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5. L'homme de loisirs (1/2)

Ubis proposa à Laura de prendre son après-midi pour se familiariser davantage avec New Tren. Ils avaient décidé de régler leurs horaires à l'amiable, de semaine en semaine, sans trop de rigidité. La jeune femme promit de revenir vers dix-huit heures pour prendre le relais et retourna à la ville.

En réalité, elle n'avait absolument pas l'intention d'apprivoiser les lieux, mais c'était l'occasion de visiter la scène des crimes qui l'avaient amenée jusque là, et d'y faire le point. Plutôt que d'errer en touriste, elle descendit donc jusqu'au fleuve pollué qui traversait la cité et lui donnait son nom.

Gris, huileux, le Tren glissait en silence entre ses rives bétonnées, jusqu'à la mer voisine. Des immeubles, des grues de déchargement et des entrepôts masquaient la vue dans toutes les directions et un parapet décoré d'inscriptions colorées protégeait les promeneurs du fil de l'eau, là où il était accessible. Laura s'accouda au muret, les yeux d'abord en mouvement, puis fixes, comme elle se repliait dans ses pensées.

Elle songea à son nouveau collègue, à son attitude envers elle, aux liens qu'ils ne devaient pas tisser. Le docteur Ubis était la cause de sa présence, son suspect, cerner sa personnalité était indispensable, mais cela ne voulait pas dire qu'elle devait s'engager davantage.

Elle connaissait les bases du dossier, les corps retrouvés dans le Tren – six en l'espace de huit mois – les autopsies qui identifiaient les victimes, la cause de la mort, mais ne révélaient absolument aucun indice, d'aucune sorte, quant au coupable.

Bien sûr, ce n'était pas au légiste d'identifier un meurtrier, mais les preuves récupérées sur un cadavre pouvaient guider, trahir et révéler. L'hypothèse en vogue tournait autour de règlements de comptes dans les milieux interlopes de la cité. Quatre des six morts avaient des casiers judiciaires fournis, listes de larcins ordinaires, de la revente de drogue à l'attaque à main armée. Le cinquième était une prostituée, le sixième un étudiant en droit aux poches percées. Laura ne connaissait pas les détails précis de l'enquête, ce n'était pas son créneau, mais elle savait qu'à l'heure actuelle, il n'y avait pas eu d'arrestation.

Si les corps avaient seulement présenté une blessure par balle, ou les signes classiques de la noyade, sans doute n'y aurait-on pas prêté une attention démesurée : dans certains milieux, on ne faisait pas de vieux os, une exécution sommaire attendait souvent ceux qui sortaient des rangs. Ce qui perturbait les forces de l'ordre, la presse et par là le public, était le fait que chacun des cadavres avait été amputé de son foie.

D'après les rapports d'autopsie – et c'était là une nuance importante, cette intervention macabre était effectuée post-mortem, avec une lame d'une quinzaine de centimètres, avant que le corps ne soit jeté dans le Tren. On n'avait jamais retrouvé ni l'endroit où le prélèvement avait été effectué, malgré des fouilles extensives menées en bordure du fleuve, ni les foies en eux-mêmes.

Logiquement, l'hypothèse alternative d'un tueur en série avait émergé.

Même si les compétences de Laura s'arrêtaient en théorie à l'examen des corps – en l'occurrence, pour l'heure, des dossiers – elle avait toujours eu une propension à vouloir en savoir plus. Cette curiosité parfois déplacée avait décidé de sa vocation initiale, puis provoqué son recrutement par la Société. En fonction des contextes, des inspecteurs, des dossiers, elle pouvait jouer au petit détective avec plus ou moins de liberté.

Dans le cas présent, bien sûr, les corps pouvaient être propres. Ce n'était pas impossible. Mais six corps sans le moindre indice, cela faisait beaucoup. Quelqu'un, en tout cas, s'interrogeait sur le professionalisme de l'officiant. Sur le fait qu'aucune des six autopsies n'avait été réalisée en tandem avec l'assistant, Paul, pourtant présent quatre jours sur sept. Or Ubis avait, pour le reste, une réputation flatteuse. Il était hautement respecté par les policiers avec qui il travaillait, on vantait ses prouesses dans les conférences de presse, lors des procès, et dans les réunions plus ou moins formelles qui avaient lieu au commissariat.

