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62. Hors jeu


Par réflexe, Laura s'était réfugiée sous le bureau le plus proche. Lorsqu'elle s'extirpa de son refuge, la tempête régnait dans la morgue, en rafales de vent et trombes de pluie. Campé dans la tourmente, comme indifférent au désastre qu'il avait provoqué, Michael l'attendait.

Malgré la lumière dorée qui semblait se diffuser autour de lui, Laura ne parvint pas à le distinguer clairement. Il semblait à la fois en armure et en costume, engoncé dans son trench, vêtu d'une cape et pourvu d'ailes, les mains vides, muni d'une lance et d'une épée. La seule chose qui demeurait fixe était son expression de rage, qui lui allait mieux que son sourire, comme s'il était taillé pour une fureur juste. Laura baissa les yeux.

— Je n'arrive pas à croire que tu m'aies fait une chose pareille, gronda-t-il, et sa voix résonnait comme le tonnerre.

Puis il souffla, en contrepoint de la bourrasque qui ravageait la morgue. Un soupir invisible. Laura songea que malgré le froid, elle ne l'avait jamais vu livrer son âme de buée.

— Je ne suis pas en colère, murmura-t-il à moitié pour lui-même. Je ne suis pas en colère.

Autour d'eux, la pluie claquait sur les tables. Ubis semblait s'être volatilisé, la laissant seule face à l'adversaire. Pourtant Michael pouvait la frapper elle pour l'éliminer lui, sa fuite n'avait aucun sens. Elle se força à lui rendre son regard. Elle réalisa alors qu'il ne cillait jamais. Il avait le regard fixe et profond, des pupilles larges dans des lacs de montagne.

— Je n'aurais jamais dû m'associer avec toi. Je suis responsable de cette catastrophe.

— Et maintenant tu vas me tuer ?

— C'est ça qu'il t'a dit ?

Il secoua la tête avec mépris.

— Je ne tue pas les êtres humains, Laura. J'ai des principes, moi. Je ne tue que les monstres.

Il se détourna vivement.

— Et celui-ci ne doit pas m'échapper. Rentre à l'hôtel et restes-y. Cette conversation n'est pas terminée.

Sans attendre, il se dirigea vers la cage d'escaliers par laquelle Ubis devait s'être enfui. Laura se demanda s'ils allaient dévaster l'Institut dans leur dernier affrontement, puis elle s'arracha à sa paralysie, courut derrière Michael et le rattrapa par le manteau. La cape. Les ailes dont quelques plumes lui restèrent entre les doigts. Il lui adressa un regard courroucé, qui aurait désintégré plus lucide qu'elle, mais qu'avait-elle à perdre ?

— Si un dieu meurt avec son dernier croyant, qu'arrive-t-il au dernier croyant quand on tue son dieu ?

Un sourire dur tordit ses lèvres.

— Mais tu crois en moi, Laura, n'est-ce pas ? Je comblerai le vide à venir.

Cela sonnait presque comme une menace et elle relâcha sa prise tandis qu'il ouvrait la porte, comme un humain, plutôt que de la fracasser.

— Michael, pourquoi est-ce que Dieu a créé des dieux égyptiens, s'il voulait juste les détruire ? Ubis n'est pas un monstre ! C'est juste un... un...

Un quoi, en réalité ?

— Vous êtes tous des monstres ! finit-elle par hurler.

L'archange s'immobilisa sur le palier et se tourna vers elle.

— Ça suffit, dit-il d'une voix sourde. Tu n'as rien à faire ici, aucun rôle à jouer dans cette affaire. Les humains devraient apprendre à garder leur place, vous êtes tellement orgueilleux ! Accepte ta place et laisse ceux qui savent, agir. Je suis depuis des millénaires, et je sais ce qui est bon pour l'humanité.

Laura fut estomaquée par cette marque habituelle de l'assurance absolue de Michael, qui dans le contexte avait un tout autre relief. Cependant, grisée par l'eau glacée, elle ne put s'empêcher de l'apostropher davantage.

— Et si l'humanité n'en veut pas de tes bonnes idées ?

— L'humanité n'est pas en mesure de prendre soin d'elle-même. C'est mon rôle de lui venir en aide... et de la guider vers la lumière... Maintenant...

Ses yeux luisirent soudain dans la pénombre et Laura sentit quelque chose se figer dans son crâne, comme si des crocs s'étaient enfoncés dans sa conscience, la contraignant à une écoute parfaite, attentive, recueillie.

— Retourne à l'hôtel.

Une injonction à laquelle elle voulait résister, absolument, mais qui s'inscrivit en lettres de feu dans son esprit.

