Potter ?

- Rien de tout ça. La magie est bien moins cool que dans les films.

J'étais maintenant au bord du canapé et attendais avec impatience ses petites anecdotes dotées de magie. J'avais l'impression de réaliser un rêve de gamine. Qui pouvait se vanter de connaître une sorcière ?!

- D'abord, nous sommes toujours obligées de porter ces horribles colliers, expliqua t-elle en désignant le cristal violet qu'elle portait autour du cou. Si ça ne tenait qu'à moi, je l'aurai remplacé depuis bien longtemps par une jolie chaîne en argent avec un adorable pendentif...

Je me raclai la gorge quand elle commença à s'égarer du chemin. Elle se reprit et continua :

- C'est une pierre de naissance et comme je suis née en février, la mienne est une améthyste. Je dois t'avouer que je n'ai jamais été fan de violet mais bon, je fais avec...

- Callie !

- J'ai compris, assura t-elle. Pour ne pas entrer dans les détails, j'ai hérité de cette pierre à la naissance afin qu'elle imprègne mon « tout » et m'aide à contrôler mes pouvoirs. Comme elle renferme énormément d'énergie, elle fait aussi office de talisman contre le Mal et tout le tralala qui va avec... Tu me suis jusqu'à maintenant ?

- Il n'y a rien de compliquer dans ton histoire, tu sais.

- Et elle s'est activée aujourd'hui, à l'approche du loup.

Elle avait déjà fait allusion à cette histoire plus tôt dans la journée, sauf que je la prenais au mot cette fois-ci. A travers ses paroles, essayait-elle de me dire que mon loup était un monstre maléfique assoiffée de sang ? Je ne pouvais y croire. Il était aussi doux qu'une peluche et aussi adorable qu'un lapin...

- Je connais cet air, Nicole, et ça ne me plaît pas du tout...

- Mais s'il était aussi méchant que tu le dis, il ne serait pas revenu demander des papouilles de ma part !

- Est-ce que je dois te rappeler l'histoire du petit Chaperon Rouge ? Avisa t-elle en détaillant le tee-shirt couleur bordeaux que je portais.

- Ça n'a rien à voir !

- A partir du moment où mon collier s'est activé, tout est devenu très sérieux.

- C'est juste que... J'ai dû mal à y croire. Son regard était rempli d'émotions... Je les ai ressenti là ! Je lui répondis en désignant ma poitrine.

- Bon, on en reparle demain. Jusque là, pas un mot, d'accord ?

J'acquiesçai puis l'accompagnai à la porte. Elle me dit une nouvelle fois de faire attention avant de prendre congés. Je refermai la porte derrière elle et restai quelques minutes dans le hall d'entrée, réalisant tant bien que mal tout ce que j'avais appris aujourd'hui. J'avais l'impression de nager en plein rêve.

Je me demandais si d'autres personnes avaient eu le privilège de connaître le monde particulier de la magie. Une chose était certaine, je ne trahirais pas à ma parole. J'étais tellement touchée et chamboulée par les révélations de Callie que j'en avais les larmes aux yeux. D'une certaine manière, je faisais dorénavant partie de ce monde particulier même si je n'avais pas les « capacités spéciales » pour y appartenir.

Pour me remettre les idées en place, je décidai de prendre une bonne douche. Les sueurs provoquaient par mon amie disparurent sous les jets d'eau emportant avec eux mes dernières incertitudes concernant ses aveux. Callie n'irait pas inventer de tels mensonges, elle ne savait même pas mentir.

Lorsque j'eus fini de me laver, j'entendis la porte d'entrée se refermer derrière ma mère. Je vérifiai l'heure sur mon portable et découvris un retard inhabituel de sa part. Je mis un pyjama et la rejoignis accompagnée de ma sœur. Nous étions toutes deux étonnées de voir notre mère chantonnait tout en s'occupant du dîner.

- Tu as rencontré quelqu'un ? Concluais-je.

Je ne l'avais jamais vu aussi pimpante, du moins, pas depuis la disparition de mon père. Maintenant que j'y pensais, elle ne nous avait jamais présentées l'un de ses prétendants.

- Pas du tout !

Les rougeurs sur ses joues étaient peine perceptibles mais elles étaient là. Une touche de mascara habillait son regard, n'ajoutant que plus de preuve à ma théorie. Alesia, quant à elle, avait les yeux grands ouverts. Son visage montrait de l'étonnement et de la surprise face à la réaction juvénile de notre mère.

Nous n'avions jamais vu notre mère réagir de cette manière. Elle chantonnait, bon sang ! Imaginer qu'un autre homme puisse la rendre heureuse... La possibilité d'obtenir un beau-père à la fin de la journée ne m'enchantait guère. D'ailleurs, je ne me pensais pas capable de remplacer l'image de mon père aux côtés de ma mère.

Contrairement à Alesia, j'avais passé du temps avec celui dont je portais les traits. Bien que les souvenirs devenaient de plus en plus floues au fil des années, je ne pourrais jamais oublier la manière dont il me tenait dans ses bras. Personne ne pourra remplacer ces images, pas même l'homme qui comblerait ma mère...