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Point de vue : George Weasley
Je n'avais jamais pris au sérieux ce que Fred et moi pouvions vraiment ressentir. Je considérais depuis le début que nos sentiments, nos émotions, étaient certes sincères, mais rien qui puisse changer notre ligne de conduite. Nous n'avions pas assez peur de nos parents et de Rusard pour arrêter de franchir les interdits ; nous aimions Gryffondor mais pas non plus jusqu'à lui rapporter des points en cours ; nous adorions nos amis mais sûrement pas assez pour tous les mettre dans la confidence de nos « bêtises ». Ou alors, Fred et moi étions suffisamment proches pour conditionner tout cela. Je n'avais jamais rien pris au sérieux, et lui non plus, si ce n'était peut-être les matchs de Quidditch. Et pourtant, j'avais l'impression que ce qu'il ressentait avait largement dépassé ce niveau d'insouciance. Il ne me restait plus qu'à savoir si lui s'en rendait compte.
« Bon alors, tu me dis ? »
Nous étions sur nos lits, dans le dortoir de Gryffondor. Lee était parti je ne sais où, sûrement en train de chercher sa tarentule. La fin de notre troisième année venait d'arriver. Ce soir avait lieu le banquet, le dernier avant le mois de septembre. Avant notre quatrième année et la deuxième année de la personne qui habitait ses songes.
« Y'a rien à dire. »
Fred s'obstinait. Il fallait que je découvre s'il se mentait à lui-même ou s'il me le cachait délibérément. Bien sûr, j'avais déjà mon idée sur la question.
« Hermione Granger.
-Mais arrête », protesta-t-il.
Je ne pus m'empêcher de sourire.
« Qu'est-ce que tu penses de cette fille ?
-Mais rien de particulier, s'entêta-t-il. C'est la miss-je-sais-tout qui se trouve être la meilleure amie de notre frère. C'est tout. »
Et voilà, définition parfaite... Fred mentait. Il se mentait à lui-même. Je le savais pour plusieurs raisons :
La première, c'était qu'on ne se cachait jamais rien.
La deuxième, c'était qu'il ne mentait pas (aucun rougissement au niveau des oreilles).
La troisième, c'était que c'était la première fois qu'il portait autant d'intérêt à une personne (et sans faire mon philosophe moldu, comme c'était la première fois que ça lui arrivait, il n'avait aucun point de comparaison et pouvait donc se mentir à lui-même pour se convaincre du contraire).
Je pourrais répliquer avec un petit « Tu sais aussi bien que moi que c'est faux » pour faire comme un électrochoc (vive l'étude des moldus), ou alors avec un « Concentre-toi un peu sur ce que tu ressens » pour le faire réagir. Mais non, je préférais garder le silence pour le laisser cogiter, se poser lui-même les bonnes questions et tenter d'y répondre. Et évidemment pour voir sa réaction, ce qui ne tarda pas à arriver...
Ses yeux faisaient des allers et retours sur le sol. Parfois il fronçait les sourcils, d'autres fois il écarquillait les yeux. Ses réactions se trouvaient tellement épiques que je regrettais de ne pas pouvoir le prendre en photographie. Et le final à cette réaction extraordinaire : il se jeta sur son lit à plat ventre et enfouit son visage sur son oreiller.
« Non d'un gobelin ! »
Je laissais échapper un rire et l'observa tourner la tête dans ma direction, ne me laissant voir que la moitié de son visage, l'autre partis écrasée contre le tissu.
« Pourquoi tu m'as poussé jusque-là ?
-J'allais pas te laisser dans ton ignorance, me défendais-je.
-Mais maintenant je pourrais plus réagir comme avant.
-Y'a des contre-coups à tout. »
J'haussais les épaules pour renforcer mes dires.
Il finit par se relever en souriant.
« On va louper le banquet, si ça continue. »
Je me levais pour le suivre, lui faisant remarquer que les Serpentard avaient gagné d'avance. On descendait l'escalier en spiral quand je lui demandais ce qu'il comptait faire.
« Rien pour l'instant, répondit-il. Je vais attendre la fin des vacances et voir si ça a changé à la rentrée.
