Le carrelage était chaud quand Lyra s'appuya dessus. Elle venait de sortir de la maison après un bon repas. Le Soleil dominait le ciel et l'herbe était jaunie par la chaleur.

Lyra suivit les pas japonais qui menaient au compost, puis dévia au dernier moment pour courir jusqu'aux longues tiges, semblables à du blé, dans lesquelles elle s'étendit.

Le Soleil caressait son corps, lui inculquant une sensation de bien-être.

Tel était son quotidien. Heureux, et chaud.

Soudain, un bruit retentit. Lyra courut jusqu'aux lauriers où elle se réfugia entre les branches.

Un énorme monstre verdâtre arrachait l'herbe dans un rugissement continu.

Lorsque le monstre tourna le dos, Lyra sortit de sa cachette et agrippa la branche la plus proche. Elle se hissa dessus, puis recommença avec la suivante, jusqu'à atteindre le haut de la haie. Elle sauta alors en dehors du jardin et courut à travers la route goudronnée, jusqu'à n'entendre plus que le rugissement lointain de la créature.

Son coeur battait à tout rompre et sa respiration était saccadée.

Elle ne se décida à rentrer que lorsque le grondement se fut tu.

Hésitante, elle vérifia bien que la bête avait disparu avant de revenir, en passant par un trou dans le grillage.

L'herbe était rase, et des longues tiges dans lesquelles elle aimait se reposer, il ne restait plus qu'un amas de minuscules souches rigides.

Reniant sa tristesse, elle rentra à l'intérieur et partit se coucher, après avoir avalé quelques morceaux de viande.

Le lendemain, quand elle se réveilla, elle voulut sortir, comme à son habitude. Non seulement elle ne pouvait pas aller dans ses tiges, qui avaient été dévorées la veille, mais en plus, de nombreuses branches parsemaient l'herbe.

Les lauriers, qui l'avaient bien aidé à se cacher, quand le monstre était venu, étaient en train de se faire torturer.

Leurs branches étaient une à une jetées négligemment devant la terrasse, puis découpées en petit morceaux et enfournées dans un sac. Qu'adviendrait-il de ces branches ? Serviraient-elles de pâture au monstre ? Lyra ne le savait pas. Mais le spectacle la terrifiait, surtout que les branches, immenses, pourraient lui tomber dessus à chaque instant et mettre fin à sa pauvre vie.

Ne pouvant rester ici plus longtemps, elle réussit cette fois à atteindre le trou du grillage, et n'eut pas à escalader les pauvres lauriers, qui étaient déjà mal en point, et un lieu dangereux.

De nouveau hors d'atteinte, Lyra laissa cette fois-ci libre court à sa peine.

«Mes tiges sont rases et les lauriers sont mutilés. Des monstres viennent sans arrêt chez moi. Quelle est la prochaine étape ? Pourrai-je revenir sans danger ? Pourrai-je seulement vivre à nouveau heureuse dans ce jardin ?»

Cette fois-ci, elle resta dormir dehors. Pour plus de sécurité dans ce monde hostile, elle se hissa sur une grande branche et réussit néanmoins à s'endormir paisiblement.

Les jours passaient, et Lyra rentrait à la maison le plus furtivement possible, juste pour manger. Elle restait quelques fois dormir à l'intérieur, mais ne restait jamais trop longtemps dans le jardin, qu'elle considérait désormais comme un terrain miné. La torture des lauriers continua, jusqu'à-ce que leurs membres soient raccourcis parallèlement au sol.

Taillader les branches au sol et les ranger prit encore quelques jours, et les sacs furent emmenés très loin, sur le dos d'un autre monstre, encore plus néfaste. Lyra sentait l'odeur de mort qui en émanait.

Lorsque Lyra rentra, ce jour-ci, le jardin était entièrement dégagé. Seules quelques feuilles vagabondes voltigeaient encore au milieu de l'herbe.

Elle s'avança alors lentement, craignant une nouvelle attaque. Elle surveillait tout. Le sol comme le ciel. Qui sait, peut-être un monstre aérien viendrait-il la kidnapper.

Elle s'enquit alors de vérifier chaque recoin du jardin et de remarquer les dégâts. Une avalanche de voix vint de la maison, sans que Lyra en tînt compte.

-On a enfin fini !

-Oui, vous avez fait du bon boulot ! Le jardin est tout beau comme ça !

-Quarante sacs, pour ramasser tout ça, hein ! Record à battre !

-Oui, vous y avez passé du temps !

-Regarde le chat ! Il se sent perdu, avec tous ses changements !

-Oui, elle allait toujours dormir dans le «blé», en plus.

-Vraiment, elle me fait rire. Lily ! Minou minou minou !

Lyra releva la tête vers le groupe d'humains debouts sur la terrasse. Elle hésita un instant, repensant aux lauriers. Mais aucun monstre ne se montrait. La chatte se mit alors à trottiner vers eux. Puisqu'on l'appelait, hein !

Texte de coco6274 (coco6274 )