Écrire l'histoire sans le H
Je soupire en reposant mes copies sur le bureau, je ne suis pas forcément prêt à l'heure qui va suivre, chaque jour dans ce lycée me semble plus compliqué que le précédent, les heures sont comme interminables, il m'est impossible de rester concentré et je subis les rires insupportables des adolescents qui n'ont pas conscience qu'ils sont là pour se forger un avenir dans notre société...
La sonnerie retentit et je m'installe sur ma chaise en attendant la classe de terminale A, l'angoisse montant en moi, les supporter dès huit heure du matin... Surtout lui... Ils me font remettre en cause mon choix de carrière, je rêvais de devenir prof depuis l'enfance, mais alors ces gamins m'en découragent de plus en plus...
Enfin bref ! Il y en a quand-même quelques uns qui veulent travailler et réussir et je suis là pour les y aider ! Alors je relève la tête, rajuste ma cravate et ma veste avant de passer debout pour saluer les premières élèves qui rentrent, un trio de jeunes filles qui sont toujours à l'heure, polies et calmes.
En sommes, mes trois seules élèves respectueuses... Il y en a bien quelques autres dans cette classe mais vraiment pas beaucoup.
- Bonjour monsieur Park ! Bon début de semaine !
- Bonjour Yuki, merci et à toi aussi, bonjour Chaeyeong et bonjour Seoyeong.
Je leur souris alors qu'elles vont s'asseoir à leur place, tout devant, et les autres arrivent ensuite au compte-goutte, quasiment tous en retard, dans un brouhaha infernal, pour s'affaler sur leur chaise en faisant le plus de bruit possible.
Ça commence bien ce lundi matin...
- Bien ! Écoutez-moi s'il vous plaît ! Silence !
Évidemment, personne ne prête attention à ce que je raconte et je suis obligé de frapper à plusieurs reprises dans mes mains.
- Merci ! Donc, sortez vos manuels et ouvrez-les page trente-six ! Nous allons continuer le chapitre là où nous étions arrêté la dernière fois. Quelqu'un peut-il me rappeler ce que l'on avait dit vendredi sur la Deuxième République ? Jeongin ! Daniel ! Arrêtez ça tout de suite !
Les deux garçons ricanent mais cesse pour le moment leurs âneries et je soupire en interrogeant Seoyeong.
- Nous avions dit que la Deuxième République n'avait officiellement duré que trois ans, de 1960 à 1963, et que le président élu à ce moment-là était Yun Po-Sun.
- Exactement, quelqu'un a t'il des précisions à apporter ? Seungm-
La porte s'ouvre soudain d'un coup sec et je sens la colère monter en moi, évidemment, toujours le même.
- Song Mingi. Frappe à la porte avant d'entrer. Où est ton billet de retard ? grondais-je en me tournant vers l'élève de grande taille qui rentre sans aucune gêne dans la pièce, déclenchant des vivats chez ses camarades.
Il a un rictus moqueur et se rapproche de moi en haussant insolemment les épaules.
- Un billet de retard ? Pourquoi faire ? M'en faudrait un si j'étais à l'heure.
Son ton est effronté, sa posture pleine de railleries, il a un sourire en coin fier, il sait très bien qu'il a déjà gagné cet échange verbale que je n'ai pas envie de poursuivre.
Je me pince la glabelle et je l'entends rire de plus belle, ce qui m'énerve encore plus, mais j'arrive à rester calme.
- Va t'asseoir en silence et sors tes affaires. Tu as suffisamment dérangé le cours.
Son regard ne me dit rien qui vaille et il se tourne pour aller s'installer.
A mon bureau.
Faisant rire et siffler les autres élèves qui commencent à semer le chaos, criant, agitant leurs affaires et acclamant le fauteur de trouble principal.
- Song Mingi ! Ça suffit ! m'écriais-je en traversant la salle à grandes enjambées pour lui intimer de se relever.
Il pose insolemment ses pieds sur mon bureau et me sourit en faisant tomber mes cours au sol d'un seul geste.
- Je me suis assis monsieur. Et je n'ai pas fait de bruit. Pas besoin de s'énerver.
La moutarde me monte sérieusement au nez et je regrette amèrement de ne pas être un autre élève actuellement, il n'aurait pas volé une baffe.
Mais non, j'ai vingt-deux ans, je suis le prof, je dois rester calme même face à ce gamin qui me rend la vie impossible et grâce à qui je perd le sommeil et l'appétit.
- Va à ta place. Tout de suite.
Il ne se redresse même pas et rétorque en tirant sur sa cravate d'uniforme mal-mise.
- Non. J'ai pas envie. J'suis bien installé. De toute façon, que je sois ici ou là-bas, personne n'écoute le cours.
Mon poing se serre et je sens mes muscles se contracter de colère, le problème est que la colère me donne envie de pleurer, c'est insupportable.
Je réussis malgré tout ça à ne pas le gifler et je lance, glacial.
- Yuki, va chercher le CPE s'il te plaît. Mingi, tu es exclus du cours.
La jeune japonaise se lève pour sortir et je la vois du coin de l'oeil se hâter dans les couloirs alors que le grand châtain se contente de rire sans bouger d'un millimètre.
Impuissant face au désordre de la classe qui pour une fois était assez calme, je regarde les élèves crier, se lancer des affaires dessus, monter sur les tables, se moquer ouvertement de moi, et je respire profondément, rester calme, rester calme....
Putain !
Je frappe de toute mes forces sur le bureau, faisant tomber, dans un fracas qui résonne longuement dans la salle, ma gourde de métal, et il y a une seconde de silence avant que le CPE, Donghae, ne rentre.
Il ne me dit pas un mot et fonce sur l'élève assis à ma place pour lui intimer de se lever d'un ton menaçant.
Le châtain ne cille même pas et décroise ses longues jambes pour fournir l'effort de se mettre en position debout.
Enfin.
Mais ma tête me tourne, autour de moi, les rumeurs résonnent dans la classe, des moqueries, des commentaires sur mon état, les rires des adolescents qui n'ont pas conscience qu'au fond, je suis aussi un adolescent en construction encore, et je vacille légèrement en m'appuyant sur le bureau pour garder l'équilibre.
Je souffle profondément alors que Mingi est sorti de la salle par le CPE et je vois une surveillante arriver en criant sur les élèves pour ramener le calme alors que je réussis à reprendre une contenance extérieure.
Enfin, je me redresse et fais face à la classe qui ne semble absolument pas plus conciliante ou sympathiques, j'ai la sensation d'être en face de juges qui m'enterrent déjà, mais je ne montre aucune émotion, reprenant comme calmement mon cours.
- Je disais donc... Qui peut rajouter des informations sur ce que disait Seoyeong ? Oui Seungmin ?
- En 1961, un coup d'État militaire porte Park Chung-hee au pouvoir et il dissout l'Assemblée nationale qui avait été démocratiquement élue en 1961 aussi, donc le président n'a pas finit du tout son mandat.
Je hoche la tête et la fin de l'heure se passe dans un brouhaha terrible qui me donne mal au crâne, comment peuvent-ils penser qu'on ne les entend pas se moquer de nous ? Ces élèves qui croient que je suis sourd ou particulièrement idiot... Je sais très bien ce qu'il dise, et pour cause, ils ne prennent pas la peine de chuchoter...
Son cours est ennuyeux, Mingi a bien fait de l'interrompre ! T'as vu comme il fait vieux, apparemment, il aurait dans la vingtaine mais vas-y, on dirait qu'il a trente pige ? Vas-y, j'suis sûr si tu lances ton élastique, tu le touches ! Il s'est énervé comme un bébé face à Mingi ! Il est trop nul ! Il a bégayé ! Té-ma sa gueule, à tous les coups il va pleurer ! Il a trop cru qu'il était intéressant ? Heureusement que Mini l'a remis à sa place ! Il croit quoi ce prof ? Qu'on l'écoute ?
Putain.
Quand enfin, ils quittent la salle, je m'effondre sur ma chaise de bureau et prend mon visage entre mes mains en essayant de respirer.
C'est pas du tout ça que j'avais prévu en devenant prof... J'espérais juste transmettre ma passion aux élèves, leur apprendre des choses, et les aider... Mais bon, j'ai été naïf sans doute.
- Seonghwa ?
La voix d'un de mes collègues, un autre prof d'histoire, résonne, et je vois Taeil arriver.
- Viens en salle des profs boire un café, ça va te faire du bien. T'as eu la classe de Mingi ? Ils sont particulièrement durs à gérer ceux-là.
Je hoche la tête en me levant et je soupire.
- Je commence à regretter d'avoir choisi de commencer à travailler comme prof remplaçant au lieu de juste faire mes études.
- Ne regrette rien ! Ça va donner du poids à ton CV plus tard et tu pourras choisir de ne pas revenir dans cet endroit !
Il me tapote le bras alors que nous rejoignons rapidement la salle des professeurs en esquivant les couloirs bondés, et je m'effondre sur une chaise pour prendre un café.
C'est insupportable...
Et dire que je les ai encore une heure aujourd'hui...
Mes jambes me lâchent alors que j'arrive chez moi et je pousse un cri épuisé en retombant sur mon canapé.
L'angoisse que j'ai accumulé dans la journée continue de monter car je sais que j'ai encore la terminale A demain.... Il n'y a que le mercredi que je ne les ai pas en cours....
Ce Mingi aura ma peau.... Avec ses rires, ses moqueries... Son insolence qui ne fait qu'augmenter l'effronterie des autres... Autres qui ne sont pas en reste de me rendre fou...
Depuis le début de l'année, j'ai essayé d'adapter mes cours pour que ça corresponde au maximum aux élèves, j'ai créé des sessions vidéos interactives, j'ai proposé des jeux, fais du cours classique, demandé ce qui pourrait les intéresser même, mais non, à chaque fois ils n'en ont rien à faire malgré tous mes efforts...
Je me demande franchement si je suis fait pour le métier de prof au final, c'était mon rêve depuis toujours mais je n'avais jamais imaginé ça...
Je travaille jusqu'à pas d'heures pour fournir aux élèves des cours les plus intéressants possible tout en continuant mes propres études, je leur propose du soutien personnalisé en cas de besoin alors que j'ai quatre classes à ma charge, ce qui fait cent-vingt élèves en tout, mais ils préfèrent se moquer de moi plutôt que de voir les efforts que je fais...
Et pourtant, je reste plutôt calme même quand ils sont insupportables, je fais tout pour ne pas être agressif, pour rester neutre et avenant à chaque cours... C'est horrible.
En plus de ça, ils font remonter de vieux complexes en moi, toutes classes confondues, parce que si la terminale A est la pire, les autres ne sont guère mieux... A croire que les commentaires ne peuvent être faits que sur mon physique ou sur mes erreurs, tout le reste, on s'en fout, c'est ce qui ne va pas qui est relevé...
Je n'arrive plus à bien manger, tout ça me coupent l'appétit, je ne dors que quelques rares heures entrecoupées par l'angoisse que me procure le lendemain...
Dire que j'ai choisi de prendre ce post parce que je voulais commencer ce qui me passionnait... A la place, ça me fait perdre toute vie sociale à cause du temps que ça me prend et je ne peux même pas être heureux de faire ce dont je rêvais parce qu'au final, c'est un enfer...
Le lycée, il n'y a pas que pour les élèves que c'est dur parfois...
Je vide ma tasse de café en regardant la pendule, plus que cinq minutes avant la sonnerie....
Aujourd'hui plus que jamais, je suis angoissé et absolument tout sauf prêt à faire cours.... J'ai apprit hier soir le décès de ma grand-mère à l'hôpital... Je n'ai même pas pu aller la voir ce dernier mois... J'étais tellement surmené que faire le trajet jusqu'à Jinju était impossible...
Et là... Je ne pourrais pas non plus aller à l'enterrement parce que je dois assurer les cours... Il n'y a pas de possibles remplacements et en tant que prof étudiant, je n'ai pas le droit à une absence non-médicale...
Je ferme brièvement les yeux, les épaules tendues, comment faire cours dans ces conditions ?
Je dois le faire. Il y a malgré tout des élèves attentifs qui ont besoin d'étudier, qui ont besoin que je sois opérationnel. Je suis le prof, pas le lycéen qui peut se permettre de ne pas être concentré à chaque minute.
La mélodie familière résonne et je range ma tasse en me levant, souris Seonghwa, la journée ne fait que commencer.
Un à un, les élèves arrivent et je les salue malgré que la plupart ne prend même pas la peine de me répondre. Une fois que tout le monde, sauf l'éternel retardataire, est installé, je commence mon speech avec autant d'entrain que j'arrive à mettre dans ma voix.
Honnêtement, c'est à dire pas beaucoup... Mon cerveau ne fait que penser à la terrible annonce que m'a faite ma mère et je suis plus concentré sur le fait de rester impassible que sur celui d'être intéressant...
Comme à chaque fois, la porte s'ouvre d'un coup brusque et Mingi entre en foutant un bordel incommensurable.
- Va t'asseoir en silence. A cette place-là.
