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partie 3

Chapitre 5 :



Une invitation ? Si nous avions une invitation ? À peine arrivés, notre mission se voyait déjà compromise. Pourtant, nous ne perdîmes pas espoir.

— Nous sommes les messagers d'Athénor, dernier Grand Maître Mage de sa Confrérie, s'avança Lihan, la voix assurée.

Ses pensées reflétaient de l'inquiétude voire de la terreur malgré sa tentative pour être serein.

— C'est tout ? reprit l'interlocuteur, toujours invisible.

Nous nous regardâmes, confus. Athénor n'avait jamais mentionné de contrôle à l'entrée du royaume sous-marin.

— Il serait plus aisé de discuter si nous vous voyions, arguai-je, mal-à-l'aise à l'idée de ne pas pouvoir cerner l'origine de la voix.

Cette situation m'incommodait terriblement.

— Nous ne discutons pas, réfuta cette dernière. Je m'informe. Cependant, comme vous le demandez, je vais me montrer à vous.

Quelques secondes plus tard, un être aux yeux globuleux, vert, petit et parfaitement adapté au milieu aquatique se tenait devant eux. J'eus un mouvement de recul, absolument pas préparée à voir un être comme celui-ci.

« C'est une image. » m'apprit Lihan.

« On s'en contentera, » rétorquai-je.

— Nous souhaitons parler à Uju, le Seigneur des lieux, poursuivis-je à voix haute.

— En êtes-vous certains, nobles étrangers ? Quiconque paraît devant Uju, le Gardien des Profondeurs, n'en ressort pas indemne.

— Nous en sommes sûrs, affirmai-je sans prendre en compte son avertissement.

Nous avions déjà perdu assez de temps. Le petit être vert se fendit d'une courbette et demanda :

— Qui dois-je annoncer ?

— Lihan, Sarah et Neïla, apprentis d'Athénor, l'informa notre érudite.

L'image s'effaça et un mécanisme parut s'enclencher dans la grotte. Un pan entier de roche coulissa, dévoilant un passage qui s'enfonçait sous les profondeurs. Un noir profond régnait à l'intérieur, je ne voyais pas la fin du tunnel.

« On y va ? » interrogea Lihan.

« Comme si on avait le choix. » ricana Neïla, cynique.

Je m'avançai la première et mes compagnons me suivirent. Nous ne marchâmes heureusement pas longtemps, quelques minutes tout au plus. Elles me parurent cependant des heures tant la fatigue m'accablait déjà à la suite de notre longue nage. Nous avancions à tâtons, la pénombre était compacte. À chaque instant, je manquais de trébucher sur une pierre.

Nous débouchâmes enfin sur une immensité bleue. La salle semblait formée grâce à la magie qui retenait toute l'eau de l'océan de s'abattre sur nous. Cette puissance me fit frissonner. J'avais l'étrange sensation que nous serions les seuls à souffrir si jamais la magie faiblissait, si l'eau se déversait sur nous. En effet, les uniques occupants de la bulle étaient l'être vert et un pégase qui chatoyait, comme s'il était constitué d'eau. Ces êtres ne semblaient pas craindre une vague d'eau salée. L'espace ne comportait aucun ameublement, rien qui pouvait ressembler de près ou de loin à un siège. Nos jambes flageolaient, des chaises auraient été les bienvenues. Le cheval quant à lui patientait debout.

« Vous pensez que c'est lui ? » questionna Neïla dans ma tête.

« Il n'a pas l'air très impressionnant. »

« Restons prudents, » intima Lihan.

Le premier, il s'inclina et nous l'imitâmes avec un temps de retard. Je n'aimais pas être soumise, cette posture me dérangeait.

— C'est Athénor qui vous envoie, n'est-ce pas ? fit l'entité sans bouger ou faire mine de parler.

Ses yeux restaient fixés sur nous, impassibles, immenses, profonds, comme l'océan.

— C'est cela, en effet, confirmai-je en me redressant.

