Chapitre 19
- STOP ! Pas touche à mio amico !
La panique parvenait toujours à briser la barrière de la langue. Je ne me souvenais plus d'où cette culture me venait mais je m'en servais inconsciemment.
Suite à ce changement de langage, ma mère et ma sœur se tournèrent toutes les deux vers moi pour me dévisager du regard. Il y avait plus classe en manière de cesser un combat, toujours est-il qu'elles s'étaient arrêtées et j'en profitais pour me glisser entre les « ennemis du moment ». Tout d'abord, il fallait que je comprenne l'origine de la querelle.
- Pourquoi tant d'acharnement ? Il n'a rien fait de mal !
- La nuit tombée, il-
- Il est là depuis hier et il ne s'est rien produit, je la coupais sèchement.
Les yeux horrifiés de ma mère rencontrèrent les miens. S'il avait voulu nous attaquer pendant notre sommeil, il l'aurait fait depuis belle lurette. On se connaissait maintenant depuis un petit moment maintenant et il n'avait jamais eu un geste déplacé à mon égard, sauf peut-être cet après-midi... Mais la violence n'était pas au cœur de ses actions, bien au contraire : il avait essayé de m'embrasser ! D'ailleurs, je rougis à cette pensée.
- Nicole, cette histoire ne peut pas continuer.
- On ne va pas le laisser dehors quand même...
Je ne savais pas quel argument utiliser pour convaincre ma mère. Il n'était plus un animal certes, mais elle continuait de le considérer comme tel. Elle pouvait être si têtue quand elle le voulait.
- C'est un loup-garou.
Comme si je ne l'avais pas deviné... Thadée s'était transformé devant moi sans pudeur ni choix. Je savais ce qu'il était et je l'acceptais parce qu'il ne m'avait jamais attaquée. Il ne méritait pas d'être traiter de cette manière après ce qu'il avait subit, je ne le permettrais pas.
- Si vous ne l'accueillez pas, je vous jure que je quitte cette maison.
Je n'étais pas sûre de l'ampleur de la menace. Je n'avais jamais rien fait d'aussi irrationnel avant. Ma famille n'en crût pas un mot, comme on pouvait s'y attendre. Je montai donc prendre quelques affaires et mon sac d'école avant de redescendre et de m'arrêter devant le tiroir à « Bonbon et chocolat » pour prendre quelques plaquettes d'approvisionnement. J'avais du mal à coordonner mes gestes parce que je ne comprenais pas moi-même la décision que j'étais en train de prendre.
Avant de ne changer d'avis, je rejoingnis ceux que j'avais laissé dans le jardin et attendis que ma mère change d'idée parce que je n'avais vraiment pas envie de quitter le cocon familial. Je pris une grande inspiration quand elle n'en fit rien. Un pas puis deux vers la sortie... Personne ne me retint. Je ralentis un peu la cadence pour leur laisser plus de temps. Pensant que mes bagages étaient la raison de ma lenteur, Thadée me déchargea de quelques uns d'entre eux et je n'avais donc plus aucune raison de traîner. Je suivis mon ami et nous nous retrouvâmes sur le bas de la route.
A cet instant, j'aurai pu paniquer si je n'avais pas une étoile bienveillante au dessus de ma tête. Une étoile qui prenait un certain temps à se manifester et qui, au final, me fit paniquer. J'étais pleine de contradiction, d'accord ? Et voilà que je reparlais avec moi-même.
Avant que je ne puisse aller plus loin dans ce genre de raisonnement insensé qui me donnait sincèrement envie de pleurer, Callie finit par décrocher et je m'effondrai. En pleurs, je lui expliquai ma situation. Sûrement grâce à sa gentillesse (et à mes larmes), elle accepta de nous héberger gracieusement. Envisager une réponse négative de sa part avait été inenvisageable. Je comptais trop sur elle pour ça.
En fidèle compagnon, Thadée me suivit jusqu'à la demeure de la jolie blonde. Il ne dit pas un mot sur la route, probablement coupable du choix que j'ai pris pour lui. D'ailleurs, je n'avais pas osé lui lancer un regard. Voir ses yeux de chiens battus était au dessus de mes forces.