Je suis encore plus sec que d'habitude et je lui lance un regard aussi noir que je le peux, je n'ai pas envie de me battre aujourd'hui, j'espère qu'il va être plus conciliant que d'habitude.
Qu'est-ce que j'espérais déjà ?
Il a volontairement déclenché le chaos dans la classe en une phrase et je sens mes nerfs craquer.
- Maintenant stop ! T'arrêtes tes conneries et tu t'assieds ! Merde à la fin ! hurlais-je soudain, faisant sursauter les adolescents habitués à ma voix calme, ma politesse exemplaire et ma patience assez grande.
Mais ça n'a même pas l'air de déconcerté le plus grand qui explose de rire en secouant la tête.
- C'est pas en gueulant que vous allez vous faire plus respecter monsieur. C'est ridicule dans tous les cas.
Je serre le poing pour la énième fois alors que le bruit dans la classe monte de plus en plus et les remarques qui fusent me font tituber légèrement alors que j'essaie de reprendre mes esprits.
Mais trop, c'est trop. Je suis submergé par le trop plein d'émotions, de bruits, d'angoisse, et tout se trouble.
Je sens mes jambes lâcher, j'aperçois vaguement le sol se rapprocher, et même si je n'ai pas la douleur de l'impact, je comprend avant de sombrer dans l'obscurité que je me suis tout simplement évanoui.
- Monsieur Park ? Monsieur Park ?!
Je sens un liquide froid couler sur mon visage alors que je suis incapable d'ouvrir les yeux, et une voix grave résonne vaguement en fond, il y a beaucoup d'agitation autour...
- On fait quoi Mingi ? Il a l'air d'être tombé dans les pommes !
- C'est une mauviette ce prof sérieux, s'évanouir pour si peu.
- J'avoue !
Des doigts passent sur mon visage, le picotement d'une tape se répand dans ma joue, mais je n'arrive pas à bouger, et le châtain lance.
- Daniel, va chercher un surveillant, il se réveille pas.
- Tape plus fort ! Là, c'était rien du tout ! On va pas se bouger pour ça quand même !
Il y a un silence et je m'attend confusément, dans les vapes, à recevoir un coup puissant, je n'ai aucun doute quant à la force physique possédée par Mingi, mais rien.
- Vous êtes complètement cons, j'suis pas un bâtard, allez chercher un pion ou je vous envoie à l'hosto.
Une porte s'ouvre et se referme alors et de l'eau est de nouveau versée sur mon visage, accompagnée de tapotements.
- T'es un gros malade ! s'écrit une voix de fille, c'est Chaeyeong qui semble avoir eu du mal à se frayer un passage parmi l'attroupement que forment sans doute ses camarades, Pousse-toi de là connard ! Monsieur ! Monsieur, vous m'entendez ?!
J'entends inintelligiblement ce qui parait être une mini-lutte et un bruit de chute.
- Yah ! Arrête tes conneries Song ! hurle la jeune femme dont la voix me semble être plus proche de moi, elle doit être tombée, peut-être poussée par un autre élève, mais je ne suis pas en mesure d'intervenir.
La porte se fait de nouveau entendre et cette fois, c'est des bruits de pas précipités que j'entends.
- Seonghwa ?! Hé Seonghwa !
C'est Hongjoong... Un des surveillants avec qui je m'entends particulièrement bien, nous nous voyons un peu en dehors du travail pour prendre un café de temps en temps.
- Mais qu'est-ce que vous avez fait ?! Seonghwa ? Tu m'entends hyung ?
Cette fois, au prix d'un effort considérable, après qu'une main ai prit la mienne, je réussis à la presser lentement.
- Putain merci... Ok hyung, on va t'amener à l'infirmerie... Yuki, va chercher un autre surveillant pour garder un œil sur vous, Mingi, tu vas te rendre utile, aide-moi à le transporter jusqu'à l'in- Mais qu'est-ce que tu fabriques ?!
Je suis arraché du sol comme une plume et je met du temps à réaliser que le châtain m'a décollé sans effort, son bras sous mes cuisses, l'autre sous mon dos.
- Repose-le ! C'est pas comme ça qu'on-
- Vu ta masse musculaire, on en a pour six mois si on fait autrement, donc je suis sympa, je t'aide à l'emmener là-bas, estime toi heureux déjà.
- Mais tu n'as pas à toucher ton professeur de cette manière !
- Bon écoute le nain, tu veux que je le lâche ? Y a pas de problème mais c'est pas moi qui prend les conséquences s'il se fracasse la nuque. Donc arrête de faire chier et bouge ton cul, j'ai pas les clés.
Il y a de nouveau un silence, et je ne tarde pas à resombrer dans l'inconscience qui est oh combien plus confortable que les cris.
Je traîne des pieds en sortant de mon appartement, après mon malaise lundi, j'ai été voir le médecin qui m'a accordé une semaine de congés médicaux pour raison de trop forte angoisse et de surmenage, et j'en ai profité pour pouvoir aller à l'enterrement.
Aujourd'hui, nous sommes dimanche soir, il est tard, aux alentours de vingt-trois heure, et je dois passer à la supérette parce que j'ai réalisé qu'il me manquait des affaires indispensables type bouffe.
Je n'ai pas eu la foi de faire de vraies courses cette semaine mais je n'aurais pas le temps la prochaine, donc il faut que je le fasse maintenant bien qu'il soit particulièrement tard...
La lassitude et l'angoisse sont probablement visible sur mon visage malgré la capuche rabattue sur ma tête, il pleut et le vent est assez froid mine de rien, et l'absence d'envie dans mes mouvements est ridicule.
Je fais normalement toujours l'effort de bouger, d'avoir un peu d'entrain, d'énergie, mais je n'en ai actuellement plus l'envie... Cette semaine "sabbatique" ne m'a pas vraiment aidé, j'ai dû tenter de faire le deuil tout en rattrapant mes cours et mon sommeil, chose que je n'ai pas fini, j'ai juste angoissé encore plus du lundi qui se rapprochait bien trop vite et je n'ai même pas fait mon sport habituel...
Je me désespère à me laisser aller même si ce n'est qu'une semaine, pour quelqu'un de maniaque comme moi, une semaine c'est énorme, mais je crois que j'y suis pour rien.
J'ai juste un gros coup de moue, ça va passer.
Oui.
Ce n'est qu'une phase, je vais réussir à retrouver l'envie de me lever le matin.
J'y crois.
Ou tout du moins, je veux y croire.
Je passe les portes automatiques du petit magasin 24/24 et je salue poliment la caissière en retirant ma capuche et en essuyant mes pieds, on va éviter de ruiner le travail des agents d'entretiens.
Je crois que je suis le seul client dans la supérette, tant mieux, et je remplis mon petit sac cabas de ce dont j'ai besoin assez rapidement.
Mais où est le sopalin ? Je cherche rapidement dans les rayons avant d'enfin mettre la main dessus et je me dirige ensuite vers la caisse en sortant ma carte bleue.
La jeune femme me sourit grandement en me voyant et commence à passer mes articles avant de me demander poliment ma carte d'identité.
Ah oui, c'est vrai que j'ai pris une bouteille de soju.
Je lui tend mes papiers et elle observe rapidement la date de naissance, et semble également s'attarder sur mon prénom.
- C'est bon, ça vous fera un total 68 464,557 ₩ monsieur.
- Ce sera par carte s'il vous plaît.
- Aucun soucis, insérez-là ici et tapez votre code.
Elle me regarde avec beaucoup d'attention, mon visage tout du moins, pas mes mains, et demande avec une certaine timidité.
- Excusez-moi, mais pourrais-je avoir votre numéro ?
Je suis pris de court par sa demande et l'observe cette fois attentivement, un peu dérouté.
Elle est belle avec ses cheveux sombres qui auréolent un petit visage doux et souriant aux yeux bridés étincelants. Beaucoup plus petite que moi, elle dégage une vive énergie pétillante pleine de joie de vivre et bien qu'elle ai l'air un peu intimidée, elle semble pleine de confiance en elle.
J'accepte alors d'un hochement de la tête, pourquoi pas ?
- Je m'appelle Dahyun, se présente-elle alors en enregistrant la série de chiffres sur son portable.
- Je suis Seonghwa, répondis-je bien qu'elle l'ai sans doute déjà vu.
- Vous êtes particulièrement beau Seonghwa ! affirme la brune et je sens mes joues chauffer.
- Merci beaucoup, je vous retourne le compliment.
Il y a une seconde de silence avant que Dahyun ne demande.
- Ne pouvons-nous pas nous tutoyer ? Nous devons avoir dans les mêmes âges.
- J'ai vingt-deux ans.
- Moi aussi !
- Alors tutoyons-nous.
Il n'y a personne dans le magasin, pas étonnant vu l'heure tardive, et nous commençons à bavarder un peu, c'est agréable comme moment.
Elle est sympathique, extravertie et très spontanée, ce qui me plaît bien même si je suis d'un naturel plus réservé et discret, et notre conversation tourne autour de nombreux sujets différents, volatiles mais pas non plus superficiels.
- Tu as un très beau sourire, charme t'elle alors que j'esquisse ce franc rictus de bon coeur.
- Et bien, tu as le compliment facile, m'amusais-je.
- Je dis ce que je pense ! C'est bien d'être honnête non ?
- C'est même génial.
Elle a aussi un sourire éclatant, et je note intérieurement que j'ai sans doute toutes mes chances avec elle, elle filtre directement sans se cacher ou sans être ambiguë, je dois donc l'intéresser, sans compter que se serait mentir de dire qu'au premier abord, elle ne me plaît pas.
C'est le petit bip de la porte s'ouvrant qui nous coupe dans notre discussion et je m'éloigne légèrement d'elle alors qu'elle salue la grande silhouette encapuchonnée qui vient d'entrer.
- Bonjour !
Elle se tourne ensuite vers moi avec un sourire joyeux.
- J'imagine que tu vas rentrer chez toi.
- Effectivement, il se fait tard et je dois travailler demain.
- Alors on reparlera plus tard ! N'hésite pas à repasser ! Je travaille ici tous les soirs sauf le mercredi et le jeudi !
- C'est noté, je reviendrais.
Je lui offre mon sourire le plus charmeur, après tout, c'est bien de la drague, et je lui lance en me redressant.
- Tu peux m'envoyer un message quand tu veux ! A bientôt Dahyun.
- A bientôt Seonghwa ! Passe une bonne nuit !
Je quitte la supérette en remettant ma capuche, un sourire aux lèvres et le coeur un peu plus léger, me voilà avec un nouvel objectif, la brune me plaît et c'est réciproque, dont pourquoi ne pas tenter ? Oui, je vais pouvoir me changer les idées et apprendre à connaître quelqu'un qui semble vraiment adorable, peut-être que si le courant passe vraiment bien, on se datera.
Oui, enfin un peu de positif !
J'affirme ma prise sur l'anse de mon sac et marche à grandes enjambées revigorées, allez ! A bas les idées noires !
Malgré la pluie battante, je suis vraiment de bonne humeur, contrairement à tout à l'heure, et je remonte rapidement la rue, ne faisant pas attention aux bruits de pas et aux voix qui résonnent en contrebas, sans doute d'autres étudiants revenant de soirée.
Enfin, je n'y prête pas attention jusqu'à ce qu'une main empoigne mon poignet et qu'une odeur d'alcool inonde mes sinus.
- Hé toi là ! lance une voix rauque, appartenant clairement à un homme ivre.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demandais-je en dégageant vivement mon bras.
-File ton sac !
Son intonation est bancale, entrecoupée, pas besoin d'être un génie pour savoir qu'il a bu bien plus que de raisons, mais la nervosité monte en moi alors que je m'écarte de lui d'un pas brusque.
- Allez-vous en.
Il explose d'un rire gras et se rapproche de nouveau de moi en m'imitant d'une voix criarde.
- Allez-vous en... T'as cru que j'allais t'écouter ? File ton sac !
Ses remarques me font penser à mes élèves et je serre les dents en secouant négativement la tête, acculé par le mur.
Putain mais pourquoi maintenant ? J'étais de bonne humeur et-
Il attrape mon sac et tire violemment.
- Donne moi ça !
- Mais stop ! Arrêtez !
- C'est pas comme ça que tu vas te faire respecter, ricane soudain une voix qui ne m'est pas du tout inconnue avant qu'un jeune homme que je connais ne rentre dans mon champ de vision pour dégager mon agresseur.
Mingi ?!
Complètement dérouté, je met du temps à réagir et je me redresse vivement en récupérant au mieux la lanière de mon cabas avant de reculer rapidement alors que l'inconnu ivre détale, comme paniqué.
L'alcool rend vraiment le comportement des gens illogiques...
- Song Mingi, qu'est-ce que tu fais-là ?
- J'te retourne la question.
- Je suis majeur, j'ai le droit de sortir à cette heure-là.
- J'suis majeur aussi.
C'est vrai que j'oubliais qu'il avait passé le cap des dix huit ans aussi.
Mais bon, là n'est pas le sujet.
- Bref. Merci de ton aide.
Je passe sous silence son absence de respect quant au tutoiement et m'éloigne à pas rapides quand il me dépasse d'un coup, me faisant piler.
Sur des dalles trempées.