— Il a une dette envers moi, affirma tranquillement le pégase. Je lui ai rendu service autrefois. Que venez vous faire ici ?

Jamais Athénor nous avait parlé de cela ! Comment a-t-il pu nous le cacher ? Notre affaire s'engageait mal. À l'écoute, mes compagnons entendirent mes pensées.

« Laissez-moi parler ! » nous retint Neïla.

Sans protester, nous la laissâmes s'exprimer. C'était elle notre diplomate après tout, elle était plus à-l'aise que nous quand il s'agissait de jouer avec les mots.

— Nous souhaiterions récupérer la magie liquide. Nous savons qu'elle est conservée ici.

— Êtes-vous la porte-parole du groupe ? voulut savoir le pégase, sans répondre à sa demande.

Il semblait accorder une étrange importance à cette question.

— Oui, répondit Neïla, trop vite pour que je puisse l'en empêcher.

« Sois prudente, » lui recommandai-je néanmoins.

Cette situation me mettait mal-à-l'aise.

« Toujours, » sourit-elle brièvement.

— Venez-vous au nom d'Athénor ?

— Nous venons en son nom certes, mais pas pour lui. Notre requête ne concerne que nous.

Pensif, le regard du pégase s'arrêta sur chacun d'entre nous. J'avais l'impression qu'il traversait mon corps, fouillait les recoins les plus profonds de mon esprit. J'en avais la chair de poule.

— Et vous pensez que je vais vous la donner gratuitement ?

Son ton était toujours aussi impassible et il était perturbant de ne pas savoir ce qu'il pensait. Je n'arrivais pas à le comprendre et à anticiper ses réactions.

— Certes pas, se défendit Neïla, reprenant inconsciemment un vocabulaire plus soutenu à mesure de la conversation. Nous n'ignorons pas que tout a un prix. Nous souhaitons connaître le vôtre pour la fiole.

— Êtes-vous sûrs d'être prêts à le payer ?

— Nous le sommes, affirmai-je.

Le pégase ne m'accorda pas un regard et je me tus, frustrée, apparemment, je n'avais pas le droit de m'exprimer.

— Nous le sommes, répéta Neïla.

Je crus un bref instant que la créature souriait. Puis, cette impression s'effaça et le pégase se mit à marcher sur la roche. Ses sabots pourtant immatériels claquaient en un rythme régulier.

— Mon prix est une épreuve. Si vous réussissez, je vous donnerai ce que vous souhaitez. Sinon, vous resterez ici jusqu'à ce que vous parveniez à la surmonter.

« J'espère que vous êtes prêtes à tout, les filles, » lâcha Lihan avec un voix inquiète. « Parce qu'il me semble que l'épreuve va être compliquée. »

Neïla ne laissa rien paraître, tout aussi impassible que son adversaire. Son sang-froid me donna du courage. Ensemble nous vaincrons.

— En quoi consiste-t-elle ?

— Vous devez répondre correctement à mes questions. Vous n'avez droit qu'à une seule réponse et vous ne saurez si vous avez réussi qu'à la fin. Je commence.

Sans attendre, il entonna un chant qu'il répétait en boucle, au rythme de sa marche :

— Je suis plus long que long mais pourtant, je ne suis pas long. Qui suis-je ?

« Une énigme ! » m'exclamai-je, frustrée.

Je n'avais jamais montré d'aptitudes particulières pour résoudre ce genre de devinettes.

« Et facile en plus, » ajouta Neïla avec un demi sourire. « C'est le mot « court ». »

« C'est bien pensé, » reconnut Lihan tandis que Neïla répétait à voix haute sa réponse.

Imperturbable, Uju poursuivit sa mélodie en changeant les paroles. Nous ne savions pas si la réponse était exacte ou non.

— Pourquoi êtes-vous ici ?

Désarçonnée, Neïla nous jeta un regard perdu.

« Je pensais que ce n'étaient que des énigmes ! » se plaignit Lihan.

