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78-

Bon.

Reprenons.

Qu'est-ce que je faisais là déjà ?

Ah oui.

Bon.

Admettons.

Je pris une grande inspiration alors que le stewart me proposait de choisir entre un café, un thé, ou un verre de jus de tomate.

Sérieusement, du jus de tomate ?

Il y avait des gens pour boire ça à bord d'un avion ?

— Vous auriez du chocolat chaud ? l'interrogeai-je.

Le regard de l'homme fit la navette entre le petit garçon assis sur le siège dans la rangée à côté de la mienne puis moi, mais je lui offris un sourire avenant.

Oui, j'avais l'air d'un gamin de dix ans mais j'assumais.

— Bien sûr monsieur.

À la bonne heure.

Je récupérai mon dû avant de jeter un regard au hublot.

Il me restait encore trois heures de vol jusqu'à Séoul sur les neuf heures d'avion déjà comptabilisées.

Je n'avais qu'une hâte, quitter cette carlingue qui survolait les océans.

« Il est temps de partir en vacances, Kim » avait dit le médecin en chef du service de pédiatrie palliative il y a cinq jours.

Ou autrement dit, de manière plus franche : « Il est temps que vous preniez tous vos congés que vous n'avez pas posés depuis trois ans, la clinique ne souhaite pas vous les payer, ça leur coûterait trop cher. »

Radin, va.

En tout cas, le service m'avait plus que poussé à partir en congés et je n'avais pas eu d'autres choix que de dire oui. J'avais écrit le mot « Vacances » sur le groupe de discussion que je partageais avec mes amis et sans attendre les réactions avaient fusé.

Je me mis à sourire avant d'allumer la tablette tactile insérée dans le siège en face de moi.

Combien de temps cela faisait ? Depuis que je n'avais pas mis les pieds en Corée ?

Quatre ans peut-être ?

Depuis ce jour-là ?

Y repenser me fit mal au cœur alors je fis défiler le catalogue de films et de séries à regarder.

Halmeoni, Halabeoji, si vous saviez comment vous me manquez depuis que vous êtes partis...

Je crois que ce jour-là, je n'avais plus jamais eu envie de revenir en Corée.

La perte des derniers membres de ma famille m'avait ébranlé et ça avait fait mourir quelque chose en moi. Comme si mes attaches s'étaient brisées.

Et pourtant, au mot « vacances », l'envie d'y retourner m'avait pris comme si c'était naturel. Comme un automatisme de pensée.

J'avais ce sentiment qu'il fallait que j'y retourne.

Je ne savais pas pourquoi.

Peut-être pour me convaincre qu'il ne restait plus rien là-bas ?

J'enclenchai la saison 4 de « The Big Bang Theory » que j'avais déjà regardée huit cent fois en sirotant mon chocolat chaud.

Ne subsistait qu'une question qui tournait en boucle dans ma tête : Est-ce que j'avais bien fait de revenir ?

Trois bonnes heures plus tard, je tâchai de récupérer rapidement ma valise sur le tapis roulant. Mais comme d'habitude, ce n'était jamais la mienne qui arrivait en premier.

Impatient, je rallumai mon téléphone pour découvrir un bon nombre de messages.

Certains étaient visiblement impatients de mon retour.

Bambam avait écrit, justement : « Tu nous as ramené des cadeaux, hein ? », le tout accompagné d'un smiley se voulant innocent mais qui ne l'était pas. On avait beau avoir vieilli, pris en maturité et en sagesse, ce gamin restait un gamin.

Jimin avait ajouté : « On va avoir des cadeaux ? », avec un smiley tout content.

La bonne blague, ils faisaient les innocents alors qu'ils m'avaient harcelé pour que je leur ramène tout un tas de trucs.

Je relevai les yeux alors que ma valise arrivait jusqu'à moi.

J'avais pensé à prendre les cadeaux, n'est-ce pas ?

En la soulevant d'une main, le doute me prit.

Je n'avais quand même pas fait la boulette de les oublier sur la table du salon ?

C'est avec un air concentré, alors que j'étais en train de refaire le check-up mental de tout ce que j'avais mis dans ma valise, que j'arrivai dans le hall des arrivées.

J'avais pourtant fait une liste, donc impossible d'avoir oublié quelque chose. J'avais pris ma brosse à dent, mon pyjama, ma peluche tata...

— Taehyung !

Une voix interrompit le fil de mes pensées et je tournai la tête rapidement avant que ne s'étale sur mon visage un large sourire rectangulaire. Jin hyung répondit à mon sourire et déposa la petite fille qu'il avait dans les bras sur le sol. Je m'approchai d'eux et il m'offrit une douce accolade.

— Tu as fait un bon vol ?

— J'ai dormi la plupart du temps...

Je jetai un regard à la petite qui se cachait derrière les jambes de son père et m'accroupis.

— Aecha, dis bonjour, chuchota Jin.

Mais la dénommée se cacha encore plus.

Elle était adorable et je la saluai d'un petit geste de la main :

— Bonjour Aecha, moi c'est Taehyung.

Elle ne me répondit pas et je me relevai.

— C'est ton portrait craché, hyung.

— Je sais, elle est trop belle, crâna-t-il.

Il avait l'air complètement gaga de son enfant.

Hyung posa ensuite une main sur mon épaule :

— Je suis vraiment heureux que tu sois rentré.

Je ne répondis que par un sourire. J'ignorais si j'étais heureux, soulagé ou inquiet quant à ce retour, c'était encore trop tôt pour le dire.

Mon aîné tendit la main à sa fille et on prit le chemin du parking jusqu'à la voiture. Aecha me fixait d'un air timide mais curieux et je lui fis des grimaces qui la firent rire alors que son père l'aidait à s'attacher sur le siège arrière.

— Là, elle est timide, m'annonça-t-il, mais dès qu'elle sera plus à l'aise, prépare-toi à une avalanche de questions.

— Je suis prêt, assurai-je.

Sur la route, quelques minutes plus tard, nous quittions enfin l'aéroport, Jin hyung au volant. De mon côté, j'observai le paysage comme si je le redécouvrais.

— Tu n'étais pas obligé de venir me chercher, j'aurais pu prendre le taxi....

— Je suis en congé jusqu'à demain, j'ai fermé le cabinet quelques jours pour me reposer, Dasom est très occupée avec le lancement du nouveau jeu dans sa compagnie et mes parents n'étaient pas disponibles pour garder Aecha et Sunhi.

— J'ai hâte de voir ta deuxième ! m'exclamai-je en me tournant vers lui tandis qu'il réglait la radio.

La seconde fille de hyung était née il y a six mois, Dasom nous avait filmé quelques passages où hyung lui donnait le biberon et j'avais cru fondre devant tant de douceur.

— Tu rigoleras moins quand elle pleurera, m'informa-t-il en passant une main fatiguée sur son visage. C'est un vrai gouffre sans fin dès qu'il s'agit de nourriture.

— La déesse a dû la bénir.

Il s'arracha un gloussement avant de reprendre :

— Tu vas faire quoi pendant ce mois entier de vacances ?

Je me calai dans le siège alors qu'à l'arrière, Aecha jouait avec son jeu musical.

— Voir tout le monde, aller à Busan, peut-être, puis à Daegu et aussi...

Mon regard se perdit l'espace d'un instant. Je revoyais la maison de mes grands-parents, celle de mes souvenirs, puis d'autres réminiscences arrivèrent, une balançoire, un lit, un regard, des grains de beautés...

Je secouai la tête brusquement.

— Ça fait longtemps que je ne suis pas revenu alors je compte être un touriste total, annonçai-je avec enthousiasme. Tu sais par quoi je vais commencer ?

— Laisse-moi deviner, par manger tous les plats coréens que tu pourras ?

— Comment tu sais ?

Il se mit franchement à rire :

— Taehyung, je suis content que tu n'aies pas changé. Ne change jamais d'ailleurs.

J'acquiesçai, amusé.

Pourtant, j'avais le sentiment d'avoir tant changé que revenir en Corée me renvoyait l'image du Taehyung que j'avais été.

Et qui n'étais jamais revenu...

Jin hyung habitait une maison dans un quartier sud de Séoul, en bordure, entre la campagne et la ville. Il avait repris un cabinet médical après le départ en retraite du précédent médecin généraliste.

La maison était agréable, assez moderne, avec un petit jardin. Lorsque hyung se gara, les passants et les voisins le saluèrent. Le quartier semblait accueillant et d'après ce que Bambam m'en avait dit, l'arrivée d'un jeune médecin qui s'était installé dans ce quartier isolé loin du centre de Séoul avait rendu heureux les habitants.

Une fois les pieds sur terre, Aecha se précipita vers la maison en courant dans sa petite robe grise et un chien nous accueillit en aboyant, je lui caressai la tête affectueusement.

— C'est celui de Dasom ? Comment s'appelle-t-il déjà ? demandai-je à mon aîné.

— Anpaman, répondit-il en fermant les portières de la voiture.

Je me mis à glousser devant le vieux chien qui battait de la queue alors que je lui offrais quelques caresses.

Aecha s'approcha, fit un câlin au chien tout en me fixant avec curiosité.

Visiblement, c'était son chien, et elle ne semblait pas vouloir le partager.

Je me redressai, laissant mon regard se porter sur la pièce de vie dans laquelle je venais de pénétrer alors que Jin hyung décrochait son téléphone, semblant répondre à l'appel de sa mère. La décoration était faite avec soin mais dans un style épuré, très sobre.

C'était tout à fait typique de Dasom et Jin.

Mais mon sourire dégringola alors que je m'approchai d'une basse bibliothèque contenant des livres mais aussi des vases de fleurs séchées, des bougies et des cadres photos. Mes yeux s'agrandirent brusquement alors que je soulevai un album écarlate mais dédicacé.

Hyung raccrocha et s'approcha de moi :

— Tu fais une de ces têtes... se moqua-t-il.

— Hyung ! m'écriai-je. C'est... c'est... Oh mon dieu... Est-ce que c'est le premier album de RM ? Dédicacé ?

Il m'envoya un coup d'œil amusé en posant son téléphone sur la table.