-Sage décision, Freddie. »
Il me fit un clin d'œil et nous accélérions le pas, constatant que nous étions sans doute les derniers Gryffondor à se décider à partir.
Je me souvenais très bien de certains événements de cette année qui m'avait conduit à suspecter les battements de cœur de mon frère.
Le premier jour, notre troisième rentrée de Poudlard le 1er septembre 1991. Fred Weasley avait eu son premier comportement suspect. La répartition avait déjà commencé. Je ne savais pas s'il l'avait déjà vu dans le train. Quand elle avait été appelée et qu'elle s'était assise sur le tabouret comme des milliers d'autres avant elle, tous les yeux de la salle s'étaient concentrés sur sa petite silhouette et sur sa crinière sauvage. « Gryffondor ! » avait hurlé le Choipeaux et toute la table avait applaudis avec force, Nick Quasi-Sans-Tête le premier. Hermione avait pris place et s'était présentée à Percy. Puis mon frère lui avait à son tour serré la main, au milieu de ce brouhaha tandis qu'un nouvel élève était appelé. Elle lui avait demandé son nom et il avait répondu :
« Je suis Fred Weasley. »
Personne ne remarqua l'étrangeté de sa réponse puisque moi seul pouvait le faire. Nous avions pris d'un commun accord la fâcheuse habitude de nous présenter par le prénom de l'autre. Cela n'avait aucune conséquence sur le reste puisque personne n'arrivait à nous différencier, pas même notre propre mère. Mais cette fois, il s'était présenté sous son vrai prénom. Fred Weasley s'était présenté pour la première fois en tant que Fred Weasley. Je m'étais dit que ça devait être quelqu'un de spécial.
Il y avait aussi ce jour, lors de notre premier match de Quidditch. On était fiers de jouer dans l'équipe depuis l'année dernière, ça nous faisait du bien. A la fin du match, après le déjeuner et la douche, il avait contre toute attente rejoins la bibliothèque. Je ne l'avais pas suivi, voulant vérifier l'accès d'un passage secret, celui se trouvant derrière la statue de Gregory le Hautain. Lee l'avait découvert quelque temps auparavant, même si nous le connaissions déjà. Donc ce petit détail comptait énormément. Fred n'allait presque jamais à la bibliothèque, du moins pas durant nos deux premières années.
Et puis il ne fallait surtout pas oublier la longue discussion entre Fred et Ron, moi-même faisant l'arbitre. C'était peu avant la venue du Troll des montagnes dans les toilettes des filles (c'était bien connu : les Trolls ne savaient pas lire), et donc encore avant notre premier match de Quidditch. A cette époque, ni Harry ni Ron ne parlaient à Hermione. Celle-ci passait son temps toute seule ou de temps en temps avec Neville. Fred avait voulu savoir pourquoi cette antipathie de la part de son frère, prétendant vouloir dresser une fiche psychologique comme les psychologues moldus. J'avais tout de même noté que durant cette discussion, Fred avait pris la défense de la « misse je-sais-tout » durant tout le débat.
En parlant de détail, il y avait aussi eu la fois où Lee avait perdu sa tarentule. Les vacances de Noël venaient d'arriver et Fred et moi avions préparé quelques pièges à l'intention de Rusard. Nous nous étions trouvés dans le hall, encore hilares de nos dernières blagues. Lee se lamentait d'avoir perdu son animal dont il avait été si fier depuis le début d'année. Evidemment, Fred et moi avons gardés le silence sur notre culpabilité. Nous lui avions emprunté pour la déposer sur le bureau du concierge, espérant qu'elle ne ferait qu'une bouchée de Miss Teigne. Evidemment, l'échec avait été total, mais la réaction de Rusard avait été assez inoubliable pour nous récompenser. Et la tarentule avait disparue, sûrement partis rejoindre quelques amis dans la Forêt Interdite. Hermione était arrivée à ce moment-là. Valise qu'elle faisait rouler derrière elle, elle traversait le hall en direction du Poudlard Express. On avait discuté un peu tous les trois, échangeant quelques banalités dont il me serait impossible de me souvenir. En revanche, je me souviens très bien du regard de mon frère. De ses yeux qui semblaient plonger dans ceux de la première année avec une telle perdition, une telle intensité que moi-même je n'aurais pu faire diversion.
