Chapitre 11
- On voulait tester les reflets de la pierre dans l'eau.
L'explication avancée par Callie ne rimait à rien et pourtant, ma mère n'ajouta rien de plus. Ma sœur, quant à elle, continua à nous observer de ses petits yeux inquisiteurs. Je ne répondis pas à sa curiosité apparente. Nous avions passé la tempête.
Le repas se déroula dans le plus grand des silences. Pour une raison que j'ignorais, je n'avais jamais été proche ni de ma mère, ni d'Alesia. Je n'étais pas quelqu'un qui donnait ou montrait beaucoup d'affection et je tenais ce comportement de ma mère. Cette dernière n'avait jamais eu l'attitude de la maman poule que l'on voyait dans les films. Et cette distance ne me gênait pas plus que ça. Quant à ma sœur, elle ne me portait pas plus d'affection que ça. Cette distance émotionnelle devait résider dans les gênes de la famille.
A la fin du dîner, nous partîmes chacun de notre côté. Callie prit ses affaires et se jeta sur mon lit. Comme à son habitude, elle prenait possession des lieux, ne me laissant qu'un petit matelas tout fin pour simple confort.
- Est-ce que tu aurais de la pommade anti-brûlure ?
Je la questionnai du regard et elle me montra la marque rouge qui dominait une bonne partie de sa paume. La pierre ne l'avait pas épargnée. J'allai dans la salle de bain à l'étage et pris la boîte à pharmacie qui se trouvait dans le placard. Je lui tendis le baume et elle appliqua la crème elle-même.
- Voilà... Marmonna t-elle en refermant le bouchon.
On pouvait sentir l'odeur particulière de la pommade.
- Comme tu es sorcière, chuchotais-je, tu ne pouvais pas t'auto-guérir ?
- Tu crois vraiment que j'aurai pris la peine de mettre de la crème si je pouvais utiliser de la magie ? Ce n'est pas ma spécialité.
- Et c'est quoi ta « spécialité » ?
- Les explosifs, répondit-elle comme si c'était évident.
J'aurai dû m'en douter. Rien ne correspondait plus à sa personnalité que des explosifs. Elle incarnait parfaitement le feu et la passion qui s'en dégageait.
Elle ne resta pas longtemps allongée sur le lit et commença à fouiller mes tiroirs, probablement à la recherche de mes vernis à ongles. C'était une sorte de tradition de sa part. Les vernis étaient toujours au même endroit, c'est-à-dire dans le dernier tiroir de mon bureau, mais pour une raison que j'ignorais, elle ouvrait toujours chaque compartiment. Bien sûr, elle prenait toujours la peine de retourner tout ce qui était parfaitement rangé.
Ce côté désordonné de sa personnalité avait le don de m'agacer puisque je devais ranger ma chambre à chacune de ses visites mais je ne pris pas la peine de montrer mon mécontentement : ça ne servirait strictement à rien. Callie vivait comme elle le souhaitait et si elle voulait retourner mes affaires dans tous les sens et bien je rangerais derrière elle comme à chaque fois... Maintenant que j'y pense, je devrais corriger ce comportement de ma part.
- Callie, fais attention à mes affaires s'il-te-plaît.
Elle ne pris pas la peine de répondre et inspecta finalement les vernis que je possédais. Son choix semblait se porter sur le flacon de couleur cerise, mon préféré. Elle changea finalement pour un rouge vermillon. Pendant qu'elle appliquait la couleur, je sortis mes cours et les relus.
- Tu sais, avec tout ce qui nous arrive en ce moment, je pense que tout ce que nous avons connu jusqu'ici va changer sous peu.
Je relevais la tête du cahier à son ton mystérieux. Sa phrase semblait tout droit sortir de l'un des romans que je lisais. J'étais étonnée de constater l'expression sérieuse qu'arborait son visage. Son attention reposait désormais sur moi et non sur ses ongles. Une première depuis que je la connaissais. Je me redressais sur mon lit et lui accordais mon attention. Elle allait peut-être me faire d'autres révélations.
- Il faut détruire cette pierre.