— Tu ressembles à un fanboy là.

— Je ne suis pas un fanboy !

Un peu quand même.

Mais je ne l'avouerai pas.

— Hyung, il est dédicacé ! insistai-je. Et il est... rouge, sans couverture. D'où il sort ?

— Kim Namjoon est venu me le donner en main propre.

Ma bouche s'ouvrit, ma mâchoire sembla se décrocher et il se moqua ouvertement de mon expression.

— Tu veux t'asseoir ? Tu veux un verre d'eau ? Un défibrillateur ?

— Il...

Je reposai ce chef d'ouvre collector alors qu'il préparait le thé.

— Namjoon hyung est venu te voir ? Alors... vous vous êtes revus ? bafouillai-je.

Il acquiesça :

— C'était il y a quelques années maintenant... Mais oui, il est venu.

— Comment il a su où tu habitais ?

— Jimin le lui a dit.

Ah oui, ça paraissait logique maintenant que Jimin avait signé un contrat dans l'agence du rappeur.

Jin me jeta un regard amusé avant de me tendre une tasse qu'il sortit du lave-vaisselle.

— C'était sa manière de s'excuser du passé, m'informa-t-il en tirant le siège à côté de moi. Il est venu pour me donner cet album, bien avant qu'il ne sorte dans les magasins. Il m'a dit d'écouter le premier titre.

« Stalker », marmonnai-je.

Hyung acquiesça alors que la bouilloire commençait à faire du bruit pour chauffer l'eau.

— On a bu un café ensemble et il était terriblement mal à l'aise.

— Dasom noona était là ?

— Oui... c'est elle qui a voulu qu'il rentre pour boire un café, soupira-t-il.

Il resta silencieux alors que j'étais suspendu à ses lèvres.

— J'ai trouvé ça gênant mais courageux de revenir s'excuser après toutes ses années, de m'expliquer par quoi il était passé et comprendre comment il avait pu se montrer si instable, dangereux et flippant.

— Tu lui as pardonné ?

Hyung me sourit, passant une main dans ses cheveux noirs.

— Oui, alors il m'a souhaité une bonne continuation et je lui ai souhaité un bon courage pour sa carrière.

— Et il est devenu le rappeur le plus connu du pays en l'espace d'un an... Cette chanson titre était pour toi.

— Parfois il peut arriver des choses positives à partir d'événements négatifs.

J'acquiesçai doucement alors qu'il se relevait pour aller chercher la bouilloire et la théière.

— Tu sais Taehyung, je ne croyais pas qu'il serait possible de mettre le point final à une histoire si ancienne et pourtant c'est ce qui s'est passé.

Mon cœur se serra brusquement et il me jeta un coup d'œil. Je voyais dans ses yeux qu'il ne disait pas ça pour lui, qu'il le disait pour moi.

Je me relevai brusquement :

— Je peux visiter ?

Je vis dans son regard qu'il avait compris que je fuyais cette conversation mais il ne m'en tint pas rigueur.

— Bien sûr, je te guide.

*******


Je me réveillai doucement en papillonnant des yeux.

Pour la première fois, depuis longtemps, je me sentis merveilleusement bien. La chaleur et la douceur des draps m'enveloppaient. J'eus la sensation d'avoir dormi une éternité, d'avoir enfin laissé mon corps et mon esprit se reposer, ne penser à rien.

C'est un peu groggy que je remuai dans les couvertures, cherchant mon téléphone à tâtons. En le déverrouillant, je fus surpris par l'heure et me levai prestement pour enfiler rapidement une tenue et ouvrir le volet électrique.

La porte s'entrebâilla et je me figeai alors que la petite tête de Aecha passa à travers l'ouverture mais en m'apercevant, elle écarquilla les yeux et s'enfuit brusquement. Je l'entendis ensuite dévaler les escaliers en criant :

— Maman, oppa est réveillé !

Je m'arrachai un sourire avant de quitter la chambre. Au rez-de-chaussée, Dasom me fit un grand sourire alors qu'elle tentait de faire manger un petit pot à sa dernière fille assise dans sa chaise haute.

Mais vu les dégâts entre la table et le bavoir, je me doutais que ce n'était pas gagné.

— Je suis désolé, Noona, m'excusai-je, j'aurais dû activer un réveil, je me suis réveillé beaucoup trop tard.

— Ne t'inquiète pas, me salua-t-elle doucement, avec le décalage horaire tu avais besoin de dormir. Jin est parti faire des courses.

Elle tenta d'essuyer une tache sur son haut tout en souriant. Ses cheveux étaient attachés dans une queue de cheval basse alors que je m'approchais de la chaise haute.

Sunhi était un beau bébé, aux grosses joues, ses yeux étaient moins grands que ceux de sa sœur mais sa peau, elle, était plus claire.

— Fais gaffe à tes affaires, m'informa Dasom, elle est championne du monde du jeté de purée.

Je me mis à rire et tandis la main.

— Je vais la faire manger, si tu veux.

Elle me fit un grand sourire et me tapota le bras :

— Taehyung, tu es un amour.

Mais avant de quitter le salon, sûrement dans l'optique de changer de vêtements, elle m'informa :

— Demain soir on aura aussi Bambam à dîner.

— Ah bon ? Mais il a dit qu'il ne pouvait pas venir...

— Monsieur va faire un aller-retour dans le jet privé de son père, soupira-t-elle.

Je relevai les sourcils en approchant la cuillère de la bouche de Sunhi.

— Les riches n'ont pas vraiment le même sens des priorités que nous, marmonna-t-elle.

— Clairement pas, enfin surtout Bambam. Mais c'est génial si on est tous les quatre pour dîner.

— Six.

Je plissai les yeux et ce fut à ce moment-là que Sunhi fit un bruit avec sa bouche pleine de purée et m'aspergea généreusement.

Dasom se mit à rire tandis que je m'essuyai le visage.

Oui, donc, nous avions une championne du monde.

Foi de Kim Taehyung, j'allais réussir à la faire manger envers et contre tout.

— Pourquoi six ? repris-je.

— Yoongi vient aussi.

Je me figeai et pivotai directement dans sa direction.

— Quoi ?

— Yoongi vient avec Jimin, on sera six, normalement c'est eux qui ramènent le vin, mais connaissant Jimin il va encore ramener du champagne. Ça me donne mal au crâne depuis l'accouchement alors j'ai convaincu Jin d'aller acheter de la bière et du soju.

— Pourquoi Yoongi hyung viendrait ?

Elle m'envoya un coup d'œil amusé :

— Parce que l'un ne va plus sans l'autre maintenant, ce n'est pas la première fois qu'on les invite à dîner tu sais.

Cette information me mit de mauvaise humeur mais je réussis à faire avaler une cuillérée de purée à Sunhi qui me fixait en tapant du poing sur sa table en plastique.

Elle gesticulait beaucoup.

Une sacrée hyperactive en devenir, donc.

— Taehyung ?

Je sursautai, n'ayant pas entendu Noona s'approcher, trop concentré à l'idée de ne pas me prendre une nouvelle giclée de purée de brocolis dans le visage.

Elle me fit un doux sourire :

— Bon retour à la maison.

Mon cœur eut un drôle de pincement et elle me laissa sur cette dernière phrase tandis qu'hébété, je la fixai grimper les escaliers.

La tristesse m'envahit, la culpabilité aussi et je chassai tout ça, tandis que Anpaman venait poser sa tête sur ma cuisse, qu'Aecha arrivait avec son livre musical et que Sunhi continuait de mettre de la purée partout.

Finalement, je n'allais pas rester un mois.

Quand j'aurais vu tout le monde, fini ce que j'aurais à faire.

Je repartirais.

Sinon je craignais que rester ici devienne trop douloureux.

*******

La sonnette retentit et alors que je terminai de mettre la table, Dasom, devant les fourneaux, me lança :

— Tu peux aller ouvrir, s'il te plaît ?

Jin hyung dans le salon tentait de calmer les pleurs de sa deuxième fille alors que Aecha faisait tout pour attirer l'attention de son père. La maison était d'un bordel cacophonique et le chien jappa alors que je m'élançai vers la porte.

J'ouvris le battant et mon visage souriant dégringola quelque peu en contemplant la face inexpressive de Yoongi hyung.

C'était dingue tout de même, que son visage n'ait pas changé d'un pouce après toutes ces années, il avait l'air toujours aussi neutre, apathique et pâle.

Il ne cligna même pas des yeux.

— Taehyung.

Mais son ton de voix était toujours aussi plat.

— Hyung.

J'entendis Jimin râler et décaler notre aîné sur le côté avant de me sauter au cou. Je le réceptionnai malgré moi, lui offrant un véritable sourire avant qu'il ne se détache et ne me tâte tout le corps.

— Mais... tu as fait du sport ou quoi ?

— Pourquoi tu dis ça ?

— Tu as pris de la musculature, tes épaules sont plus larges que la dernière fois.

Puis, d'un air sérieux, il me lança :

— Ciel, tu es devenu un homme.

Je le repoussai, vexé et Hyung marmonna :

— On a qu'à juste dire qu'il a grossi.

Je le foudroyai du regard et Jimin roula des yeux :

— Vous deux ne commencez pas.

Il me prit la main tout en balayant ses cheveux bleus d'une autre et débarqua dans la maison de nos aînés comme s'il était chez lui.

— C'est nous !

Immédiatement, Aecha arrêta de faire son caprice et se mit à courir, tout sourire, jusqu'à Jimin qui la prit dans ses bras.

Ok, donc madame avait des favoris.

Non, je n'étais pas du tout jaloux.

J'allais m'en souvenir, c'est tout.

Yoongi hyung me jeta un regard taquin avec un sourire narquois.

— Pour un type qui travaille avec des gosses, t'as pas des masses de succès avec ceux de tes amis.

— Tu comptes faire ce genre de remarques désagréables toute la soirée ? rétorquai-je.

— Je vous préviens, nous interrompit Dasom en s'essuyant les mains dans un torchon, personne ne se bat chez moi, devant mes enfants, ou je vous castre tous les deux.

Je la fixai, choqué.