Enfin voilà, il n'y avait eu que des petits choses comme ça qui m'avaient fait douter.
« Les jumeaux Weasley nous font enfin l'honneur de nous rejoindre ! »
Je souriais à Angelina qui nous avait laissé deux places. Non loin se trouvait Hermione et, sans l'avoir interrogé, je savais que mon frère l'avait déjà repéré. Comme il l'avait si bien précisé avant de descendre dans la Grande Salle, mon double ne tenta rien de particulier et me fit le plaisir de déguster son repas comme s'il était le dernier de sa vie. Le professeur Dumbledore prit finalement la parole et distribua les points. Avec tout ce qu'il s'était passé cette année, l'implication de Harry dans le sauvetage de l'école ne nous avait pas paru surprenant. En revanche, la participation de notre frère à cette action nous restait ce soir encore une surprise. Si bien que lorsque notre directeur accorda cinquante points à Ron pour sa partie d'échec dans les sous-sols du châteaux, Fred et moi étions les premiers étonnés. Ou presque, parce que le petit rouquin lui-même semblait ne pas y croire.
Hermione eut également droit à ses points, cinquante également, ce qui fit fuser les protestations du côté des Serpentard, mais des exclamations de joies chez les rouges et or. Fred avait levé le poing en n'oubliant pas de la féliciter alors que le rouge avait envahi son visage de misse-je-sais-tout et qu'elle ne semblait pour une fois ne pas savoir quoi dire. Le professeur Dumbledore continuait son discours alors que je portais mon attention sur la jeune fille. A présent soulagée de ne plus avoir toute l'attention sur elle, le rouge n'avait cependant pas quitté son visage. Un énorme sourire se peignit sur ses lèvres alors qu'elle applaudissait, avec les autres, Harry pour son courage et pour sa victoire, je ne pouvais m'empêcher de penser que c'était drôle tout de même, que mon frère ait toute une partie de son attention focalisée sur elle. Mais avec cette pensée s'accompagnait celle du soulagement et de la joie que soit elle. Il était encore trop tôt pour appeler ça de l'amour, mais il était cependant déjà trop tard pour considérer cela simplement comme une connaissance ou, mieux encore, une amitié.
Tout le monde autour de moi se leva d'un bond et je compris par les différentes exclamations que Neville Londubat, le garçon le plus timide et le plus empoté de notre maison, venait de faire gagner dix points à Gryffondor, prenant ainsi la tête du tournoi ! Je me levais moi aussi, lançant mon chapeau avec bonheur et me tourna vers mon frère dont les yeux pétillaient. J'étais bien content qu'il attende de voir l'ampleur de sa considération pour la première année, j'étais tout aussi heureux d'apprendre que nous venions de gagner la coupe.
Le lendemain, le Poudlard Express filait à vive allure, si bien que le temps nous sembla être passé à une vitesse ahurissante quand nous étions arrivés à la gare de King's Cross. Une fois sur le quai, Lee nous confia enfin qu'il avait retrouvé sa tarentule, qui s'était cachée quelque part dans le château, et Harry vint nous voir pour nous saluer en personne. Je saluais également Hermione et partit rejoindre ma petite sœur que je pris soin de prendre dans mes bras avant d'embrasser mes parents.
« Où est George ? me demanda ma mère, le sourire impossible à enlever de son visage par la joie de nous revoir.
-A côté de toi, maman. »
Cette fois je n'avais pas envie de jouer à ce petit jeu, pas aujourd'hui. Mon regard se porta sur mon frère et, comme je l'avais supposé, il se trouvait avec Hermione, lui serrant la main pour la saluer.
« Oh, pardon George. »
Elle me prit dans ses bras, à la fois pour se faire pardonner que par manque de cette tendresse entre nous par notre longue séparation. Fred vint nous rejoindre et me fit un clin d'œil alors que je l'interrogeais du regard. Il serra tour à tour nos parents dans ses bras et prit à son tour Ginny par la main. Et comme je ne trouve pas de mot de fin à cette histoire, je conclurais comme j'ai commencé : ne rien prendre au sérieux ne signifie pas ne pas prendre en considération.
Fin à suivre
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