« Réponds-lui ce que nous avons déjà dit. » intimai-je.

— Nous sommes ici pour récupérer la magie liquide.

— Et pourquoi ?

« C'est perturbant de ne pas savoir si nos réponses le satisfont, » grommelai-je.

« Dis lui que c'est pour construire un monde durable et sain dans lequel tout le monde pourra vivre heureux et manger à sa faim. »

Neïla répéta les conseils de Lihan. Encore une fois, comment savoir si cela suffisait au pégase ?

— Comme les vagues de l'océan, les mots sont changeants. Comme court est plus long que long, vos paroles posent des questions. Que ferez-vous de la magie liquide en fiole, avant qu'elle ne s'étiole ?

« Voilà qu'il parle en vers ! » remarqua Neïla.

« En tout cas, les rimes sont pauvres. Je propose de répondre la vérité, même si elle ne lui plaît pas, » avançai-je.

Ces évènements m'incommodaient de plus en plus, j'aurais préféré une épreuve de force, où nos pouvoirs nous auraient aidés à vaincre notre adversaire. Face à ces questions, je ne savais pas quoi faire.

« Je dois lui dire que nous voulons tuer Karka ? » s'étonna mon amie.

« Mets-y les formes et ça passe tout seul, » lui assura Lihan avec un sourire.

Je craignis que ses propos ne fassent perdre sa concentration à Neïla et qu'elle ne profère une bêtise mais elle s'en tira admirablement bien :

— La magie liquide nous permettra de mettre un terme au déclin de Norfa. Nous voulons rendre à ce pays la beauté qui fut sienne avant l'arrivée de Karka.

Toujours imperturbable, le pégase reprit :

— Il parle toutes les langues sans en comprendre aucune, Il loge dans les hauteurs mais jamais dans les dunes, Il faut bien se garder de lui faire confiance, car il va répéter la moindre confidence.

Je ne compris pas tout de suite ce que la créature nous avait dit avant de me rendre compte que c'était une nouvelle énigme, encore indéchiffrable pour moi.

Le sourire de Lihan s'agrandit :

« Je la connais. Mon père nous la récitait souvent, sans les rimes. Il disait : il parle toutes les langues mais ne les comprend pas. Il n'entend pas ce qu'on dit mais le répète. La forge en est remplie quand le métal est chaud. La réponse est... »

« Un cri ? » essaya Neïla.

« Le bruit ? » tentai-je à mon tour.

« Non, c'est l'écho, » fanfaronna l'adolescent.

Neïla hocha la tête, reconnaissant l'habileté de la déduction. Quant à moi, je ne dis rien, condamnée à regarder mes deux amis tenter de résoudre des devinettes. Je me sentais inutile, je ne pouvais pas les aider.

Lorsque la noble eut répété la réponse, le pégase modifia la mélodie de sa litanie sans l'arrêter. Le bruit que faisaient ses sabots martelant le sol me perturbait et m'empêchait de me concentrer réellement sur ses paroles. Heureusement que Neïla était meilleure que moi à l'exercice.

— Quand un secret est dévoilé, il n'est plus secret. Si vous me dîtes vos projets, d'autres vont s'y pencher. Êtes vous prêts à aller au bout de la quête sans vous soucier des pertes ?

— Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour limiter le nombre de morts et de blessés. Le peuple va savoir que nous nous dressons pour lui. Il combattra à nos côtés et nous donnera la force de ne pas nous arrêter. Nous devons aller jusqu'au bout pour que ces gens aient enfin l'existence qu'ils méritent.

— Et si vous échouez et que Karka sort vainqueur ? Que va-t-il se passer dans leur cœur ? Vous leur donnez un espoir pour aussitôt le retirer, que croyez-vous qu'il va se passer ?

— Nous n'échouerons pas.

Neïla avait dit cela avec une telle assurance que je ne pus que l'admirer.