— Chérie, ne fais pas buguer Taehyung, s'il te plait, chuchota Jin en riant à moitié.

Yoongi le salua nonchalamment alors que je battais des paupières.

Mais enfin, c'était quoi cette vulgarité ?

J'entendis Jimin éclater de rire et l'entendre me fit du bien, c'était comme la plus douce des musiques, il reposa Aecha au sol qui s'empressa de courir lui faire un dessin et m'attrapa l'avant-bras.

— Alors, ton voyage ? Mon cadeau ? Tu es content d'être rentré ? Tu as fait quoi hier ?

— Doucement... l'arrêtai-je.

— J'ai demandé à mon manager de me décaler mes jours pour passer du temps avec toi. J'ai hâte que tu viennes dormir à la maison.

— Parce que Taehyung va se pointer chez nous ? interrogea soudainement Yoongi hyung alors qu'il s'affalait dans le canapé.

— Je t'en ai parlé hier matin.

— Je ne t'écoutais pas.

— Tu fais chier.

— C'est toi qui fais chier, Park.

— Langage ! s'écria Dasom depuis le salon.

Pour quelqu'un qui venait de parler de castration il n'y a pas trente secondes, je la trouvais gonflée.

Je relevai les sourcils avant de soupirer :

— Je n'ai pas d'emploi du temps précis, dis-moi juste quand je peux passer chez toi.

— Chez nous.

Je fusillai Yoongi hyung du regard.

— Tu vas m'interrompre tout le temps ?

— J'habite avec Park au cas où tu ne le saurais pas.

— Je suis au courant, grognai-je.

— En tout cas, nous interrompit Jimin, je t'enverrai un message dès que je serai dispo, d'ici deux jours à mon avis. On te donnera le code de l'appartement, tu pourras t'y installer et tu feras comme chez toi.

— Je ne suis pas d'ac...

Mais mon meilleur ami aplatit brusquement sa main sur la cuisse de notre aîné à la peau pâle, le faisait s'interrompre.

Jin arriva vers nous et déboucha la bouteille de soju en nous incitant à rejoindre le salon maintenant que ses filles allaient se coucher.

Il y avait des jeux, des crayons de couleurs, de la pâte à modeler partout, mais on ne s'en formalisa pas.

Une demi-heure plus tard, la sonnette se fit de nouveau maltraiter et Bambam déboula, avec beaucoup trop de bonne humeur pour mon propre bien.

— Mes amis, scanda-t-il d'entrée de jeu alors que Dasom lui signifiait qu'il devait se taire car les filles dormaient à l'étage.

— Je vous présente mon nouveau compagnon.

On leva tous les sourcils, surpris, surtout connaissant les relations compliquées du thaïlandais, notamment avec Jackson, relation qui avait duré plusieurs années avant de s'arrêter mais qui restait toujours aussi difficile à comprendre.

— Tu as ramené un mec ? s'enthousiasma Jimin.

Bambam fit marche arrière, ouvrit la porte, et tira par la laisse un ridicule petit chien.

Yoongi hyung leva un sourcil circonspect :

— Un clébard ?

Aussitôt, le chien de Dasom se leva en grognant mais Jin lui ordonna de se coucher.

— Les gars, je suis amoureux, regardez-moi cette bouille d'amour.

— Franchement, commença Jin hyung en se pinçant l'arête du nez, je ne suis pas...

— Oh qu'il est mignon, s'exclama Jimin en s'approchant.

— Il est vraiment trop beau, m'écriai-je en le suivant.

Mon meilleur ami se tourna alors vers son colocataire, les étoiles plein les yeux, mais ce dernier argua durement :

— On n'aura pas de chien, Park.

— C'est un Pinscher nain, regardez cette bouille d'amour, chuchota exagérément Bambam en embrassant la tête de l'animal qu'il tenait dans les bras.

— Tu as ramené ton chien en avion ? s'étonna Dasom en s'approchant.

— Il a eu son propre siège à lui.

Jin se mit à rire alors que Yoongi hyung secouait la tête en tirant ses clopes de sa poche :

— Je vais fumer.

De mon côté, je me mis à caresser la tête du petit animal qui se laissa faire.

— J'aimerais avoir un chien, confiai-je.

Jimin me sourit :

— Tu pourrais, à Los Angeles, non ?

— Je ne suis pas souvent chez moi, répondis-je, il se sentirait seul.

— Comment tu l'as appelé ? demanda Dasom au Thaïlandais.

— Pudding.

— Excellent choix, admis-je alors que les deux autres se moquaient de moi.

— Il est très sage vous allez voir, crâna le thaïlandais.

Il le déposa au sol avant de se tourner vers moi.

— Hyung, câlin ?

Je fis un pas en arrière.

— C'est trop bizarre quand tu dis ça comme ça, râlai-je.

Mais il me sauta quand même au cou avant de dire :

— Mais tu as pris du muscle ?

— Ah ! C'est bien ce que je disais ! s'écria Jimin. Tae, tu nous caches une activité sportive !

— Mais pas du tout.

— Il parait que l'aqua-bike fait fureur en ce moment, commenta Dasom.

— Ce n'est pas l'aqua-poney plutôt ? demanda Jin hyung en resservant les verres.

— Personnellement je fais juste un peu de muscu, nous informa Jimin en se rasseyant dans le canapé. On a un coach à l'agence.

— Moi c'est sport de chambre, meilleur sport de l'année, commenta Bambam avec un petit sourire pervers.

Je roulai des yeux alors que Jimin acquiesçait spontanément :

— En effet, on perd pas mal de sueur, du coup on ne gagne pas de poids.

— Vous ne m'avez pas manqué en fait, grognai-je.

— Tae, dépassé trente ans on ne devrait plus avoir à être timide sur le sujet.

— Ce n'est pas une raison pour en parler à tout va, lâchai-je.

Lorsque Yoongi hyung revint de la terrasse, traînant derrière lui une bonne odeur de clope froide, Jin hyung leva son verre et tout le monde l'imita.

— À nos retrouvailles et au retour de Taehyung au pays.

Mon cœur se serra douloureusement une nouvelle fois, ce fut imperceptible mais le regard de Yoongi hyung me transperça comme s'il avait lu en moi.

Je détestais ça.

On trinqua avant de boire et je fis la grimace.

— Je n'ai pas bu de soju depuis des lustres, les informai-je.

Dasom leva un sourcil et me resservit avec un air sournois :

— Tu dors là, alors ne te retiens pas.

— Verra-t-on un Taehyung bourré ce soir ? s'extasia Bambam.

— Jamais, grinçai-je.

— Pourtant Yeri et Sehun on dit que quand tu étais venu les voir à Séville, tu avais fini très mal en point.

Je me figeai brusquement.

Oh les traîtres.

Tout le monde se mit à rire et je fronçai les sourcils :

— N'importe quoi... C'est eux qui ont dit ça, ils ont fini plus mal que moi...

Jimin leva un sourcil :

— « Plus mal que toi » ? Donc tu avais plutôt bien bu ?

Qu'on se dévoue pour tuer Park Jimin, s'il vous plaît.

Non ? Personne ?

— Et le boulot ça va ? demanda Dasom.

— Et les amours ? interrogea Bambam en posant son menton entre ses mains.

— Et si on s'en foutait ?

Pour la première fois de ma vie, je tenais à dire : merci Yoongi hyung.

— De rien.

Je sursautai et il m'offrit un sourire narquois :

— T'as toujours un visage aussi expressif.

— Oui, confirma Dasom, ça fait plaisir de pouvoir revoir tes expressions.

Jimin claqua dans ses mains :

— Et si on faisait un jeu d'alcool ?

Oh non.

— On va manger d'abord, on n'a pas cuisiné pour que vous vomissiez sur le tapis du salon, les réprimanda Jin hyung.

Merci hyung.

Toi tu es un vrai ami.

Puis il ajouta :

— On jouera après.

Non merci hyung.

Tu es un faux ami.

Mais alors qu'on continuait de discuter allégrement, Bambam sursauta et se tourna vers Jimin :

— Hyung !

Son cri fut perçant et Dasom lui lança un « chut » sonore et très maternel.

— Hyung, j'ai appris la nouvelle hier mais est-ce que c'est vrai ? Est-ce que tu sors avec cet acteur ? Lee Jungsuk ?

Dasom sursauta et s'écria, alors même qu'elle venait de demander de ne pas crier :

— Oh mon dieu, Lee Jungsuk ?

Jin lui lança un regard faussement blessé.

— C'est qui ? demandai-je.

— Hyung, s'exclama Bambam en se tournant vers moi, cet acteur est une bombe sexuelle.

— Faut pas déconner, marmonna Jin.

Mais Dasom acquiesçait et notre aîné lui jeta un coup d'œil exagéré :

— Comment oses-tu ?

— Chut, répondit-elle seulement.

Je me mis à rire alors que Yoongi hyung s'arrachait ce qui ressemblait presque à un sourire. Jimin se mordit la lèvre :

— Il ne faut pas croire les rumeurs...

— Hyung, clama Bambam d'un air important, nous ne sommes pas dupes, ils disent que vous êtes amis mais je suis sûr que tu le suc...

Je fis la grimace alors que Jin hyung chuchotait :

— Bambam, y a des enfants ici.

— Ils sont couchés, non ?

— Je ne parlais pas de mes filles.

Je jetai un faux regard sombre à mon aîné qui me fit un petit clin d'œil. C'est parce que j'étais revenu qu'il me taquinait autant ?

Heureusement que Yeri et Sehun n'étaient pas là, ils s'y seraient donnés à cœur joie.

Mais Jimin eut un petit sourire satisfait qui ne trompait personne et Bambam ouvrit la bouche en posant sa main sur son cœur d'un air théâtral tandis que Dasom levait les bras :

— Mais pourquoi tout le monde est gay ? Laissez-nous-en un peu, merde !

— Je ne sais toujours pas de qui il s'agit, confiai-je.

— Je n'ai rien confirmé, s'offusqua Jimin.

— Moi je confirme, annonça Yoongi hyung, ce type fait beaucoup de bruit quand ils baisent...

