75-
On entamait notre sixième mois de cohabitation et je n'en revenais pas à quel point le temps passait vite.
En me levant un lundi matin, un peu à la bourre et les cheveux encore humides de la douche rapide que je venais de prendre, j'eus la surprise de voir sur la table de la cuisine une enveloppe contenant de l'argent.
Qu'est-ce que c'était que ce truc ?
Puis pris d'un mouvement de panique, je fonçai vers la chambre de Yoongi, ouvris la porte à la volée pour ensuite soupirer de soulagement.
C'est bon, il était là, il dormait.
— Ferme cette putain de porte, Park, il est trop tôt.
Il ne dormait pas, en fait.
— C'est quoi cette enveloppe ? J'ai cru que tu t'étais barré et que tu me laissais ce fric en dédommagement...
— Arrête tes grands fantasmes, grogna-t-il emmitouflé dans sa couette. C'est pour les loyers, la bouffe et tout le reste.
Je haussai un sourcil suspicieux. Jusqu'alors, j'avais récupéré de l'argent sur son compte puisqu'il m'avait autorisé à utiliser sa carte bancaire, mais le mois dernier le distributeur avait refusé de me donner le liquide que j'avais demandé. Le compte était à sec. J'avais prévenu hyung de ça et il n'avait absolument rien répondu à ce moment-là.
— Je peux savoir d'où ça sort ?
— Non.
Mais je m'avançai dans sa chambre, tirant sur la couette qu'il agrippa violemment dans l'autre sens.
— Je te jure que ça va mal aller pour toi, dégage de là.
— D'où sort ce fric ? insistai-je.
— De mon cul.
Je tirai plus violemment encore la couverture et je réussis à gagner.
Il me jeta un regard glacial.
— Tu as repris tes vieux trafics ?
Il haussa un sourcil sarcastique :
— La confiance que tu me portes me touche, Park, vraiment.
— Arrête de te foutre de ma gueule ! criai-je. Je veux savoir comment tu as récupéré ça ! Je te jure que si tu as touché à cette merde à nouveau tu vas...
— Ça ne t'a pas traversé l'esprit que je pouvais travailler ?
Je me tus brusquement, le reste de ma phrase mourant douloureusement dans ma gorge et mes yeux s'écarquillant de stupéfaction.
— Pardon ?
Il soupira, reprit sa couverture en me l'arrachant des mains et s'emmitoufla à nouveau.
— Maintenant ferme ta gueule et va bosser.
— On n'a pas fini cette conversation, insistai-je.
— Putain, Park, t'es chiant, tu le sais ça ?
— Évidemment que je le sais, crachai-je, tu me le répètes tous les jours !
Plusieurs minutes plus tard, encore un peu sous le choc suite à cette découverte, je pris le temps, dans le bus, d'y repenser.
Yoongi hyung travaillait maintenant ?
Il se foutait de ma gueule.
Néanmoins, je fus pris d'un doute. Ces derniers temps, il sortait faire les courses et il n'avait plus eu de grosse crise depuis que j'étais tombé malade.
Est-ce que c'était une sorte de changement de sa part ?
Est-ce qu'il était enfin prêt à vivre normalement ?
J'avais du mal à y croire.
Devais-je appeler sa psy pour clarifier la situation ?
Je sortis mon téléphone de ma poche et m'aperçus que j'avais reçu une notification de Yeri vers 2h du matin.
« J'ai eu Taehyung au téléphone. Il faut qu'on s'appelle . »
Nous étions en août et d'ici le mois prochain les quatre ans du contrat de Tae se termineraient. Il allait rentrer. Je supposais que Yeri voulait qu'on s'organise vis-à-vis des dates pour qu'elle et Sehun puissent revenir le temps de quelques congés sur Séoul pour accueillir Tae. J'imaginais que Bambam allait vouloir lui aussi revenir en Corée pour l'occasion.
Mon meilleur ami allait rentrer, je supposais sans mal qu'il allait sûrement vivre quelques temps chez moi où chez Jin hyung avant de trouver un logement. Tae ne m'en avait pas encore parlé, j'ignorais ses projets pour son retour mais j'espérais que lui et Jungkook allaient pouvoir se retrouver à nouveau. Ces dernières années, le Golden Maknae avait fait la une de plusieurs magazines et maintenant que la nouvelle saison de baseball approchait c'était pire encore. Il n'avait toujours pas répondu à mes messages. Néanmoins, si Tae revenait cela impliquait qu'il allait mettre un pied dans ma colocation.