Le claquement des fers commençait à me taper sur le système. Cependant, je ne dis rien, préférant conserver ma colère à l'intérieur pour ne pas déconcentrer notre porte-parole attitrée qui peinait déjà à garder les yeux ouverts après les fatigues du voyage. Ce dont nous avions besoin, c'était une d'une bonne nuit de sommeil ! Pas d'énigmes et de questions existentielles sur le bien-fondé de notre mission.

— Je suis meilleur que meilleur et je suis pire que pire, d'ailleurs. Les riches ont besoin de moi tandis que les pauvres m'ont déjà. Qui suis-je ?

Ce fut à mon tour de sourire. Celle-ci était facile ! Enfin, je pouvais apporter mon aide pour notre mission.

« Je n'en ai aucune idée, » avoua Lihan.

« Qu'est-ce qui est au-dessus du meilleur et pire que le pire ? »

« Par définition, ce n'est pas possible. » réfléchit Neïla.

« Justement, » ricanai-je. « De quoi ont besoin les riches ? »

« De tas de choses inutiles ? » essaya Lihan.

« Bon... essayons autrement : qu'ont les pauvres ? »

« Pas de l'argent, en tout cas, » répliqua Neïla d'un ton las. « Puisque tu as la réponse, tu veux bien nous la dire pour qu'on n'y passe pas la nuit ? »

« C'est rien. » lâchai-je avec un sourire victorieux.

Je vis leurs visages s'éclairer dès qu'ils comprirent et la solution fut transmise. J'étais fière d'avoir trouvé tandis que mes compagnons n'avaient pas la réponse.

— Ainsi vous irez jusqu'au bout, sans jamais renoncer à tenir debout, peu importent les tempêtes et les ouragans, qui feront de votre chemin une rivière de sang ?

— Il le faut. Ces vies sacrifiées le seront pour éviter que des millions de personnes ne meurent, que les arbres périssent, que la nature soit détruite.

J'avais déjà réfléchi à toutes ces conséquences. Les entendre énoncées à haute voix leur conférait étrangement un tout nouveau poids. Qui étions-nous pour décider du sort de tant de personnes dont nous ignorions les motivations et les envies ?

Et puis, je me rappelais la misère dans laquelle je vivais ainsi que ma famille. Les pauvres fermiers rencontrés sur la route qui nous fermaient la porte par crainte des brigands et n'ayant pas assez à manger pour eux-mêmes. Ma détermination se renforça. Nous ne devions pas céder au doute.

— Je me bats bien souvent contre vents et marées, chantonnait Uju. Je m'enracine au fond, dans la terre submergée. Mon ennemie la vague cherche à me faire faillir, afin de me renverser et couler mon navire. Quant aux rochers souvent ils m'apportent leur aide : ils brisent les courants évitant que je cède. Sans moi, tous les navires iraient à la dérive Devinerez-vous mon nom avant que m'esquive ?

Perplexe, j'échangeai un regard avec mes compagnons qui semblaient ne pas y comprendre beaucoup plus que moi.

« À votre avis ? »

« La solution a un lien avec la mer, » déduisit Lihan. « Mais je ne sais pas lequel. »

« C'est peut-être métaphorique ? » essayai-je, non pas pour trouver la réponse moi-même mais pour donner des pistes de réflexion aux deux autres.

« Je ne vois pas comment. »

Nous passâmes un long moment à réfléchir sur l'énigme. J'étais fatiguée, les autres aussi et il me semblait qu'une bonne nuit de sommeil ne ferait de mal à personne. Cependant, nous ne pouvions nous permettre ce luxe et il devenait urgent de regagner la surface, ne serait-ce que pour rassurer Athénor.

« Dis-lui que tu ne sais pas, » renonçai-je au bout de plusieurs minutes de débats.

Plusieurs minutes dans un échange aussi rapide que la pensée représentaient beaucoup. Nous tournions en rond, incapables de comprendre s'il fallait trouver un sens caché ou non. La fatigue me battait les tempes et il en était sûrement de même pour mes compagnons.