Je bascule en avant et il me réceptionne d'un coup, me faisant heurter le mur derrière moi.
Mon sac de courses tombe, son visage se retrouve proche du mien et ses deux mains encadrent mon visage alors que son corps est excessivement près de moi.
Il y a un flottement, le temps que nous comprenions ce qu'il se passe et il se recule souplement avant de disparaître aussi vite qu'il était apparu, me laissant complètement abasourdi.
Je ferais mieux d'aller me coucher...
Je suis assis à mon bureau à corriger des copies quand on toque à ma porte et je fronce les sourcils, il n'y a personne qui vient entre midi et deux dans les couloirs normalement.
- Entrez.
Je tourne la tête et fronce les sourcils.
- Rebonjour Chaeyeong, tu as un problème ?
La jeune femme n'a pas l'air à l'aise et elle se balance d'une jambe sur l'autre.
- Euh... Je voulais vous parler de quelque chose.
- Je t'écoute. Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Vous n'avez pas entendu la rumeur ?
- Quelle rumeur ?
Je n'ai pas eu leur classe ce matin à cause, enfin grâce, à un évènement sportif, et je n'ai par conséquent eu qu'une classe de secondes en deuxième heure.
- Euh...
Elle zieute à droite et à gauche avant de marmonner.
- Des élèves disent vous avoir vu avec Mingi dimanche soir, très proche physiquement... Et... La rumeur comme quoi vous seriez son.... Plan cul... Tourne depuis sur les réseaux à cause de... De ça...
Elle sort son portable et je vois une photo de moi et le grand brun, sous la pluie, contre le mur, prise d'une telle manière qu'on jurerait que nous sommes en train de nous embrasser.
La stupeur doit se lire sur mon visage alors que je me lève d'un bond.
- Pardon ?!
- Je ne sais pas si c'est vrai ou quoi mais je préférais vous prévenir... Ça a fait le tour de l'établissement et... Et les autres élèves ne sont pas vraiment aimables avec vous...
- C'est absolument infondé ! m'indignais-je, sentant la fureur monter en moi, mêlée d'angoisse, c'est un coup à avoir de très grosses emmerdes ça.
Je ferme les yeux en me pinçant la glabelle.
- Bon... Merci beaucoup de m'avoir prévenu Chaeyeong.
- De rien monsieur...
Je serre les dents et demande.
- Tu sais ce que Mingi en dit ?
- De ce que j'ai entendu, il n'a pas dit grand chose, pour une fois il a fermé sa grande gueule. Pardon ! se reprend elle en posant ses mains sur sa bouche.
- C'est bon...
- Euh... Si je vous dis quelque chose, est-ce que ça peut rester secret ? Je ne veux pas avoir d'ennui pour avoir été une balance...
- Vas-y.
- Mingi a défoncé Hanse ce matin... Parce que c'est lui qui a pris et divulgué la photo...
L'incompréhension se dessine un peu plus sur mes traits et je souffle.
- Récapitulons, il y a une rumeur dans le lycée comme quoi... Je coucherais avec Mingi, rumeur diffusée à la base d'une photo qui est totalement sortie de son contexte... Et Mingi se serait donc battu avec la personne ayant lancé tout ça...
- Ce n'est pas se battre monsieur, il l'a vraiment écrasé...
- Je vois...
Jusqu'à là, la réaction de Mingi est probablement liée au fait que sa réputation à dû prendre un sale coup avec cette rumeur, mais moi dans tout ça, je vais avoir de très gros problème, bien plus que lui, si ça remonte aux oreilles de la direction.
- Je suis désolée de venir vous l'annoncer comme ça mais ça me paraissait important que vous le sachiez.
- Non mais tu as très bien fait Chaeyeong.
Je commence à faire les cents pas, angoissé, je n'arrive pas à assimiler la chose...
- Ça... Va vous amener des ennuis ?
- De gros ennuis oui... Même si c'est un quiproquo, c'est ma carrière qui est en jeu... C'est on ne peut plus illégal.
- Même si Mingi est majeur ? Je veux dire, je ne pense pas qu'il se passe quoique soit entre vous, ça ne me regarde pas d'ailleurs, mais en soit, il est majeur donc-
- Mais c'est mon élève, il n'est majeur que depuis très peu qui plus est, j'ai des obligations et des interdits, et même si ce n'est pas légalement condamnable sur le point prison ou amende, ça peut me bannir du métier...
- Une rumeur peut faire ça ?
- Si elle prend trop d'ampleur et qu'elle ne peut pas être prouvée fausse, oui. En plus, il y a photo à l'appui...
- Mais c'est un montage non ?
- Non, c'est un malentendu mais cette scène c'est vraiment passée à l'exception que l'angle de vue est trompeur, nous ne nous embrassions pas.
Elle hoche la tête et je me lèche nerveusement les lèvres, que faire ? A l'heure qu'il est, tout le lycée a connaissance de la rumeur et ce n'est qu'une question de jours pour que je sois convoqué...
- Il n'y a rien qu'on puisse faire ? Demande doucement la jeune fille.
- Je ne sais pas... Je n'ai pas encore reçu de formations pour ce cas de figures...
- Peut-être que... Qu'il faudrait demander à ce conna- à Mingi... Il est dans l'affaire aussi... Et ce ne lui a pas plu comme rumeur... Sa meuf l'a largué en entendant ça... Et il se prend pas mal de remarques aussi, comme quoi vous... Vous ridiculiser publiquement aurait-été mieux... Ils ne portent pas les profs dans leur coeur...
Je serre le poing, ils n'ont vraiment pas conscience de la portée de leurs actes... Ils prennent la vie pour un jeu...
Soit, la vie est un jeu de plateaux où il suffit d'un mauvais tour de stratégie pour que son pion vole.
Une action irréfléchie d'adolescents qui peut détruire des vies...
Et aujourd'hui, c'est mon avenir qui peut-être mis en péril avec ça...
Que faire ?
Déjà, joindre Mingi. Oui, il faut que nous en parlions aussi, il est concerné dans cette affaire même s'il n'y est pour rien.
- Chaeyeong, est-ce que tu peux discrètement aller chercher Mingi s'il te plaît ? Je sais que tu ne le portes pas dans ton coeur mais-
- J'y vais monsieur, je comprend. A tout de suite.
Elle quitte rapidement la pièce et je me rassied à mon bureau, pâle et angoissé, je n'ai que quelques mois de carrière et il m'arrive déjà quelque chose d'aussi compromettant et problématique qu'une rumeur de liaison avec un élève...
C'est si dangereux...
Je porte ma gourde à mes lèvres, calmant les légers tremblements de mon poignet, et je réussis à ne pas sursauter quand la porte s'ouvre sur la grande silhouette de Mingi, dominant complètement la petite stature de sa camarade de classe.
- Mais t'as jamais appris à toquer ? Grogne la brune en foudroyant du regard le géant qui referme la porte avant d'aller s'affaler sur une chaise.
- Tu peux dégager la na-
- Non.
Si je me retrouvais seul avec le châtain, ça risquerait d'empirer la chose, et bien que Taeil se trouve juste à côté, il doit tout entendre vu que sa porte et la mienne ne sont guère isolées, je préfère éviter.
En plus, Chaeyeong a un bon esprit critique et elle sera sans doute capable de nous aider.
Et puis... Rester seul avec le lycéen qui a l'air dans une rage folle ne me rassure pas, il est capable de me briser les os d'un coup de poing et je plaisante à peine.
- Ça empirerait la situation cr- Mingi, lâche la plus jeune en tirant une chaise pour s'asseoir à son tour.
- Du calme. Bon, je n'ai pas à t'expliquer pourquoi je t'ai fait venir Mingi.
- Effectivement. Ce n'est pas nécessaire.
Son ton est froid, particulièrement impressionnant, en fait, le Mingi insolent est nettement moins imposant que le Mingi énervé, il ne fait pas que vous couper le soufflet, non, il vous écrase de sa présence et de son timbre, et cela jette un blanc pesant.
- Quoiqu'il en soit, je n'ai rien à voir dans la propagation de cette putain de rumeur. Ce qui s'est passé hier soir était réellement un coup du hasard, je désamorce toute accusation potentielle.
- Je ne pensais pas t'accuser. C'était impossible que ce soit prémédité.
- Si ce n'est pas indiscret, que c'est-il passé ? Je suis perdue...
- Je revenais de courses tardives et j'ai croisé Mingi en rentrant chez moi, expliquais-je, Et j'ai glissé, d'où la photo compromettante. Il ne faisait que me rattraper...
- Wow, tu sais faire autre chose qu'être un bâtard parfois ? Siffle t'elle à son camarade avant de s'excuser, Désolée monsieur ! Je ne voulais pas !
- C'est bon... Je vais tolérer ça pour le moment... De toute manière, je ne suis pas en âge de vous dire que jurer est le pire des crimes... Mais évitez de vous insulter.
- T'es ridicule.
- Tu n'as pas à me tutoyer Mingi.
- Le vous n'est-il pas marque de respect ? Je n'ai aucun respect pour toi.
- Que tu ne me respectes pas en ton fort intérieur n'est pas mon problème, mais tu n'as pas le droit d'être insolent comme ça. Je suis ton professeur, pas un autre élève. Mais ce n'est pas le sujet.
- Ouais, cette saloperie de rumeur. J'imagine que vous avez qu'à dire que c'est faux et problème réglé. De toute manière, avec une seule photo foirée en plus, c'est pas suffisant pour prouver quoique ce soit, grogne le plus grand, revenant au vouvoiement de façon drastique, analysant sans doute que le tu donne une impression de proximité qu'il n'y a pas entre nous.
- Malheureusement, ce ne sera pas si simple. Soit on réussit à désamorcer cette rumeur avant qu'elle ne prenne trop d'ampleurs pour la direction, soit ça va aller très loin...
- Vous avez quoi à perdre là-dedans ? Je suis majeur.
- Tu es mon élève, que tu sois majeur ou non, il m'est strictement interdit d'avoir ne serait-ce qu'un semblant de relation sexuelle ou amoureuse avec toi bien qu'ici, ce ne soit qu'une rumeur, c'est totalement illégal.
- Vous ne risquez pas la prison quand-même ?
- Non. Si tu étais plus jeune, ça aurait pu mais là, non. Mais je risque le renvoi, le blacklistage, l'arrêt totale de ma carrière de prof, en somme, je risque gros.
- Pour une rumeur ?
Chaeyeong intervient.
- C'est vrai que ça me semble beaucoup pour une simple rumeur...
- Ce ne serait que des racontars passagers, ce serait bon, mais ça ne va pas passer à cause de la photo.
- Et comme elle est vraie en soit... soupire Mingi.
- Tu as tout compris. Et accessoirement, il peut y avoir des faux témoignages ou des-
- De nouvelles rumeurs.
Le plus grand pose ses coudes sur la table et Chaeyeong déglutit péniblement en voyant les veines se dessiner sous la peau halée, signe d'une tension dangereuse.
- Il y en a déjà qui circulent maintenant que j'y pense.
- Oh mais oui ! Je n'y avais pas pensé... Mais les élèves inventent des scènes qui se seraient passées en classe... Ou détournent des évènements... Votre malaise où Mingi vous a porté...
- Pardon ?!
- Quand vous vous êtes évanoui, Hongjoong avait besoin d'aide pour vous déplacer et c'est Mingi qui vous a porté, explique la brune et je hoche la tête.
- J'pensais pas que ça serait problématique plus tard moi, c'était juste pour ne pas y passer trois heures.
- En soit oui, mais c'est une nouvelle « preuve » à cette rumeur maintenant... marmonne l'ado.
- Il y a d'autres histoires dans ce style qui sont détournées ?
- Probablement, je n'y ai pas fait attention, mais ça m'étonnerait pas que chacun de mes mots dans cette salle puissent être tournés dans un autre sens, grimace Mingi.
- C'est pas vrai...
- Mais si c'est pas prouvé par autre chose que des témoignages, ça ne veut rien dire, si ?
- Honnêtement, non en soit, mais ça ne joue pas en notre faveur non plus.
Je me prend la tête entre les mains pour la énième fois alors que Chaeyeong agite nerveusement les jambes avant de soudain se redresser en s'écriant.
- Et s'il y avait une caméra ou quoi là où vous étiez ?! On pourrait prouver que vous ne vous embrassiez pas !
- On est pas dans un film idiote, t'as cru qu'on allait piraté je ne sais quoi pour quelque chose qui n'en est encore qu'au stade de rumeur et de futurs problèmes ?
- On ne pourra faire ça que s'il y a une enquête, dis-je plus calmement, On n'aura pas accès à des caméras ou autre sinon, mais s'il y a enquête, c'est déjà trop tard pour moi parce que ça me forcera à arrêter en partie mes études.
- Mais Mingi ! On sait tous que t'as un skill de malade en informatique ! T'es bien capable de récupérer de potentielles images !
- Crie encore plus fort, on dira rien. Et oui, je suis capable d'en récupérer, mais c'est pas si simple que ça, c'est illégal, et condamnable, accessoirement, rien ne prouve qu'il y ai des caméras ou que je peux accéder à leur carte mémoire de plus, faudrait qu'elles soien-.
