Dixième Chapitre : Peyton

– Un pas de plus, et je te tranche la gorge, grogna Willow.

Chris sentit ses genoux fléchir, et s'agrippa de justesse à la blonde.

C'était impossible. Le garçon qui lui faisait face était la copie conforme d'Aaron : même corps élancé, même visage, mêmes cheveux bruns, mêmes yeux rieurs. Rien ne semblait le distinguer du vrai, si ce n'était la mystérieuse aura que Chris percevait chez le jeune homme.

Et son sourire. Son sourire était étrange, bancal, incongru dans une situation pareille. Celui-ci ne faisait d'ailleurs que s'élargir, comme si le brun qui se trouvait devant elle trouvait la situation de plus en plus amusante. Intérieurement, Chris le compara à un requin face à son prochain goûter.

Pour une personne qui avait failli se faire dévorer par un monstre la veille, qui s'était fait guérir aussitôt et à qui ses amis mentaient, Aaron avait l'air un peu trop heureux.

Au plus profond d'elle-même, la brune savait que Willow avait raison. Elle-même sentait bien que la personne qui se trouvait face à elle n'était pas Aaron, mais elle refusait de se l'admettre. Il s'agissait plus que d'une simple ressemblance. C'était la même personne.

Chris embrassa rapidement les alentours du regard. Tout occupés avec les casiers vandalisés, les autres lycéens n'avaient pas encore remarqué le pseudo Aaron, ni la lame que Willow tendait pointée sur sa gorge. Cependant, ce n'était plus qu'une question de temps avant que quelqu'un ne les surprenne. Chris préférait ne même pas penser à ce qu'elle dirait si elle devait en venir à expliquer une pareille situation.

Chris resserra doucement son étreinte sur l'épaule de Willow pour l'alerter, sans succès. La blonde brandissait toujours sa lame, l'air menaçant.

Alors, le faux Aaron eut soudain un petit rire, qui déstabilisa les deux filles :

– Je t'en prie, range-moi ce ridicule jouet, dit-il d'un ton goguenard. Nous savons tous les deux que tu ne me feras rien, pas avec tous ces gens qui nous entourent.

Devant elle, Chris sentit Willow se crisper. La blonde serra les dents, furieuse. Elle savait parfaitement que le brun avait raison, elle ne pouvait pas attaquer quelqu'un alors que des innocents se trouvaient tout près. Elle pressa une dernière fois la pointe de sa lame contre la pomme d'Adam du jeune homme, manifestant ainsi un dernier avertissement, puis l'arme disparut aussi vite qu'elle était arrivée dans sa main.

– Que fais-tu ici ? persiffla Willow.

Même si la blonde avait manifestement tenté de la camoufler derrière la colère, Chris comme le faux Aaron avait parfaitement distingué la note de peur qui filtrait dans sa voix.

Le brun roula des épaules, puis eut un petit sourire narquois.

– Rassure-toi, je ne suis pas ici pour vous. À vrai dire, je ne pensais même pas te trouver dans cette petite ville. Mais, maintenant que je te vois ici, je ne peux m'empêcher de penser que ta présence cache sûrement quelque chose... d'intéressant.

En prononçant ses paroles, ses yeux glissèrent de Willow à Chris, qui l'observait en silence. Il lui envoya un regard appuyé pendant un certain temps, juste ce qu'il fallait pour que Chris remarqua l'animosité qui transparaissait dans son regard sombre.

Willow avait raison : ce type ne pouvait pas être Aaron.

– Que fais-tu ici ? répéta Willow, l'air nettement moins patiente.

Elle se décala afin de dissimuler Chris de la vue du brun, l'obligeant à reporter son attention sur la blonde. Cela marcha, car il posa les yeux sur Willow en fronçant les sourcils, se désintéressant complètement de Chris. Toute trace de joie s'était envolée de son visage.

– Et toi, que viens-tu faire dans cette charmante petite ville ? répliqua-t-il sèchement

Willow lui envoya un regard noir, mais garda les lèvres résolument closes. De son côté, le brun se mit de nouveau à sourire.

– C'est bien ce que je pensais.

– Chris ? Chris !

La concernée sentit son sang se glacer alors qu'elle reconnaissait avec horreur la voix qui venait de l'appeler.