« Tu es sûre ? » s'enquit Neïla qui lisait dans mes pensées. « Que va-t-il se passer s'il existe une réponse ? »

« Il n'est pas idiot, il comprendra que nous ne la connaissons pas, c'est tout. »

Les vagues de doutes qui me parvenaient via notre lien m'exaspérèrent. Je n'en pouvais plus, qu'est-ce qu'elle attendait ?

« Neïla, tu as dit toi-même que nous devions nous dépêcher ! »

« Tu as raison, » reconnut-elle à mon plus grand soulagement.

Je ne voulais pas être aussi brusque mais le temps pressait. Heureusement, mon amie l'avait bien compris.

— Nous ne savons pas, affirma haut et fort la jeune fille.

— Ne pas connaître la vérité est le propre des mortels. L'épreuve est terminée.




Chapitre 6 :

Uju, Gardien des Profondeurs, avait déclaré que l'épreuve était terminée. Il s'était cependant abstenu de préciser si nous avions réussi ou non et nous avait enjoint de le suivre. Nous marchions donc dans un nouveau tunnel et je me demandais sérieusement comment nous ressortirions de cet endroit. C'était peut-être que nous avions échoué finalement. Il allait nous garder pendant de longues années et l'épreuve serait de retrouver la sortie.

« Sarah ! Pense à autre chose et ne soit pas défaitiste, » me réprimanda Neïla.

Comme souvent, elle avait raison. D'ailleurs, nous parvînmes bientôt dans une bulle similaire à la première sauf que celle-ci contenait de l'ameublement. Ou plutôt, un piédestal sur lequel reposait une fiole remplie d'un liquide translucide qui luisait faiblement. Même à quelques mètres de distance, je pouvais sentir la puissance que dégageait cette solution miraculeuse. Cela signifiait-il que nous avions réussi ? Je l'espérais de tout mon cœur.

« Si jamais nous avons échoué... » suggérai-je.

« Je préfère ne pas y penser. »

« Mais si jamais... Il suffit que je me rendre invisible. Je subtilise la fiole et tu nous sors de là, Lihan. »

« C'est impossible, Sarah. Je ne peux me téléporter que dans l'air. L'eau, c'est trop matériel, trop épais. Je ne peux pas, pas encore. »

« Et ta maîtrise de l'eau ? » insistai-je envers Neïla.

« Attendons de voir ce qu'il va nous dire, » esquiva cette dernière.

Comme d'habitude, ils préféraient ne pas penser au problème en espérant qu'il disparaîtrait. D'un autre côté, peut-être avaient-ils raison ? Pourquoi trahir Uju, il serait sûrement moins sympathique si nous volions la fiole.

Le pégase se tourna enfin vers nous et fixa ses yeux sans pupilles sur nous. Cette créature m'intimidait à présent tant elle semblait sage et vénérable. Le précieux objet qu'elle gardait était un réservoir de magie immensément important : le pégase devait avoir une certaine puissance pour avoir pu le constituer.

— Vous avez prouvé que vous vous battez pour une cause en laquelle vous croyez et que vous ne comptez pas vous servir de la fiole dans un but égoïste. Cependant, vous ignorez la réponse à ma dernière énigme.

— Aucun d'entre nous n'a réussi à la résoudre, admit Lihan.

— C'était évident. Je ne pose jamais la même énigme en dernier. Pour faire comprendre à tout le monde qu'il n'a pas toutes les réponses, il faut bien lui proposer quelque chose d'insoluble. Pour vous qui n'avez jamais vu un bateau, la réponse était mystérieuse.

— J'en ai vu des illustrations, se défendit Neïla.

— Bien peu représentent l'ancre qui est pourtant la partie la plus importante à mes yeux.

« Qu'est-ce que c'est, une ancre ? »

Neïla répéta ma question. J'avais l'impression d'être invisible. Le pégase paraissait indifférent de mes prises de parole.