Et donc voir hyung.
Je soupirai en verrouillant mon écran.
Le secret de ma colocation était toujours là, je n'avais toujours rien osé avouer comme le lâche que j'étais. Ça ne pouvait pas durer, je devais à présent assumer auprès de mes amis qui était la personne qui vivait avec moi et pourquoi.
Je me mis à réfléchir à l'éventualité que Yoongi hyung aille mieux au point de sortir, d'avoir un petit boulot pour payer le loyer.
S'il était retombé dans la drogue je l'aurais vu, n'est-ce pas ?
De toute façon il avait des prises de sang tous les mois à l'hôpital...
Est-ce que nous allions continuer comme ça ? Combien de temps ?
Même si on s'envoyait des vacheries à la figure, j'étais habitué à sa présence dans l'appartement. Mais est-ce que ce début de changement ne voulait pas dire qu'il allait partir ?
Qu'il était apte à vivre par lui-même maintenant ?
Est-ce que moi j'étais prêt à le laisser s'en aller ?
*******
— Je... tu es sérieux ? répétai-je en prenant une figure ahurie.
Debout dans la cuisine, la tablette tactile posée sur la table devant lui, Yoongi hyung me toisa avec son air morne.
— Tu peux sortir, répéta-t-il. Je vais me commander une pizza et regarder une série avant de prendre un bain.
La baignoire devait sûrement être son endroit préféré, il avait fait commander en ligne et livrer chez nous des stocks entiers de boules de bain et autres produits de douche.
— Mais...
Il m'envoya un coup d'œil désagréable.
— Je ne suis pas un putain d'animal domestique, Park, maugréa-t-il. Je peux rester tout seul pendant que tu cours remuer ton derrière devant des types qui bavent sur toi.
La fin de sa phrase m'embrouilla et je traversai la cuisine jusqu'à lui.
— Je... on se rappelle tous les deux comment a fini ma dernière soirée, le toisai-je.
— C'était avant, éluda-t-il en cherchant le site de livraison à domicile sur la tablette numérique.
Oui, il y avait d'infimes changements, je les voyais maintenant.
— Je ne vais rentrer que demain matin, le prévins-je encore une fois.
— Fais ce que tu veux. Tant que tu ne ramènes personne ici, ça me va.
Cela faisait partie de nos clauses de colocation avec celui de ne pas fumer ni dans la salle de bain, ni dans les chambres, de ne pas fouiller dans les affaires de l'autre sans lui demander son avis et de partager équitablement les tâches ménagères.
— Je vais juste en boîte, me justifiai-je.
Le fait d'avoir son autorisation et de constater qu'il ne semblait plus avoir aucun mal à se retrouver seul me fit un drôle de choc.
C'était une nouvelle dynamique de cohabitation à laquelle je n'arrivais pas à m'habituer. Yoongi hyung était toujours aussi insaisissable.
Je le fixai alors qu'il zappait sur les différents programmes Netflix avant que je ne consente à passer par ma chambre pour me changer.
Est-ce qu'il n'avait plus besoin de moi ?
Je secouai la tête. Je détestais penser ainsi.
Ça n'empêchait que je m'interrogeais à propos de la fin de notre colocation.
Ça devait bien avoir une fin, non ?
Une fois habillé et coiffé, ajustant les nombreux anneaux à mes oreilles, je vérifiai les messages des membres du crew sur notre groupe de discussion pour savoir où se rejoindre même si je m'en doutais déjà.
Le pub irlandais.
Je pris ma veste et mes clefs alors que la pizza de hyung arrivait. Toujours habillé comme un papy, il récupéra son dû avec une mine plutôt adorable qui le rajeunissait considérablement.
Quel âge avait-il véritablement ?
Je vivais avec lui depuis six mois mais je ne savais toujours rien de lui.
Il me jeta un regard en coin, semblant me défier de faire une remarque, et je le saluai distraitement en claquant la porte.
Je n'avais vraiment pas à m'inquiéter, n'est-ce pas ?
Je descendis l'escalier avant de me figer sur quelques marches. J'eus une seconde d'hésitation avant de remonter l'escalier.
Je rouvris rapidement la porte d'entrée de notre logement et, sans prendre le temps d'enlever mes chaussures, je déboulai dans la pièce de vie. Devant la télévision allumée, Yoongi hyung était dans le canapé, une part de pizza au-dessus de la bouche et en me voyant il se figea brusquement :
— Quoi ?
— Il est grand temps que tu t'achètes un nouveau téléphone, je veux pouvoir au moins te contacter quand je sors, lançai-je.
