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5. L'homme de loisirs (2/2)

— Vous êtes tout seul à ranger ? Je veux dire... à la remettre en état ?

— Ah. Oui. C'est une église abandonnée. Je suis au cœur du quartier le plus sinistré de New Tren. Ça fait des lustres que cette église est déserte, le vandalisme n'y est pour rien... Les familles qui vivaient dans les environs ont toutes migré vers des coins plus cléments depuis longtemps. Je ne les blâme pas. J'ai toujours été le prêtre des prostituées et des clochards. Je m'en contentais bien. J'ai vu passer des malfrats de tout acabit en confession. Je suis jeune, c'est normal qu'on me refile une paroisse difficile... Mais celle-ci est en train de s'enfoncer petit à petit. De disparaître. La hiérarchie me laissait tranquille, mais depuis cette affaire... Je pense que dès que ce sera justifiable, ils désacraliseront et revendront le bâtiment à des promoteurs. Ça se fait de plus en plus. On y met des bureaux, des appartements... même si pour l'instant, qui irait acheter un mastodonte impossible à chauffer dans ce coin... Peut-être juste pour le raser et y bâtir un entrepôt de plus... Je ne sais pas.

Laura l'avait laissé parler sans chercher à analyser son discours mais le gratifia d'un hochement de tête faussement concentré.

— Je parle pour moi-même. Excusez-moi. Mais je suis toujours un peu remué quand je suis resté quelques heures dans la nef. Alors si vous me ramenez sur ce sujet... C'est un peu difficile.

— Je suis désolée. Même moi, c'est une vision qui me désole.

Il se fendit d'un léger sourire.

— Vous n'êtes pas catholique, constata-t-il.

— Je crains même d'être très athée.

— Je ne vous le reprocherai pas. C'est un défi quotidien que de rester croyant dans un tel endroit. Cela fait longtemps que je ne me perds plus dans des tentatives de conversion. Ça ne me gêne pas, je ne voulais pas être indiscret.

Il haussa les épaules.

— Mais donc, non. Il n'y a personne pour m'aider. Pas d'argent à y dépenser. Alors je travaille seul et j'essaie de me faire oublier. Si je faisais des vagues... Je suppose qu'ils me muteraient ailleurs.

— Et ce serait un mal ?

Il secoua la tête dans un rire.

— Oui, pour moi, ce serait un mal. On se soucie trop peu de ceux qui en ont le plus besoin.

— Je ne comprends jamais vraiment pourquoi les gens continuent d'adhérer à une église qui a à ce point dévié de ses intentions originelles.

— La hiérarchie ne fait pas la croyance. Bien sûr, je suis souvent déçu de ses priorités, de ses décisions, de ses actes, mais ça ne remet pas en question ce que je partage avec Dieu.

Il étouffa un rire, puis se massa entre les sourcils.

— Pourquoi est-ce que je vous parle de ça.

Laura se contenta de sourire.

— Je divague. Enfin, je ne crache pas sur un peu de compagnie, on ne peut pas dire que je croule sous les visites de mes paroissiens fantômes. Et parler à un troupeau de saints en plâtre n'est pas des plus indiqués pour la santé mentale.

— Et donc, vous comptez tout retaper tout seul.

— J'ai toute une vie ! Tout mon temps ! Ça ne sert à rien de se presser. Il n'y a personne pour venir à l'intérieur : le gros de mon travail se déroule sur le parvis. Je ne me souviens même pas du visage du dernier couple dont j'ai célébré le mariage. Et pas davantage du dernier bébé que j'ai baptisé.

— Ça c'est normal, ils se ressemblent tous.

— Pas faux.

Ils s'offrirent une lampée de thé, un instant tranquilles, peut-être amusés. Laura se demanda ce qui lui avait pris de franchir cette porte, si elle avait cherché, sans le savoir, un peu de réconfort spirituel dans la noirceur de New Tren.

C'était absolument ridicule.

Mais à présent, la guêpe de la curiosité l'avait piquée.

— Vous avez une idée de qui a fait ça ? Juste des gamins qui s'ennuyaient un samedi soir ?