Tous les regards convergèrent vers lui alors que Jimin rougissait et je refis la grimace.

Mon meilleur ami donna un coup de pied à son colocataire qui ne cilla même pas.

— Je me suis déjà excusé pour ça...

— Tu as rompu une des règles de l'appartement, maugréa notre aîné à la peau pâle.

Mais personne ne l'écouta parce que Dasom et Bambam rugissaient en chœur pour avoir les détails croustillants sur le nouveau petit-ami de Jimin.

Jimin, assailli, finit par avouer :

— Ce n'est rien de sérieux, je couche juste avec lui... Mais ça ne doit pas se savoir, je compte sur vous. Nos carrières seraient en jeu si on apprenait que nous sommes gays.

— Hyung, je t'envie, confia Bambam.

— Moi aussi, j'aimerais me balader en jet privé quand je peux, répondit Jimin. On change de vie ?

— Deal.

La soirée se poursuivit, on finit par dîner assez tard et je me délectai des plats préparés par Jin hyung. Manger coréen m'avait affreusement manqué, et pas seulement les rameyon achetés en supermarché.

Mais au-delà de l'aspect alimentaire, qui soit dit en passant était souvent ma priorité, les retrouver me fit un bien phénoménal.

Alors certes, ils usaient toute mon énergie, ils me faisaient rouler des yeux à parler de sexe à tout va, mais ça faisait longtemps que je n'avais pas autant souri au point d'avoir mal à la mâchoire.

Notre soirée se poursuivit dans la nuit et vers deux heures du matin, je rejoignis Jin hyung qui s'était rendu à l'étage.

Aecha s'était réveillée d'un cauchemar et avait appelé son père.

Elle avait sûrement dû avoir peur vu le vacarme qu'on faisait dans le salon et Jin hyung s'était levé pour la réconforter et la recoucher.

Parce que je commençais à fatiguer et à décrocher de la conversation avec les autres, j'avais suivi mon aîné. Il tomba sur moi dans la pénombre alors qu'il refermait la porte, ayant activé la berceuse lumineuse dans la chambre.

— Tu peux aller te coucher si tu veux, me chuchota-t-il, avec le décalage horaire tu dois être fatigué...

— Ça va encore. Je voulais juste savoir si tu avais besoin de mon aide mais on peut redescendre maintenant.

— Taehyung ?

J'avais posé mon pied sur la première marche de l'escalier et me retournai à demi.

— Et si tu revenais définitivement ?

Je me tendis avant de détourner le regard.

— Je suis juste en congé, hyung.

— Je sais, mais c'est une idée. Tu sais, Dasom et moi déménagerons l'année prochaine.

Ma tête se releva, attentif.

— On va changer de quartier, j'ai déjà trouvé un jeune remplaçant pour le cabinet. On va essayer de se rapprocher de la ville. Pour Dasom ça fait loin d'ici pour travailler dans le centre, elle met presque deux heures de trajet par jour.

— Tu as trouvé un autre poste ?

— Oui, c'est en cours, mais c'est un grand cabinet médical. Ça m'a tout de suite attiré, j'aime ce genre d'approche, d'avoir les autres professionnels autour de moi. Il y a deux places disponibles et visiblement certains souhaiteraient que ce soit un pédiatre qui s'y installe. Il y a pas mal de travail et c'est difficile de recruter.

Je me mordis la lèvre.

Le sentiment dans ma poitrine avait repris.

— J'ai pensé à toi.

— Je n'ai pas prévu de rentrer, hyung.

Il hésita avant de reprendre :

— Pourtant n'est-ce pas ce que tu voulais faire ? Devenir pédiatre de ville et te déplacer dans les orphelinats ? C'est ce que tu m'avais dit quand on allait à la faculté ensemble.

— Le temps a passé, les choses ont changé, répondis-je évasivement.

Il croisa les bras, s'adossant près du mur.

— Je sais que c'est un poste moins intéressant qu'un grand hôpital américain, aux grandes avancées technologiques et où tu es payé une fortune. Mais tu travailles dans un service de soins palliatifs pédiatriques, Taehyung. Tu ne peux pas faire cela toute ta vie, c'est trop difficile.

— Je sais, mais j'ai encore du temps, je n'ai juste pas réfléchi à la suite...

— Tu as des propositions ?

— Oui, avouai-je, pour beaucoup de choses, donner des cours et faire des conférences ouvrent des portes et un réseau...

— Mais est-ce que ça te fait envie ?

Je haussai les épaules. Il me fit un doux sourire que je voyais se distinguer dans la pénombre.

— Tu sais, souffla-t-il, nous aussi on est là, ce pays c'est le tien, c'est le nôtre, pas seulement celui de Jungkook.

Mon corps se tendit à nouveau :

— Je ne veux pas parler de Jungkook.

— Ça fait dix ans, Taehyung...

Il se releva et décroisa les bras :

— Je veux juste que tu saches que j'ai envie de travailler avec toi. C'est simplement une proposition, à toi d'en décider. On est tous heureux de te voir de retour et on sera toujours prêts à t'accueillir.

Il descendit les marches après m'avoir tapoté l'épaule et je restai quelques instants dans le noir avant de fermer les yeux.

La douleur reprit le dessus mais je la chassai.

Je détestais y penser.

Ça ne faisait que de me rappeler que dans le tourbillon de ma vie, à force de poursuivre mon chemin, je m'étais perdu.

*******

J'ouvris les yeux en déposant ma valise près du premier mur, ma tête se releva avant que ma mâchoire ne se déroche :

— Ah... ah oui, carrément.

Jimin gloussa à côté de moi tandis que je contemplais la beauté de son appartement, sa grandeur et sa richesse.

Cela ressemblait au type d'appartement qui apparaissait dans les magazines, à la décoration superbe, aux tons esthétiques et recherchés.

Je me tournai vers lui tandis qu'il déambulait tel un prince dans son palais.

— Je suis content que tu aies réussi, Jimin.

Il se mit à rire, comme gêné avant de marmonner :

— C'est hyung qui a trouvé cet appart, je ne paye que la moitié du loyer.

— Oui, mais ce n'est pas lui qui l'a décoré.

— Non, il est nul à chier en déco.

Je n'étais pas étonné.

— Je suis tout même content pour toi, pour avoir réussi.

Il me fit un petit sourire, touché, avant de me faire rapidement la visite des lieux.

Entre la salle de bain et le dressing gigantesque de mon meilleur ami, je marmonnai :

— J'ai hâte de te voir en spectacle.

— Ne me mets pas la pression, répliqua-t-il en me donnant une tape dans le bras.

Puis il chuchota :

— J'ai hâte que tu me voies danser aussi, j'ai travaillé très dur sur ce spectacle-là. C'est une nouveauté, entre hologrammes et jeux d'eau...

Mon esprit décrocha quelques secondes, me rappelant inexorablement que ça faisait des années que je n'avais pas vu Jimin danser.

Depuis deux jours, la phrase de Jin hyung me hantait, me faisait me souvenir du passé et des regrets.

Dix ans.

Me demandant ce qu'aurait été ma vie si je n'étais pas parti.

J'avais l'impression que tous mes amis avaient toujours pris soin de moi, fait en sorte que la distance n'altère pas nos rapports et pourtant en rentrant en Corée, j'avais l'impression que la vie s'était faite sans moi.

Le temps s'était écoulé.

Jin hyung était devenu papa, deux fois, Jimin devenait célèbre, brillant telle une étoile parmi les autres danseurs, vivant avec Yoongi hyung envers et contre tout, RM ou Namjoon était devenu le rappeur le plus en vogue du pays et affichait son amitié avec Jackson, rappeur et danseur d'une autre agence que Bambam avait longtemps aimé.

Le monde était petit.

Mais le monde changeait vite.

Et moi dans tout ça ?

— Fais comme chez toi, m'assura Jimin, j'ai toujours mon portable sur moi donc écris-moi si tu as envie.

J'acquiesçai en observant sa chambre et l'immense lit qui prônait au centre de la pièce dans laquelle une ribambelle de fringues était éparpillée.

Certaines choses, elles, ne changeaient jamais.

— Tu penses faire quoi aujourd'hui ? me demanda-t-il.

— Me promener, répondis-je distraitement.

Il acquiesça avant de répondre au téléphone, je fis rouler ma valise jusqu'au lit avant de m'y asseoir. Mais déjà fatigué par le moindre effort, je me laissai tomber dos contre le matelas.

Les yeux rivés sur le plafond, j'entendais Jimin débattre avec son manager sur l'horaire d'un rendez-vous professionnel de l'autre côté de la pièce.

Il revint au bout de quelques minutes :

— Désolé Tae, je vais faire de mon mieux pour finir à l'heure ce soir mais...

— Ne t'inquiète pas pour moi, je suis un grand garçon, je saurai me débrouiller.

— Je ne sais pas à quelle heure hyung rentre non plus, si tu vois la porte de sa chambre fermée c'est qu'il est là.

— Entendu.

Ce n'était pas comme si je comptais côtoyer Yoongi hyung le temps de ma présence ici.

— Si tu te promènes non loin du l'agence cet après-midi, envoie un message, peut être que Namjoon hyung sera là si tu veux le rencontrer, ajouta-t-il en me faisant un clin d'œil.

Je me mis à sourire :

— Franchement je serais heureux de le revoir, mais ce n'est pas une priorité non plus.

On se salua et il me laissa seul, dans son grand appartement richissime.

Je finis par me lever et déambuler avant de m'attarder près de la fenêtre. J'observai la vue sur la ville et chassai ce sentiment de solitude qui me prit soudainement à travers le silence et le vide de l'appartement.

J'enfonçai mon téléphone dans la poche de ma veste, le printemps était là mais je préférais sortir tout de même couvert, j'attrapai mon portefeuille et quittai le logement.

J'avais prévu de me promener et c'était exactement ce que j'allais faire. Je voulais retrouver le goût de cette ville, son atmosphère particulière, son style, ses défauts et ses qualités.

Comme si je ne lui appartenais plus.

Comme si j'étais un étranger.