— Non.
— Comment ça, non ?
— J'ai pas envie que tu me harcèles de messages, merci bien, soupira-t-il en mangeant sa première part de pizza.
— Ça me rassurerait !
— Je m'en fous que ça te rassure.
Je roulai des yeux.
Je possédais toujours son ancien smartphone, il me l'avait laissé et n'avait jamais demandé à l'avoir. L'écran était pété mais il fonctionnait. Le problème, c'était que je supposais qu'à l'intérieur il avait les numéros de toutes sortes de dealer et je ne voulais pas lui refourguer la boite de pandore entre les mains.
Mais ce qui me posait problème c'était que jusque-là nous n'avions pas eu besoin qu'il possède un téléphone alors même que sa santé mentale était bien plus précaire.
Alors pourquoi je voulais cela maintenant ?
Pourquoi ça me paraissait soudain indispensable ?
— Un téléphone pas forcément pour moi, mais pour les autres. Tu pourrais avoir envie d'avoir de contacter du monde, Jungkook ou...
Il hésita.
Le mot « Jungkook » devait être un argument que je n'avais encore jamais utilisé contre lui.
À noter.
— Ça fait longtemps que tu n'as pas pris de nouvelles de lui, non ?
— Jungkook est devenu grand, riche et populaire, il n'a plus vraiment besoin de moi...
— Quelqu'un d'autre ? insistai-je. Namjoon ? Ou quelqu'un de ta fam...
Je me coupai brusquement.
J'étais à deux doigts de faire une boulette mais il m'ignora superbement et je soupirai longuement.
— Va à ta soirée Park, il ne va rien arriver.
Mais ça ne me suffisait pas, j'étais suffisamment angoissé pour pouvoir annuler pour ce soir.
Il me fixa :
— Promis.
Je sursautai, sans réussir à lui cacher mon expression ébahie.
Yoongi hyung promettait quelque chose ?
Depuis quand ?
Il fit un large signe de la main pour m'indiquer de dégager et je me retrouvai un peu perdu, encore sur le seuil de la porte d'entrée.
Ce fut plutôt morose que j'arrivai au pub, tout le monde était déjà là, attablé sur l'une de nos tables habituelles. Il y avait Kai avec Jenny, évidemment, Taemin hyung était venu seul, en face d'eux Momo était assise à côté de Ten et Wonwu alors que Joshua déposait un nouveau pichet de bière qu'il venait d'aller chercher depuis le comptoir.
— Tu es en retard, me fit remarquer la japonaise en me faisait signe de m'asseoir près d'elle.
— Ma fleur des îles, tu es canon ce soir ! lança Kai.
— Calme tes hormones, soupirai-je faussement blasé.
Joshua servit les verres et je tendis le mien immédiatement.
— Hyung, ça va ? s'enquit Wonwu, tu as l'air tendu...
Est-ce que je l'étais ?
Sûrement.
Je fis tout de même un sourire rassurant à mon dongsaeng et Jenny claqua dans ses mains :
— Maintenant qu'on est tous là, on peut commencer le jeu à boire !
Sa proposition fut bien accueillie alors que Taemin hyung se pinçait l'arête du nez :
— Pourquoi on doit faire un jeu d'alcool à chaque fois qu'on se voit ? Sérieusement... ces gosses vont me tuer.
— C'est hyung qui commence ! clamai-je rien que pour l'embêter.
— Park Jimin, tu es un homme mort, me menaça-t-il avec exagération.
*******
J'ouvris un œil puis l'autre, la tête dans un bourdonnement terrible, la gorge sèche et la bouche pâteuse.
J'avais une gueule de bois à réveiller un mort.
Je vieillissais, il n'y avait pas autre chose à ajouter, plus le temps passait et moins je tenais l'alcool.
Il allait me falloir deux jours pour m'en remettre...
Je bougeai maladroitement pour me tirer des couvertures avant de me figer d'horreur.
Je n'étais pas dans mon lit.
Je me redressai brutalement avant de regretter immédiatement d'avoir fait ça, la tête lourde, fracassée, je crus que j'allais mourir rien qu'en ayant fait ce geste.
Pourtant, la panique se mit à courir dans tous mes membres.
Je n'étais pas chez moi, je ne reconnaissais pas cette chambre, ce lit.
Et surtout.
Bordel.
Surtout, mes fringues gisaient par terre me prouvant bel et bien que sous la couette je devais être en tenue d'Adam tout comme le jour de ma naissance.