- De toute façon, c'est illégal comme tu l'as dit, donc pas envisageable, tranchais-je.
Déçue, la jeune femme soupire.
- Désolée, je me suis un peu emballée.
- Effectivement, t'as trop cru qu'on était dans un livre policier.
- Et puis pourquoi pas ?
- Qu'est-ce que tu vas dire comme merde encore ?
- Oh ta gueule.
- Calmez-vous. Vous n'êtes pas des gamins non plus, intervins-je.
- Balance ton idée merdique connasse, finit par dire le géant, ses yeux noirs rivés sur la jeune femme qui relève la tête en affrontant son regard incendiaire.
- En soit, c'est une histoire de fausses rumeurs ! On vous accuse d'un crime que vous n'avez pas commis ! Donc en enquêtant on pe-
- Ferme-là. Si tu finis ta phrase, je t'en colle une.
- Ca suffit vous deux ! Chaeyeong, je suis désolé mais nous ne sommes pas dans de la fiction, pour mener une enquête, il faudrait qu'un crime ai été commis et-
- Hanse n'avait pas le droit de diffuser une photo de vous. Il a porté atteinte au droit à l'image et est coupable de diffamation !
- Et moi, je suis coupable de violence par vengeance sur autrui hein. Vu son état, c'est passable de tôle donc j'aimerais éviter.
- T'es un lycéen !
- Il est majeur.
- Putain mais pourquoi t'es con aussi ?
Ils sont insupportables...
- Vous n'êtes pas capable de rester calme cinq minutes ? Tu as raison sur le point où il a porté atteinte à la loi, mais ça n'empêche que sur cette photo, on dirait que je commet une faute bien plus grave, alors même s'il sera puni, je ne laisserais pas ça passer, ça n'empêchera pas les ennuis d'arriver quand-même. Et pour qu'il y ai une enquête comme tu disais, il faudrait chercher des coupables qu'il n'y a pas.
- Je ne vois pas là alors... marmonne la jeune femme alors que Mingi fait craquer ses doigts en se levant.
- Mes parents vont me faire la peau, et ils vont vouloir que je vous poursuive en justice s'ils apprennent la rumeur, donc on va devoir agir vite, autant dans votre intérêt que dans le mien.
Je reprend un peu d'eau pour rester calme et soupire.
- Je ne sais pas quoi faire sur ce coup... Cela dépasse mes capacités à-
- Et pourquoi ne pas tout simplement démentir la rumeur ? Je veux dire, en premier lieu, c'est ce qu'il y a de plus simple à faire, et signaler le poste de Hanse en tant que diffamations et atteintes au droit à l'image avant de voir pour plus.
Je hoche la tête, elle a raison, c'est le plus simple pour commencer.
- Oui, nous allons commencer par ça, mais ensuite, c'est là que ça va devenir le plus crucial...
- Je peux me charger de les faire taire de la manière forte après, lâche Mingi, Mais c'est pas garanti cent pour cent effic-
- C'est garanti cent pour cent illégal oui. Donc oublie.
Je ferme les yeux et me pince la glabelle.
- On devrait commencer par le plus simple déjà. Si vous vous rendez chez la police en premier pour porter plainte, on accordera plus de poids à vos mots, remarque l'adolescente qui semble d'un coup avoir réfléchi d'une façon que mon cerveau fatigué refuse de le faire. C'est de la diffamation, de l'atteinte à votre droit à l'image, à la vie privée et à tout plein de chose comme ça non ?
- Oui, tu as raison... Ce soir, je le ferais.
- Je vais venir aussi. Ça me concerne aussi, grogne Mingi, Toi par contre la naine, t'as pas à t'y mêler.
- Hé mais remercie moi au moins ! J'essaie de proposer des solutions ! Même si c'est clairement pas pour ta gueule de con que je le fais !
- Tss lèche-bottes !
- Ça suffit vous deux ! Merci Chaeyeong, c'est vrai que c'était évident comme solution mai-
- Ne vous blâmez pas monsieur ! Dans ce genre de situation, on a toujours du mal à réfléchir correctement, en plus je vous ai vraiment balancé le truc sans aucun tact ou quoi !
Je souris gentiment à la jeune femme et me tourne ensuite vers le brun.
- Bon, j'irais au commissariat principal, tu vois lequel c'est ?
- Ouais, j'y serais vers dix-huit heure.
- Bien. Sur ce. Bonne fin de journée à vous, quoique je vous ai à seize heure-
- Je sèche, me coupe le lycéen, Flemme.
C'est déjà ça de réglé....
- Donc vous voulez porter plainte ?
- Oui.
- Bien, c'est enregistré, la procédure va être mise en place le plus rapidement possible. Vous avez demandé une intervention privée, nous sommes bien d'accord, pas d'enquête publique ou quoi ?
- C'est ça. Confidentiel.
- Signez ici.
Un crissement de papier plus tard et j'ai officiellement porté plainte.
Il faut avouer que c'est un drôle de sentiments même si c'était indispensable et je respire profondément en sortant du commissariat.
- Bon, c'est ça de fait...
- On fait quoi maintenant vis-à-vis de la rumeur ? demande Mingi en sortant des cigarettes de sa poche, J't'en propose pas ?
- Oh sûrement pas, et pour le moment, à part attendre et démentir ça publiquement au lycée, il n'y a rien qu'on puisse faire...
Il allume son bâton de poison et range son briquet avant de dire.
- L'état de Hanse a fait le tour du bahut, ils devraient se taire un peu, avec de la chance, il reviendra pas avant quelques semaines, le temps qu'une autre connerie comme ça parte dans les couloirs et avec la plainte, on devrait être tranquille.
- Je ne sais pas si ça sera si simple, mais tu vas avoir des ennuis sur l'état de ton camarade.
Il crache un nuage de fumée toxique en haussant les épaules.
- M'étonnerais qu'il porte plainte, il est pas tout rose non plus, y a pas mal de trucs sur lui que je sais qu'il a tout intérêt à garder secret donc il devrait pas dire quoique ce soit.
Je m'écarte un peu pour échapper à l'odeur désagréable de la cigarette et soupire.
- Après, ça ce n'est plus mon problème....
- J'sais. 'Fin bref, avant d'partir, je peux t'poser une question ?
- Hum oui... répondis-je, méfiant.
- Qu'est-ce tu fais en prof à ton âge ? C'est de la merde comme vie.
- Vous rendez ça compliqué, mais à l'origine, c'est une passion d'enseigner.
- Une passion ? Pas ouf comme truc.
- T'as des rêves d'avenir Mingi ?
- Ouais.
- Et ?
- J'veux bosser seul, partir de rien et arriver au sommet.
- C'est on ne peut moins précis.
- Je veux monter une entreprise qui défonce les vieux clichés et les standards à la con, je veux péter toutes les règles stupides et montrer qu'on peut réussir dans la vie sans être un putain de bon élève tiré à quatre épingles qui rend toujours tout à l'heure, qui se la joue dans l'hypocrisie depuis le collège, qu'on n'a pas besoin de mentir et de sortir des plus grandes écoles pour bâtir un empire.
Il est étonnamment sérieux, le regard froid alors qu'il aspire une bouffée de nicotine, et à ce moment-là, j'esquisse un léger sourire.
- T'as la détermination qu'il faut, ça c'est clair.
- Toi par contre, t'as pas les nerfs.
- Hein ?
- Pour être prof, t'as pas les nerfs de gérer des lycéens comme nous. Ça se voit que tu rates des repas et des nuits de sommeil, t'es maigre comme un clou et tu nous fais des malaises pour une scène du quotidien.
- Tu ne t'es pas dit que j'étais pas le seul à être en tord ?
- Jamais dis que c'était de ta faute.
Il écrase sa clope et lâche.
- Mais je crois que t'as pas compris pourquoi ça fonctionnait pas avec toi et nous. J'vais pas te cracher à la gueule que t'as pas essayé de nous motiver, là-dessus, t'es le plus innovant, mais ce que t'as pas pigé, c'est qu'on en a rien à foutre de ta matière, que t'es dans un lycée où depuis longtemps, on est tous catalogué comme des ratés sauf les plus brillants, et instinctivement, tu t'es comporté comme les autres profs, à encourager la réussite mais seulement en écoutant ceux qui te semblent vouloir réussir.
- Je ne suis pas sûr de comprendre ton argument. J'ai essayé de me soucier de chacun de vous individuellement mais j'ai cent-vingt élèves à ma charge Mingi, je ne peux pas me concentrer sur tous si c'est ça que tu me reproches.
- Nan c'est pas ça.
Il s'adosse au mur et crache une dernière bouffée de fumée avant d'expliquer.
- Ce que je te dis, c'est que tu penses qu'on capte pas pourquoi on est au lycée, alors qu'au fond, c'est toi qui a pas compris pourquoi on est là. La plupart d'entre nous, je généralise pas, y en a qui sont là pour d'autres raisons, est là à cause de la pression sociale, à cause des parents, faute d'autres alternatives aussi, à cause du fait qu'on nous rabâche depuis des années que si on ne veut pas vivre à râcler la poussière, il faut qu'on soit les meilleurs avec les meilleures notes, qu'on connaisse par coeur des dizaines et des dizaines de pages de cours qui n'ont rien à voir avec la vraie vie. Sauf qu'on n'a pas l'envie de se les manger ces putains de pages, ces tonnes de documents qui nous servent pour un examen et puis basta, on se fait chier dans vos salles de cours où on nous parle d'un avenir en lequel bon nombre d'entres nous a perdu la foi.
Il laisse un silence qui me fait réfléchir avant de se craquer les doigts pour continuer.
- On perd notre jeunesse, tu perds aussi la tienne, à suivre un programme scolaire qui ne prend pas en compte des gens en tant que personne, mais en tant qu'individu, de machines de la société qui ont toutes les mêmes capacités, les mêmes envies, qui se dirigent toutes vers le même but d'atteindre un sommet utopique. Ce programme, il est censé nous orienter vers un avenir qui nous plaît, c'est ce qu'on nous répète, mais pourtant, on apprend tous la même chose, comme si on avait les mêmes rêves, on a tous ces mêmes fiches qui nous disent qu'on est soit des génies, soit des abrutis. A aucun moment, les différentes intelligences ne sont prises en compte, ils ne se sont jamais dit que chaque élève était différent, que celui-là qui ne bosse pas à la maison, c'est pas juste un glandeur, c'est peut-être simplement qu'il en a tellement rien à foutre de ce devoir qu'il oubliera dans une semaine tout au plus qu'il ne voit pas l'intérêt de perdre son temps à le faire.
Son point de vue est totalement à l'opposé du mien, et pourtant, je dois admettre qu'il tient la route.
- Si t'as de la chance, t'as un rêve qui rentre dans le cadre de la société, qui est bien vu, tu suis un cursus scolaire qui te plaît, tu es bon en cours et cool ta vie, tu es heureux et tu te fermes à tout ce qui sort de ce qui t'a apporté ton bonheur. Mais même ça, c'est de plus en plus rare. T'es suffisamment jeune pour bien te rappeler de tes années de lycée je pense, et je suis sûr que tu n'as jamais eu une classe où tout te correspondait, que t'as jamais eu un cours qui t'apprenait vraiment ce que c'est que la vie. L'école, moi j'veux bien. L'usine pour faire de bons moutons à la doctrine de je ne sais quels intellectuels qui ne sont plus de notre temps, laisse tomber. Depuis que je suis gosse, j'ai vu que ça moi, une usine pour les têtes du troupeau qui vont se faire glorifier, prendre en exemple, tu sais, ces gamins à qui tu mets un vingt-sur-vingt sur la copie parce qu'ils ont bien docilement réciter une leçon toute faite qu'ils ont bien comprise et apprise comme les bons sujets de la classe. Par contre les autres, le gosse qu'a eu zéro parce qu'il n'a pas vu l'intérêt de travailler une chose inintéressante à ses yeux, celui qu'a eu dix parce qu'il avait pas compris la leçon, celui qu'a eu cinq parce qu'il est trop écrasé par la pression pour réussir vraiment à ces tribunaux sur papier, on va les rabaisser plus bas que terre, les traiter de cancre, dire qu'eux, c'est ceux qu'il ne faut surtout pas imiter, ceux qui vont se foirer parce qu'ils n'iront pas dans les plus grandes écoles et qu'ils n'auront pas les plus "beaux" diplômes.
Il a un rire cynique.
- Ouais, tous ces mioches qu'on traite de glandeurs, j'dis pas, y en a qui le sont, mais c'est une telle minorité au fond qu'elle n'a pas d'importance dans ce que je dis là, tous ces mioches qu'arrivent pas à rentrer dans les rangs, qu'on essaye d'habiller d'un uniforme trop petit ou trop grand, a qui la société fauche la confiance et le sourire, tous ces mioches à qui ont reprochent d'être des enfants justement, de vouloir profiter un peu plus longtemps de l'insouciance qu'on s'acharne à leur enlever, moi je les connais. Et je peux te dire que c'est pas parce qu'ils sont cons qu'ils foutent le bordel sur les bancs des lycées ou des collèges, loin de là. Mais ils sont pas scolaires ces gamins, et ils ne vont pas le devenir du jour au lendemain, ils le deviendront jamais parce que c'est pas pour eux. Sauf que ça, le programme et ceux qui y sont adaptés, ils refusent de le voir, ils refusent d'admettre que ceux qu'ils veulent traiter de moutons noirs sont la majorité du troupeau maintenant. Ils refusent de voir que c'est ce qu'ils sont eux qui n'est juste plus adapté à notre monde et à notre génération.