— C'est l'appui qui permet à un bateau de ne pas dériver. C'est la vérité qui permet à une âme de ne pas se perdre. Vous ne connaissiez pas la vérité et ne la connaîtrez peut-être jamais. C'est la loi de la vie.

— Alors, avons-nous réussi l'épreuve ? m'enquis-je, de plus en plus impatientée par tous ces palabres.

Je me fichai de toutes ces paroles. À quoi me serviraient-elles ?

— La fiole est à vous, déclara finalement le pégase en s'écartant du chemin vers notre objectif.

Je poussai un soupir de soulagement. Dans mon état de fatigue, je n'étais même pas sûre de pouvoir me rendre invisible finalement.

Avec une révérence ironique, je m'approchai du piédestal et saisit le précieux récipient entre mes doigts. Ces derniers tremblaient tant la force qui se dégageait était puissante.

— Je vais vous renvoyer à la surface désormais, reprit Uju. Vous n'avez plus rien à faire dans mon royaume. Bon vent et bonne chance dans votre quête !

Nous n'eûmes ni le temps de le remercier ni de dire quoi que ce soit d'autre. Nous disparûmes en quelques instants et la sensation plus ou moins familière d'être retourné dans tous les sens avant d'être rassemblé me saisit. Je pris bien soin de ne pas desserrer les doigts lorsque je tombai, nue, sur le haut de la falaise fouettée par le vent. Je fis bien attention à vérifier que la fiole était toujours présente dans ma main. Elle l'était.

Athénor se trouvait là, fumée blanche qui nous observait. Aucun de nous ne s'en formalisa et nous nous séchâmes aussi rapidement que possible avant de nous vêtir. Je glissai le précieux présent d'Uju dans une bourse à mon cou et me tournai vers Athénor. Sans plus de paroles et avec un grand sourire je déclarais :

— En route pour le palais ?

— En route pour une bonne nuit de sommeil, rétorqua-t-il.

Nous reprîmes la route après avoir restauré nos forces. Le trajet jusqu'à la capitale était plus court que celui des montagnes à la mer. Nous traversions cependant bien plus de villages désolés. Nous étions d'autant plus convaincus d'agir pour la bonne cause et pour restaurer la paix. Cependant, ce qui m'intriguait le plus, c'était que dans chaque village, Athénor s'absentait de longues heures, on ne savait où, et revenait ensuite.

Nous comprîmes ses agissements lorsque dans la plus grande ville que nous traversâmes, nous fûmes accueillis en héros. De tous les côtés, on nous lançait des fleurs – fanées mais des fleurs tout de même –, la foule nous acclamait. Cette fête en notre honneur me réchauffait le coeur, les habitants du royaume étaient d'accord avec nous, avec notre quête. La seule chose qui me parut étrange fut le fait que je ne voyais aucun soldat de Néo à l'horizon. Je ne comprenais pas jusqu'à ce qu'Athénor daigne nous expliquer, lorsque nous eûmes trouvé une auberge et un hôte très accueillant qui choisit de nous loger gratuitement. C'était le seul avantage que je voyais à notre situation pour l'instant.

— C'est la révolution, nous annonça le Mage de but en blanc.

— Pardon ? Une révolution ? répétai-je.

— Ainsi, vous ne serez pas seuls dans votre bataille. Le peuple entier rêve de se soulever. Il leur fallait de l'espoir et de quoi lutter contre la peur. Vous êtes ceux qui peuvent leur donner de l'espoir. Pour la peur, je crains que seule la mort de Karka ne permette de l'anéantir complètement.

— Et si nous échouons ? objecte Lihan. Tout le monde se retournera contre nous et nous serons livrés à leur colère.

— Si vous échouez, vous serez morts, rétorqua le Maître Mage.

Au moins, c'était clair.

— Mais désormais, Karka est au courant que nous voulons le détrôner, objecta Neïla et je l'en remerciai silencieusement. Il va envoyer tous les soldats du royaume à nos trousses.