Bordel de putain de merde.
L'espace de quelques secondes, je passai de la surprise d'utiliser les insultes vulgaires de Yoongi hyung à la panique générale la plus envahissante.
J'avais merdé.
Je me levai, cherchant à m'habiller. Le plus difficile fut non seulement de me trouver confronté à mon reflet dans le miroir coincé dans un coin entre des portiques contenant des vêtements et une étagère en vrac, et de m'apercevoir que j'avais le cou recouvert de suçons.
Je détestais les suçons.
Mais le pire, c'était que j'avais un blackout total.
Essoufflé, la tête dans un étau à me fracasser le crâne contre un mur et le corps courbaturé, je me mis à paniquer davantage.
Je ne me souvenais de rien.
Mon dernier souvenir était celui de la boite de nuit où Kai et Momo amenaient une bouteille de champagne à notre table. J'espérais vraiment que je n'avais pas fait flamber ma carte bancaire et claqué une fortune dans une stupidité pareille.
Habillé, je me glissai jusqu'à la porte tel un ninja.
Un ninja encore bourré, entendons-nous bien.
La petite poubelle de la chambre m'indiqua non seulement ce qu'il s'était passé cette nuit, ce n'était pas une surprise, mais très probablement le nombre de fois où c'était arrivé.
Je fermai les yeux, prêt à m'arracher les cheveux.
J'ouvris la porte, avisant un couloir et alors que je parvenais à me glisser jusqu'à la cuisine, le visage de Ten se releva du plan de travail sur lequel il était installé et m'offrit un sourire magnifique.
La flopée d'insultes et de vulgarités qui traversa mon cerveau fut telle que je me mordis la lèvre pour ne pas les dire à voix haute.
J'étais vraiment le pire des abrutis.
— Tu as bien dormi ? Ça va ? Tu veux un cachet, hyung ?
Dans ma tête ce fut le blanc total, le véritable silence précurseur d'un chaos ingérable.
Je sentais monter une colère et une rage que je connaissais bien, depuis de longues années, et je n'avais pas du tout envie de perdre le contrôle.
— Je veux bien un cachet, marmonnai-je d'une voix rauque.
Les fragments de la soirée me revenaient, je me voyais en train de danser jusqu'à l'arrivée de Ten ensuite.
Je me passai une main dans les cheveux tandis qu'il sortait une boite de médicaments d'un tiroir et me tendit un verre d'eau.
Il avait l'air heureux, épanoui.
— J'ai préparé le petit déjeuner.
— Je ne peux rien avaler, rétorquai-je d'une voix rauque, désolé.
— Pas grave, souffla-t-il en ayant l'air visiblement déçu.
Mes mains tremblaient autour du verre d'eau.
— À propos de cette nuit...
J'avisai l'horloge accrochée au mur, une horloge mickey mais je ne savais pas s'il s'agissait d'un objet vintage ou démodé, qui indiquait qu'il n'était pas encore midi.
J'avais laissé Yoongi hyung seul vraiment longtemps.
Est-ce qu'il allait bien ?
Dans quel état allais-je le retrouver ?
Le fil de mes pensées se perdit quand j'entendis une porte s'ouvrir, des pas, puis une autre porte se fermer. Je me souvins alors que Ten était en colocation avec deux autres personnes. Son appartement ressemblait fortement à mon ancien dortoir.
— Hyung.
Il s'était approché tandis que j'essayais de stopper la douleur dans mon crâne.
— Je suis si heureux, si tu savais, j'ai tellement attendu ça...
Les images me revenaient, je me revoyais danser avec lui et l'embrasser. J'avais provoqué ça.
Encore.
— Ten, écoute...
— J'ai craqué, je n'aurais pas dû, reprit-il.
Je relevai la tête et il eut l'air penaud.
Penaud et mignon.
Le combo qui allait sûrement avoir ma peau.
— Je voulais qu'on fasse les choses dans l'ordre hyung, si tu savais comme j'ai attendu ça mais je voulais qu'on sorte ensemble avant de...
Il se mit à rougir et je détournai les yeux.
Je me connaissais, j'allais le détruire.
— Sors avec moi, hyung.
— Ten, écoute je ne crois pas que ce soit...
Je relevai les yeux vers lui. Il avait l'air si jeune, si innocent, j'aimais beaucoup son visage depuis la première fois que je l'avais vu, je le trouvais vraiment mignon. Ses yeux me fixaient avec intensité et émotion, il se doutait de ce que j'allais dire.
J'allais lui faire du mal, le détruire en petits morceaux.
