– Pouvez-vous bien me dire ce que c'est que ça, dans ce cas ? me demanda le Directeur, en me mettant sous le nez une photo de moi presque à poil en train de danser comme un taré.

  Il retourna son portable vers lui et défila l'écran pour voir s'il y avait d'autres de ces moments gênants à me montrer pour encore plus me culpabiliser ou me rafraîchir la mémoire sur cette soirée que je préférais oubliée.

  Le bureau du directeur était quand même une salle luxueuse, avec des diplômes encadrés, des affiches quelconques (la plupart pour de la prévention), des portraits de lui-même accrochés au mur et une photo de sa famille sur son bureau.

– Regardez-moi ça, dit-il, en me montrant une autre photo de moi, avec des lunettes fumées au visage, une bière à la main, assis sur la toilette en petite culotte tout en souriant à la caméra.

  On aurait dit que ma classe en entière avait comploté pour que tous mes actions honteuses à la fête du weekend passé allaient être immortalisées et ensuite publiées sur les réseaux sociaux. Même Camélia avait participé au délire ! Bon, après, même si je me demandais pourquoi les élèves avaient fait une chose pareille si ce n'est autre que de me nuire, je ne pouvais pas les réprimander pour cela, car c'était de ma responsabilité de ne pas venir à cette fête débile et de ne pas ne boire comme un trou.

  Il m'en montra une troisième et dernière, cette fois-ci c'était moi en train de dégueuler dans les chiottes (sexy, n'est-ce pas ?), avant de fermer son portable et de me dire :

– Qu'est-ce les parents du lycée vont penser de toi en voyant ça, hein ? Qu'est-ce qu'ils vont penser des nouvelles recrues comme toi que le Ministère a engagées et qui ne font même pas leur travail !

– Mais si, répliquais-je, c'est juste que...

– Non ! me coupa-t-il. Je ne veux rien savoir, rien entendre. Je n'ai pas besoin d'excuse pitoyable d'un soit-disant professeur qui vient foutre la merde dans mon école !

  Je fus happée par la violence de cette dernière phrase. C'était comme s'il n'avait jamais cru en moi, n'avait jamais voulu de moi. Je ne sais pas pourquoi, mais venant spécialement de la part du directeur, ça me blessait plus que tout autre chose, plus que les photos qu'ils ont pris.

– J'ai communiqué avec le Ministère ce matin et ils ont convenu qu'ils te donneraient un avertissement. Tu sais ce que ça veut dire ?

– Oui, Monsieur, répondis-je doucement.

  Il fit fi de ma réponse et m'expliqua tout de même :

– Ça veut dire que, après deux autres avertissements, tu seras obligatoirement mis dehors ! Même qu'avec un avertissement de plus, ils peuvent te mettre à la porte ; alors tu es mieux de te tenir les fesses serrées et le dos droit, jeune homme, parce que, sinon, tu seras expulsé de ce collège, et ce, à vie !

  Il s'avachi dans sa chaise alors que moi je le dévisageais avec un nœud dans la gorge. Alors, d'après ce que j'en comprends, c'est que je n'étais même plus la bienvenue pour lui dans son collège. Je paries que, quand il me regardait, il ne devait pas voir le Samuel, créatif et ingénieux, qui fait des pieds et des mains pour rendre ses cours intéressants et plaisants à la classe. Non, il ne voyait qu'en moins un parasite, un vaurien, un rabat-joie de la pire espèce.

  J'avais tout à coup moins envie de rester ici, de garder mon titre de recrue. Mais si j'étais resté professeur pour les jours passés, ce n'était pas pour ce loser en haut de ma tête qui me faisait la morale sans même me connaître. C'était pour les élèves et je devais garder à l'esprit ma véritable raison d'être.

  Après avoir encaissé d'autres réprimandes, finalement je pus m'extirper de son bureau et aller dans ma classe, là où j'allais bientôt commencer mon cours. Je savais que je ne parlerai pas de la soirée de ce weekend et que je ne réprimanderais personne non plus. Déjà que la journée commençait du mauvais pied, je n'allais pas la rendre pire. Mais cette journée, quoiqu'il en soit, allait devenir pire de toute façon.