Elle n'eut pas le temps de se retourner, qu'elle sentit déjà sa présence derrière elle. Elle tourna légèrement la tête, et croisa le regard confus du véritable Aaron. Celui-ci n'avait même pas jeté en regard en direction de Willow et de l'autre Aaron.

– Il faut qu'on parle, dit-il d'un ton grave, avec l'air d'une personne qui venait de traverser l'Enfer.

– Heu...

Chris fit l'erreur de tourner la tête vers les deux autres. Aaron suivit son regard, et Chris le sentit instantanément se crisper lorsque le brun posa les yeux sur son sosie parfait. Sa mâchoire chuta, tandis que l'autre ouvrit de grands yeux, manifestement surpris. Visiblement, le faux Aaron ne s'attendait pas... à ça.

Tous deux avaient l'air tellement ahuri que si la situation n'avait pas été aussi grave, elle aurait presque été drôle. Chris se mordit la lèvre, retenant un rire nerveux qui menaçait de sortir à n'importe quel instant. Plus les choses allaient, et plus elles tournaient au ridicule.

Près d'elle, Aaron semblait trouver la situation tout sauf amusante. Le brun s'était complètement raidi, le regard fixé sur son double comme s'il ne voyait plus rien d'autre. Le monde s'était comme figé autour des quatre adolescents, qui demeuraient droits comme des piquets, sous le choc.

Le faux Aaron bougea enfin, sortant tout le monde de la torpeur dans laquelle le petit groupe s'était enveloppée. Et, sous les regards décontenancés des trois autres, il tendit soudain une main amicale en direction d'Aaron.

– Enchanté, susurra-t-il.

Aaron contempla un instant la main tendue face à lui, complètement bloqué. Puis, son regard se posa sur son double, qui souriait toujours, avant de se tourner vers Willow et Chris.

– C'est quoi, ce bordel ? lança le brun entre ses dents.

Ses mâchoires étaient tellement crispées que Chris était étonné qu'il arrive encore à parler.

Au départ, personne ne répondit, jusqu'à ce que l'autre Aaron écarquille soudain les yeux. Il se tourna vers Willow, qui se crispa instantanément.

– Ne me dis pas que tu ne lui as rien dit ? s'exclama-t-il, l'air ravi. Intéressant, Willow, très intéressant.

Comme Willow se contentait de le fixer sans répondre, son regard glissa vers Aaron, qui ne décrispait pas.

– C'est bien lui, n'est-ce pas ?

– C'est pour le préserver des personnes comme toi que nous ne lui avons rien dit, lança durement Willow, écumante de rage.

– Alors, c'est bien lui.

Le brun marqua une pause et, pendant quelques secondes, sourire et regard furieux s'affrontèrent. Jusqu'à ce que l'autre Aaron reprenne la parole, susurrant ces deux mots qui, à peine lâchés, eurent l'effet d'une bombe :

– Mon frère.

Chris sentit son cœur s'arrêter.

Aaron également.

Willow envoya quant à elle un regard scandalisé en direction du brun, l'air au moins autant choquée que les deux autres.

L'explosion était à deux doigts d'avoir lieur mais, avant que quiconque n'ait le temps de réagir, la porte de la salle devant laquelle ils se trouvaient s'ouvrit à la volée, révélant la mince pincée de Mrs Finch, la professeure de littérature.

– Que se passe-t-il, ici ?

Elle avait opté pour une mine sévère, qui s'évanouit cependant lorsqu'elle remarqua les deux Aaron qui se tenaient face à elle, affichant pour l'un le même air perdu que la prof et pour l'autre, un sourire jovial.

À nouveau, le deuxième Aaron tendit une main en direction de la prof :

– Je m'appelle Peyton, expliqua-t-il avec politesse. Je suis un des deux nouveaux élèves.

La prof posa un regard confus sur la main tendue du dénommé « Peyton », avant de la saisir et de la secouer distraitement.

– Bien sûr, grommela-t-elle de son éternelle voix rauque. Vous apprendrez qu'un retard lors de son premier jour de classe est très mal vu, ici, à Devil's Creek. Pressez-vous.