— Je préfère qu'on s'arrête là, je suis désolé, j'ai trop bu, je ne voulais pas te donner de l'espoir... je n'ai pas réfléchi. Je fais des choses inconsidérées quand j'ai bu.
Son visage se défit et les pancakes qu'il était en train de faire cuir brûlaient dans la poêle.
Il baissa la tête et je serrai le bois de la table suffisamment fort pour me contrôler. Je ne devais pas craquer, pas le prendre en pitié.
— Je ne suis pas une bonne personne pour toi, poursuivis-je, crois-moi.
— Tu es une bonne personne, hyung ! s'exclama-t-il.
Non, clairement pas.
Un long silence perdura et je me levai pour quitter la pièce. Je voyais bien qu'il se retenait de pleurer et je n'avais pas envie d'être encore plus tiraillé entre mes envies et mes vices.
— Je vais y aller.
— Je t'aime, s'écria-t-il soudainement, me faisant me figer.
Il rougissait mais ses lèvres tremblaient :
— Je t'aime hyung, je... suis déjà tombé amoureux de garçons avant toi mais pas comme ça et... je voudrais pouvoir construire quelque chose avec toi.
— Je ne construis rien, admis-je, je détruis tout...
— C'était ma première fois, marmonna-t-il d'une petite voix.
Mon cœur rata un battement et mes yeux s'écarquillèrent.
J'étais vraiment le roi des abrutis aux pays des connards.
— Tu m'as donné ta première fois ? bégayai-je en blanchissant.
Il acquiesça timidement.
— Oui, j'étais le... Tu ne te souviens pas ?
Je me mordis la lèvre furieusement avant de souffler, fort.
Il fallait que je m'en aille :
— Ten, je suis désolé pour tout. Haïs-moi, déteste-moi, venge-toi mais n'aime pas un type comme moi, je t'en conjure.
Je vis qu'il ne comprenait pas et je m'excusai encore avant de quitter rapidement la pièce. J'avisai mes chaussures et les ré-enfilai. Mon dongsaeng ne m'avait pas suivi et lorsque je claquai la porte en partant j'eus du mal à retenir ma colère.
En sortant de l'immeuble, j'avisai une ruelle vide et me fracassai les poings contre le béton de toutes mes forces. La rage se mélangeait aux regrets, à la souffrance et à la culpabilité. Mes larmes glissaient, jusqu'à mes lèvres en sang, maltraitées par mes dents.
Il me fallut longtemps pour récupérer, réussir à contrôler ce monstre à l'intérieur de moi.
Sombrement, décharné et dégueulasse comme je l'étais, je pris la route jusqu'à chez moi.
Dans le bus, les souvenirs de la nuit me revinrent, me donnant envie de vomir furieusement.
Pourquoi j'étais comme ça, bordel ?
En arrivant, je constatai qu'il était presque midi, la porte de la chambre de Yoongi était fermée, l'appartement en ordre, la boite à pizza jetée dans la bonne poubelle de tri sélectif.
J'ouvris légèrement sa porte et aperçus sa silhouette dans la pénombre, recroquevillée dans son lit.
Hyung dormait, il allait bien.
Éreinté et en proie à une haine envers moi-même, je refermai le battant et me dirigeai vers la salle de bain pour noyer, désinfecter et nettoyer tout ce que j'étais.
En vain.
L'après-midi passa dans une longueur tortueuse et angoissante, je restai allongé sur mon lit, en proie à mes faiblesses et à mes cauchemars.
En fin de journée, j'entendis la porte de mon colocataire s'ouvrir et ses pas traînants de personne âgée se diriger jusqu'au salon.
Je me levai malgré tout et Yoongi hyung se tourna vers moi armé de son affreux peignoir gris trop long sur son pyjama et sa pâleur excessive.
Il me contempla sans un mot, une tasse de café fumante à la main, et se laissa tomber dans le canapé sans se préoccuper de ma personne. Je suivis le mouvement et on fit un pierre-feuille-ciseaux pour savoir qui aurait le privilège de choisir le film. Ce fut les seuls mots qu'on échangea.
La fin de la journée se passa ainsi, on ne commenta rien, personne ne se mit à rire, à parler ou à pleurer.
C'était là, la dynamique de notre colocation.
*******
Je passai entre mes jeunes élèves pour suivre leurs mouvements.
— Et un deux et trois... on tourne et on revient. Hyunsik attention avec tes bras, mets-les plus haut...
