Isabelle - Jour 5 (2/2)
Je détournai la tête en croisant mes bras puérilement, comme une fillette qui refuse d'obéir à ses parents. M'apercevant que Nolan allait m'attendre aussi longtemps que je m'entêtais à résister, je pris finalement sa main, à contrecœur, et nous quittâmes son bureau.
Nous marchâmes dans le couloir pour terminer sur la porte qui menait à la salle d'attente.
– Avant de te laisser entrer et dire ce que tu as à dire, je vais te donner quelques derniers conseils. Premièrement, c'est normal d'avoir ce qu'on appelle « le trac ». C'est normal que tu sois un peu angoissée par ce que tu vas faire, mais tu dois relativiser et te dire : « Est-ce que la situation est vraiment aussi anxiogène qu'elle l'est vraiment ? ». La plupart du temps, la réponse sera non.
J'hochai la tête.
– Deuxièmement, essaies de te concentrer sur une personne à la fois. Comme si tu t'adressais à une seule personne dans ton audience, mais que cette personne change de visage et de place. Je sais que c'est un peu flou comme description, mais essaies.
– J'y vais ?
– Ouais. Bonne chance ! Ou je devrais plutôt dire bon courage !
Je posai ma main sur la poignée de la porte close. Je jetai un dernier coup d'œil vers Nolan et il me fit un clin d'œil. J'esquissai un sourire un peu gêné, puis j'ouvris la porte. La lumière des larges fenêtres m'aveugla en premier, puis je retrouvai une vision normale.
Des adultes entre la fin trentaine et la soixantaine attendait sur patiemment leur tour assis sur des chaises. Une femme lisait un magazine ; un autre, un vieil homme, dormait sur une chaise ; un autre avait les yeux rivés dans le vide, perdu dans ses pensées ; et finalement une autre femme quadragénaire me regardait avec sa sacoche carmine sur ses cuisses. Même s'il n'y avait pas tant de personnes présentes, j'étais quand même très nerveuse.
Je pris mes inspirations et expirations habituelles, puis j'essayai de faire comme Nolan m'avait conseillé, de regarder une personne à la fois lorsque je dirais ma courte phrase :
– Je vais... !
Tous ces yeux se dirigèrent vers moi, même le Monsieur endormi s'était réveillé en sursaut pour m'apercevoir au milieu de la pièce.
Je n'aimais pas ça du tout. Tout le monde me mirait comme s'ils scrutaient mon âme. Je me sentais brûler sous leur regard et ils attendaient que je reprenne la parole, mais j'en étais incapable. C'était trop gênant, trop de Je sentais ma patate battre la chamade, et je savais que finirais par exploser si je restais là, inerte et coite.
Puis, d'un seul coup, rougissant sous la honte, je m'enfuis pour rejoindre Nolan, en claquant la porte derrière moi.
– Je ne suis pas capable ! lui dis-je. Je ne pourrai pas, je ne peux pas, c'est trop dur pour moi...
– C'est correct, Isabelle, ça va bien aller, me consola Nolan en prenant mon bras. Tu as essayé et c'est ça l'important. Maintenant, j'aimerais que tu y retournes et que tu le fasses mieux cette fois-ci.
– Ah non, dis-je, effarée. Ah non, là, ça ne va pas être possible. Pas question que je remette les pieds dans cette foutue salle d'attente !
– Isabelle, s'il-te-plait, fais-le. Comment veux-tu t'améliorer et pouvoir parler à tes élèves si tu ne te pratiques pas.
– Oui, mais non, je ne suis pas capable. À chaque fois, je figes, c'est comme si le fait que les gens me regardaient me paralysaient.
– Mais qu'est-ce que je t'ai dit, tout à l'heure ? Il faut que tu relativises ! Ce n'est pas parce que les gens te regardent qu'ils portent un jugement sur toi nécessairement et même si c'est le cas, qu'importe ! Tu es là pour dire ce que tu as dire, pas pour prendre en considération ce que les autres pensent.
J'étais indécise. Je n'avais vraiment pas envie de retourner là-dedans. En plus, si je reviens, ils vont me trouver encore plus bizarre et seront encore plus confus ! Mais, comme il a dit, j'imagine que ça importe peu...