Son regard de braise se pose sur moi, comme s'il avait décidé que ce soir, je serais ceux à qui il reproche tout ça.
- Mais si je crache à la gueule du système, je ne veux pas noyer les élèves qui s'en sortent là-dedans, parce qu'il y en a, que ce serait contredire ce que je pense et ce que j'ai dit juste avant de les considérer comme des abrutis. Ces fameuses têtes du troupeau, je ne dis pas que ce sont eux qui sont le problème, ce sont des ados comme moi, je sais que ce ne sont pas tous des crétins dépourvus de réelles réflexions qui se contentent de suivre une voie toute tracée, très loin de là. Eux, ils ont eu la chance d'être capable de s'adapter à un système qui ne leur convient pas toujours non plus, eux ils ont eu la force de se forger dans un moule strict, ils bossent pour en arriver là, et c'est tant mieux pour eux. Mais est-ce qu'ils trouveront vraiment une place qui leur convient ? Est-ce qu'un jour, ils ne se diront pas, plein de regret, qu'ils ont perdu leur jeunesse à faire des fiches, lire des vieux bouquins si peu actuels, refaire des exercices qu'ils ont aujourd'hui oublié ou qui ne leur servent à rien ? Est-ce qu'arrivés à l'âge où l'on ne compte plus sur ses parents, ils auront été formés à la vie d'adulte par l'école ? Est-ce que toutes ces pages de manuel, tous ces bilans qu'ils ont lu à s'en user les yeux et le cerveau vont leur dire comment on fait pour gérer ses revenus, ses impôts, son appartement, son temps ? Alors, on peut me dire "oui mais s'ils ont réussi, c'est qu'ils sont organisés et qu'ils savent s'adapter !". Très bien. Développez-le donc cet argument, dîtes-moi où ils ont appris ça sans vous référez à votre putain de système inadapté au monde qui n'y a pas contribué, parce que j'attends de les voir moi, ces gens qui s'en sortent aisément parce qu'ils ont écouté les cours, j'attends de savoir où ils sont puisque vous pensez que c'est la norme. Et si c'est l'organisation qui fait tout, qu'on l'apprendrait soi-disant à l'école, pourquoi crache-t-on à la gueule de tous ceux qui n'y arrivent pas et qui sont de plus en plus nombreux ? Vous ne voyez donc pas que c'est votre système qui ne va pas, qui ne va plus ?!
Ses mots sont puissants, son argumentation bien construite, et il croit en ses idées, ce qui donne un poids considérable à ses paroles que je ne pensais jamais entendre venant de lui.
- Tout ça pour te dire que ce qui fait de toi un prof qu'on ne respectera jamais s'il ne change pas, c'est ce conditionnement au programme que tu as comme tant d'autres, ce besoin de nous préparer à un contrôle où seuls des chiffres donnés par les cours de ce même programme définiront l'intelligence et les soi-disant chance de réussir dans la vie d'élèves qui n'ont eu que ce genre de mots, ce genre de remarques toute leur existence pour se construire. On est une génération qui ne veut plus se référencer à des nombres, qui ne veut plus être classée comme des produits soit aux normes soit complètement défaillants pour le moindre défaut. On est à l'image de notre monde, en avance sur une société qui a dû mal à évoluer, qui refuse de comprendre que ce n'est pas à son temps de s'adapter à elle mais bel et bien l'inverse. Et ça, si tu veux pas le comprendre, toi et les autres d'ailleurs, tu ne trouveras dans ton rêve ce que tu cherchais réellement.
Estomaqué, je reste muet devant Mingi qui inspire profondément, et je le vois se redresser pour s'éloigner sans rien rajouter.
Tout ce qu'il a dit tourne déjà dans mon cerveau, me frappe et me retourne l'esprit,
Je trouve bien quelques contre-arguments à ce qu'il dit, mais actuellement, ça fait plus des connexions dans ma tête que des protestations, je ne suis pas vraiment d'accord avec lui et pourtant, je saisis si bien ce qu'il a voulu me dire, ce qu'il a voulu dire tout court d'ailleurs.
J'avoue l'avoir rangé au rang de cancre avec son comportement insupportable mais il vient de me prouver en quelques minutes à quel point il était intelligent, capable de se servir de sa jugeotte pour défendre ses idées, qu'il avait une réflexion construite et logique qui ne date sûrement pas d'hier, et tout ce que je pensais sur lui, et sur chacun de mes élèves en fait, s'effondre d'un coup.
Si Mingi en est capable, pourquoi pas Jeongin, pourquoi pas Yeji, pourquoi pas n'importe lequel des adolescents que je vois tous les jours en fait ? Qu'est-ce qui a fait que j'en sois arrivé à tous les regarder de la même manière, à tous les penser identiques ?
Je m'éloigne pas à pas du commissariat, marchant lentement sous la fine pluie qui commence à tomber à la lueur blafarde des lampadaires, et je remet lentement en questions tous mes jugements, toutes mes pensées sur les gens que je côtoie à longueur de journée.
Comment ai-je pu devenir un de ces adultes qu'il n'y a même pas quatre ans, je blâmais si fort ?
Je n'ai jamais pensé complètement comme Mingi, mais j'ai toujours trouvé des défauts aussi au système scolaire, j'ai toujours eu des profs que je détestais parce qu'ils rangeaient tout le monde dans le même bateau, qu'ils faisaient du favoritisme envers certains élèves, et voilà qu'aujourd'hui, je suis ce genre de prof ?
Je.... Park Seonghwa, mais qu'est-ce que tu fabriques ?!
Je reproche à mon rêve de ne pas être comme je le voulais, et voilà que je me rend compte que c'est moi qui ne suit pas mes idées de base...
Comment le monologue de Mingi a-t-il pu m'offrir si soudainement ce déclic ? Comment d'un seul coup, j'en suis arrivé à là ? A comprendre aussi soudainement en partie ce qui n'allait pas...
Je ne quitterais pas mes positions quant au fait que mes élèves sont aussi en tord, qu'eux aussi ils commettent de grosses fautes, très graves pour certaines, cette rumeur en est un parfait exemple.
Mais tout n'est pas de leur faute non plus.
Je dois essayer d'améliorer les choses.
- Bon. Je ne vais pas passer par quatre chemins. Cette rumeur d'une quelconque relation entre moi et votre camarde de classe Mingi, je vous demande de la faire cesser. Elle est absolument fausse et peu apporter à moi comme à lui de graves problèmes. Je sais que pour vous, c'est amusant de diffuser ce genre de racontars, que wohoo, ça met de l'ambiance dans les couloirs et que ça offre un sujet de conversation, mais je ne pense pas que vous ayez mesuré la portée de vos actes sur la vie des personnes visées par la rumeur. Oui Daniel ?
- Mais monsieur, c'est pas une rumeur non ? Je veux dire ! Y a des preuves et tous !
- C'est une rumeur car c'est absolument faux. Tu te fies à une photo, aux dires d'un camarade qui n'est absolument pas obligé de te dire la vérité quand à ce qu'il peut voir.
Le brun a l'air un peu dépité et je soupire en posant mes feuilles.
- Bon. Je sens que vous avez des questions et qu'il est important d'y répondre. Donc rangez vos cahiers et vos manuels, on n'en aura pas besoin aujourd'hui. Je vais vous demander de pousser les chaises et les tables au fond de la salle et de venir vous asseoir en cercle ici.
Il y a un gros blanc avant qu'à ma plus grande surprise, ils obéissent tous.
Surprise qui s'estompe quand je vois le regard noir que Mingi leur a lancé à tous.
En quelques minutes, tous les élèves sont assis en cercle devant moi et je me glisse rapidement dans la ronde avant de dire.
- On va commencer un débat en nous servant comme base de cette rumeur. Pour que ce soit le plus compréhensible pour tout le monde, essayez de vous respecter mutuellement et de tenir compte des prises de paroles des autres. Donc bon, Yukhei, tu as l'air de ne pas tenir en place, qu'est-ce que tu veux dire ?
- En fait, je veux vous poser une question ! Cette rumeur, vous dites qu'elle est fausse et Mingi le dit aussi, donc je vais partir dans ce sens-là, je m'en fous un peu de toute façon, mais est-ce que c'est vraiment grave ? Au pire, c'est juste des mots !
- Hmm, quelqu'un a-t-il quelque chose à répondre ou je le fais ?
Une main un peu hésitante se lève et je dis, calme.
- Oui Yuki ?
- La rumeur, elle est.... Problématique parce qu'elle peut avoir des répercussions judiciaires non ?
- Mais Mingi est majeur ! rétorque Yukhei.
- Alors. Oui dans les deux cas. Je suis votre professeur, la loi m'interdit strictement d'avoir une relation amoureuse ou sexuelle avec vous en tant que tel. Même si Mingi est majeur, si je venais à être accusé d'une relation de ce genre avec lui par la direction par exemple, je serais mené en procès et j'aurais des problèmes judiciaires importants.
- Monsieur, est-ce que je peux soulever un autre problème dans ce qu'a dit Yukhei ?
- Nous t'écoutons Seungmin.
- Tu as dit que ce n'était que des mots, commence alors le noiraud en se tournant vers le hong-kongais, Mais les mots, ça peut détruire une vie... Regarde le principe de harcèlement, ce sont bien souvent des insultes répétées et qui peuvent mener jusqu'au suicide entre autre. Genre... Même si là, la rumeur, elle touche un prof, ils sont humains aussi ! On les aime pas forcément, pardon monsieur, mais ils peuvent souffrir aussi de nos mots.
Ils sont vraiment calmes ce matin, c'est étrange, et je suis surpris de la maturité avec laquelle ils s'expriment.
- Je suis d'accord avec Seungmin, intervient timidement une jeune fille discrète de la classe, Sur le sens que les mots, ça fait mal... Dans mon collège, il y avait un garçon sur lequel une rumeur tournait, on disait qu'il était gay et à cause de ça, il a commencé à être harcelé... Personne savait si c'était vrai, même si ça l'était c'est pas une raison pour insulter et harceler quelqu'un..... Mais tout le monde l'insultait, moi comme tout les autres... Et puis un jour, on nous a dit qu'il ne reviendrait plus en cours parce qu'il s'était jeté du toit... Ce jour-là, on a tous pleuré, on était tous triste, et j'ai compris que les mots, c'était bien souvent plus dangereux que les coups.... Une rumeur, elle prend facilement de l'ampleur, elle tourne au cauchemar pour ceux qu'elle vise... Et après, c'est trop tard...
Elle cache son visage entre ses mains, prise de sanglots, et son amie la prend dans ses bras pour la réconforter.
- Comme l'a dit Aejin, le harcèlement, ça part facilement de rien pour arriver tout aussi facilement à des cas extrêmes qui ne sont pas si rares malheureusement.
- Monsieur, on peut parler de ça s'il vous plaît ? dit soudainement Jeongin, On nous parle beaucoup du harcèlement depuis des années, on nous dit que c'est grave, qu'il faut pas le faire et tout, mais j'ai l'impression qu'on en parle pas vraiment non plus... 'Fin, c'est un peu con mai-
- Non, c'est très important de comprendre, tu as raison. Parce que les affiches, elles accusent, mais au fond, elles n'expliquent pas. Alors je suis d'accord avec toi, en parler c'est important.
Je ne sais pas ce qu'il se passe aujourd'hui, mais ils sont tous... Relativement calmes. Enfin, ils ne l'étaient pas en début d'heure mais depuis que j'ai proposé ça, ils le sont.
- Si vous avez des questions, des points à soulever ou des remarques à faire sur le harcèlement, c'est le moment. Oui Chaeyeong ?
- Le harcèlement, qu'est-ce que ça veut dire ?
Je fais taire les murmures qui montent en frappant dans mes mains.
- Chut ! C'est très intéressant comme question. Qui peut y répondre ? Oui Yukhei.
- Le harcèlement, c'est quand des élèves se moquent et frappent un autre élève tous les jours.
C'est une définition si vague...
- Je ne suis pas d'accord ! proteste vigoureusement Kijoon, un tout petit bleuté en levant le bras.
- Alors pour toi, qu'est-ce que c'est le harcèlement ? dis-je.
- Le harcèlement, c'est une forme de discrimination ! C'est pas toujours quand on frappe ou se moque de quelqu'un directement face à lui, c'est quand on l'exclu des groupes, qu'on parle sur son dos, qu'on lance des rumeurs, quand il est toujours mis à l'écart ou qu'on le rabaisse tout le temps aussi sur une particularité physique par exemple !
- C'est pas forcément tous les jours non plus ! Ça peut être une fois par semaine, au cours de sport par exemple, ou à chaque heure ! Ça dépend ! Mais c'est toujours tout aussi grave !