Je fronçais les sourcils à cette phrase. Si l'on ne pouvait pas la tenir dans nos mains, comment pouvait-on la détruire ? Je ne la suivais pas sur ce point. Nous pouvions juste l'enterrer ou la planquer quelque part.
- Si l'on ne détruit pas cette pierre, quelqu'un d'autre pourrait venir la chercher. Tout ceux né en septembre peuvent l'utiliser.
- Tu peux utiliser plusieurs pierre à la fois ?
- Les sorcières les plus puissantes en sont capables et c'est pourquoi il est dangereux de garder cette pierre intacte.
Je comprenais où elle voulait en venir. Mais plus nous avancions dans notre histoire et plus les choses se compliquaient. Mais je n'allais pas m'en plaindre pour autant, c'était tout ce que j'avais voulu après tout... Oui, c'est sûr que j'avais toujours rêvé de retirer une balle dans le corps d'un animal... Ou de découvrir des cadavres au fond des bois... Le rêve de toutes jeunes filles, notez l'ironie dans mes mots.
- Et comment on l'a détruit ?
- Avec une pierre encore plus puissante que je ne possède pas.
Mon enthousiasme retomba aussi net. Qu'allions-nous faire alors ?
- Et un marteau ?
- La magie se règle par la magie, tu n'as jamais vu Harry Potter ? Répondit-elle tout en levant les yeux au Ciel.
Chacune de mes idées étaient rejetées aussi sec. Je me renfrognais sur mon lit et repris mes révisions. A quoi bon aider quand elle détenait toutes les réponses ? La colère s'insinua dans mes pores face à mon inutilité. Si seulement j'étais plus qu'humaine comme ces héroïnes et que j'étais moins moi...
- Pourquoi est-ce que je ressens une bulle de négativité tout autour de toi ?
Elle me posa la question alors qu'elle laissait reposer le vernis. Ses yeux verts recherchaient la raison qui m'avait rendu de si mauvaise humeur. Je ne pouvais pas lui dire que j'étais jalouse de tout ce qu'elle était ainsi que du monde auquel elle appartenait. Je me sentais impuissante.
- Je suis juste fatiguée.
Elle ne me croyait pas. Je ne me croyais pas moi-même. Et pourtant, elle n'ajouta rien de plus. Elle savait qu'il ne fallait pas insister quand j'étais comme ça, que ça allait passer après une bonne nuit de sommeil. Et c'était souvent le cas.
D'ailleurs, le lendemain matin, après une nuit difficile passée sur un matelas trop dur qui reposait sur un sol froid, je me réveillais de meilleure humeur. Mes pensées négatives de la veille avaient plus ou moins disparu. Quand je sortis de la salle de bain, je tombai sur une Callie toujours endormi. Des ronflements s'échappaient de sa personne et je me moquais silencieusement de l'image qu'elle donnait à cet instant. Les cheveux emmêlés et le corps en étoile, cet instant s'opposait à l'image qu'elle voulait donner habituellement.
En tant qu'amie, je l'aurai réveillé le plus délicatement possible mais en tant que meilleure amie, je pris mon téléphone et capturai ce moment comme il se devait avant de la réveiller. Ce n'était pas la première photo d'elle que je prenais dans cette position compromettante mais ça me permettait de constituer un dossier solide sur elle. On ne savait jamais quand elle essayerait de marchander contre moi. Sa dernière tentative avait été à propos de la couvrir une soirée ou je ne sais quoi. Je l'avais aidée parce qu'elle avait trouvé des anciennes photo de moi sur mon blog Skyrock. Il n'y avait rien de plus compromettant que ça... Donc j'essayais de me venger à ma manière.
J'en étais à ma deuxième tartine quand elle descendit les escaliers. Je ne comprenais pas pourquoi Callie prenait autant de temps pour se maquiller alors qu'elle pourrait manger à la place, surtout quand elle était déjà jolie au naturelle. Je ne comprendrais décidément jamais les filles de mon âge. J'avalai mon chocolat au lait silencieusement pendant qu'elle bût son café noire. Il était bien trop tôt pour commencer les conversations.
La blonde prit la pierre dans son sac afin de pouvoir l'examiner proprement chez elle. Je la lui laissais sans aucun regret. Je ne pouvais rien en faire de toute façon.