Il pinça les lèvres, se redressa et prit un ton dégagé qui sonnait étrangement faux.

— La police enquête toujours, à ma connaissance. Ils ont parlé d'une secte sataniste, ce genre de trucs abracadabrants. Il faut dire qu'ils ont blasphémé du mieux qu'ils pouvaient. Mais bon, il ne faut pas être sataniste pour savoir blasphémer. N'importe quelle marque obscène...

— Mais il y a des signes... Sur le plafond par exemple...

— C'est ce qu'ils ont dit. Et oui, le crucifix avait la tête en bas. Et... Enfin, je ne sais pas. C'est toujours le plus facile, blâmer la folie, l'aveuglement, une jeunesse désorientée qui retrouve ses repères dans la structure d'un culte dément. Personnellement, je trouve ça grand-guignolesque et improbable.

— Parce que vous avez des ennemis personnels dans le coin.

Ça tombait sous le sens, soudain. Le prêtre changea de couleur, s'empourprant à cette suggestion.

— Je ne devrais pas parler de cela avec vous, annonça-t-il d'une voix maîtrisée. L'enquête est encore en cours et je ne sais même pas qui vous êtes.

Laura fourragea dans les poches de son imperméable et finit par en extirper une carte plastifiée qu'elle lui présenta. Il la détailla lentement, formant les mots de ses lèvres muettes, puis releva des yeux hantés.

— Vous... Vous avez vu son corps ? Il était... C'était... articula-t-il avec toutes les peines du monde.

Merde, songea Laura. Quelqu'un a été tué, bien sûr.

— Oh non. Non. Je ne suis pas sur l'enquête, Aaron, Je... J'ignorais tout de ce qui s'était passé... Je vous l'aurais dit, si j'étais venue pour ça.

Ou plutôt pas, bien sûr. Mais je l'aurais joué plus finement.

Il se leva brusquement et alla à la fenêtre, une main sur la bouche, les épaules affaissées. Elle hésita un instant, pensa se lever mais se ravisa. Il était immobile, dans son pantalon sombre, comme une gravure d'un siècle passé.

— Je ne voulais pas ramener des souvenirs pénibles. Je voulais juste... Enfin... Je ne savais pas, finit-elle par maugréer.

Après de longues minutes de silence, il se retourna et ses traits congestionnés marquaient la lutte entre les apparences et l'émotion.

— Encore du thé ? demanda-t-il d'un ton faussement neutre, maîtrisé avec efforts.

Elle acquiesça, faute de mieux. Elle n'avait pas prévu que leur entrevue tourne de la sorte. Le voile qui brouillait la vue du prêtre se dissipa lentement tandis qu'il les servait puis se rasseyait.

— Qu'est-ce qui vous a fait revenir par ici, alors ? Vous avez quand même quelque chose à confesser, en définitive ? dit-il, soudain affable comme à la première minute.

— Non. J'ai vu l'église... et vous m'avez intriguée, hier soir, alors comme je viens de débarquer à New Tren et que je ne connais personne...

— Vous vous êtes dit, pourquoi pas le curé ?

Laura s'autorisa un rire. Le drame des minutes précédentes semblait s'être dissipé.

— Honnêtement, je dois avouer que vous êtes le tout premier prêtre que je rencontre. Jusqu'ici ils étaient pour moi aussi mystérieux que les Inuits ou les Patagons. Donc, c'est comme... une curiosité scientifique, on va dire.

Il fronça les sourcils avec une légère grimace.

— Et donc, prêtre, c'est bizarre, mais pas médecin légiste ?

— Je suppose que ça dépend du point de vue.

— Il y a un journaliste d'une télé locale qui fait une série sur les métiers étranges... Je suis sûr que vous êtes dans sa liste.

— Oh ? Il y a une émission sur vous ?

— J'ai refusé.

— Donc je vais être obligée de faire votre connaissance à l'ancienne.

Il en resta muet.

— Toutes vos relations ont des buts aussi... calculés ?