Mrs Finch s'était adressée à Peyton, mais son regard n'avait cessé de se poser tour à tour sur chacun des quatre élèves, afin qu'ils se sentent tous concernés. Puis, après un dernier regard courroucé, elle s'éloigna vers les élèves attroupés devant les casiers, hurlant aux lycéens de rejoindre leur classe.

Peyton lança un dernier regard amusé en direction d'Aaron, puis s'engouffra dans la salle de classe. Willow s'autorisa un bref soupir puis, avant que quiconque n'ait le temps de poser une question, elle poussa Chris et Aaron à l'intérieur de la salle avec un air qui disait clairement : « Plus tard ».

La salle de classe était complètement vide. Chris se dirigea automatiquement vers une place à la dernière rangée, juste sous la fenêtre. Alors qu'elle s'asseyait, elle vit Peyton approcher. Celui-ci lui adressa un sourire lumineux et, alors qu'il allait tirer la chaise voisine à celle de Chris, un éclair blond passa entre eux. La seconde qui suivit, Willow avait pris place à la droite de Chris, fusillant Peyton du regard qui n'eut d'autre choix que de s'installer ailleurs. Aaron, qui tardait à les rejoindre, s'assit quant à lui devant Chris. Son regard ne décollait pas de son double.

De celui qui avait prétendu être « son frère ».

Chris ne savait quoi penser. Entre les apparitions de nouveaux esprits et de monstres à Devil's Creek et maintenant cette mauvaise imitation d'Aaron qui débarquait comme une fleur, la jeune fille ne savait plus où donner de la tête. D'où ce « Peyton » pouvait-il bien sortir ? Qui était-il vraiment ? Aaron et lui étaient-ils vraiment frères ?

Et puis, il y avait Willow. Celle-ci semblait manifestement bien connaître le nouvel arrivé. Un peu trop bien, même. Et, par-dessus tout, elle n'avait même pas semblé surprise par l'annonce du soi-disant lien de parenté entre Aaron et Peyton. Aux yeux de Chris, la blonde avait plutôt eu l'air affolé d'une personne qui craignait que l'on trahisse son secret. Mais, le plus étrange restait le moment où elle questionné Chris sur Jane. Comment pouvait-elle être au courant de l'existence du fantôme ?

Qui était vraiment Willow ?

Autour d'eux, la salle de classe se remplissait au fur et à mesure que les élèves arrivaient. Le cours ne tarda pas à commencer, sans que Chris n'y prête grande attention, plongée dans de sombres pensées. De temps à autres, elle arrivait à surprendre des élèves un peu trop curieux qui ne pouvaient s'empêcher de dévisager successivement Aaron puis Peyton. Cependant, cela n'allait pas plus loin ; personne n'avait encore fait de remarque sur leur étrange ressemblance.

Du moins, jusqu'à ce que Tyler Adams – dixit le plus gros trou du cul de Devil's Creek – qui était assis juste devant Aaron, se retourne carrément vers les deux sosies.

La brune ferma les yeux, sentant que la situation dégénèrerait dès que Tyler ouvrirait la bouche. Déjà, celui-ci prenait la parole :

– Bon, vous nous expliquez ?

Face à son camarade de classe, Aaron fronça les sourcils.

– J'ai l'air d'humeur à jouer aux devinettes ? grogna-t-il d'un ton très peu patient.

– Me prends pour un con, répliqua Tyler en roulant des yeux, tu sais très bien de quoi je veux parler. On a tous remarqué que toi et le nouveau était le portrait craché l'un de l'autre. Tout le monde ici se pose des questions, mais je suis le seul ici à oser dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Alors, expliquez-nous : pourquoi vous avez la même gueule, tous les deux ?

Aaron plissa les yeux, la colère montant un peu plus au fur et à mesure que Tyler parlait. De son côté, Peyton n'avait pas pipé mot, se contentant jusque-là de fixer la scène sans broncher.

– Tu penses vraiment être en position d'exiger quoi que ce soit de moi ? rétorqua sèchement Aaron.

– Allez, soit cool mec. On veut tous savoir.

– Monsieur Adams, cessez de perturber la classe et concentrez-vous un peu, tonna la voix de Mrs Finch. C'est ici que ça se passe !