Ils commencent à parler avec vigueur, exposant leur point de vue sur la chose, un peu bruyamment certes mais sans en venir aux mains ou sans que j'ai besoin de trop intervenir.
C'est finalement la sonnerie qui coupe court au débat et je frappe dans mes mains pour avoir l'attention.
- Excusez-moi une minute s'il vous plaît ! Est-ce que ce genre de cours vous convient mieux que les autres ?
- Ah oui ! Au moins c'est intéressant ! lance Jeongin.
- Grave, c'est mieux que de l'histoire !
- Ouais j'avoue !
- Je vois je vois ! Alors, j'ai une proposition à vous faire. On se voit cinq heure par semaine, alors voilà le deal. Le lundi en première heure et l'heure du vendredi, nous ferons un débat dans le style d'aujourd'hui sur les sujets que vous me proposerez... On verra comment on s'organise pour ça, et le reste des heures, on fera des cours normaux. Je vous demanderais simplement d'être un minimum attentif. Je sais que ça vous ennuie et blabla, que ça servira jamais à rien. Libre à vous de penser comme ça. Mais j'ai pas le choix que de vous l'apprendre. Ah et j'ai un papier à vous faire passer rapidement, venez le récupérer en sortant. Vous me direz ce que vous penser de l'affaire du débat jeudi. Sur ce, bonne journée à vous et à bientôt.
Je les regarde partir et soupire en allant m'écrouler à mon bureau.
Je n'ai pas dormi de la nuit, taraudé par ce que Mingi m'a dit, et j'ai réfléchi à ce que moi, j'aurais aimé qu'on m'apprenne en cours quand j'étais au lycée.
Ce genre de débats... Je sais que j'aimais beaucoup ça, que c'était des heures étonnamment... Pas calme, mais où tout le monde suivait plus ou moins... J'avais pas prévu d'en faire un aujourd'hui ni même de lancer cette proposition, mais si ça peut les intéresser à au moins un cours et leur permettre de poser des questions.... C'est mieux.
Oui....
Enfin bref.... A voir ce que ça donne.... Un coup de tête.... Ça ne me ressemble pas....
Mais maintenant que c'est lancé, c'est lancé.
Je pianote rapidement mon portable en ajustant mes vêtements, veste en cuir noir, t-shirt blanc et jean près du corps pour mettre en valeur mes jambes, sobre mais efficace, me voilà paré pour mon date !
Un coup d'oeil au miroir suffit à me faire sourire, je ne suis pas mal du tout avec mes cheveux coupés comme ça, ça faisait longtemps que je voulais changer et bien voilà ! Un coup de gloss et une paire de baskets plus tard, je sors dans la rue avec bonne humeur, j'ai de la chance, en ce début de mois de novembre, il fait étonnamment beau et la température est suffisamment élevée pour me permettre de ne pas porter un énorme manteau, c'est bien pratique parce que l'hiver n'est pas la saison des plus belles tenues honnêtement.
Je rejoins rapidement le petit café où nous nous sommes donnés rendez-vous avec Dahyun et je souris à la jeune femme en la voyant, elle est adorable.
En jean chemise avec ses mèches lâchées sur ses épaules fines, elle est debout devant la vitrine, son sac à la main et un grand sourire resplendissant aux lèvres.
- Seonghwa ! Ça va ? s'écrit-elle en me faisant un grand signe de la main.
- Bonjour Dahyun, je vais bien oui, souris-je, détendu, Et toi ?
- Je vais super bien ! Je suis contente de te revoir ! Wow ! Ça te va super bien le noir ! T'es magnifique et j'adore comment tu t'es coiffé !
Elle est pleine d'énergie et j'explose d'un rire joyeux devant son caractère survolté et rempli de joie de vivre, je l'aime bien.
- Merci beaucoup, j'aime beaucoup ta tenue aussi.
- Vraiment ? Oh c'est génial ! J'aime pas les robes du coup j'en ai pas mis pour le date mais j'avais peur que ça fasse négligé !
- Mais non, ne t'inquiète pas, habille toi comme tu aimes, c'est le principal !
- Maman, j'ai trouvé l'homme parfait !
- Pour si peu, je suis déjà l'homme idéal ?
- Ah mais t'imagine pas ! On rentre ?
- Allons-y.
Nous entrons dans le café en commençant à discuter et nous prenons place à une table.
- Bonjour messieurs-dames, puis-je prendre votre commande ? demande une serveuse en arrivant vers nous.
- Bonjour, je prendrais un café bien noir s'il vous plaît, dit poliment Dahyun, Et toi ?
- Un thé au jasmin pour moi s'il vous plaît.
- Tout de suite, vous désirez des gâteaux ?
- Hm... J'ai envie de macarons, ça te va Seonghwa ?
- Oui, merci beaucoup, souris-je ensuite à la serveuse qui note notre commande en s'éclipsant.
- Tu fais des ravages auprès des femmes toi, murmure sur un ton de la confidence la petite brune.
- Comment ça ?
- Tu lui as tapé dans l'oeil à la petite, elle était toute rouge en te regardant, rit-elle.
- Vraiment ? Mais ne raconte pas n'importe quoi !
- Ah mais je suis on ne peut plus sérieuse mon cher ! Elle te reluquait de la tête aux pieds.
Je ne sais pas trop comment réagir, on ne m'a jamais dit ça pendant un date, et encore moins avec le sourire comme elle l'a.
- Elle a bien raison de se rincer l'oeil, une oeuvre d'art comme toi, ça ne se rate pas !
Mes joues chauffent, j'aime qu'elle soit directe comme ça, elle n'hésite pas à foncer, à dire ce qu'elle pense et à prendre les devants, chose que j'ai toujours un peu de mal à faire au début.
- Oh ~ J'ai touché une corde sensible ? Tu es tout rouge.
- Je ne suis pas habitué à être flatté ainsi mademoiselle, répliquais-je.
- Mademoiselle... Hmm j'aime bien !
- Et bien alors, je t'appellerais mademoiselle Dahyun.
- Tu sais comment me parler !
Nous rions et une fois que nos commandes sont arrivées, nous continuons ce bavardage un peu dénué de sens mais joyeux et plein de séduction même pas voilée. C'est franc, direct, chacun sait ce qu'il espère et il n'y a pas de prise de tête ou quiproquo possible.
- Moitié-moitié ? demande la jeune femme en sortant son porte-monnaie quand nous avons terminé.
- Ça me va.
J'ai toujours préféré ce système de payer comme ça à celui cliché de l'homme qui paye pour la femme, c'est nettement plus sain à mes yeux de partir sur un pied d'égalité même si je sais bien que pour beaucoup aujourd'hui, ça tient plus de la vieille tradition qu'autre chose.
- Hmm... Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Il fait plus froid que tout à l'heure...
- Oui, les températures chutent vite, ils annonçaient bon pourtant.
- C'est dommage... Je n'ai pas assez d'argent pour payer une sortie en intérieur ou quoi, soupire la jeune femme, On peut essayer de se promener dans un parc mais il fait froid pour nos tenues sur ce coup.
- Ouais. Attend, je crois que j'avais vu un truc, une exposition de photo en intérieur à quelques dollars l'entrée, ça t'intéresserait ?
- Tu aimes tout ce qui est photographie ? demande t'elle soudain, le regard brillant.
- Oui, j'aime tout ce qui touche à l'art en général.
- Mais c'est génial ! Je suis étudiante en photographie !
- Vraiment ? C'est super.
Je souris sincèrement et elle prend ma main dans la sienne avec un air déterminé.
- Allons à cette expo !
Je serre alors ses petits doigts entre les miens et hoche la tête, mon coeur accélérant un peu, décidément, j'apprécie beaucoup cette femme.
- Dis-moi Seonghwa, tu étudies en quoi toi ? A moins que tu ne travailles déjà dans un domaine !
- Je suis étudiant en master professionnalisant pour devenir prof d'histoire, expliquais-je, Et je travaille déjà dans un lycée en parallèle.
- Wow, tu arrives à combiner les deux ?
- C'est pas toujours super simple niveau timing mais c'est faisable en s'organisant bien, après l'avantage de travailler déjà à côté, c'est que ça me fait déjà une expérience professionnelle offrant un plus grand champ des possibles après ma thèse.
- Ça veut dire que tu as déjà une licence ?
- Oui, une licence d'histoire.
- Tu es donc.. En dernière année de master ?
- Non, avant-dernière. J'ai passé une année de formation pédagogique pour travailler avec des adolescents et des enfants avant pour justement pouvoir travailler comme aujourd'hui.
- Tu avais tout prévu.
- Je suis du genre organisé.
- Moi c'est tout l'inverse, je suis assez bordélique dans ma vie, j'ai du mal à ne pas me laisser submerger.
J'acquiesce, chacun sa personnalité et ses facilités.
Nous entrons dans le bâtiment de l'exposition, le sujet tournant bien plus sur la photographie, et l'après-midi se passe dans cette même atmosphère bon enfant qui me donne le sourire.
- Alors voilà, c'est le moment de se dire au revoir, déclare Dahyun en serrant mes mains avec un sourire, Il faudra qu'on se remette ça nan ?
- Si, j'ai envie de te revoir, répondis-je avec la même expression faciale.
- T'as mon numéro beau gosse, hésite pas à m'envoyer un message quand tu veux !
- De même pour toi mademoiselle !
Elle tape dans ses mains en riant et affirme qu'elle n'aura aucune hésitation à le faire.
- Hm... Baisse-toi !
Surpris de sa demande, je m'incline un peu et elle se rapproche de moi pour prendre mon visage entre ses petits doigts fins pour embrasser ma joue.
- Je t'aime bien Seonghwa !
- Moi aussi Dahyun.
- Toi aussi tu t'aimes bien ?
- Mais- ... Je t'aime bien aussi mademoiselle.
Nous sommes très proches physiquement pendant ce dialogue, je me suis penché convenablement et mon bras est délicatement passé autour de ses épaules, prêt à s'enlever au moindre geste m'indiquant que je vais trop loin, nos nez se frôlant presque alors que nos yeux ne se quittent pas.
Il y a un silence, il est court, pas gênant du tout, silence durant lequel les centimètres qui nous séparent s'estompent peu à peu, et la main de Dahyun se pose doucement sur ma nuque dès qu'elle obtient mon accord silencieux. La mienne a finalement trouvé sa place autour de sa taille après qu'elle l'y ai amené et lentement, nos lèvres se trouvent dans un baiser délicat.
Sa bouche est tendre, délicate, elle s'appuie contre la mienne avec une douceur contrastant de l'énergie habituelle de la jeune femme, et nos deux corps se collent l'un à l'autre pour permettre à l'échange de se prolonger.
Mes paupières se ferment doucement et je resserre légèrement ma prise sur sa hanche alors que ses deux bras entourent mon cou, nous faisant doucement tanguer au rythme de nos lippes chastement unies le temps de ce baiser un peu timide mais plein de joie.
Nous nous séparons après une minute et je souffle du nez en caressant sa joue du pouce.
- On devrait se revoir vite.
- Effectivement, mais mettons les choses au clair avant de partir, je préfère que tout soit net.
- Moi aussi.
- On n'est pas en couple, on est d'accord ? Pas pour le moment tout du moins.
- Non, pas encore, on ne se connait pas assez.
- Mais on a un minimum d'engagement, on évite d'aller voir ailleurs, ça te va ?
- Ça me va.
Tout ça me parait logique, une fois que l'on en est arrivé à ce point, on ne va pas aller à un rencard avec quelqu'un d'autre ou quoi.
- Alors à bientôt beau gosse.
- A bientôt mademoiselle.
Je m'étire en sortant de la salle de classe et me dirige tranquillement vers celle des professeurs, à l'autre bout du lycée, pour aller me prendre un café quand mon portable sonne.
De Dahyun à moi :
Je peux t'appeler ? Je suis en pause et j'ai envie de te parler !
Je souris et appuie aussitôt sur le bouton appel, je vais sortir du lycée pour ma pause plutôt.
- Allô beau gosse ? Comment ça va ?
- Salut mademoiselle, écoute, je vais bien et toi ?
- En pleine forme !
Je quitte rapidement l'enceinte de l'établissement pour me mettre dans un coin tranquille au niveau des arrêts de bus et dis.
- J'entends ça, ton début de semaine s'est bien passé j'imagine.
- C'était génial ! On a avancé sur le projet que j'ai avec l'école dont je t'avais parlé samedi ! C'était super bien ! Oh ! Et justement comme on parle de ça ! J'ai pensé à toi et je me demandais si ça pouvait t'intéresser ! Mais je vais avoir besoin d'un modèle pour une partie du projet, et je me demandais si ça t'intéressait !
- Moi, en modèle ? Je ne suis pas mannequin Dahyun, m'amusais-je.
- Ah mais tu pourrais ! Tout le monde peut l'être de toute façon ! Et je trouve que tu vas bien dans le thème de ce projet ! T'as vraiment le physique qu'il faut.
- Ton projet, c'est sur quel thème ?
- Les dieux grecs.