En savait-il plus ? Nettoyait-il les corps ? Était-il de mèche avec le tueur, quel qu'il soit ? Des questions claires, dont la réponse restait à déterminer.

Laura espérait qu'un cadavre surgirait dans le Tren. C'était sa meilleure chance d'évaluer si le silence des corps était légitime : autopsier la première, avant qu'il n'ait pu passer. À Murmay, les légistes officiaient en fonction de secteurs géographiques, mais la taille de New Tren ne le justifiait pas. Il fallait donc prier pour un mort. Sinistre sans doute, mais pragmatique.

Laura était toujours pragmatique.

La solution alternative était d'exhumer.

Dernier recours, songea-t-elle. Ultime dernier recours.

Rouvrir une tombe révélerait à Ubis ce qu'on craignait, et s'il avait quelque chose à se reprocher, cela risquait de précipiter les choses. S'il était honnête, en revanche, le désaveu aurait des répercussions douloureuses.

Laura y viendrait, cependant, si nécessaire. Mais elle avait horreur des pourris. Les chances étaient élevées, de surcroît, de ne rien en tirer. Même si les cadavres s'avéraient aussi propres que documenté, il serait impossible de déterminer quand ce nettoyage avait eu lieu.

Abandonnant sa contemplation de l'eau grise, Laura repartit vers ses pénates. Revoir les dossiers en détail semblait la meilleure chose à faire. Peut-être aborder le sujet, frontalement, l'air de rien, au détour d'une table en inox. Elle avait rendez-vous le lendemain avec un des chefs de la Société locale et il faudrait sans doute prendre des décisions en matière de surveillance, une méthode souvent coûteuse. Comme les meurtres ne survenaient pas avec régularité, il était impossible de savoir quand la situation se débloquerait.

Sur le chemin du retour, à la faveur d'une trouée entre les toits, Laura reconnut le clocher de l'église gothique qu'elle avait vue la veille. Isolé dans la grisaille, un peu pathétique, il ressemblait au mât d'un grand bateau embourbé, abandonné, et cette image se renforça au fur et à mesure que la jeune femme approchait. En plein jour son état de délabrement frappait l'esprit : les gargouilles usées étaient réduites à de vagues saillies rocheuses et les arcs crénelés étaient amputés de nombreuses pierres. Partout, la pollution avait rongé l'édifice qui semblait sur le point de tomber en poussière. Le parvis déroulait ses fissures et ses trous sous le pas du visiteur, surplombé par les statues de la voûte à l'anonymat inquiétant, sans visages.

Si elle avait été croyante, Laura n'aurait pas espéré trouver un quelconque réconfort sous ces auspices déprimants. En franchissant les grandes portes en bois, elle aperçut des marques caractéristiques autour de la serrure : elle avait été forcée récemment. Protégée par son manque de foi, Laura décida d'entrer.

Si la façade extérieure de l'église avait subi les dégradations du temps et des gaz toxiques, l'intérieur était un champ de bataille presque surréaliste. Une centaine de sièges de messe brisés reposaient contre un mur, en un amas chaotique qu'on aurait presque pu prendre pour une installation d'art contemporain. Seules les trois premières rangées demeuraient debout, face au chœur, mais on apercevait des signes de rafistolage, et l'ensemble était dépareillé, preuve qu'on avait récupéré des chaises dans des rangs autrefois distincts. La chaire de vérité, mi-bois mi-marbre, semblait avoir partiellement brûlé, et l'escalier en était condamné par une planche. Un unique confessionnal paraissait intact bien qu'usé. La grande croix dressée au-dessus de l'autel portait un Jésus impassible dont on avait emmailloté les hanches dans de la toile de jute — d'origine ou de fortune, difficile à dire. Devant ce tableau apocalyptique, Laura ne put s'empêcher de lâcher un juron vert qui avait au moins l'avantage de ne pas être blasphématoire. Ses mots abandonnés résonnèrent dans la nef glaciale tandis qu'elle avançait dans l'allée centrale. Levant les yeux, elle découvrit, à une hauteur improbable, une série de graffitis obscènes et obscurs qui décoraient la voûte autrefois crème.