Mes pas me guidèrent vers les quartiers connus et populaires non loin de l'appartement de Jimin et de Yoongi hyung. Admettre que ces deux-là vivaient ensemble était une difficulté en soit. Néanmoins, même si personne n'avait compris, il fallait reconnaître que leur cohabitation fonctionnait.

Pour ce que j'avais pu voir du dîner chez Jin hyung et Dasom noona, il existait chez eux une étrange relation, plutôt sur le versant sarcastique mais sans malveillance.

Ça m'avait fait bizarre de constater qu'avec un Jimin bourré sur les bras, Yoongi hyung s'était montré presque tendre, comme s'il était devenu le gardien de quelque chose de précieux.

Il m'avait vu le regarder ainsi, le voir dans un moment où j'avais du mal à le reconnaître.

Nous étions quittes.

Après tout, lui aussi m'avait vu dans un moment de malaise.

C'était aussi pour ça que me confronter à lui ne me plaisait pas tant que ça. Je n'étais pas le seul à avoir du mal avec l'ancien dealer de l'université, Sehun grognait allégrement contre sa personne alors que Yeri, elle, soutenait cette histoire de colocation d'un ton maternel à chaque fois qu'on en parlait.

Ils me manquaient.

Ces deux-là déménageaient souvent, faisant presque le tour de l'Europe, mais avant mon départ en avion pour la Corée, quand ils m'avaient avoué envisager de rentrer au pays, j'avais été pris d'une frayeur.

De cette même frayeur que la confession de Jin hyung m'avait faite il y a deux jours.

Et s'ils rentraient tous, si j'étais le seul à l'extérieur, à l'étranger ?

Mes pas me guidèrent jusqu'à l'université et je m'arrachai un sourire. Je profitai d'une petite pause pour envoyer une photo de notre ancien bâtiment à Jin hyung.

La faculté n'avait pas changé, elle semblait seulement avoir quelques bâtiments rénovés, j'observai alors toutes ces nouvelles têtes, les trouvant incroyablement jeunes.

Ou alors c'était moi qui avais vieilli.

Tout cela était derrière moi. Alors pourquoi ça me hantait comme ça ?

Mes pas me guidèrent, passant devant des bâtiments de sport, je vis avec nostalgie mon ancien bus et dans une pulsion incontrôlée me laissai m'y installer, reproduire le trajet jusqu'à mon ancien arrêt. En sortant, je vis que la petite supérette était toujours là, l'enseigne avait juste changé de nom et mes yeux s'écarquillèrent en constatant que le rayon de nouilles instantanées était encore plus dense que dans mes souvenirs.

Si je le fixais trop longtemps, j'allais frôler l'implosion totale.

Mais en sortant du magasin, frissonnant face à la température qui descendait maintenant que l'après-midi était entamé et que le soleil se cachait derrière les nuages, je relevai la tête.

Les immeubles jumeaux étaient toujours là.

Identiques, comme les reflets d'un miroir.

Ma gorge s'assécha alors que j'en tremblais, d'être là, à les observer.

J'étais perdu.

Perdu dans mes souvenirs.

M'arracher à cette vision me demanda un effort considérable et je retournai dans la petite supérette pour acheter une bouteille d'eau. En payant mon dû, la télévision au-dessus de la caisse diffusa des extraits de match et de la publicité pour la saison de baseball.

Il fallait que je sorte de là, maintenant.

Je m'arrachai à cette boutique, me demandant pourquoi j'étais aussi masochiste pour y remettre les pieds après dix ans et hélai un taxi avec empressement.

Dans l'habitacle, j'envoyai un message à Jimin qui ne me répondit pas, trop occupé sûrement, et retournai jusqu'à l'appartement.

J'avais envie de rentrer à Los Angeles.

Là, maintenant.

Tout de suite.

Sur un coup de tête, refermer ma valise, prendre mon billet d'avion et retourner là-bas.

Fuir.

Mais la vision de la maison de mes grands-parents à Daegu me calma dans ma frénésie alors que j'avais déjà commencé à ouvrir l'application sur mon téléphone pour voir les vols disponibles dès ce soir.

Bon, admettons.

Je devais reprendre ma respiration, garder mon calme et me focaliser sur les objectifs de ce retour. Notamment celui de retourner à Daegu, m'occuper de la maison de mes grands-parents.

C'était plus important que le reste.

Je soufflai par la bouche et calai ma nuque contre le siège. Ça faisait longtemps que je n'avais pas ressenti cette angoisse, celle qui me poussait à la déraison, à perdre mon sang-froid sans réussir à le contrôler. À croire que j'étais retourné dans le passé.

Le taxi me déposa aux pieds de l'immeuble ultra sécurisé de Jimin et en m'introduisant dans l'appartement, je tombai nez à nez avec Yoongi hyung.

Il avait une sale mine, comme quelqu'un ayant passé une mauvaise journée.

— Salut.

— Salut.

Bien, ça c'était fait.

Quoi d'autre ?

J'enlevai ma veste alors qu'il se mordillait l'ongle du pouce. Son comportement était suffisamment inhabituel pour que je demande, d'une voix incertaine :

— Ça va ?

C'était plus par politesse que par réelle inquiétude et il darda sur moi ses yeux sans émotions.

— Park m'a ordonné de rentrer pour ne pas que tu te retrouves seul. Ça me fait chier, je ne fais pas dans le baby-sitting.

Je levai les yeux au ciel en prenant place sur le canapé.

— Tu es quand même venu, visiblement.

— Pas pour ta gueule, Taehyung, rassure-toi. J'ai des trucs à faire.

Je fixai la télécommande avec appréhension.

Est-ce que si j'allumais la télévision, j'allais me faire attaquer par des extraits de matchs de baseball ? Qu'elle était la proportion d'extrait et de publicité qu'ils pouvaient passer sur une chaîne nationale ? Dix par jour, vingt ?

Pourquoi fallait-il que ce pays aime autant ce sport ?

— On commande pizza.

Je relevai la tête mais sa phrase n'était pas une question.

— J'aurais aimé manger cor...

— Ce sera pizza.

Il dégaina son téléphone et sans même me demander ce que je voulais, passa commande.

— On n'attend pas Jimin ?

— Non, il y a de grandes chances qu'il termine tard.

La commande arriva dix minutes plus tard et Yoongi hyung alluma la télévision sans même me demander mon avis, alors que j'hésitais encore sur le comportement à adopter. Finalement, peu importe les trucs qu'il avait à faire, il semblait seulement être rentré parce que Jimin lui avait demandé.

Ce détail me fit sourire.

On regarda une émission de cuisine, je restai bloqué devant tout en mangeant une pizza.

Jimin arriva vers vingt-deux heures alors que je sortais de la salle de bain et sans attendre il me raconta sa journée.

Plus tard, dans le lit, gigantesque à tel point qu'on aurait pu être dix dedans, je restai évasif sur le déroulement de ma propre journée.

Mais avant de s'endormir, je marmonnai seulement :

— Je reste encore une journée puis j'irai à Daegu après-demain, dès le matin. J'y resterai quelques jours et je reviendrai ici pour repartir sur LA.

— Déjà ?

Il fronça les sourcils.

— Tae, tu as un mois de congé, tu peux en profiter davantage, même retourner à Busan, aller voir Yeri et Sehun, faire du tourisme où tu le souhaites.

Je détournai le regard :

— Je verrai.

Il s'approcha, se faufilant jusqu'à moi sans la moindre grâce ce qui me fit rire, on aurait dit un asticot.

Il sembla amusé par son propre comportement mais en s'approchant, son regard changea :

— On devrait parler de Jungkook, tu sais.

— Je ne veux pas parler de lui.

Tout était de ma faute.

— Tae, je serai toujours là pour t'écouter si un jour tu veux en parler.

Je lui jetai un regard reconnaissant avant de me tourner et d'éteindre la lumière.

— Tu te lèves tôt demain, dormons maintenant.

Mais moi, je me demandais si j'allais trouver le sommeil.

*******

Je profitai d'une dernière journée sur la capitale pour faire les musées et prendre des photos des parcs.

Je m'étais levé assez tôt malgré une nuit au sommeil agité et j'avais décidé d'exploiter cette dernière journée de mon mieux.

Au diable les remords, les regrets et tout le passé qui m'assaillaient comme un nuage de moustiques, j'ai dit que je serais là en touriste.

Je serai donc un touriste.

À moi la nourriture de rues, les visites de sites touristiques et le lèche vitrine.

J'avais passé des heures dans les musées de la ville, puis dans les rues en grignotant tout ce qui avait l'air appétissant.

Donc tout ce qu'il y avait à grignoter, en fait.

Ce fut repu, et le moral légèrement en hausse qu'en fin de soirée, après avoir pris des photos nocturnes des parcs, que je rentrai à pied jusqu'à l'appartement de Jimin et Yoongi hyung.

Mon meilleur ami n'allait pas arriver tout de suite et je me fichais bien de ce que faisait ou non Yoongi hyung.

J'avais mal aux pieds mais de la bonne fatigue me tombait sur les épaules, j'espérais mieux dormir cette nuit. En tout cas, mon esprit avait été apaisé par l'art et c'était tout ce qui m'importait.

En arrivant, il n'y avait personne dans l'appartement et j'en profitai pour essayer la baignoire haut de gamme avec vue sur la ville.

On était riche ou on ne l'était pas.

La musique dans les oreilles, je barbotai tranquillement dans mon bain, observant le coucher de soleil sur la ville.

Pris d'une impulsion, je quittai l'eau, couvert de mousse, attrapai tout de même une serviette, vérifiai qu'il n'y avait toujours personne dans l'appartement pour prendre l'appareil photo, revins sur mes pas tout en essayant de ne pas me vautrer à cause de la mousse, et m'immergeai à nouveau dans l'eau du bain.

Je voulais prendre ce coucher de soleil en photo.

Une fois lavé, j'enfilai une tenue confortable après avoir passé la crème de Jimin sur tout mon corps.

Il avait vraiment des goûts de luxe dans son genre mais malgré mon air circonspect, la crème Chanel sentait divinement bon.