– Vous êtes quoi, au juste ? Des clônes issus d'une expérience scientifique ? continua Tyler en ignorant totalement la prof.

– Tu devrais vraiment te taire, intervint soudain Peyton avec une moue dédaigneuse. Tu ne sais pas de quoi tu parles.

Un lourd silence était tombé sur la salle de classe. À présent, plus personne n'écoutait le cours de littérature, l'attention générale étant complètement dirigée vers l'imminente altercation opposant Tyler à Aaron et Peyton.

– Peut-être que vous êtes frères, continuait d'ailleurs le premier. Des frères jumeaux cachés, séparés à la naissance parce que vos parents étaient incapables de s'occuper de...

Le reste de la phrase fut soudain noyé dans un bruit assourdissant. Lorsque Chris comprit ce qu'il venait de se passer, la chaise d'Aaron gisait renversée sur le sol, et l'adolescent avait attrapé Tyler par le col de son t-shirt et le maintenait face contre sa table, écumant de rage. À l'autre bout de la classe, la prof hurlait son exaspération.

– Ecoute-moi bien, parce que je ne le répéterai qu'une seule fois, grogna Aaron d'un ton dangereusement bas. Je ne sais pas d'où sort ce guignol, je ne le connais pas, et je sais encore moins pourquoi on a la même tête. Mais je sais que ça ne te regarde pas, comme ça ne regarde personne d'autre, d'ailleurs, fit-il remarquer en haussant la voix. Je te conseille donc de te sortir toutes ces conneries de la tête et de ne plus jamais en reparler, c'est clair ?

– Sinon, quoi ? Tu vas me passer à tabac ?

– Si ça peut te faire plaisir, rétorqua le brun en levant le poing.

– Aaron ! s'écria Willow en se redressant brusquement.

Mais, lorsque l'adolescent relâcha Tyler, Chris devina que l'intervention de la blonde n'y était pour rien lorsqu'elle vit Aaron lever les mains à hauteur de son visage et poser sur ses paumes un regard paniqué, juste avant de les enfoncer dans sa poche. Elle allait se lever pour le rejoindre, mais Peyton fut plus rapide ; avant que Chris n'ait pu faire un pas de plus, l'autre se trouvait déjà près de son double, tendant la main vers lui.

Et, au moment où leurs peaux entrèrent en contact, une aveuglante lumière rouge inonda la classe.

Des hurlements commencèrent à retentirent un peu partout dans la pièce, et Chris se fit même bousculer à plusieurs reprises par des élèves complètement terrorisés. À tâtons, la jeune fille se fraya un chemin au milieu des tables et des adolescents, cherchant Aaron au milieu de la panique générale. Elle était presque arrivée sa table, lorsque quelqu'un lui rentra dedans de plein fouet.

Pile à ce moment, la lumière rouge s'évanouit.

Au lieu d'Aaron, Chris se retrouva nez à nez avec Willow, avec qui elle échangea un regard dépité.

– Où est-ce qu'il est passé ? hurla Chris au-dessus du vacarme.

La jeune fille avait beau chercher le brun du regard, celui-ci demeurait introuvable. Tout comme Peyton d'ailleurs, qui avait lui aussi mystérieusement disparu en même temps qu'Aaron.

Un léger crissement parvint aux oreilles de Chris. Celle-ci se tourna à nouveau vers Willow, et frémit lorsqu'elle repéra la dague que la blonde faisait lentement tourner entre ses doigts.

– Vas le chercher, ordonna-t-elle. Je m'occupe de l'autre. Et essaye de trouver Jane, elle pourra t'aider.

Chris acquiesça rapidement avant de tourner les talons, essayant d'ignorer l'angoisse qui lui étreignait la poitrine et le fait que Willow venait une fois de plus d'évoquer le nom de Jane, le plus naturellement du monde. Elle réussit à se frayer un chemin parmi la foule et à se glisser hors de la salle, sans que personne ne la remarque.

Une fois qu'elle fut à l'extérieur et que la porte de la salle de classe se referma derrière elle, Chris fut soudain enveloppée d'un silence glaçant, lui arrachant un désagréable frisson. Vérifiant que personne ne se trouvait dans les parages, Chris s'appuya contre un des casiers et ferma les yeux, oubliant tout ce qui se trouvait autour d'elle.