– Allez, réessaies. Avec un peu de chance et d'effort, ça devrait mieux aller cette fois.
Non pas sans un soupir, je me remis devant la porte, puis je l'ouvris brusquement pour revenir au centre de la pièce.
– Je vais guérir, dis-je sur un ton faible, presque dans un murmure.
Je retournai à l'intérieur et demanda à Nolan :
– Puis, c'était bon ou pas !?
– Hum... pas vraiment, non. Ce n'était pas assez fort, on entendait à peine. Et, en plus, tu n'as même pas pris le temps de regarder la foule et de bien prononcer les mots. Retournes-y en prononçant bien et en prenant ton temps, ça ne sert à rien d'entrer en trombe et d'y partir sur le même pied.
– Bon, d'accord, dis-je, retournant dans la salle.
Les personnes dans la salle étaient de nouveau dans leur état amorphe de feuilletage de magazine, de roupillon, de réflexion ou autre.
– Hum hum ! fis-je en me raclant la gorge pour attirer l'attention.
Je voyais les figures exaspérés et crispés des patients, puis les regardant tous un à un sans considération pour ce qu'ils pensaient de moi, je dis :
– Je vais guérir.
Je les regardai pendant un autre court moment, et quand je perdis leur attention à nouveau, je partis de la salle et rejoignis Nolan avec un large sourire.
– Bravo ! Tu as très bien fait, me félicita-t-il.
– Merci.
– Retournes-y encore une fois, mais maintenant, je veux que tu cries.
– Non, non, non, là, vous devez en train de déconner, parce qu'il n'est pas question que j'y retourne encore une fois. J'ai fait ce que vous m'avez demandé, n'est-ce pas assez ?
– Oui, mais il faut que je te mets hors de ta zone de confort. Faire des choses que tu n'as jamais faites. Alors, je t'en supplies, Isabelle, et après je te laisserai pour la journée.
– Bon, d'accord...
J'y retournai, attendis d'avoir l'attention, puis criai :
– Je vais guérir !
Je retourna voir Nolan.
– Voilà, c'est fait !
– Pas à ma satisfaction, répliqua-t-il. Crie-le plus fort, à pleins poumons même ! Je veux que toute la ville en entière t'entende crier !
Je soupirai, mais j'obtempérai. Je retournai, fis la même chose, mais dit :
– Je vais guérir !!!
Lorsque je revins une nouvelle fois, Nolan remuait sa tête de droite à gauche pour montrer sa déception. Ce petit jeu commençait vraiment à m'énerver. J'arrivai en trombe dans la salle d'attente où plus personne ne se préoccupait de moi, habituée à me voir venir et partir, puis je criai de toute mes forces :
– JE VAIS GUÉRIR !
Les têtes se redressèrent et je regardais, furieuse, les patients.
– JE VAIS GUÉRIR ! répétai-je. JE VAIS GUÉRIR, JE VAIS GUÉRIR, JEEEEEE VAAAAIIIIIS GUÉÉÉÉRRRRIIIR !!!!!!!!!!
J'avais hurler si fort que mes poumons brûlaient de douleur. J'étais essoufflée et les personnes dans la salle d'attente me regardait avec un visage ébahi. Même la réceptionniste en était stupéfaite et avait la bouche béante. Je ne ressentais plus aucune gêne. Seulement une sorte de petite colère, une colère qui était dirigé à tout ceux, au primaire, qui pensait que jamais je n'allais jamais être capable de parler à une classe ou à une foule tout court.
Je quittai la salle d'attente pour la dernier fois, telle une tempête, et claqua la porte derrière moi. J'accourus, pétillante de bonheur, vers Nolan et je sautai dans ses bras, chauds et réconfortants. J'aurais voulu y rester pendant toute ma vie...
– Merci, chuchotai-je.
– Tu vois que t'es capable, hein ?
On abandonna l'étreinte, puis il dit :
– Mais je pensais que tu avais mal au genou ? Ça ne t'a pas fait mal de courir ?
Oh. Oups, j'avais oublié...
– Aïe, oui, maintenant, oui, ça fait très mal ! mentai-je, avec un jeu d'acteur si pitoyable que ça nous fit, à moi et Nolan, nous tordre de rire.
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