Isabelle - Jour 1 (2/2)
Je me réveillai sur un modeste sofa gris. La pièce étroite dans laquelle je me trouvai était décorée sobrement, mais toutefois plus luxueuse qu'une salle de classe. Je me relevai et m'assis sur le divan. J'avais la tête encore étourdie et douloureuse ; néanmoins, je me sentais reposée. Un homme apparut derrière la porte entrouverte de ma pièce et m'aperçut éveillé. Je le reconnus immédiatement par son habit d'aristocrate qu'on aurait cru qu'il portait depuis sa naissance - veston gris, chemise blanche, cravate bleu et noir - et de son inimitable moustache touffue poivre et sel. C'était le directeur de l'école.
– Ah, Isabelle ! s'étonna-t-il avec un semblant de surprise. Te voilà enfin de retour parmi nous. Alors, dis-moi, comment te sens-tu ?
Je cherchai la réponse qui représentait le mieux mon état actuel, quand je trouvai enfin :
– Vachement minable.
J'aurais cru qu'il aurait secrètement gloussé dans sa moustache, mais il eut la réaction complètement inverse : il montra une mine triste et désolée.
– Je te comprends. On m'a appris ce qu'il s'est passé tantôt en classe et, en effet, le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est malheureux pour toi...
« Merci pour le soutien », pensai-je avec amertume, désormais encore plus déprimée.
– Mais tu sais, poursuivit-il en prenant place à côté de moi, les professeurs rencontrent tous un jour ou l'autre leur impasse et leur moment de faiblesse. Ça aussi, ça fait aussi partie du travail et tu n'as aucunement besoin de te sentir mal pour ça.
À quelque part je savais bien qu'il avait raison, mais je ne pouvais pas m'empêcher de penser que, tout de même, une professeure à sa première journée de classe qui bafouille tout ce qu'elle dit puis perd connaissance, et tout ça en moins de deux minutes, ça n'arrive pas souvent dans le monde de l'enseignement.
– Il est quelle heure ? demandais-je soudainement en prenant conscience que les élèves étaient peut-être encore dans mon cours.
Il jeta un coup d'œil à sa montre dorée que je devinais excessivement dispendieuse, puis il me répondit :
– 9 heures et demi. Ton cours est terminé, Isabelle.
J'étais un peu déçue que le cours soit déjà fini et que la seule et première impression des élèves garderont de moi n'aura été qu'une série de balourdises, enchaînées une à la suite de l'autre. Mais, peu importe, le mal est déjà fait. Il est donc préférable qu'ils ne me revoient plus jamais.
– Ne t'inquiètes pas, dit-il, comme s'il avait lu dans mes pensées, tu pourras toujours te reprendre demain, à ton prochain cours.
– Attendez, quoi ? Vous n'allez pas me virer ?
– Bien sûr que non ! Je viens de te dire que l'erreur est humaine et qu'il est te reste encore beaucoup de temps pour te rependre. Quand bien même je voudrais te relever de tes fonctions, je ne le pourrais pas puisque ton contrat est envers le gouvernement, et non envers l'établissement scolaire ; donc, il ne revient pas de ma responsabilité de te renvoyer.
– Tu ne croyais tout de même pas que nous allons congédier une brillante demoiselle comme toi pour une faute aussi bénigne, n'est-ce pas ?
– Si, un peu, répondis-je carrément. Vous voyez bien que je suis incompétente et que je ne peux pas rien dire à une foule sans trébucher dans mes mots, non !?
Cette « faute bénigne », comme il le disait si fabuleusement, a manqué de peu de me convaincre que je m'étais trompée dans ma décision de devenir pour un temps indéterminé enseignante au secondaire, pour des gens de mon niveau !
Il sembla contemplatif pendant un moment, puis il lâcha :
– Non, tu es loin d'être incompétente, Isabelle. Je ne te connais pas depuis très longtemps, mais je vois dans ton caractère une détermination et un souci du travail bien fait que l'on voit pas aussi souvent que l'on croit chez les autres enseignants. Je ne dis pas ça que pour te flatter, je le pense réellement, ma chère. Je sais aussi que tu seras capable de travailler sur toi-même et que tu seras t'adresser proprement à une classe. Tout ce qu'il te manque, c'est de la confiance en soi.
– Justement, je ne sais pas comment avoir confiance en moi ! me plaignais-je.
– Il suffit seulement que tu croies en toi, Isabelle, que tu croies en tes capacités, que tu croies que tu peux enseigner, que tu croies pouvoir parler correctement devant un groupe d'élèves. Le Ministère, avec ces critères sévères, t'a choisi comme « recrue » pour une raison, tu ne crois pas ? Ils savent que tu as les compétences pour enseigner, et nous, nous le savons tout autant et avons besoin de ton savoir-faire.
Il me donna une gentille tape dans le dos, puis se leva et se dirigea vers la sortie. Le directeur se retourna vers moi et me conseilla sur un ton doux :
– Tu devrais te reposer chez toi, Isabelle. Tu as besoin de dormir pour reprendre un peu de vigueur pour demain. À plus tard.
Sur ces mots, il disparut tel un voleur. Je restai là, seule dans la pièce, les mains sur les cuisses, à réfléchir à propos de tout ça. Je pense que le mieux serait de suivre ses conseils, même si, en vérité, je n'avais pas vraiment envie de m'assoupir.
En tout cas, pour une première journée, ça promettait pour celles à venir...
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