— L'église est fermée, annonça alors une voix.

Elle scruta le chœur. Le curé de la veille se tenait à la croisée du transept, et la dévisageait le regard sévère. Il se radoucit en la reconnaissant.

— Je pensais que les églises étaient toujours ouvertes, murmura Laura.

— Mais qui voudrait se recueillir dans celle-ci ? répondit le jeune prêtre.

Elle le rejoignit et ils se serrèrent la main. La partie gauche du transept était occupée par une collection de statues jetées pêle-mêle, la plupart brisées ou défigurées par des inscriptions voyantes.

— Je ne me suis pas présentée. Je suis Laura Woodward, annonça la jeune femme, tout en continuant à détailler l'édifice, fascinée par le spectacle.

— Aaron Benton. Vous pouvez laisser tomber le Benton.

Elle se tourna vers lui.

— Je... Enfin, je ne voulais pas vous déranger. Vu que je passais par ici... J'ai... Bah. Je suis entrée, voilà tout.

Aaron lorgna le chœur de l'église et lâcha un soupir bref.

— Je suppose que j'ai droit à une pause. Suivez-moi. Je vais nous faire du thé.

Elle le suivit au fond de la nef où une porte réparée à la hâte conduisait au presbytère. Au bout d'un étroit couloir mal éclairé, le père Benton l'introduisit dans une petite pièce très blanche, qui lui servait de cuisine et de salle à manger. Il l'invita à prendre place et tandis que Laura observait la décoration sommaire de l'endroit, sa rectitude, sa sobriété, il leur prépara une théière. Lorsqu'il la déposa sur la table, étrange dôme peinturluré d'anges fluorescents et de saints en extase, Laura ne put réprimer une certaine hilarité. L'objet contrastait comiquement avec l'austérité de l'environnement immédiat.

— Je sais bien qu'elle est atroce. C'est ma mère qui me l'a rapportée de Dunnes. Pour se moquer.

— Qu'est-ce qui est arrivé à votre église ?

Un pli barra le front de Benton, et son regard plongea au fond de sa tasse. Il haussa les épaules, resta un instant immobile, comme figé par le poids des événements, avant de se redresser. Laura découvrit une pellicule d'eau trouble sur ses prunelles, signe d'une émotion enfouie qui remontait à la surface. Elle espéra qu'il ne pleurerait pas, elle n'avait jamais eu la manière avec les sentiments, surtout ceux des autres, et s'en voulut d'avoir abordé le sujet. Cette foutue curiosité. Le curé ne semblait pas très doué pour contrôler ou dissimuler ses affects. A moins qu'il n'en ait pas la moindre envie.

— Oh... C'est le lot des grandes villes... Des ...dégradations... Pas d'argent pour les cultes, pour payer les rénovations... surtout dans ce genre de quartier.

Elle hésita à le laisser s'en tirer par ce faux-fuyant, puis se carra dans son siège, croisa les bras et n'ajouta rien. Il la dévisagea, la mine pincée, puis secoua la tête.

— Elle a été vandalisée par une bande de jeunes. Vous avez pu le voir, ils n'y ont pas été de main morte.

— C'est peu de le dire... On dirait... qu'un typhon a tout dévasté.

— Oh, ils étaient juste une dizaine. Mais organisés et motivés. Ils n'ont rien épargné. Ce qu'il en reste aujourd'hui n'est rien par rapport à ce que c'était au lendemain de leur visite. Vous ne pouvez pas imaginer le capharnaüm qu'ils m'ont laissé.

Elle faillit lui demander s'il avait été présent, s'ils l'avaient agressé, lui aussi, mais vu l'émotion qui sourdait dans ses paroles, c'était un terrain miné sur lequel elle n'avait aucune intention de s'engager. Il n'était pas mort : il n'était pas de son ressort.

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