Quelques minutes plus tard, en profonde réflexion devant le frigo pour savoir ce que j'allais manger ce soir, Yoongi hyung entra brutalement en claquant la porte ce qui me fit sursauter.

Il avait une mine encore plus fatiguée que la veille et clairement je distinguais dans ses pupilles une sorte d'angoisse qui ne me disait rien qui vaille.

Il arriva vers moi tel un boulet de canon, me faisant reculer d'un pas, mais me tendit brusquement un papier.

Ses gestes étaient saccadés, un peu agressifs et précipités.

— C'est quoi ces noms-là ? C'est quoi ce truc ? T'es médecin, non ? Décris-moi ça.

Brusqué par son ton, je baissai les yeux et attrapai le document qu'il tenait avant de froncer les sourcils. C'était une ordonnance de médicaments datant d'aujourd'hui.

Une sacrée ordonnance d'ailleurs, il n'y avait pas moins de douze médocs alignés.

— Là, insista-t-il, violemment.

Son doigt manqua de percer la feuille et je plissai des yeux.

— Je crois que c'est un neuroleptique mais je ne suis pas sûr.

Son regard vrilla et je bafouillai :

— Je peux vérifier, laisse-moi prendre ma tablette.

Il ne bougea pas tandis que je me dirigeais vers la chambre en direction de ma valise. À mon retour, tablette en main, il n'avait pas bougé, semblait sur le qui-vive. Même si son corps était aussi immobile qu'une statue en marbre, ses yeux étaient terriblement inquiétants.

Qu'est-ce qu'il faisait ?

Qu'est-ce qu'il avait ?

J'ouvris ma tablette professionnelle, passai outre les dizaines de mails reçus et cherchai sur la base de données le nom inscrit sur la feuille.

— C'est un neuroleptique, assurai-je en consultant l'écran, mais il est interdit en Europe, on l'utilise rarement aux États-Unis mais il reste autorisé à la vente en Asie.

Je consultai le papier, surpris.

— Il a été mis en sacré quantité.

Il ne bougeait toujours pas et je marmonnai, incertain :

— C'est... ton ordonnance, hyung ?

Ses yeux allaient et venaient partout dans la pièce et j'hésitai à appeler Jimin. Un truc ne tournait pas rond.

— Quelqu'un a changé ton traitement ?

J'observai les autres médicaments et fronçai les sourcils, c'était une sacrée recette qu'on lui avait concoctée.

— Taehyung.

Je me redressai et il s'approcha.

— J'ai besoin de toi.

Un sursaut me prit et un frisson aussi.

— Euh... oui.

— J'ai besoin d'un médecin.

— Je suis pédiatre, rectifiai-je.

— On s'en fout. J'ai besoin d'un avis médical. Cette ordonnance, tu en penses quoi ?

Il avait l'air presque fou.

Il me faisait peur, ainsi.

J'hésitai avant de me racler la gorge :

— Je pense qu'il y a pas mal de choses à modifier. Il y a des neuroleptiques couplés à des anti-douleurs de type morphiques, potentiel risque de surdosage. Ça reste mon avis, je ne suis pas expert en neuroleptique, il faudrait demander ça à Yeri.

Il vacilla et je tendis la main soudainement pour le rattraper mais il s'accrocha de lui-même à la table.

— Hyung ?

Mes sourcils se froncèrent, je ne devais pas laisser la part personnelle envahir ma sphère. Clairement, il fallait mieux que j'agisse ici comme un médecin.

— J'ai besoin que tu voies quelqu'un.

Je me décalai pour lui faire face.

— Comment ça ?

— J'ai besoin d'un avis médical pour cette personne, précisa-t-il.

— Cette personne ? Qui ça ?

Il releva les yeux :

— Quelqu'un de ma famille.

Je me relevai de la chaise haute, surpris.

— De ta famille ?

Je cherchai dans mes souvenirs ce que Jimin avait pu me dire, ou au moins m'avouer à propos de la famille de Yoongi hyung. Mais je n'arrivais pas clairement à me souvenir. Est-ce que hyung parlait de sa mère ?

Il bougea d'un coup, brusquement.

— Je t'y emmène, viens.

— Là ? maintenant ? Hyung, il est tard...

Mais il ne m'écouta pas et je le suivis malgré tout en attrapant à la fois ma veste et mon téléphone. On prit l'ascenseur et en arrivant au sous-sol il sortit rapidement les clefs de sa voiture.

Il allait conduire dans son état ?

Je négociai fermement pour avoir les clefs, ce qu'il ne me donna pas, mais une fois sur le siège j'écrivis rapidement à Jimin pour le prévenir de la situation.

Quelque chose ne tournait pas rond chez ce hyung.

Il conduisit comme un fou et je m'accrochai aux rebords de la portière en lui criant dessus.

Il allait nous tuer.

On se gara sur un parking désert alors qu'à présent la nuit s'installait. En sortant de la voiture, je tenais à nouveau à poser une question :

— Hyung, cette personne, marmonnai-je, qu'est-ce qu'elle a ? Vu son ordo...

— Viens, suis-moi.

Je soupirai, Jimin, lui, n'avait pas encore lu mon message.

Merde.

On s'approcha de ce qui me semblait être une clinique privée et je fronçai les sourcils, incapable de reconnaître le nom.

Un institut psychiatrique ?

Il n'y avait personne à l'accueil, il était tard désormais mais Yoongi hyung semblait savoir où aller. Je le suivis tandis qu'il marchait à pas rapides, son corps était tendu et ses mains tremblantes.

Les couloirs étaient vides, tout se trouvait dans un silence dérangeant mais au détour d'un étage, on tomba sur un homme de forte carrure, qui attendait là, seul parmi les sièges en regardant son écran de téléphone.

Lorsqu'on s'approcha il se releva mais Yoongi hyung avait déjà sorti de son portefeuille quelques billets et j'écarquillai les yeux de surprise. Le type nous scanna de la tête aux pieds avant de prendre l'argent et de faire un signe de tête engageant en direction du couloir derrière lui.

Éberlué et inquiet, je suivis Yoongi hyung dans un nouveau couloir jusqu'à ce qu'il s'arrête devant une porte ou un petit écriteau sombre indiquait les chiffres 2034.

Nos yeux se croisèrent et j'eus un sentiment terrible.

Un affreux doute.

— Qui est la personne qui est là ?

Il ne me répondit pas, la main sur la poignée, mais je fis un pas en arrière. Pour me rattraper, hyung agrippa mon poignet et je fus frappé par un flash-back.

Par un sentiment de déjà-vu.

Mon cœur se mit soudain à battre à toute vitesse, effréné, fou, comme prêt à s'arracher.

Mon souffle se coupa tandis qu'il resserrait ses doigts autour de ma peau et je secouai la tête.

Je pensais que ce n'était pas si grave.

Jusque-là.

— Ne me dis pas que...

— J'ai besoin d'un médecin, répéta-t-il dans un chuchotement, j'ai besoin que quelqu'un le voie, c'est très important.

Puis il ajouta, d'un ton presque suppliant :

— Je t'en prie...

Resta la froideur de ses doigts autour de mon poignet, une morsure glaciale mais pas brutale.

Seulement une demande et un choix.

Le choix d'ouvrir ou non cette porte.

Je fixai le numéro avant de balbutier, paniqué :

— Tu ne peux pas faire ça...

Il ne répondit pas et mes mains tremblèrent violemment, il ne se passa rien, il me fixa seulement tandis que j'agonisais d'émotions et lorsqu'il fit coulisser le battant j'eus l'opportunité de m'enfuir.

Ses doigts ne me retiendraient pas, ils me tenaient mais ils ne me forçaient pas.

J'aurais pu facilement courir, déguerpir, alors ce choix je le fis. Hyung me tira, une fois la porte ouverte, et je me laissai faire avant de passer le seuil et d'observer l'environnement.

C'était une chambre d'hôpital à l'allure moderne, une seule lumière provenait de la lampe au-dessus du lit qui diffusait une lueur un peu grisâtre sur les meubles de la pièce.

Et au milieu de la chambre prônait un lit dans lequel Jungkook se trouvait.

Le passé me frappa en plein visage et mon cœur sembla mourir brutalement.

Il m'était presque impossible de le reconnaître, dans ce lit, pâle, amaigri, mal rasé, aux longs cheveux tombant de chaque côté de son visage. Ses bras tatoués semblaient bien maigres dans cette chemise d'hôpital.

Il avait une perfusion dans le bras, des patchs collés de ci de là et sa jambe droite paraissait bloquée par une attelle.

— Jungkook, marmonna Yoongi hyung d'une voix qui me parut d'une douceur étonnante.

Mais il ne bougea pas, ses yeux étaient ouverts, fixés sur un coin de la pièce.

Il était une ombre, celle de lui-même.

Et moi, face à lui, j'étais littéralement en train de mourir sur place.

— Jungkook, c'est moi, j'ai amené un médecin de confiance.

La main de hyung était toujours autour de mon poignet et j'avais envie de m'accrocher à lui comme un enfant terrorisé.

Comme s'il était une ancre dans la réalité alors que je venais de basculer dans un univers parallèle.

Alors, Yoongi annonça mon nom :

— Taehyung.

Je sursautai, comme frappé, et le visage de Jungkook bougea, dans un lent mouvement il pivota son visage émacié et cerné dans ma direction.

Nos regards se croisèrent.

Puis ce fut le chaos.

Il bougea, ses yeux s'écarquillèrent de surprise, de choc, de terreur, il sembla sortir d'une torpeur infâme et sa gorge libéra une sorte de cri rauque, une voix brisée, torturée et la perfusion manqua de s'arracher de son bras tandis qu'il balança la table roulante posée devant lui sur laquelle se trouvait son plateau de repas froid qui valdingua dans la pièce.

Puis il eut un hurlement terrible :

— FOUTEZ LE CAMP ! DEGAGEZ ! NE ME REGARDEZ PAS !

Il sembla devenir fou, hyung me tira en arrière et je ne savais pas qui s'accrochait à l'autre tant nous étions bousillés par la terreur, la frayeur, flanqués par la trouille.