Puis Michael franchit le tournant dans l'escalier et disparut de son champ de vision. Derrière elle, une alarme se déclencha soudain, détectant, à retardement, l'intrusion improbable. La verrière avait cédé sur un bon tiers de sa surface et Laura ne voulait pas songer aux dégâts causés par ce déferlement des cieux. Elle ne pouvait cependant rester pour sauver ce qui pouvait l'être : elle devait rentrer à l'hôtel. Maintenant. Absolument.

Les couloirs de l'Institut étaient déserts et silencieux, le sol ne révélait le passage de personne. Les portes de l'entrée, intactes, s'ouvrirent sur une esplanade tranquille. La lumière des lampadaires éclairait le trottoir, quelques voitures obscures, la pluie tombait drue mais sans violence particulière. L'apocalypse semblait confinée au sous-sol.

Arrivée au bord de la route, Laura sortit son téléphone de sa poche, pour réaliser qu'il avait rendu l'âme dans le chaos des derniers instants. L'écran fracassé n'affichait plus que des barres colorées et l'appareil émettait un grésillement de mauvais augure, signe qu'il avait peu apprécié la douche. Inquiète de l'odeur métallique qui s'en dégageait, la jeune femme préféra l'abandonner dans une poubelle. Elle aurait sûrement pu trouver quelque chose de plus intelligent à en faire, mais elle devait rentrer à l'hôtel.

Impérativement.

Elle hâta le pas. Sans doute aurait-elle pu appeler un taxi. Peut-être aurait-elle dû prévenir quelqu'un, pour la morgue et la verrière, mais elle n'avait plus de téléphone, et comment aurait-elle pu expliquer sa présence, sur place, au moment du désastre, en pleine nuit. Les sirènes d'une voiture de police la dépassèrent à pleine vitesse, hurlantes, sans qu'elle sache si cela la concernait. La pluie déferlait toujours en rideaux serrés sur la ville, tout était gris, morne et glacé. Laura s'attendait à ce quelque chose se brise à l'intérieur d'elle-même, au moment où la lance traverserait l'échine du dieu chacal. Une flamme mouchée.

Il mourrait persuadé qu'elle l'avait trahi, alors qu'elle n'avait rien fait de tel. Même s'il s'était servi d'elle, même s'il était égoïste, arrogant, inutile, même s'il était un monstre, elle ne l'aurait pas livré à son adversaire.

Elle devait rentrer à l'hôtel, attendre, sagement.

Sans doute Michael avait-il le pouvoir d'effacer sa mémoire, de réduire les événements des derniers jours à une brume imprécise. Elle se réveillerait d'un rêve, d'un coma, elle découvrirait un monde légèrement différent mais qui aurait retrouvé les bases indispensables à une existence sereine. Sans doute ne retrouverait-on jamais le corps du Docteur Ubis mais l'inspecteur Celarghan aurait une fiction toute trouvée : emporté par le Tren, par exemple, ce serait approprié.

Elle ne voulait pas le perdre, pourtant, ce dieu égyptien qui l'avait à moitié étranglée sur le quai, qui avait encaissé ses balles sans broncher, qui parlait de milliers de démons dans les rues de milliers de villes, comme si c'était une banalité.

Aurait-elle dû l'écrire, vite, quelque part, avant d'oublier ? Reprendre le bâton de marche de William Willis, lutter contre les torrents, déciller les ignorants, guetter les ombres ? Serait-ce suffisant pour que Michael déroge à ses principes et la fauche ?

Une voiture se rangea à ses côtés sans qu'elle s'en soucie outre-mesure. Chose banale, humaine, absurde, quand l'univers vacillait.

— Je me disais bien que c'était vous, Woodward, l'interpela une voix féminine. Je vous dépose quelque part ? Vous avez l'air... mouillée.

Laura se tourna pour découvrir l'inspectrice Jill Haybel, penchée à la fenêtre de son véhicule.

— Vous avez l'air plus que mouillée, ajouta la jeune femme. Tout va bien ?

Comme les mots ne sortaient pas, Laura ouvrit la portière et s'assit, dégoulinante, aux côtés de Jill. Le contraste de température l'assomma aussitôt.

— Désolée, je trempe tout, murmura-t-elle d'un ton absent.

— Pas de mal, ça séchera. Vous allez où ?

— Au centre. Près de la Cathédrale.

Ça, au moins, elle savait.

Haybel acquiesça et redémarra son moteur, avant de se glisser dans la rue.

— Ça vous dérange si on fait un rapide crochet ? Je dois débarquer du ravitaillement à une équipe en planque. C'est pas vraiment sur la route, mais de ce côté du Tren.

— Pas de soucis.