- Les... Dieux grecs ?!
- Ouais ! Ah non, c'est pas uniquement de la drague, je suis sérieuse, c'est vraiment le projet. Et on cherche un Appolon !
- Sérieusement ? Et tu pensais à moi pour ça ?
- Exactement ! Tu corresponds vraiment à l'image que j'ai de ce dieu physiquement ! Et comme tu- Oh attends.... Je suis bête mais y a du nu dans ce que je dis et-
- Du quoi ?!
- Du nu, mais non avec ton métier c'est pas possible...
- Ah non, c'est totalement impossible, si mes élèves ou mes collègues tombaient là-dessus, tu n'imagines même pas la galère et les emmerdes judiciaires...
- Oh merde.... C'est dommage... J'aurais vraiment aimé t'avoir comme modèle... Pas pour le nu hein ! Enfin, ça ne me dérangeait pas mais c'est pas que pour ton corps ou enfin tu-
- Panique pas, j'avais compris, ris-je.
- Après, je peux voir pour changer ça... Ou... Enfin... J'en parlerais avec les gens de mon groupe après ! Mais ça serait cool qu'on puisse en discuter face à face...
- Je suis disponible samedi si tu veux qu'on en parle.
- Ça fait un peu bizarre comme sujet pour un rencard quand-même.
- C'est pas grave, y a pire comme date je pense, et puis bon, ce n'est pas le premier quand-même.
- Effectivement !
C'est vrai que ça fait un peu plus d'un mois qu'on se fréquente toutes les semaines maintenant, nous ne sommes pas en couple cependant, nous sommes d'accord pour se dire qu'il faut prendre le temps de se connaitre avant de prendre de vrais engagements.
Et puis, bien que nous nous plaisions beaucoup mutuellement, l'amour n'est pas forcément encore au rendez-vous.
- Alors en gros, le thème de notre projet est les dieux grecs, donc on a des photos à faire en rapport avec ça, des tableaux etc. aussi comme c'est un projet qui regroupe toutes les spécialités de l'école, pour faire une exposition en mars. Il nous faut des modèles, de la nature morte et d'autres choses. Et on doit travailler tout ce qui est possible d'être travaillé avec les connaissances qu'on a accumulé dans l'année. C'est à dire, du nu entre autre, le reste c'est des termes techniques et tout le baratin, pour avoir une bonne note, et la meilleure exposition, parce que ce sera noté par les visiteurs aussi, gagnera un prix.
- Hmm.... C'est intéressant comme projet.
- Oui, j'aime beaucoup ! On a déjà trouvé un modèle pour Zeus, un pour Héphaïstos, une pour Artémis, une autre pour Héra, et un pour Arès mais il nous manque donc Poséidon, Hadès, Aphrodite, Appolon, Hermès, une pour Hestia, une pour Athéna et un pour Dyonisius. Enfin, ça c'est les principaux, y en a pas mal d'autres qu'on va faire aussi mais y aura moins de photos.
Je hoche la tête et elle sort un carnet qu'elle pose devant moi.
- Alors, c'est les modèles qu'on a déjà. Lui, c'est Zeus.
J'observe la photo, un grand jeune homme torse-nu est élégamment avachi sur un trône, un éclair à la main et le regard fier, dominant, alors que ses muscles sont soigneusement contractés.
- C'est des préfaces, on a fait des photos tests entre autre, explique Dahyun, Ici, tu as Héphaïstos.
Un garçon plus jeune mais beaucoup plus trapu est représenté sur cette photo-ci, il est devant une enclume, son visage en partie cachée par la suie, et je hoche la tête, on devine sa nudité mais elle n'est pas montrée sur cette image.
- Là, c'est Artémis.
Une jeune femme est représentée, debout, drapée dans une jupe gracieuse, arc à la main et regard à vous glacer le sang, et sa silhouette élancée s'accorde à la perfection avec celle du cerf à côté d'elle.
- J'aime beaucoup les jeux de lumières ici.
- Oui, moi aussi, ils sont à améliorer mais c'est joli. Ensuite, je n'ai pas emmené les photos de Héra, elles sont en développement, du coup. Donc, voilà notre Arès.
- Hm-
Putain mais.
Je ne connais que trop bien le jeune homme appuyé sur le mur, nu, épée à la main et le regard si dangereux et passionné qu'il peut vous brûler.
Toute la musculature est mise en avant par un décor totalement vide, on ne devine que la puissance charismatique de Mingi qui semble me fixer à travers l'image, et je détourne vivement le regard en captant qu'il n'y avait vraiment rien en dessous.
- Tu es gêné par la nudité ? Désolée ! J'aurais dû te prévenir !
- Non mais c'est juste que... C'est un de mes élèves quoi...
- Mingi ? Vraiment ? Merde ! T'aurais effectivement pas dû voir ça... Je cache...
Elle range vivement le carnet et je soupire de soulagement.
- Je vais oublier que j'ai vu ça...
- Boh exagère pas après, même si c'est un de tes élèves, il est beeeeaaau !
- Hé !
Elle explose de rire et je lève les yeux au ciel, l'entendre dire ça de ce mec en particulier ne me plait pas foncièrement.
- Fais pas cette tête ! Je voulais pas te vexer ! T'es pas si jaloux d'habitude...
- C'est pas de la jalousie, répondis-je calmement, Juste que ce Mingi me mène la vie dure au taf, t'imagine même pas.
- Sérieux ? Il est sympa pourtant, un chouilla insolent sur les bords mais il ferait pas de mal à une mouche je suis sûre !
.... Ouais il a quand même envoyé un gars à l'hosto.
Mais bon, il a totalement sa place en tant qu'Arès...
- Enfin bref, j'imagine que tu ne peux pas être notre Appolon...
- J'aurais bien aimé tenter en vrai, mais ça ne va pas être possible mademoiselle, désolé.
- Mais t'excuse pas ! T'as pas à dire pardon pour ça !
Elle me tapote la tête et je souris en m'étirant un peu.
- Aller, tu trouveras un meilleur Appolon !
- Oulah impossible de remplacer ta belle gueule tu sais ?
- Tss. Toujours mon visage hein ! Qui te dis que j'ai le corps qui va avec ?
- Hmm ~ J'en doute pas !
Elle passe sa main sur mon t-shirt et sourit en me lançant un petit regard.
- Je peux voir ça ?
Je m'adosse à mon canapé avec amusement et remonte légèrement mon haut, la faisant râler.
- Yah !
- Impatiente va !
L'ambiance a changé, de bon enfant, elle est passée à quelque chose de bien plus... Adulte, oui c'est le mot.
Je me lève et tire les rideaux de mon appartement avant d'enlever mon haut d'un geste habile.
- Wow.... Tu vas à la salle ? demande t'elle en se rapprochant de moi pour frôler ma peau.
- Un peu ouais, et de la danse surtout ~
- Magnifique ~ Faudrait trouver le rang au dessus d'Appolon ~ susurre la brune en me poussant sur le sofa pour m'embrasser avec envie.
Ma main remonte le long de son dos et elle ouvre son chemisier à la va-vite, les yeux étincelants de désir.
- J'avais pas prévu ça au programme aujourd'hui ~
- Moi non plus mais la vie est faite d'imprévue ~
Mon regard glisse sur son torse pâle à la poitrine menue, enfermée dans un soutien-gorge sobre, et je caresse sa joue en lui demandant la permission d'aller plus loin.
Ça a bien vite dérapé mais maintenant, je la désire bel et bien.
Mes mains la débarrasse de son haut et je pose ma bouche sur la courbure de son épaule, la faisant doucement soupirer alors que ses doigts passent habilement sur mes pectoraux.
- Allons dans ta chambre ~
- Avec grand plaisir ~
Mon bras passe sous ses cuisses et nous nous embrassons langoureusement en disparaissant vers la pièce qui sera témoin d'une fin de soirée sensuelle et pour le moins brûlante, le corps de la jeune femme surplombant le mien.
- Oh tu es le petit ami de Dahyun ! Ouais, elle nous a prévenu, tu peux rentrer ! Moi, c'est Momo, la meilleure amie de cette folle.
- Enchanté Momo, Seonghwa.
La jeune femme me serre la main en souriant et je la salue poliment en me dirigeant vers la pièce qu'elle m'indique.
- Oh c'est mon beau gosse ! s'écrit la voix familière de ma petite amie.
- Salut mademoiselle, oh bah t'es belle !
- Ah ouais t'as vu ça ! Relookée à la peinture !
Elle est entièrement barbouillée de couleurs vives et je défend ma chemise en râlant aussitôt.
- Ah nan ! La tâche pas !!
- Et mon bisou de bonjour alors ?! rit elle.
- Quand tu seras propre !
Elle me tire la langue avant de me dire.
- Je vais me laver alors !
- D'acc.
Je la regarde partir avant de m'adosser au mur pour regarder machinalement mon fil d'actualités instagram, restant très calme et discret pour ne pas déranger, et je passe plusieurs minutes ainsi.
Des pas me font relever la tête, je pense d'abord à Dahyun mais ce ne sont pas ses yeux pétillants que je croise.
Le regard brûlant, dangereux même, de Mingi, rencontre le mien, lequel est torse-nu, sortant apparemment d'un shooting, le torse tatoué d'un entremêlas des armes attribués au dieu grec de la guerre, et ses lèvres remontent dans un sourire narquois qui me met mal à l'aise.
Avant qu'un mot n'ai pu être échangé, mes lèvres se retrouvent capturées par une tornade et je réceptionne de justesse Dahyun qui m'embrasse longuement avec son habituelle énergie.
- Je suis toute propre ! Donc je prend mon bisou !
Je souris malgré le regard pesant du brun sur nous, regard que mon amante ne semble pas remarquer quand elle lance.
- Je suis heureuse que tu sois venu ! Mon bel Appolon me manquait.
J'entend un léger ricanement échapper au plus jeune qui s'éloigne avec un rictus particulièrement....
Moqueur...Aux lèvres.
Très gênant comme moment, heureusement qu'il s'en va.
- Parlant de ça ma jolie demoiselle, où en es-tu de ta recherche de dieux ?
- J'ai trouvé toutes les déesses ! Mais malheureusement, toujours pas d'Appolon qui nous conviennent... On a Poséidon, on a Hadès, mais il nous manque encore Dyonisius, Hermès et Appolon donc... Le projet est à rendre dans deux mois et on a toujours pas tout le monde, ça fait qu'on est obligé de décaler de nombreux shootings aussi, c'est pas pratique..
Je grimace en l'enlaçant et dis.
- C'est tendu effectivement.
- On va réussir... On trouvera !
Je hoche la tête en l'embrassant rapidement et je souris.
- Enfin bref ! Ça tient toujours ce dîner ?
- Bien sûr que ça tient attend ! Ça fait deux semaines que j'attend ça !
Nous avons prévu une soirée ensemble pour fêter nos deux mois de couple et c'est avec une certaine impatience qu'on l'attend. Avec nos emplois du temps respectifs, il nous a été compliqué de nous voir ces derniers jours alors passer un peu de temps ensemble nous semble indispensable.
Le programme ?
Dîner chez elle, dîner qu'on cuisinera ensemble, sortie pour aller voir les décorations de Noël et le fleuve Han, et sans aucun doute une fin de soirée un peu moins couverte.
- Je t'ai prévu une surprise beau gosse, tu m'en diras des nouvelles ~
- Une surprise ~?
Elle passe brièvement sa main sous mon t-shirt en répondant d'une voix sensuelle.
- Je suis sûre que ça va te plaire Seonghwa ~
- J'attend de voir ça avec impatience Dahyun ~
Je sors de la salle d'examen, le coeur beaucoup plus léger, enfin ! Enfin ce putain d'exam est fini ! Enfin, je vais pouvoir souffler !
Récemment, Dahyun a disparu dans son travail, moi aussi, nous avions tout les deux des gros examens à venir et nous ne nous voyons plus ou presque, réussissant parfois à nous chopper le temps d'un baiser entre deux rames de métro, et je dois avouer que ça me pèse, elle me manque beaucoup, sa joie de vivre et son enthousiasme étant revigorant pour moi.
Mais maintenant que j'ai fini mes examens, je devrais pouvoir sortir sur ses créneaux de temps libre !
On va même pouvoir fêter nos deux ans de couple qui ont été passés sous silence à cause de nos emplois du temps trop chargés, depuis le temps que j'avais envie de la revoir en tête à tête pour de vrai.
- Allô Dahyun ? Oui, j'ai terminé mes épreuves. Ça s'est plutôt bien passé je pense. Hm... Oui, ce soir... Je vois... Tu... Ah d'accord... Je comprends... Oui, on se retrouve tout à l'heure... Je vois... Bien je... D'accord...
Le soulagement de l'épreuve passée est remplacée par un poids sourd dans ma gorge.
La jeune femme avait l'air nerveuse, tendue, et comme cela fait près d'un mois que nous ne nous sommes pas vu, j'ai peur de ce qu'elle veut me dire...
Le "il faut qu'on parle" n'annonce jamais rien de bon....
Je marche lentement jusqu'à un parc où elle m'a donné rendez-vous et je la vois directement, assise sur un banc.