Ma main se plaqua contre ma bouche et Yoongi reprit, d'une voix qui se voulut plus forte, il cria :

— Ne prends pas les médicaments, Jungkook, tu m'entends ?

Mais l'être devant moi était-il seulement capable d'entendre ?

Hyung me tira, on quitta la chambre précipitamment, il ne lâcha pas mon poignet mou entre ses doigts, l'épave que j'étais se laissa porter, les sanglots me brûlèrent la gorge, on regagna la voiture en passant devant le type qui gardait la chambre et lorsque la portière fut refermée, la colère arriva et je me retournai vers lui.

— Mais qu'est-ce qu'il se passe ? Pourquoi ? Pourquoi tu as fait ça ? Mais tu es complètement malade ma parole !

Il ne me regarda pas, les mains sur le volant, la tête penchée :

— Écoute moi, deux secondes, murmura-t-il.

— Tu m'as traîné dans un piège ! Tu m'as délibérément menti ! Quelqu'un de ta famille, hein ? Pourquoi tu me fais ça ? Tu n'avais pas le droit ! rugis-je, hors de moi.

— La carrière de Jungkook est terminée.

Je me tus, coupé, ma gorge me fit mal tandis que j'effaçai les traces de larmes du revers de ma manche.

— Quoi ?

— Lors de la dernière saison de baseball il s'est blessé, m'expliqua-t-il d'une voix qui se voulait calme mais que j'entendis trembler, mais il a été têtu, il n'a pas voulu écouter le médecin sportif, ni le coach, les Nexen étaient en mauvaise posture et lors de la finale il a quand même joué. Son équipe a gagné mais la blessure de Jungkook a empiré. Son genou est foutu.

Ses mots résonnèrent dans l'habitacle et il répéta :

— Son genou est complément foutu, Taehyung, ses ligaments et tout le reste, il y a eu une opération chirurgicale mais ça n'a pas marché. Le diagnostic est tombé, il ne pourra plus faire de baseball.

Je pris soudain une grande inspiration, comprenant que j'avais arrêté de respirer.

— Depuis il se laisse mourir, ça fait plusieurs semaines depuis l'opération ratée et la nouvelle qui lui a été annoncée. Rien n'est encore sorti dans la presse mais ça ne saurait tarder, c'est son père qui gère ses affaires.

Hyung cracha brutalement en frappant le volent :

— Cet enfoiré est revenu comme une fleur et maintenant il a la main mise sur tout.

Il ressortit l'ordonnance de la poche de sa veste en cuir :

— C'est lui, j'en suis sûr, qui a demandé aux médecins d'augmenter les neuroleptiques. J'ai discuté avec le type qui garde la chambre, je l'ai payé suffisamment pour qu'il m'avoue que son état psychologique empirait, il sera bientôt envoyé en hôpital psychiatrique.

Mes yeux s'écarquillèrent d'horreur et hyung parut sortir littéralement de lui-même, pris par la folie.

— Moi vivant, jamais je ne tolérerai ça. Jungkook n'ira jamais en psychiatrie !

— Pourquoi l'envoyer là-bas ? bégayai-je. Pourquoi prendre une mesure aussi extrême ?

— Parce que le médecin suppose qu'il fait une énorme dépression depuis l'annonce. Il ne parle plus, refuse de s'alimenter, se montre agressif, il parle de suicide...

Il ricana :

— Putain de médecins de merde qui n'y connaissent rien.

— Il ne parle plus, mais...

Il me fixa soudainement :

— Oui, Taehyung, ça faisait presque deux mois qu'il n'a pas dit un mot.

Il tira une cigarette de son paquet et la cala entre ses lèvres brutalement avant de l'allumer d'un mouvement sec, de ranger le briquet et de cingler dans un nuage de fumée :

— Jusqu'à ce soir.

— Tu l'as fait exprès ! m'emportai-je, c'est encore un de tes plans foireux et désagréables, tu...

— J'ai besoin de toi.

Je me calai dans le fauteuil, ouvris ma vitre pour chasser la fumée et scandai :

— Non... Pas question... ne... Tais-toi, je t'en prie.

Je fermai les yeux, serrant mes mains entre elles.

Je perdais complètement mes moyens, mon sang-froid, j'étais incapable de penser correctement.

Je n'aurais jamais dû revenir en Corée.

— Ose me dire en me regardant dans les yeux que ça ne t'a rien fait de le voir là, dans ce lit d'hôpital dans l'état où il est.

Je me mordis la lèvre et il reprit, tirant une bouffée plus importante sur son bâton de la mort.

— Taehyung, écoute-moi, on doit faire quelque chose pour Jungkook. Il n'ira pas en psychiatrie !

— Tu veux que je fasse quoi ? arguai-je sombrement. Cette personne dans ce lit, je ne sais même plus qui c'est ! Je ne suis rien pour lui, ça fait des années, dix ans même que tout a changé ! Je ne suis plus personne à présent, je n'habite même plus en Corée. Je n'ai aucun moyen de l'aider !

— Il faut tout de même trouver un truc, asséna-t-il sèchement en redémarrant la voiture.

— Jimin le sait ?

Il secoua la tête.

— Non, il ne...

Je sortis brusquement mon téléphone mais il freina durement, tentant de récupérer l'appareil que je gardais contre moi.

— Ne lui dis pas ! Pas maintenant en tout cas !

— Va te faire foutre ! crachai-je.

On se battit comme des dépossédés pour mon téléphone et ce même si nous étions arrêtés au milieu d'une route.

— On doit régler ça entre nous, Jimin a déjà suffisamment de pression sur...

— Hors de question !

Je finis, dans un élan, par réussir, au-dessus de la mêlée, à enfoncer le contact de mon meilleur ami sur l'écran, ce dernier décrocha au bout de quelques sonneries.

Mais avant que Jimin n'ait le temps de prononcer un mot, Yoongi grogna :

— C'est urgent, rendez-vous à la maison dans trente minutes.

« Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ? »

— Rentre vite, s'il te plaît, insistai-je alors que hyung reprenait la route.

Il y eut un silence avant que mon meilleur ami ne réponde :

« J'arrive. »

Le trajet se fit dans un silence cauchemardesque, durant lequel je crus devenir fou. Les dernières images de l'hôpital me revenaient avec violence, j'avais l'impression que j'allais bientôt vomir.

On arriva en même temps que le van du manageur de Jimin qui nous fixa dans l'ascenseur, les yeux écarquillés, les sourcils froncés.

— Il se passe quoi ?

On rentra dans l'appartement brusquement, de mon côté j'avais du mal à gérer mon corps et mon esprit, ma main passait et repassait dans mes cheveux désordonnés.

Jimin nous toisa avec sévérité :

— Vous me foutez les jetons, qu'est-ce qu'il y a ?

Il continua d'insister alors que je tentais de reprendre contenance. À un moment, Yoongi hyung saisit mon meilleur ami à la gorge et sur le coup je crus partir en vrille, comme brutalisé par cette image comme si il allait lui faire du mal mais Jimin ne bougea pas, se laissa faire docilement, ses sourcils se relâchèrent et il prit notre aîné par la main pour le tirer vers le salon. Je les suivis malgré l'incompréhension de la scène.

— Je vous écoute, tous les deux, maintenant.

Je soufflai d'un coup, j'enviais sa force de caractère, son courage évident en cet instant précis.

— C'est Jungkook...

Un éclat passa dans le regard de Jimin et il écouta attentivement l'histoire décousue qu'on lui sortit. À la fin, ses yeux allaient de hyung à moi et sa figure avait pris ce visage empathique que je lui connaissais si bien.

— Ce qui arrive à Jungkook est terrible, on peut pas laisser faire ça.

J'avais envie de pleurer toutes les larmes de mon corps.

— Pourquoi tu as attendu pour me le dire ? reprocha-t-il brutalement à notre aîné.

— Parce que.

La réponse ne sembla pas plaire à mon meilleur ami mais il roula simplement des yeux avant de reprendre :

— Quand est-ce qu'ils vont le transférer ?

— Probablement avant le week-end, ce qui nous laisse demain et après-demain.

— Tae...

Je me levai brusquement :

— Je vais me coucher.

Je devais m'enfuir.

Je devais partir pour Daegu, maintenant.

Je devais rentrer à Los Angeles.

Je devais oublier.

Mais l'image de Jungkook me hantait, envahissait mon esprit, m'arrachait le cœur.

— Tu dois faire quelque chose ! me cria soudainement Yoongi hyung en se relevant du canapé.

Je pivotai, les yeux écarquillés, alors que Jimin se mordait la lèvre.

— Si tu l'as aimé un jour, si tu l'as vraiment aimé alors tu dois l'aider.

Je me pris le visage entre les mains alors que Jimin se fâchait contre notre aîné mais la rage me vint soudainement et je m'écriai en retour, hors de moi :

— Qu'il demande à sa foutue femme de l'aider !

Il y eut un silence et Jimin me fixa, son visage se barra de tristesse alors que mes larmes ravageaient mon visage.

Je n'aurais jamais dû revenir en Corée.

— Tout ça c'est du passé, on n'est plus rien l'un pour l'autre, marmonnai-je.

— Alors tu vas le laisser mourir, cingla hyung.

— Il ne va pas mourir !

Mais Yoongi hyung avança et me choppa par les cheveux qu'il tira en arrière tandis que Jimin lui criait de me lâcher :

— C'est ce qui est en train de lui arriver, sa carrière est foutue, sa vie détruite, il ne parvient pas à s'en remettre, il se laisse crever. Je croyais que tu étais médecin, je croyais que vouais ta vie à aider celle des autres ?

Il me relâcha alors que Jimin le tirait en arrière et je quittai la pièce, claquant la porte de la chambre derrière moi.

Mon téléphone dégringola de ma poche tandis que je tombais à genoux contre le sol, j'entendis les deux colocataires se disputer de l'autre côté.

Le temps passa ainsi.

Et quand l'émotion sembla se tarir, que l'appartement parût silencieux, il me sembla que se réveillait la partie rationnelle de mon esprit.

Enfin.

Avec mon self contrôle retrouvé, je composai le numéro de Yeri à l'aveugle en me relevant de ma position avachie, le dos en miette.