Bientôt, nous arrivâmes à une vieille demeure qui avait toutes les allures d'une maison de sorcières. Il n'y avait pas plus « traditionnelle » que ce tableau face à nous. C'était la première fois que je venais ici et dire que j'étais impressionnée fut un euphémisme. La pierre avaient été noircie par le temps et les hautes herbes qui entouraient la bâtisse la rendaient encore plus menaçante. Le jeune homme à mes côtés resta derrière moi, ressentant l'atmosphère (maléfique?) de l'endroit.
Prenant mon courage à deux mains, je posai mon sac au sol et frappai à la porte. Mon amie était à l'intérieur de la maison, il ne pouvait donc rien nous arriver. On fut, non pas accueilli par cette dernière, mais par une jeune femme à la crinière rousse. Son visage était parsemé de taches de rousseurs, rehaussant son regard émeraude. Elle était si jolie qu'un sentiment de jalousie m'étreignit la poitrine. Je ne pus m'empêcher de jeter un œil à Thadée. Ce dernier n'avait pas sourcillé depuis l'apparition de l'inconnue. Du soulagement et de la fierté, voilà ce que je ressentais après ce constat parce qu'il « m'aimait bien » et pas elle.
- Vous êtes les amis de Callista ? Demanda la jeune femme.
Un sourire enjôleur se dessina sur ses lèvres. Je n'aimais pas du tout l'expression qu'elle arborait. Et le fait qu'elle soit aussi belle m'angoissait. Dans les livres, les filles de ce genre était infecte avec l'héroïne principale, et dans cette histoire, moi.
Avant qu'elle ne puisse ajouter quoi que ce soit, elle fut poussée sans ménagement par Callie. Cette dernière était à bout de souffle et le visage rouge comme une pivoine.
- Gabrielà, bouge de là avant que je ne t'explose, menaça ma meilleure amie.
La rousse ria à gorge déployée après l'avertissement plus que sérieux de la blonde. Elle commença à tapoter l'épaule de mon amie tout en lui déclarant :
- Tu ne serais même pas capable d'exploser mon petit orteil, répliqua t-elle en s'éloignant.
Pas besoin d'être un génie pour comprendre que cette femme était la fameuse « cousine » dont Callie se plaignait chaque minute de la journée. Je pouvais désormais mettre un visage et un prénom à la personne qui lui « pourrissait » la vie (ses mots, pas les miens). Mais je pouvais comprendre son aversion envers la jolie rouquine : elle possédait l'attitude de celle que tout le monde redoutait dans les livres. La seule chose qui lui manquait était la chevelure blonde.
Je revins à la situation présente quand je vis le regard de Callie s'allumer d'une nouvelle étincelle. Cette lueur n'apparaissait qu'en présence de garçons. Dans ce cas, le seul « mâle » présent aux alentours se trouvait... juste à côté de moi.
Pour éviter une situation qui sera gênante pour tous, je pris la parole :
- Merci de nous héberger quelques temps...
- C'est normal, tu aurais fait la même chose pour moi, répondit-elle en nous laissant entrer.
L'intérieur de la maison était bien plus chic et moderne que l'extérieur. La peinture crème agrandissait la pièce qui donnait sur une salle à manger et une cuisine ouverte. La télévision était allumée et diffusée les informations. Une délicieuse odeur provoqua d'étranges soubresauts dans mon estomac qui ne demandait qu'à être rempli.
Avec les portraits sur les murs et les babioles qui trônaient sur le buffet, je ne savais plus où donner de la tête. J'étais dans l'habitat naturel d'une sorcière ! N'importe qui serait fou à ma place sauf peut-être Thadée qui observait l'environnement aussi méfiant que l'on pouvait l'être.
- C'est la première fois que je rencontre le fameux loup.
A l'entente du nom qui le qualifiait, il porta attention à celle qui nous garderait au chaud pendant quelques nuits, le temps que ma famille comprenne ma décision. D'ailleurs, je gardais mon téléphone sous le coude au cas où l'une d'elles décide d'appeler.
- Il s'appelle Thadée.