- Dahyun !
Je m'avance jusqu'à elle et m'assieds à ses côtés.
- Seonghwa...
- Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Je...
Elle me serre soudainement dans ses bras et souffle.
- J'ai reçu une proposition de changement d'école... Je vais intégrer l'école de mes rêves.... Grâce à nos photos...
- Mais c'est génial ça ma demoiselle ! Tu devrais être heureuse !
- Je.... C'est que Seonghwa.... L'école... Elle... Elle est aux US....
J'ai l'impression d'être foudroyé sur place et je me fige, tremblant légèrement.
- Dahyun....
Elle m'embrasse tendrement et souffle doucement, les larmes aux yeux.
- On a déjà eu un aperçu de relation à distance tout les deux et je.... Je ne le supporte pas... Je sais que tu le vis mal aussi...
- Je... Je peux tenir Dahyun... Je peux attendre ton retour...
- Seonghwa... J'ai... Après l'école, je chercherais sans doute du travail là-bas... C'est plus prometteur qu'ici et je... Je suis désolée... Je vais être égoïste, mais je sens que je ne vais pas m'épanouir si je ne peux pas commencer là-bas... J'ai des amies qui montent un projet... Et... Je t'aime mais... Je crois que... Je préfère renoncer à notre relation plutôt que de mettre un frein à mes rêves.... Je suis désolée Seonghwa...
Des larmes coulent doucement sur mes joues et je la serre contre moi de toutes mes forces.
- Dahyun... Je....
Je comprends... Depuis que tu es toute petite, tu suis tes rêves, et je ne veux pas y être un frein, encore moins quand ta décision est déjà prise.
- Je comprendrais si tu m'en veux... On commençait à avoir des projets, on s'aime... On avait prévu d'aménager ensemble bientôt... Et moi je te balance ça à la figure sans prévenir... Je-
- Je ne t'en veux pas.... Je veux que tu sois heureuse et que tu t'épanouisses... Je comprends...
Elle pleure aussi et elle se redresse pour m'embrasser longuement.
- Tu es un homme incroyable, toujours là pour les autres, tu as su me supporter, on a vraiment eu nos bons moments, les deux ans avec toi.... Ont été incroyable... Je ne me suis jamais sentie aussi aimée... Mais je... Toute ma vie... J'ai rêvé de cette opportunité... Maintenant qu'elle est là... Je ne veux pas la lâcher... Je préfère avoir le remord de te laisser que le regret de ne pas avoir suivit mes rêves....
- Je te soutiens Dahyun.... Fonces... Suis tes rêves, suis ton bonheur.... Je....
Je ne sais pas quoi dire... J'aimerais être heureux pour elle, j'aimerais sourire et lui dire qu'elle a raison de foncer, au fond, c'est ce qui est vrai, elle doit suivre son chemin... Mais j'ai tellement mal de la laisser partir... Je l'aime... Je n'arrive pas à sourire... Je n'arrive pas à prendre une voix pleine de joie pour elle... Je suis effondré même si je sais que c'est ce qu'il y a de mieux pour elle...
Toutes les histoires ne se finissent pas comme prévue... On pense souvent qu'une relation s'arrête quand il n'y a plus de sentiments... Mais parfois, c'est plus dur que ça... La vie sépare les chemins... Et les coeurs...
- Je suis désolée Seonghwa.... Mettre fin à notre relation comme ça.... C'est.... On va devoir tourner la page...
- Oui.... Il va falloir.... Mais je... On va perdre tout contact ? Dahyun je...
- Non ! Enfin.... Il faut se laisser le temps je pense... Je... Voilà ma proposition... On reprendra contact dans quatre mois... Le temps de surmonter ça.... S'il nous faut plus, on se laissera plus... Et on deviendra ami... Si tu veux... Je comprendrais si tu ne veux pas...
- Je.... Je ne sais pas... Honnêtement là je....
Là, je suis complètement brisé.
Elle aussi est effondrée mais moins que moi, elle a une raison de mettre fin à tout ça, d'accepter de tourner la page et de partir.... Moi je n'en ai pas.... Je n'ai que celle d'accepter son choix... Je refuse d'entraver sa liberté ou de la faire culpabiliser.... Mais je...
- Je....
Je me lève d'un coup et pars en courant, mes nerfs craquant comme ceux d'un adolescent, je ne peux plus....
Des larmes coulent fort sur mes joues et je cours aussi vite que je le peux malgré le cri de Dahyun qui me hurle je ne sais quoi.
Je ne suis pas capable de tenir une conversation mature plus longtemps, pas avec ce poids sur le coeur et cette souffrance dans la gorge.
J'espérais tellement de cette journée où l'on allait se revoir, de ce moment où j'allais lui dire qu'on pourrait fêter nos deux ans comme on l'avait prévu, j'ai tellement attendu que nous nous retrouvions pour parler de nos projets communs, pour la voir tout simplement, et là.... Là, tout s'est effondré... Mes espoirs sont brûlés....
Mais je ne peux pas lui en vouloir. Je ne peux pas lui en vouloir de penser à elle et à son bonheur.
J'espère qu'elle s'épanouira et je....
J'entends le klaxon au dernier moment et je tourne la tête, les yeux brouillés par les larmes vers la voiture qui fonce sur moi.
- SEONGHWA ! hurle la voix de Dahyun en fond.
Dahyun....
Un violent courant d'air agite mes cheveux à l'instant où la voiture allait me heurter et je me retrouve sur le trottoir d'en face, contre un homme de grande taille dont je ne vois pas le visage à cause de mes larmes.
Mes jambes me lâchent et je tombe lourdement sur l'asphalte, le souffle court et le corps pesant.
Mon coeur bat douloureusement et l'homme s'accroupit à ma hauteur.
- T'évanouis pas, je te porterais pas à l'infirmerie cette fois.
Cette voix....
Song Mingi ?
- Aller debout m'sieur Park.
Une poigne de fer me relève et je me retrouve devant mon ancien élève, j'ai quitté le lycée au retour de la professeur que je remplaçais le temps de son congé maternité, qui me lance un regard un peu blasé avant que je ne tourne vivement la tête pour voir Dahyun de l'autre côté de la route, coincée par le feu rouge, qui me regarde avec inquiétude, ses yeux noirs plein de larmes.
Je m'apprête à retraverser en voyant le bonhomme virer au vert quand la voix du géant brun me dit.
- Si tu perds ton temps à courir vers une histoire déjà terminée, tu ne seras jamais en mesure d'avancer.
- Comment ?
- Je vais pas mêler plus de ce qui me regarde pas. Fais ce que tu veux, répond simplement Mingi en se tournant pour partir, comme s'il n'avait rien dit.
Je regarde alors Dahyun, complètement perdu, et les mots du brun résonnent dans ma tête, putain mais qu'est-ce que je fais maintenant ?
Je vois la jeune femme commencer à s'avancer sur le passage piéton et je souffle profondément.
Non...
C'est fini... Nous ne sommes plus un nous....
Je tourne les talons et m'en vais à grands pas en essayant de masquer mes larmes avec mon bras, peine perdue, plantant la brune ici.
Je dépasse à grandes enjambées Mingi, courant presque, et j'entends un léger soupir lui échapper alors que je tourne au coin de la rue pour aller vers le fleuve Han, m'effondrer sur un banc.
Je n'arrive pas à assimiler tous les évènements de la dernière demi-heure.
Les heures passent lentement, je suis encore sur ce banc, immobile et sanglotant alors que l'air devient froid et que le soleil décline à l'horizon, je ne m'en rends pas vraiment compte, assis là comme un idiot, et mes épaules zébrées de frissons, je vois à peine mes doigts rougir sous la température tournant maintenant autour des dix alors que je suis encore en t-shirt.
Je ne peux pas me dire que c'est fini... Que Dahyun et moi... C'est du passé.... Maintenant, le et n'existe plus... C'est moi, c'est elle, rien ne nous lie plus...
Je sens soudainement une chaleur m'envelopper légèrement et une voix aussi familière que blasée résonne.
- T'as vraiment pas les nerfs solides.
C'est une veste ?
Je lève les yeux sur Mingi et il soupire.
- J'avais pas prévu de te revoir de toute ma vie toi.
- Alors pourquoi tu es là ? soufflais-je en lui tendant sa veste. Rien ne t'y obliges.
- J'sais.
Il me regarde et sourit légèrement.
- Mais y a des choses qui ne changent pas.
- Hein ?
- Rien.
Il s'assied à côté de moi et lâche.
- J'imagine que je te propose pas de clope.
- Sûrement pas.
Pourquoi cette situation est-elle... Familière ? Non, plutôt que familière, elle est naturelle.
- Ça détend pourtant.
- Ça tue surtout.
Il hausse les épaules, épaules qui se sont élargies d'ailleurs, il a évolué physiquement.
Ses traits se sont légèrement acérés, masculinisés si je puis dire, il a encore un peu grandi, il est plus épais, son acné a diminué, son charisme a considérablement augmenté lui par contre, et il en impose bien plus qu'avant.
Il a l'air bien plus mature aussi.
- J'imagine qu'elle t'a largué.
- C'est pas le bon mot... Mais oui...
Pourquoi je lui dis ça ?
Enfin, ce n'est plus mon élève, je ne fais déjà pas l'erreur de ne pas dissocier travail et vie privée...
- Peu-importe que ce soit le bon mot, c'est le même résultat.
Je hoche faiblement la tête et il ricane légèrement.
- Je me demandais si ça pouvait tenir entre vous, vous aviez l'air si opposé. Finalement, j'avais pas complètement tord en me disant qu'elle finirait par tourner à un carrefour avant toi.
- Excuse-moi ?
- Dahyun suit ses objectifs avant de rester aux côtés des gens, et elle ne s'encombre pas de laisser quelque chose derrière elle qu'elle va devoir revenir chercher.
- Tu la connais si bien que ça ?
- On va dire que je la connais surtout depuis longtemps.
Il s'allume une cigarette et je tousse légèrement à la fumée.
- Toi et elle, ça ne pouvait pas durer. Elle a rompu toutes ses amitiés ici en décidant qu'elle partait. C'est pas une mauvaise personne mais elle chemine seule et c'est tout.
Il écrase sa clope en sentant que je ne peux pas supporter ça.
- Je ne veux pas parler de ça Mingi.
Il y a un silence où il se tourne vers moi pour m'observer de longues minutes durant lesquelles, je fixe le ciel avec une certaine tristesse.
- Mingi, toi qui en sais plus que moi sur la vie, comment on oublie ?
- Un prof qui pose une question à son élève sans en connaitre la réponse, c'est ironique.
- Je ne suis plus ton prof, tu n'es plus mon élève depuis longtemps.
- Ouais effectivement.
Il arbore un air pensif et dit.
- T'oublieras pas. Tu peux passer au dessus mais tu peux pas oublier.
Passer au dessus d'un coeur brisé n'est pas si simple...
- C'qui m'amuse, c'est que tu es comme un enfant.
- Comment ça ?
- T'es assis là, à attendre naïvement une illumination, les bras ballants et le nez en l'air.
- Je ne suis pas un enfant, je n'en ai pas non plus le comportement.
- Effectivement, mais tu en as les réactions. Poser la question avant de réfléchir, attendre que je te donne les réponses de quelque chose qui te concerne.
- Mingi, qu'est-ce que tu fais là ?
Il s'appuie sur ses coudes pour jouer avec un briquet et répond.
- Je te pose la même question. On n'a tout les deux en soit rien à faire là.
On n'a rien à faire ensemble effectivement... Je l'ai détesté de me mener la vie dure, il m'a méprisé d'être son prof, nous n'avons pas à nous retrouver comme ça, je n'ai pas à ne pas avoir peur de lui comme ça non plus...
- Ça ne répond pas à ma question. C'est un hors-sujet.
- T'es bien un prof, ricane t'il. Et bien, si tu la veux ta réponse, j'sais pas vraiment. A chaque fois que l'on se croise et que tu es en position de faiblesse, je reste et c'est tout.
Il pose la flamme contre un bout de papier et le regarde brûler avec un sourire un peu insolent.
- Faut croire que j'ai une âme de prince charmant qui défend les petites choses faibles.
Y a des choses qui ne changent pas.
- Ça ne vaut même pas la peine que je te parle si c'est pour que tu dises ça...
- Hm.
Le silence revient, étonnamment... Rassurant.
On entend le bruit de l'eau du fleuve qui coule, les bruits de la ville aussi avec les voitures et les quelques personnes encore dehors à cette heure-là, et je sens un certain apaisement m'envahir.
- Seonghwa.
- Oui ?
- Écrivons nos histoires ensemble.
Je ne savais pas comment conclure le premier gros bébé de ce recueil xD La fin est pas exceptionnelle mais je me sentais pas de développer l'évolution de leur relation sur encore huit milles mots alors que l'os est déjà très long, plus de 17 000 mots...
Désolée d'ailleurs pour les coquilles au niveau de l'orthographe parce que bon- Doit y en avoir un paquet.
So ! J'espère qu'il vous a plu car j'ai vraiment kiffé l'écrire !
Kiss sur vos pétales !😇
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