– Jane..., articula-t-elle dans un souffle, d'une voix qui n'était pas la sienne.

Aussitôt, les cheveux de la brune se dressèrent sur son échine. Chris sentit une sombre aura se déverser sur elle et glisser sur sa peau, comme si des ombres s'étaient mises à ramper sur ses membres, cherchant un moyen d'entrer en elle.

Lorsqu'elle rouvrit les yeux, Jane se tenait devant elle, l'air complètement ébahie.

– Pourquoi est-ce que je viens de croiser deux fois ton petit copain de tout à l'heure, à deux endroits différents et en moins de deux secondes ? demanda l'esprit de but en blanc.

– Alors tu l'as vu, soupira Chris en se pinçant l'arête du nez.

Jane roula des yeux.

– Oui, je l'ai vu. Je te laisse cinq minutes en t'interdisant formellement de t'approcher de... ce mec, et quand je reviens, non seulement tu m'as désobéi, mais en plus tu as réussi à en sortir un deuxième de nulle part !

– Ce mec s'appelle Aaron, répliqua Chris. Et l'autre dit s'appeler Peyton. Il... il prétend aussi que lui et Aaron sont frères, ajouta la brune après un moment d'hésitation.

À ces mots, les yeux de Jane s'élargirent tels des soucoupes volantes. Chris avait réussi à capter son attention.

– Continue, ordonna l'esprit.

– Il est arrivé juste après que tu sois partie. Même si j'ai tout de suite vu que quelque chose clochait chez lui, je l'ai d'abord pris pour Aaron, jusqu'à ce que Willow le démasque. Puis, ils ont parlé de tout un tas de chose... je ne sais pas, je n'ai pas tout compris. Peyton a révélé être à Devil's Creek pour une raison, mais il n'a pas précisé laquelle. Ensuite, Aaron est arrivé... nous sommes rentrés en classe... et c'est là que ça a dégénéré.

Chris poursuivit avec l'altercation entre Aaron et Tyler, puis avec le flash rouge qui était apparu au moment où Peyton avait touché Aaron, sans n'omettre aucun détail. Elle n'avait peut-être pas confiance en Jane, mais Aaron était sûrement en danger. Et, s'il y avait la moindre chance que Jane puisse lui être utile, elle préférait mettre toutes les chances de leur côté.

À la fin de son récit, Jane semblait comme sidérée. Ses yeux étaient exagérément écarquillés, et elle restait plantée sur place, sans bouger. Un long moment s'écoula, pendant lequel la jeune femme resta coite.

– Jane, plaida Chris, aide-moi s'il-te-plaît.

Finalement, l'esprit sembla se reprendre.

– Non.

Non ?

– Comment ça, non ? s'offusqua Chris en fronçant les sourcils. Aaron est peut-être en danger !

– Tu ne penses pas qu'en volant à son secours si héroïquement, c'est peut-être toi qui courras un danger ? Qu'est-ce que tu ne comprends pas quand je te dis que tu ne dois plus l'approcher !

– Tu comptes donc laisser un innocent mourir ?

– Tu penses que c'est ce qui m'empêchera de dormir la nuit ?

Jane poussa un lourd soupir, alors que Chris se contentait bêtement de la fixer, incapable de prononcer un mot de plus. Comment un être aussi cruel pouvait-il exister ?

– Ecoute, poursuivit Jane plus calmement. Même si je voulais t'aider, je ne vois vraiment pas comment je pourrais m'y prendre.

– Vraiment ? répliqua sèchement Chris. Tu te vantes toujours d'être l'esprit le plus puissant à avoir jamais existé.

– C'est vrai, admit Jane avec un sourire.

– Prouve-le.

Au même moment, un froid glacial s'abattit sur le couloir. Un courant d'air passa sur la nuque de Chris, qui comprit ce qu'il se passait lorsque le même mauvais pressentiment que la dernière fois l'envahit. Elle avait l'impression qu'un monstre était tapi tout au fond d'elle, et qu'il grignotait de l'intérieur.

C'était une sensation affreuse.

Rapidement, Chris se mit à grelotter. Elle leva les yeux vers Jane, dont toute trace de sourire avait déserté le visage et qu'une expression d'horreur avait remplacé.