Ne le voyant pas prendre la parole, je dus le présenter à sa place. Il était obnubilé par l'habitation : ses narines ne cessaient de s'agiter. Ce geste ne passa pas inaperçu auprès de Callie qui se renfrogna, probablement perturbée par le comportement animal de son invité. L'intérêt qu'elle portait envers lui était désormais révolu.
- Ma mère nous prépare des coquillettes au jambon, nous informa t-elle en se plaçant à table.
Alors qu'elle s'apprêtait à s'asseoir sur une chaise, celle-ci fut miraculeusement reculer, obligeant Callie à côtoyer le sol. Un cri accompagna sa ridicule chute qui semblait se dérouler au ralenti sous nos yeux. La victime de la plaisanterie se releva la tête furibonde, cherchant la coupable du regard. Cette dernière entra justement dans la pièce. Les yeux rieur, elle s'installa à la tête de la table alors que nous nous installions en face de celle qui lançait des éclairs à sa cousine. Pour ne pas subir la même blague, je pris la précaution de tenir ma chaise avant de m'asseoir. Je sentis le plastique lutter sous mes doigts avant de cesser complètement. Elle n'insista pas plus que ça et je m'installai.
La sorcière rousse m'observait de sa place. La tête posait sur la main, elle réfléchissait probablement au prochain tour de magie. Si elle faisait ça tous les jours, je pouvais comprendre les accusations de Callie à son encontre. On ne se connaissait pas et elle ne se gênait pas pour faire ses tours de passe-passe. Je n'osais imaginer tout ce qu'elle devait faire endurer à mon amie.
- Bon appétit ! Souhaita une femme d'âge mûre à la chevelure blonde.
Elle déposa les plats sur la table et s'assit aux côtés de Gabriela. Callie lui ressemblait trait pour trait.
- Bonsoir, Madame Atrides. Merci de nous accueillir...
Je me sentais timide devant cette femme imposante. Sa posture droite exigeait le respect et son visage, inspirant la jeunesse éternelle, ne demandait qu'à marquer les mémoires. Si sa fille vieillissait de cette manière alors elle n'avait aucune inquiétude à avoir concernant la gente masculine.
- A côté de tout ce que Callista t'a fait endurer, ce n'est rien du tout...
- Maman ! Se plaignit l'accusée en remplissant son assiette.
Je ne pris pas sa défense parce que Madame Atrides n'avait pas totalement tord. Mon amie pouvait se montrer pénible quand elle s'y mettait. Mais bon, je l'aimais malgré tout, avec ou sans histoires grotesques. Grâce à elle, ma vie ressemblait plus à un dessin d'arc-en-ciel qu'à une photo en noire et blanc. Certes c'était brouillon et irrégulier mais vif et colorié était les fins mots que je retenais.
Je sortis de mes pensées philosophiques à l'entente de bruits plus que grossier à un repas. Consternée, voilà l'adjectif parfait pour qualifier ma situation à ce moment précis. Il y avait bien une chose que j'avais oublié en arrivant ici : le cas Thadée. Sa condition « particulière » l'avait dispensé de certaines « étiquettes » en matière d'hygiène comme manger avec des couverts. Ce moment me mit dans un moment de gêne impossible à dissimuler. Le sujet de nos jugements empoignait les coquillettes aux jambons pour les fourrer dans sa bouche. Ses joues était aussi gonflées que deux balles de tennis et je me demandais quand il allait en vider le contenu dans son assiette. Puis mes pires craintes se produisirent : il s'étouffa et recracha le contenu à l'extérieur de son corps. Un haut-le-cœur me prit d'assaut quand je vis des morceaux inqualifiables sortir de son nez.
Et moi qui pensait qu'une tête découpée était le pire des spectacles auquel on pouvait assister. Je n'avais décidément pas vu cette scène avant d'avoir ce genre de pensées...
***
Voilà un nouveau chapitre ! J'espère que vous suivez toujours cette histoire :) Je tiens à remercier @merciernath , @milaa_mr , @Mlandre , @ange_63, @beautifulspider et @perrinel29 pour ce votes !
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PS: Peace&Love
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