Isabelle - Jour 4 (1/2)
Ainsi, j'étais dispensé de mon cours d'aujourd'hui. J'étais un peu déçue que je n'allais pas revoir mes élèves de sitôt, mais, au moins, j'allais revenir en classe avec une prononciation impeccable et une assurance inébranlable. Évidemment, ça, c'était dans le meilleur des cas, mais je savais que ça allait être plus difficile à faire qu'à dire.
J'arrêtai mon véhicule dans le parking de l'orthophoniste. Je descendis de ma voiture et entrai à la bonne adresse. La secrétaire, lorsque je lui mentionnai Nolan Dufort, m'indiqua qu'il m'attendait qu'il était à la deuxième porte à gauche.
Je cognai à son bureau et il m'accueillit avec chaleur, en me souhaitant la bienvenue et en me priant d'entrer.
– Isabelle Meyer, c'est ça ? dit-il en me donnant une poignée de main, alors qu'il refermait la porte derrière moi.
– Oui, c'est ça, répondis-je, obnubilée par le torrent bleu ciel de ses yeux qui contrastait avec le brun ténébreux de ses cheveux. Il était encore plus craquant en personne qu'en photo. Et il n'avait que vingt-et-un an !
– Tu peux t'asseoir, Isabelle.
Je m'exécutai rapidement. Même peut-être un peu trop rapidement, puisque Nolan laissa passer sur son visage une expression légèrement étonnée.
– Alors, comme on t'a sûrement déjà informé, on va passer les deux prochains jours ensemble, peut-être même plus si je vois que ta situation ne s'améliore pas, mais pour l'instant, nous allons nous tenir à deux jours.
On a tout le temps qu'on a besoin, pensai-je, folle de ce mec que je connaissais à peine encore.
– Dis-moi, comment s'est passé ta journée ?
– Ma... Ma journée ? Elle s'est très bien passée.
Pourquoi peut-il savoir comment s'est déroulée ma journée ? S'inquiétait-il déjà pour moi ? C'est sûrement ce genre de mec trop bienveillant, sensible et toujours inquiet pour les autres. Décidément, il devenait de plus en plus mignon et attachant, ce Nolan !
– Et qu'as-tu mangé pour déjeuner ? Essaie de mettre le plus de détail possible, s'il-te-plaît.
– Euh... un bol de céréales sucrées Fruit Loops avec du lait 2%.
J'espérais que cette réponse le satisferait, mais il me regarda d'un air satisfait.
– C'est tout ? demanda-t-il.
Merde, peut-être que je dis quelque chose de travers. Peut-être qu'il n'aime pas les filles qui boivent du lait 2%... ou pire, peut-être qu'il n'aime pas les filles qui mangent des céréales le matin ! Oh non, ça doit être ça... vite, je dois me reprendre.
– Mais vous savez, précisai-je.
– Tutoie-toi moi, Isabelle, je t'en prie.
– Ah, désolé. Je voulais dire que j'aime aussi manger des toasts le matin avec du Nutella. Beaucoup de Nutella...
Idiote, pourquoi j'ai spécifié cette partie !
– D'accord..., dit-il sur un ton montrant un zeste d'exaspération.
Tu vois, tu l'as complètement traumatisé !
– D'autre chose à me dire ?
Non, tu ferais bien de fermer ta gueule, crétin de cerveau, si tu ne veux pas brûler toutes tes chances dès la première journée...
– Ah, tiens, pourquoi tu ne me parles pas de cette première journée d'école ? dit-il. Raconte-moi ce que tu pensais avant de venir au collège, s'il y avait quelque chose qui te tracassait avant d'entrer dans ta classe ou bien comment tu te sentais pendant le cours...
Oh, je vois qu'il est plus un "emotional guy". Je vois le genre...
– Et bien, je me rappelle qu'à mon réveil cette journée-là, j'étais déjà anxieuse d'aller enseigner. J'ai toujours été comme ça, même quand j'étais enfant et que je faisais des présentations orales, je réussissais difficilement à m'endormir la veille. J'étais trop nerveuse.
– Est-ce que tu sais ce qui te rend si nerveuse lorsque tu t'exprimes devant une foule ? Est-ce qu'il y avait un professeur qui t'avait maltraité quand tu étais plus jeune ?
– Non.
– Aucun ?
– Non.
– Tu es sûre ?
– Oui.
Essaye-t-il de me psychanalyser ou quoi ?
