Isabelle - Jour 3 (2/2)
On m'a demandé aujourd'hui de me présenter aux bureaux du Ministère de l'Éducation. Ils n'avaient pas spécifié la raison de ma convocation, mais je savais que, dans de tels cas, c'était rien qui promettait d'être bon. Ils allaient me parler du cours de la veille, j'en étais convaincu. Et probablement me congédier par la suite.
Après tout, peu importe ce que le directeur en pensait, j'étais véritablement incapable de m'adresser à une foule sans complètement massacrer ma diction et parfois même figer. J'étais un peu triste que mon séjour en tant que professeure se termine si tôt et de cette façon, mais j'avais déjà fait mon deuil. J'étais prête à faire face à ma sentence.
L'immeuble du Ministère était immense. Juste à observer sa hauteur, j'en ressentis des papillons dans le ventre. Je pris une bonne inspiration, me mis au pas et entra dans l'édifice.
Je pris l'ascenseur et sortit à l'avant-dernier étage. Je me dirigeai vers le bureau que l'on m'avait indiqué et je toquai à la porte.
J'appréhendais l'accueil et le redoutait plus que tout. Mon cœur s'agitait de tous les côtés dans ma poitrine, comme s'il voulait s'échapper de ma cage thoracique et partir pour ne plus jamais revenir.
Enfin, quand la porte s'ouvrit, je crus bien avoir une crise cardiaque.
– Euh... Isabelle ? Isabelle ? Isabelle Meyer ? répéta l'homme qui venait de m'ouvrir la porte alors que j'étais dans les nuages.
– Oui ? répondis-je soudainement.
– Est-ce que vous allez bien ?
– Oui, je fige parfois quand je suis très nerveuse, expliquai-je en poussant un petit rire à la fin.
– Je vois ça... entrez, je vous pries.
J'obtempérai et il referma la porte derrière moi. C'était une salle qu'on aurait dit tout droit sorti du 19ème siècle : tableaux historiques et portraits d'hommes méconnus couvrant les murs, meubles de chêne antiques bordant la pièce, horloge de parquet situé au fond et bibelots aussi vieux qu'inutiles avalant la poussière sur les meubles.
Alors que je contemplai cette pièce d'une autre époque qui contrastait radicalement avec la modernité voyante des autres locaux du bâtiment, il m'indiqua de m'installer sur le fauteuil en cuir devant le sien. Maintenant face à face, il me demanda :
– Savez-vous pourquoi je vous ai convoqué, Madame Meyer ?
– Je crois bien que oui, répondis-je. J'ai des problèmes d'anxiété et je ne peux pas m'exprimer correctement devant une classe.
– C'est exact. C'est d'ailleurs ce que nous avons remarqué aussi. Vous savez donc ce que ça veut dire ?
– Oui, dis-je en baissant mes yeux. J'ai préparé toutes mes choses pour me départ et je suis prête à partir de cet école.
L'homme eut une mine confuse.
– Qu'est-ce que vous voulez dire ?
– Vous n'allez pas me congédier !? criai-je, surprise.
– Non, comment avez-vous eu cette... ?
Je sautai sur l'homme, envahie d'une indicible euphorie, et le serra dans mes bras de toutes mes forces en répétant plusieurs fois « Merci, merci, merci ! ». L'homme, mal à l'aise et étonné d'une telle réaction, tenta de me pousser et de se retirer de mon étreinte, mais je voulais lui faire savoir à quel point j'étais reconnaissante.
– Je suis content que vous soyez heureuse de rester professeure, mais là, il serait temps de me lâcher, souffla-t-il.
J'obéis et le laissai respirer. Je me rassis et il réajusta son veston.
– Donc je disais... oui, il faut trouver une solution à votre anxiété et vos troubles de la parole. C'est pourquoi j'ai décidé de faire affaire avec un orthophoniste. Tenez, dit-il en me remettant sa carte professionnelle.
D'après le carton, son nom était Nolan Dufort et, d'après sa photo, il avait l'air jeune avec ses yeux bleus, ses cheveux bruns ondulés et sa mâchoire bien définie. J'avais déjà hâte de le rencontrer.
– C'est un des meilleurs de la région, m'informa l'homme. L'information concernant l'adresse et comment le contacter est déjà inscrite sur le papier. Tu prendras des cours le soir de deux heures chaque jour de la semaine. Vous n'enseignerez pas pour les deux prochains jours ; le reste sera à la discrétion de Monsieur Dufort. Évidemment, ces cours d'orthophonie seront payés par le gouvernement. Ça vous va ?
– Oui, tout à fait, merci beaucoup ! le remerciai-je en lui serrant la main.
– N'oubliez pas d'aller à vos cours d'orthophonie. Ça commence dès demain, à 17 heures.
– Je vous le promets que j'irai. Merci encore pour tout, Monsieur !
Je sortis des locaux du Ministère avec le pas léger et l'esprit enjoué, et pour la première fois en trois jours consécutifs, je m'endormis sans effort ni difficulté cette nuit-là.
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