Laura devait aller à l'hôtel mais elle n'était pas mécontente, en réalité, de trouver un instant le réconfort d'un semblable. Un être humain. Jill n'était pas son modèle favori, mais elles partageaient quelque chose, une certaine affection pour une créature qui ne serait bientôt plus. L'amour de Jill avait été pur, tandis que Laura se sentait victime d'un lien spirituel dont elle n'avait jamais voulu, ensorcelée par une essence surnaturelle qu'on lui avait fourrée dans le crâne. Elle se massa les tempes de doigts incertains.

Toujours rien.

Peut-être Anubis avait-il réussi à semer Michael, en chien noir filant dans les rues d'une ville qu'il connaissait par coeur. Combien d'endroits avait-il considérés comme son foyer ? Combien de femmes avaient partagé sa couche ? Jill, Linda, Marthe avant elles, d'autres encore, siècle après siècle.

Elle n'aurait jamais de réponses à ces questions, et c'était mieux. Elle ne voulait pas de ces êtres qui bouleversaient ses certitudes. Elle voulait l'ignorance et la félicité.

Nous ne sommes que des animaux, songea-t-elle. Des rats, des fourmis, des proies fragiles.

Jill avait mis de la musique, mais lui jetait de temps en temps des coups d'oeil mi-inquiets mi-amusés.

— Comment ça se passe, avec le Fédéré ? Il parait qu'il est difficile, finit-elle par demander.

Laura rattrapa le fil de l'instant.

— Il a son caractère.

Elle ne sut quoi ajouter. Michael traquait Ubis, Jill s'aventurait en terrain dangereux. Mais la jeune femme paraissait sereine, peut-être un peu fatiguée.

Comme nous tous en cette période chargée.

Elle faillit en rire.

Peut-être Jill attendait-elle avec impatience l'occasion de confronter son ancien amant, quand il serait derrière les barreaux. Elle n'en aurait jamais l'opportunité.

— Mais dans le fond, mon boulot c'était surtout la surveillance...

Elle tendait le bâton pour se faire battre, mais Jill ne releva pas, concentrée sur la route.

— Donc c'est mieux s'il y a quelqu'un pour les aspects plus musclés.

Et de toute façon, ce n'était pas comme si on leur laissait le choix : les décisions avaient été prises ailleurs, entre entités qui se fichaient bien de leur opinion en la matière.

— Ce sera bientôt terminé.

Jill acquiesça sans rien dire, et Laura chercha une émotion sur son visage, le signe que cette conversation l'affectait. Mais elle n'y vit rien, une impassibilité morne, sans doute un masque vissé après des jours et des jours de tourments. Indispensable et salvateur. Laura enviait, quelque part, ce détachement.

La voiture remonta dans une vaste avenue arborée, où des maisons imposantes se toisaient avec méfiance, chacune derrière sa grille ou son mur hérissé. Jill s'immobilisa devant un portail, qui s'ouvrit quelques minutes plus tard sur une vaste allée et des pelouses parfaites.

— Pas mal, remarqua Laura.

Jill la gratifia d'un sourire et remonta jusqu'aux marches du porche. La villa gigantesque trônait comme un cube ténébreux sur le gazon. Laura préférait de loin le manoir miniature d'Ubis. Elle se demanda soudain qui en hériterait. Elle songea à Souci le matou, perdu dans son église. Vu les portes ouvertes, il s'était sans doute enfui loin des zombies.

Jill se pencha vers le siège arrière pour récupérer les sacs en plastique qui contenaient le fameux ravitaillement.

— Vous voulez descendre un moment ? J'en ai pour une dizaine de minutes et vu votre état, un peu de chaleur ne me semblerait pas superflu.

En d'autres temps, Laura aurait refusé, mais la perspective de rester seule dans le noir, à la merci de tous les fantômes du dehors, eut raison de ses hésitations.

— Sorvet est à l'intérieur ?

Jill rit joyeusement.

— Non. Ne vous en faites pas. Seulement des gars polis et bienveillants.

Laura se permit une grimace dubitative et la suivit. Le froid la saisit, figeant ses vêtements trempés comme une gangue autour de sa carcasse. En quelques pas sautillants, elle rejoignit l'inspectrice sous l'auvent, puis elles se glissèrent dans la villa.

— La livraison est là ! s'exclama aussitôt Jill.

Le hall moderne était plongé dans la pénombre, indispensable précaution lorsqu'on se targuait d'espionner le voisin.

— Parfait, répondit une voix familière, venant des hauteurs.

Une douzaine de spots s'allumèrent de concert, révélant des lieux dénudés, sales, l'entrée d'une maison abandonnée. L'escalier montait en fond de pièce jusqu'à un balcon sur lequel se trouvait, tranquille, Samuel Heath.

— Bienvenue ! Je t'attendais.

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