Sous cette température, seuls les fumeurs restaient devant la grille. Nous franchîmes le mur de fumée pour rentrer à l'intérieur de l'établissement. Je détestais l'odeur du tabac et les gens qui l'utilisait en passant : ils n'avaient pas besoin de nous faire profiter de leur envie de cancer. En d'autres mots, allez fumer ailleurs ! Voilà ce que j'avais envie de leur dire, et pourtant, je gardais cette pensée pour moi-même.
L'intérieur grouillait de monde et nous dûmes forcer notre chemin pour atteindre notre classe. Les couloirs étaient trop étroits pour tout ce monde. Jason était déjà là et semblait encore plus fatiguée que la veille. On aurait dit qu'un pétard avait littéralement explosé dans ses cheveux :
- Tu vas bien ?
- J'ai mal dormi cette nuit.
- (tSans blague, commenta Callie en ne quittant pas son portable des yeux.
Jason ne fit pas attention à sa remarque comme à son habitude. Il ne devait pas trouver la blonde plus intéressante que ça puisqu'il la regardait rarement droit dans les yeux. Sa grande timidité pouvait en être aussi la cause. Ma meilleure amie était une jolie fille après tout.
Je détaillais le gringalet un instant et remarquais la naissance d'un tatouage à son col. Je clignais plusieurs fois des yeux pour me rendre compte que je ne rêvais pas. Il remit son tee-shirt en place quand il remarqua mon regard plus qu'insistant sur son torse.
- Alors, vous êtes prêts pour ce contrôle ? Demanda t-il pour porter mon attention ailleurs.
- Autant qu'on peut l'être pour de la littérature.
Callie n'avait pas tort sur ce point. Quand on écoute les professeurs, il faudrait vivre la littérature alors que nous, et bien, on vomissait cette matière. Moi qui adorais la lecture, la professeur arrivait à me la faire détester. Madame Bovary s'insinuait presque dans mes cauchemars... D'ailleurs, je n'avais lu que la moitié de l'œuvre de Flaubert : lire l'histoire d'une femme qui trompe son mari, ce n'était pas pour moi.
Une heure plus tard, je regrettais de ne pas avoir plus révisé l'histoire d'Emma Bovary. La note allait encore réduire ma moyenne de littérature. Callie ne semblait pas s'en être sorti mieux que moi alors que Jason a trouvé l'interrogation « plutôt simple ». Le gringalet possédait apparemment une bonne mémoire ce qui lui aurait parmi de répondre à toutes les questions.
A l'heure du midi, on nous servit des pâtes et de la viande sèche, pour ne pas changer. Je refilai la viande à mon ami qui l'avala sans soucis. Il était capable de tout avaler. Il avait une capacité à stocker impressionnante. Callie ne leva pas le nez du téléphone pour admirer ce spectacle fascinant.
- Tu as un nouveau copain ? Tu n'as pas quitté ton téléphone depuis quelques jours... Je lançai en espérant qu'elle ne réponde pas à moitié.
- Juste un problème de famille à régler...
Je savais qu'elle avait des problèmes avec sa mère mais sa réponse ne m'avança pas plus que ça. La blonde ne se confiait que très peu à moi. Nous ne nous connaissions que depuis un an, soit la date où j'avais emménagé ici, et je n'avais appris que très peu de chose sur elle jusqu'ici. Je n'avais jamais rencontré sa mère ni aucun autre membre de sa famille. Et maintenant que je connaissais son secret, je m'attendais à plus de révélation sur sa vie mais elle n'était visiblement pas encore prête à s'ouvrir. Si je n'avais pas découvert son secret concernant son implication dans la magie, je ne pense pas qu'elle me l'aurait annoncé. J'avais eu de la chance sur ce coup là.
Je reportai mon attention à ce qui nous entourait. Je levai un verre d'eau à mes lèvres quand mon attention fut capter par Jason. Celui-ci était figé, la fourchette devant sa bouche grande ouverte. Il était blanc comme un linge. Il regarda autour de lui puis s'arrêta à nous pour nous demander :
- Est-ce que vous avez entendu ça ?
- Entendu quoi ?
- Oh... Rien, dit-il avant de recommencer à manger.
Il était vraiment bizarre...
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