— Toutes, oui, et c'est normal. Je veux dire... Nous nous fréquentons pour en retirer quelque chose, non ? Honnêtement.

Elle sourit devant sa mine déconcertée.

— Vous voulez savoir le fond du fond ?

Il acquiesça, visiblement amusé, mais aussi inquiet. Elle hésita puis haussa les épaules pour elle-même. Elle n'avait rien à perdre, elle ne le connaissait pas et, bientôt, elle ne le connaîtrait plus.

— Alors voilà. Je voyage beaucoup, et souvent je reste peu de temps au même endroit. Ce sont chaque fois des affaires de... environ... deux mois au plus. Alors chaque fois que je me pointe dans une nouvelle ville, que je dois me réinstaller, en général, je me trouve rapidement un... compagnon, quelqu'un avec qui décompresser... et occuper mes nuits. Ça doit sembler un peu sordide, dis comme ça, j'imagine, mais ça ne l'est pas. C'est très humain, en fait. Enfin soit. Le reste du temps, je fais mon boulot. Simplement, cette fois... Ne vous méprenez surtout pas, je n'ai rien à faire avec vos vœux, quoi que j'en pense, mais... Voilà, je me sens prête à troquer le sexe pour la spiritualité !

Après une seconde de silence abasourdi, Aaron explosa de rire.

— Voilà, je le savais, vous vous êtes confessée ! J'attire ce genre de choses. Mais Dieu vous pardonne. Et moi, je ne comprends pas exactement ce que vous attendez de moi. Mais je vous pardonne aussi.

— Ça voulait juste dire que... je ne serais pas contre passer plus de temps avec vous. Vous êtes sympathique. Le thé n'est pas mauvais. Je pourrais donner un coup de main dans la nef.

Il ouvrit une bouche qui voulait dire quelque chose, mais ne trouva rien. Puis il leva les yeux au ciel.

— Vous êtes aussi directe quand vous draguez un homme ?

— Je ne vous drague pas !

— Non, je sais, mais... Pourquoi pas. C'est d'accord. Je veux bien vous servir de... loisir, finit-il par dire, semblant ne pas croire les mots qu'il prononçait.

— Alors tutoyez-moi, et appelez-moi Laura.

— Très bien, Laura.

— Bon, Aaron... Je vais devoir rentrer. Je prends mon service dans pas si longtemps que ça, et on ne sait jamais de quoi va être faite la nuit. Ça a été un plaisir de faire ta connaissance.

— Un plaisir pour moi aussi.

Ils se sourirent et Laura se drapa dans son imperméable jaune pour affronter la pluie drue qui martelait la cité. Il faisait déjà noir depuis une heure. Aaron proposa de la raccompagner, mais elle n'accepta que le prêt d'un parapluie.

S'engouffrant dans les ténèbres de son nouveau territoire, de sa vie chaotique mais intense, elle ne put s'empêcher de sourire. On attendait d'elle une enquête subtile, fouillée, sans failles ; on attendait des résultats, des solutions, et probablement la tête d'un légiste au hasard. Mais rien ne servait de courir, il ne fallait pas se tromper.

Si elle se fiait à sa première impression, Ubis était un homme discret qui ne se laisserait pas piéger aisément. Par contre, Aaron était un partenaire social idéal. Elle avait un peu paniqué lorsqu'il avait eu son gouffre dépressif, mais il s'était repris, et elle se sentait à l'aise avec lui, comme si sa soutane était une garantie que les choses resteraient simples et sans ambiguïté. L'habit fait le moine, il l'avait dit lui-même. Il lui faudrait probablement entendre plus de détails à propos de la mise à sac de l'église, peut-être le voir ému à nouveau, mais elle s'en pensait capable. Elle n'était pas certaine de trouver le recoin où s'était terrée sa capacité d'empathie, mais elle chercherait. Elle en avait même envie.

Bien sûr, plus tard, elle rentrerait à Murmay et le père Benton, Aaron, deviendrait un numéro de téléphone dans son répertoire. Mais il aurait eu toute sa valeur au moment où ils s'étaient connus. En cela, il avait son rôle à jouer.

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