Chapitre 4
J’agrippe le bras de mon amie pour nous pousser plus au fond de la salle, loin d’eux.
– Mais qu’est-ce que tu fais ?
– Je… C’était trop pour moi.
Elle pose doucement sa main sur mon bras, son regard s’ancrant dans le mien avec une lueur de bienveillance.
– Noélie, ce n’est pas parce que tu as vécu l’enfer avec un homme qu’ils sont tous les mêmes.
– Je le sais, mais c’est plus fort que moi. Je n’aime pas quand on me regarde.
– Pourtant tu l’as bien fait, toi, juste avant ?
Elle s’approche de moi, un sourire aux lèvres. Elle m’a vue et je me sens mal. Comme si j’étais coupable d’avoir baissé ma garde et de m'être autorisé à le regarder.
– C’est normal. Tu es une femme magnifique qui, même si tu ne l’admettras jamais, a des envies, comme tout le monde. Regarder un homme, ou que lui te regarde, ne veut pas dire que la minute d'après, tu retombes dans ton enfer.
– J’ai l’impression d’être face à ma mère quand elle me faisait la morale plus jeune, bougonné-je, détournant le regard sur un point au loin.
Elle rigole doucement avant de terminer.
– Il faut que tu tournes la page, chérie.
– C’est déjà fait, ça.
– C’est faux, et tu le sais. Tant que tu n’auras pas réussi à refaire confiance aux hommes, tu auras toujours cette peur au fond du bide.
J’avale difficilement ma salive, mon cœur tapant plus fort en sentant cette boule qu’elle décrit. Je ne sais pas si j’ai vraiment envie de leur refaire confiance. À quoi bon ?
Être à son service ?
Lui préparer de bons petits plats quand il rentre ?
M’oublier pour ne vivre que pour lui ?
Attendre une caresse inlassablement et redoutant les coups ?
J’ai déjà donné au nom de l’amour et j’ai failli tout perdre. Je ne suis pas prête à remettre ça sur le tapis. Même si certains hommes me plaisent, il faut qu’ils restent loin de moi. Je n’ai plus besoin d’eux.
***
Le gala est bien entamé. Les discussions vont bons trains. Je regrette que Marina n’ait pas pu être présente ce soir. Nous aurions formé un trio parfait sur la piste de danse qui commence à se créer.
De nombreuses personnes commencent déjà à partir, les plus âgées en général. Si cela suit le fil habituel, il va bientôt y avoir un discours de remerciement, avant que la partie danse ne commence vraiment. Gentiment au début avec des duos, puis plus libre par la suite avec des musiques bien plus modernes.
Aurore risque de ne pas quitter la piste de danse. Elle attire les regards de nombreux hommes. Je suis sûr qu’elle va avoir plusieurs demandes de danse… et sûrement des numéros à emporter.
Au vu de son sourire charmeur et de ses yeux qui pétillent de malices, elle est heureuse de l’effet qu’elle produit. En même temps, seul un aveugle ne verrait pas sa beauté à vous couper le souffle. Encore plus aujourd’hui.
Ma tante monte au loin sur l’estrade, se racle doucement la voix vers le micro pour vérifier qu’il fonctionne et attirer l’attention.
Son sourire est étincelant. Elle semble heureuse de la tournure de son gala. Son mari l’accompagne, l’épaulant.
– Bonsoir ! Je tenais à vous faire un rapide discours pour vous remercier d’être venus et d’avoir participé, d’une quelconque manière que ce soit, à ce gala de charité. Je suis heureuse de vous annoncer que ce gala, grâce à votre aide, va permettre la construction de plusieurs arrivées d’eau potable dans les villages d’Afrique qui en ont besoin…
Je détourne le regard, prenant un feuilleté lorsque le serveur s’approche. Je le remercie d’un signe de tête, n’écoutant plus le discours.
Aurore se penche vers moi, attrapant ma main.
– Regarde ! chuchote-t-elle. C’est l’homme de tout à l’heure…
Spontanément, je tourne les yeux vers l’estrade et remarque l’homme en costume bleu monté sur la scène. Son sourire éclatant charme les dames du premier rang sous mes yeux désespérés. Encore un mec mignon qui fait tomber les culottes. Youpi !
C’est écœurant. Je souffle doucement.
– Et qu’est-ce qu’il fait là, au juste ? réponds-je d’une voix lasse.
Elle me fusille du regard, ses sourcils se fronçant adorablement.
– Écoute un peu ! Ta tante vient d’annoncer que c’était le plus gros donateur de la soirée, ajoute-t-elle en le fixant à nouveau.
Je hausse les épaules, pas le moins du monde impressionnée par sa générosité. Grand bien lui fasse, si cela lui a fait plaisir. Son argent fera des heureux, c’est certain.
On sent mon amertume face aux hommes, ou pas encore ?
Je tourne tout de même mon regard une nouvelle fois vers l’estrade. Mes yeux apprécient ce qu’ils voient, c’est indéniable. Il a tout pour plaire, et semble très bien le savoir. Il remercie ma tante rapidement pour cette soirée, et reste humble quant à son don. Il n’ajoute pas plus de commentaires, donne une accolade à mon oncle et à ma tante et descend de la scène en posant son regard sur la foule.
Ses yeux s'accrochent aux miens, comme si j’étais la seule femme présente dans la pièce. Il me fixe de ses prunelles sombres, sans détourner le regard. Ses traits n’expriment plus la joie feinte qu’il avait sur scène. Seul un léger sourire se forme avant qu’il ne se fonde dans la masse et que je le perde de vue.
– Et après tu oses dire que tu n’aimes pas qu’on te regarde. Ma chérie, ce n’est pas en le dévorant des yeux que ça va marcher.
Je reviens à la réalité et fixe Aurore en fronçant des sourcils. Elle porte innocemment sa coupe à ses lèvres.
– Je ne le dévorais pas du regard.
– À d’autres, tu veux. Ça crève les yeux qu’il te plait.
J’avale à mon tour une grosse gorgée de champagne, avant d’avouer timidement.
– Peut-être, je te l’accorde. Mais ça n’ira jamais plus loin.
Elle laisse tomber l’une de ses mains sur sa jambe, soufflant désespérément devant mon cas.
– Pourquoi est-ce que tu te prives à ce point ? Ce n’est pas parce qu’il te plait que tu dois te marier avec. Les femmes aussi ont le droit de prendre du bon temps et d’apprécier la vie.
– Changeons de sujet, OK ? Je n’ai pas envie de me prendre la tête avec toi sur ça.
Elle bougonne dans son coin, répétant que nous aurons cette discussion autant de fois qu’il le faudra pour que je baisse les armes. Ce n’est pas gagné.
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