Puis, en même temps, elles pivotèrent vers la source de toutes ces ondes négatives. Et, lorsque Chris la vit, elle eut le même mouvement de recul que la première fois.

À l'autre bout du couloir, se tenait le même esprit. Mêmes vêtements déchirés, même aura, même expression hantée. Bien que ses lèvres ne remuaient pas, Chris entendait des bribes de mots inintelligibles flotter dans l'air.

– ... ils vont venir pour nous... fais attention au cœur... le cœur aura nos vies... à tous...

Les mêmes que la dernière fois.

– Bordel, siffla Jane.

– Tu la vois, toi aussi ? murmura Chris sans décoller les yeux de l'esprit.

Jane hocha lentement la tête, complètement absorbée par le fantôme qui continuait sa sombre litanie trois mètres devant elle.

Soudain, la jeune femme disparut.

Pour réapparaître juste devant Chris, tellement prêt de l'adolescente que la brune pouvait sentir la puanteur de la mort ainsi que la quantité considérable d'énergie qui se dégageait de l'esprit.

Chris amorça un pas en arrière, surprise, mais s'immobilisa au moment où son regard rencontra celui du fantôme. Celui-ci la regardait droit dans les yeux, et non de son regard habituellement perdu dans le vague. Alors que la première fois, la jeune femme avait semblé terrorisée, à présent une lueur de colère brûlait au fond de ses yeux émeraudes.

– Trouve-le ! ordonna-t-elle avant de disparaître.

Puis, son corps s'effaça, emportant avec lui le désagréable ressenti de mort. Alors que la température retournait à la normale, Chris sentit soudain l'élancer douloureusement. Une fois. Deux fois. Puis encore une autre. Déconcentrée par la douleur provenant de son bras, la brune mit un certain temps avant de réaliser que Jane était en train de lui parler.

– Quelque chose ne va pas ? s'enquit l'esprit en reluquant Chris de haut en bas. Je veux dire, à part ce qu'il vient de se passer.

– Je ne sais pas... j'ai mal au bras, mais...

Une nouvelle vague de douleur, plus puissante que les autres, l'interrompit. Chris serra les dents, laissant tout juste passer un petit cri de douleur. Alarmée, Jane attrapa la manche de la jeune fille, et la tira afin d'examiner son bras. Aussitôt, le visage de l'esprit se décomposa.

– Merde !

– Que...

Chris ne finit pas sa phrase. La douleur était intolérable, l'empêchant de se focaliser sur autre chose. Elle ne sentait plus que son bras et l'insupportable souffrance qui s'en dégageait, comme si quelque chose essayait de franchir la barrière de sa peau. Le monde s'était mis à tourner dangereusement autour d'elle, et sa vue commençait à se brouiller. Elle entendant à peine la voix de Jane, qui hurlait son prénom.

Brusquement, ses jambes se dérobèrent sous elle, et la sensation de sa tête cognant le sol fut la dernière chose dont Chris eut conscience avant de sombrer.

***

Wouhou !

Voilà voilà, c'est la fin du chapitre dix. Alors, vos verdicts pour ce chapitre ?

Et que pensez-vous du tout nouveau personnage, Peyton ? Qui est-il ? Vos impressions par rapport à son soit-disant lien de parenté avec notre Aaron ?

D'ailleurs, où est passé Aaron ? (Je me pose moi-même la question quand même, si ce n'est pas triste xD)

Je voulais également vous souhaiter une bonne rentrée à tous (oui, un peu en retard parce que ça fait déjà une semaine que les cours ont repris !). Alors, ça s'est bien passé de votre côté ? Vous êtes content(e)s de vos classes ? De vos profs ?

Encore une chose : aussi incroyable que ça puisse paraître, LEGENDS fait parti des 700 nominés des Wattys 2018 ! Je suis tellement contente, je n'en reviens toujours pas !  Je voulais donc remercier tous ce qui me lisent (même si vous êtes 0,6 personnes haha), et tout le monde parce que ça me donne envie de remercier la planète entière !

Bisous à tous,

HightoppAndTea (vous aviez saisi la référence à Madelyne dans mon pseudo ou pas ?) X)