— C'est le principe d'une révolution, tout le monde se rebelle : les soldats, les paysans, les nobles.

— Nous ne vivons pas dans un monde parfait où tout le monde est contre le tyran.

— Un monde avec un tyran n'est jamais parfait. Maintenant, ce qui n'a pas fonctionné avec les autres révolutions, c'est qu'elles ne rassemblaient pas tout le monde. La vôtre, que vous menez, est guidée par la peur, la faim, la colère et la soif. Tout le monde en pâtit et tout le monde se soulèvera. Je vous le promets.

J'aurais aimé posséder un peu de cet optimisme débordant mais celui qui voyait tout en rose ici, c'était Lihan. D'ailleurs, il fut le premier à se ranger aux arguments de notre mentor alors que Neïla et moi trouvions encore et encore de quoi contester sa décision, sans nous en parler, surtout.

Je finis par trancher :

— C'est fait, de toute façon. Désormais, advienne que pourra.

Mes amis hochèrent la tête et nous nous remîmes en route le lendemain matin. Malgré toutes mes réticences à l'idée que tout le monde connaisse notre but, de l'aide beaucoup plus volontaire nous fut accordée tout au long de notre voyage grâce à la nouvelle qui se répandait comme une traînée de poudre. Lorsqu'il y avait des soldats, c'était plus discret, bien sûr. Cependant, tout le monde chuchotait ou même clamait haut et fort nos noms, parlant de héros qui sauveraient la nation. Nous recevions de nombreuses doléances et questions auxquelles nous étions bien embarrassés de répondre. Après une femme particulièrement insistante qui avait tenu à nous présenter à toute sa famille, Athénor reconnut enfin que parfois, il valait mieux se taire. Ces attentions me plaisaient mais je me sentais parfois mal-à-l'aise. Tout le monde souhaitait nous parler, nous connaître.

Nous avancions néanmoins et vint le jour où nous fûmes en vue de la capitale. Le palais dominait la ville d'une aura sombre et inquiétante qui s'en échappait par vagues. Enfin, on ne voyait véritablement rien mais tous les habitants le ressentaient. Chaque fois que mes yeux se posaient sur les tours noires, je frissonnai. La colère, la haine me prenaient et je ne pouvais qu'espérer terminer ma mission au plus tôt.

— Ça pue les ennuis ici, nota Neïla.

— Ça pue tout court, remarquai-je.

En effet, nous nous étions approchés des bas quartiers et des relents de sueur, d'excréments et de purin nous parvenaient, de plus en plus forts. Ici, la misère était bien pire qu'ailleurs. L'influence néfaste de Karka faisait des ravages incommensurables et je me demandai comment on pouvait survivre dans ces conditions de vie. Les enfants devaient y mourir facilement. Tant des vies gâchées à cause d'un démon...

Avant d'entrer en ville, nous nous étions un peu déguisés en revêtant de longues capes toutes dotées d'un capuchon pour nous masquer le visage. Neïla créait un courant d'humidité qui troublait l'espace devant nous et empêchait de nous détailler réellement. Mon don d'invisibilité me servait à nous rendre passe-partout, plus immatériels aux yeux des autres en quelque sorte. Ainsi, nous pûmes passer inaperçus et nous nous dirigeâmes directement vers le palais. Il était tôt, nous étions bien reposés et il était inutile d'attendre davantage. Notre destin était en marche. Ou nous cheminions vers lui, je l'ignorais. Peu importait. Il fallait le plus tôt possible détruire Karka, le réduire à néant. Je me doutais que le combat ne serait pas facile mais il était de notre devoir d'avancer coûte que coûte, même si nous devons en payer le prix fort.

« C'est le moment de vérité, » mentionna Lihan, une angoisse incontrôlée dans la voix.

Je leur pris les mains.

« Oui, c'est le moment. Mais on vaincra ensemble, comme on l'a toujours fait. »

« Ensemble, » répétâmes-nous à l'unisson.

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