– C'est pourquoi la phrase « Sébastien a eu vraiment chaud ! » n'est pas exclamative, même si elle contient un point d'exclamation à la fin, car il n'y a pas de terme exclamatif tel que « comme » ou « que » en début de phrase.

J'entendis rire derrière moi et je détournai ma tête du tableau pour voir ce qu'il s'y passait. Je zieutai la classe, et évidemment, ne vis rien de travers, même si je savais que quelque chose de suspect se tramait dans mon dos. Je fis semblant de reprendre :

  – Ainsi, dans la prochaine phrase, nous avons...

Je me retournai vivement et vis Bryan lancer une boule de papier à son ami Stanley de l'autre côté de la classe, lequel était sur le point de contre-attaquer de la même manière.

  – Euh, les gars, est-ce que je peux bien savoir ce que vous êtes en train de faire ? demandai-je, et ma question les rendit immobiles.

  – On était en train de... euh... s'amuser ? hasarda Bryan.

  – Vous amusez ? répétai-je.

  – Euh... oui ?

  Bryan semblait un peu confus par la situation et j'eus un court moment de réflexion, puis je demandai avec un sourire en coin :

  – Est-ce que ça veut dire que moi aussi je peux m'amuser avec vous ?

  Les deux garçons, pris au dépourvu, me regardèrent d'abord avec des yeux gros comme des planètes, puis ils s'esclaffèrent. Les autres élèves ricanèrent eux aussi, mais de manière plus discrète, voire étouffée. Stanley me lança avec moquerie tout en riant :

  – Oui oui, vous pouvez venir jouer avec nous aussi si ça vous chante !

  Je me dirigeai vers leur pupitre et ramassai la boule de papier lancée et pris celui de Stanley. Je vis, au passage, que la classe était elle aussi intriguée par la situation et se questionnait sur ce que je m'apprêtais à faire.

  Les deux garçons m'observèrent avec curiosité, puis je leur dis, avec le plus grand sérieux :

  – Venez avec moi en avant de la classe.

  Et paf, leur sourire disparut aussitôt, comme si un magicien venait de leur jeter un sort de malheur. Stanley et Bryan partageaient leur regard inquiet entre moi et eux deux.

  – Vous m'avez bien entendu, dis-je, fier de mon effet. Vous avez dit que vous vouliez jouer avec moi, alors amusons-nous ensemble !

  Je voyais bien qu'ils n'avaient pas envie de se lever et d'aller à l'avant. Mon invitation semblait même les terrifier. Mais il fallait que je leur tire la manche encore un peu plus fort.

  – Allez ! Venez à l'avant ! Vous n'avez rien craindre, je vous le promets.

  Les deux garçons étaient encore hésitants et attendaient que l'autre fasse quelque chose.

  – Allez, venez, répétai-je d'un ton un peu plus las cette fois-ci.

  La classe commençait à s'impatienter devant ce spectacle languissant. Un deux devait agir. Dans un soupir, Stanley se leva et, contraint par l'influence de son ami, Bryan fit de même. Ils me suivirent jusqu'à l'avant de la classe où ils firent face à leurs camarades de classe.

  – Alors, très bien, dis-je en me frottant les mains, on va maintenant pouvoir enfin commencer à jouer !