– Bon, dans ce cas, dit-il, il est possible que tu aies la peur des foules.
– Tu parles de l'ochlophobie ?
– Quoi ?
– Ah non, rien.
Je devrais vraiment m'apprendre à me taire parfois, pensai-je.
– Est-ce qu'il t'arrive parfois d'aller dans un concert et te sentir des malaises ou autre ?
– Non. Mes malaises n'arrivent que lorsque je m'adresse à une foule.
– Je vois, dit-il en griffonnant deux ou trois mots dans le bloc-notes qu'il tenait dans sa main. Il est possible que, quand tu étais plus jeune, tu aies été traumatisé par une présentation orale que tu avais fait et que tu associes maintenant les élèves avec ce moment humiliant, non ?
– Peut-être, je ne sais pas, peut-être, j'étais trop jeune pour m'en souvenir, mais dans ce cas-là, mon traumatisme ne serait-il pas que limités qu'aux élèves et aux enfants en général ?
– Bon point, mais il n'est pas impossible qu'il se soit généralisé...
Il sembla pensif et il mâchouilla le bout de son stylo-plume en fixant son calepin quasi-vide. Je voyais qu'il essayait de m'aider, mais moi-même j'avais longtemps cherché d'où venait ma peur sans jamais avoir trouvé.
– Peu importe, il semble que ta phobie soit de nature inconnue, conclut-il. Il faudra donc faire autrement. Pourrais-tu te lever, s'il-te-plaît ?
Je me levai et il se plaça derrière moi et... il mit ces mains sur mon ventre. C'était doux, suave... et presque sensuel.
C'était comme si tout alentour de moi était devenu rose, que le plancher était devenu un vaste champ de tulipe et je m'imaginais que je pourrais me retourner et voir ce beau Nolan me dévorer du regard, avant qu'il ne me dise de sa voix grave et viril :
– Embrasse-moi, poupée.
– Volontiers, je répondrais.
Et ainsi on s'embrasserait toute la journée, toute la nuit s'il faut, et nous vécûmes heureux et eûmes beaucoup d'enfants.
– Euh... Isabelle, pourrais-tu ne pas mettre tes mains sur les miennes et les mettre en l'air, s'il-te-plaît ?
– Oh, euh... oui, désolé.
Quelle connasse je suis...
– Comme ça ? demandai-je.
– Oui, parfait. Maintenant, j'aimerais que tu fermes tes yeux et que tu t'imagines devant tes élèves, comme si tu revivais ton premier cours.
Je pris l'exercice au sérieux et revis les élèves devant moi, assis à leur pupitre. Je me sentis déjà envahi et gêné devant cette grande foule me dévorant toute crue du regard.
– Essaie de parler aussi, me conseilla Nolan.
– Bon-Bonjour chers... euh... chers é-élèves.
– Très bien, dit-il en enlevant ses mains sur mon ventre et en posant son index et son majeur sur ma tempe.
J'attendis, puis il se rassit à son fauteuil devant moi.
– Bien, alors tu peux te rasseoir, me demanda-t-il gentiment. En effet, c'est comme je croyais, tu fais preuve d'une forte anxiété devant les élèves : ton diaphragme se contracte et s'ouvre très rapidement, ce qui augmente ta respiration. J'ai pu déterminer tout ça en sentant ton ventre se gonfler et se dégonfler.
– Est-ce que c'est dangereux ?
– Lorsque la respiration est trop rapide et forte, oui. C'est d'ailleurs ce qui a dû se passer lorsque tu as été surprise dans ton cours. Ton cœur devait battre très vite, et par l'effet de surprise, il s'est surmené en battant plus rapidement, trop rapidement même, et c'est comme ça que tu as fini par... défaillir.
Comment savait-il que je m'étais évanouie durant mon cours ?
– Bon, peu importe, je ne suis pas docteur, seulement orthophoniste. D'ailleurs, j'ai senti ton pouls plus tôt et ton cœur semblait battre anormalement vite. Est-ce que quelque chose te préoccupe particulièrement présentement ?
Non, ce n'est pas vrai. Ne me dites pas que c'est littéralement mon cœur qui va trahir mes sentiments amoureux !
– Non. Seulement la foule, j'imagine, répondis-je naïvement avec un petit rire nerveux.
– Très bien, dit-il en écrivant dans son carnet.
Ouf, c'enétait moins une...
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