Elle décrocha tandis que sa voix mélodieuse résonnait :

« Bonsoir Taehyung, il n'est pas un peu tard pour m'appeler ? Ou trop tôt, au choix. »

— Yeri...

J'entendis du bruit et du mouvement comme sil elle marchait.

— Sehun est avec toi ?

« Non, il est au salon. Taehyung, qu'est-ce qu'il y a ? »

— Jungkook est...

Brisé.

Anéanti.

Marié.

Oublié.

Célèbre.

Effondré.

Malade.

Tatoué.

Dépressif.

Les mots glissèrent tout seul pour lui raconter l'histoire alors que je m'asseyais sur le lit de Jimin et la voix de Yeri reprit après un temps :

« Taehyung, la question n'est pas ce que tu dois faire mais ce que tu as envie de faire. »

— Ce n'est pas si simple et tu le sais...

« Je le sais. »

— Il me hait maintenant...

« Je crois que c'est toi que tu hais, non ? »

Je reniflai bruyamment :

— Ne m'analyse pas...

Elle se mit à rire :

« Tu penses qu'il te hait parce que tu n'es jamais revenu, mais c'est de la projection Taehyung, tu n'en sais rien. Là n'est pas la question à présent, non ? »

— Je ne peux pas le sauver...

Il y eut du bruit en fond sonore et elle reprit :

« J'ai une consultation, Taehyung, je ne peux pas rester plus longtemps. »

— Je sais...

« Tu dois choisir ce que tu vas faire mais si tu abandonnes, si tu t'en vas et tu laisses ça en état, tu devras vivre avec ça. Est-ce que tu es prêt ? »

Est-ce que j'étais prêt ?

Je la saluai et elle m'assura qu'elle demanderait à Sehun de me rappeler dès qu'il ne serait plus en train de tatouer.

Je laissai mon dos retomber contre le lit avant de fermer les yeux.

Les images, les mots, les sons se mélangeaient et je tâchai de contrôler ma respiration et de garder mon calme.

Ça faisait longtemps que je n'avais pas perdu autant mon sang-froid mais lorsque mes yeux se rouvrirent, fixant le plafond dans la pénombre seulement éclairée par la fenêtre ouverte et la lumière de la ville, j'avais pris ma décision.

Je me relevai brusquement, traversai les quelques mètres qui séparaient le lit de ma valise à peine déballée de ces deux derniers jours, ramassai mes affaires restantes avant de la fermer et de la soulever. Dans le salon silencieux et sombre, j'embrassai la ville du regard à travers la fenêtre, enfilai ma veste, pris mon téléphone, mon portefeuille, mon passeport, mes chaussures et quittai l'appartement en volant les clefs de voiture de Yoongi hyung.

Tant pis pour lui. Il l'avait bien cherché.

Le Range Rover noir semblait m'attendre au sous-sol et je déposai ma valise dans le coffre avant de m'installer au volant.

Je n'avais plus conduit depuis le permis passé aux États-Unis il y a un an, mais qu'importe. Vu l'heure il n'y aurait pas un chat dans les rues.

Je démarrai et quittai l'immeuble sans un regard en arrière, m'enfonçant dans la nuit, les sourcils froncés, les mains serrées sur le volant, mon cœur battant à tout rompre.

Comme s'il allait exploser.

Je conduisis rapidement et freinai brusquement sur le parking. En sortant du véhicule, mes pas martelaient le sol, d'escaliers en escaliers, de couloirs en couloirs jusqu'à tomber sur ce que je cherchais.

Je récupérai mon dû et m'avançai jusqu'au garde du corps enfoncé dans son siège, c'était le même que plusieurs heures plus tôt et il releva la tête de son téléphone en me voyant.

Je sortis mon portefeuille et lui filai toute ma monnaie coréenne retirée au distributeur de l'aéroport. Il leva les sourcils tellement haut qu'ils disparurent presque avec le pli de son front.

— À ce prix-là, allez-vous acheter à manger et fumer votre clope, marmonnai-je.

Il sembla hésiter en se grattant la joue avant de râler :

— Putain, je ne veux pas de problème, hein. Tu as dix minutes pour lui causer, si je reviens et que t'es là, je te dénonce.

J'acquiesçai et le regardai prendre l'ascenseur, pour disparaître derrière les portes d'acier.

Sans attendre, je fis quelques pas en arrière, récupérai le fauteuil roulant que j'avais récupéré dans un couloir quelques minutes plus tôt et le fis rouler jusqu'à la chambre. Je pris une grande inspiration avant de toquer et de rentrer brutalement. Revoir une nouvelle fois Jungkook dans ce lit d'hôpital me marqua presque autant que la première fois. Mais je devais rester concentré.

Je pensais que j'étais fou.

Jusque-là.

J'allumai les lumières, dépliai le fauteuil et le réveillai brusquement, il battit des paupières, comme assommé par des somnifères mais ses sourcils se froncèrent en me voyant et il tenta de se redresser, sa figure prenant un versant colérique presque hors de lui-même, mais je le coupai brusquement :

— On s'enfuit.

Ma voix claqua dans le silence de la chambre, lui prouvant un sursaut mais il secoua ensuite son visage, ses cheveux hirsutes lui tombaient sur les yeux.

— Va te faire foutre.

J'encaissai l'insulte sans mal alors que sa voix me paraissait nettement plus grave qu'elle ne l'avait été dans mes souvenirs, mais je ne me démontai pas :

— On n'a pas beaucoup de temps, le type va revenir.

— J'irai nulle part avec toi, dégage de là !

— Tu veux aller à l'hôpital psychiatrique, peut-être ? le toisai-je. Tu veux qu'ils t'enferment ? Te fassent avaler des neuroleptiques jusqu'à te faire griller la cervelle ? Je sais lire une ordonnance, Jungkook, ce qu'ils vont te donner c'est une dose de cheval.

Mais il secoua la tête :

— Pourquoi tu es là, hein ? Pourquoi tu es revenu ?

— Je ne sais pas.

Nos regards se croisèrent enfin et je retins l'émotion qui me prit.

— Tu peux me haïr mais je ne t'abandonnerai pas, si je ne m'enfuis pas avec toi, je m'enfuis seul et je ne reviendrai pas.

Il tremblait et je tendis ma main :

— Pars avec moi.

— T'es complètement malade, rétorqua-t-il. Va-t'en et ne reviens pas.

On entendit du bruit dans le couloir, ce qui nous fit sursauter tous les deux et nos regards se croisèrent à nouveau, ma main tendue commençait à vaciller mais j'essayai de tenir bon.

Ses pupilles tremblèrent avant de se fermer, je vis sa pomme d'Adam monter puis redescendre avant qu'il ne marmonne :

— T'es vraiment complètement barge.

— Toi aussi.

Il pivota la tête dans ma direction avant de pousser un juron et de me saisir le poignet à l'exact endroit que Yoongi hyung avait serré quelques heures plus tôt.

Je le tirai et le soulevai pour effectuer le transfert et le mettre dans le fauteuil, son poids me fit tiquer mais lui, sembla paniqué :

— Ne me fous pas là-dedans, je ne veux pas de cette merde ! Sors-moi de là !

— Prends ton mal en patience, c'est simplement pour s'enfuir plus vite.

Je mis le système en place pour que sa jambe encerclée par une attelle soit tendue et il grimaça de douleur tandis que je retirai la perfusion avant de fouiller dans les placards et récupérer un sac et quelques affaires.

— C'est n'importe quoi, marmonna-t-il plusieurs fois, les yeux écarquillés.

Et dans cet instant d'étrangeté totale, on se fixa, un dernier regard étrange et inconnu avant la fin du monde.

Je le vis trembler, comme s'il était pris de hauts de cœur :

— Barrons nous, putain.

J'attrapai le sac de sport et une fois dans le couloir encore désert, je poussai son fauteuil, me mettant presque à courir à vive allure alors qu'il se retenait aux accoudoirs pour ne pas tomber.

Il n'arrêtait pas de jurer et sa voix se brisait par moments.

On avait l'air de deux dégénérés.

On avait l'air d'être dans un cauchemar dont on allait se réveiller.

J'enfonçai les touches de l'ascenseur qui nous mena au sous-sol.

Les cliniques étaient toutes faites à l'identique et je savais que non loin des poubelles, du local à pharmacie et de la morgue, il y avait toujours la sortie des livraisons. On embrassa la nuit noire et sans étoiles en contournant le bâtiment. D'un regard, je m'aperçus que la voie était libre. À présent le type devait être arrivé à l'étage et constater l'enlèvement que j'avais organisé.

Je n'osais même pas imaginer que je venais de kidnapper quelqu'un. Je fis glisser à toute allure le fauteuil jusqu'à la voiture. Une fois la portière ouverte, il tenta de se mettre debout de lui-même mais non seulement il n'avait pas assez de force mais sa jambe semblait douloureuse. Dans des gestes précipités, je reculai le fauteuil à fond et l'aidai à rentrer dans la voiture, jurant à demi-voix contre les goûts de Yoongi hyung en matière de bagnole trop haute et aux sièges trop élevés.

On perdait du temps.

Jungkook poussa des jurons de sa voix cassée alors que je fermais la portière et refourguais le fauteuil dans le coffre. Je grimpai au volant et démarrai sans attendre, filant dans la nuit, coupant le stop à la sortie du parking. La voiture quitta la rue, continua sur le boulevard, doubla une voiture qui ne roulait pas assez vite, ou bien était-ce moi qui roulais trop rapidement ? Ma conduite était nerveuse et précipitée et la voix éraillée de Jungkook cingla, comme une insulte :

— Putain mais t'es complètement cinglé !

— Je sais, rétorquai-je en me tournant vers lui. Qui de nous est le plus fou maintenant ?

Je voyais à son regard qu'il regrettait de m'avoir suivi et je n'étais pas certain, de mon côté, de réussir à assumer cette folie.

C'était le choix le plus déraisonnable et impulsif de ma carrière, mais je penserais aux conséquences plus tard.

On s'enfuyait.

Et ce quoi qu'il arrive.



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