Je fis le tour de tous les petits danseurs en herbe avant d'arrêter la musique et de claquer dans mes mains :
— C'est fini pour aujourd'hui, c'était très bien !
Chacun d'eux se mit à applaudir. Ils avaient entre six et huit ans et si certains étaient inscrits parce que leurs parents voulaient faire d'eux des danseurs, d'autres étaient là de leur plein gré et déjà bien prometteurs pour l'avenir.
— C'est la dernière partie du cours, quelle chanson voulez-vous mettre aujourd'hui ?
J'aimais organiser avec eux des ateliers ludiques où il ne suffisait pas d'apprendre par cœur ce que je leur inculquais mais de générer de la créativité artistique. Certes, mes collègues trouvaient mes méthodes un peu hasardeuses et non conformes au standard actuel où le but était de suivre le mouvement, rentrer dans le moule et reproduire à la perfection ce qu'on leur enseignait, mais les enfants de mon cours n'étaient pas tous des idoles en devenir, ils devaient aussi s'amuser.
Ils choisirent presque à l'unanimité une musique de dessin animé « Pororo le Petit Pingouin », et je les laissai en autonomie danser et courir dans la salle. Certains essayaient d'apprendre des mouvements de danse à d'autres et c'était très mignon à regarder.
Néanmoins je me dirigeai vers mon sac posé sur une petite table et avisai mon téléphone. Parmi mes messages figurait à nouveau un mail de refus.
J'enchaînais les auditions ratées sans réussir à me démarquer.
En soupirant, mais sans que les enfants ne s'en aperçoivent, je ramassai mes affaires et les laissai me montrer la danse qu'ils avaient improvisée.
Il fallait que je décroche une audition, c'était mon rêve.
Bien sûr, je pouvais rester prof de danse pour le reste des années à venir mais même si j'aimais ça, ce n'était clairement pas ce à quoi j'aspirais en sortant diplômé d'une école de danse spécialisée.
J'allais bientôt avoir vingt-huit ans, c'était maintenant ou jamais, ensuite je serais trop vieux pour les recruteurs. Mais à chaque audition nous étions des centaines et des centaines à se présenter.
Et à la fin il n'y avait qu'un seul gagnant.
Taemin hyung, lui, était parvenu à décrocher une audition il y a trois ans. Il avait fait partie d'une petite compagnie avant de décrocher d'autres contrats. Il travaillait à présent pour le conservatoire de musique de Séoul. Un excellent poste. Il jouait dans quelques pièces et comédies musicales et espérait bientôt décrocher un rôle principal. Kai, lui, faisait partie d'un crew qui se développait plutôt sur Youtube, ils intervenaient pour des compétitions à travers le pays ainsi que des événements et des festivals... Ils s'en sortaient assez bien. Mes dongsaeng étaient dans la même situation que moi, cherchant un moyen de vivre de notre passion dans une ville aussi immense que Séoul.
La chanson de Pororo prit fin et je redemandai du calme et de l'ordre à ma classe avant de les féliciter chacun l'un après l'autre et de leur demander de bien s'entraîner pour la semaine prochaine.
Je les libérai, vérifiant qu'ils n'oubliaient rien dans les vestiaires et que tous les parents étaient bien venus les chercher. Cette petite école de quartier était moderne et plutôt à bon prix mais clairement les parents qui inscrivaient leurs enfants devaient avoir des revenus plus que correct.
En revenant vers ma salle, j'échangeai ma playlist de musique de dessin animé pour enclencher la chanson All for Us de Labrinth et Zendaya.
C'était ma dernière chanson coup de cœur du moment et je fermai les yeux, me laissant imprégner par la musique avant de me mettre à improviser.
J'avais besoin de ça en ce moment, de cette liberté, de cette inspiration car je me sentais mal, tendu et grincheux.
Colérique.
Voilà qu'une semaine était passée depuis ma nuit avec Ten. Je n'avais pas de nouvelles de lui mais clairement les choses avaient dû se savoir dans le groupe parce que Momo m'avait envoyé un message « Il se passe quoi avec Ten-chan ? », Kai avait voulu s'enjailler avant que je ne le coupe dans son enthousiasme et Taemin hyung s'était légèrement inquiété.
« J'essaierai de passer te voir dès que j'ai de la dispo, si tu veux en parler. »
J'avais répondu qu'on conviendrait d'un rendez-vous à l'extérieur, je ne voulais surtout pas que mon hyung débarque chez moi et que la porte lui soit ouverte par Yoongi hyung.
Pas avant que je n'aie le courage de l'avouer à tout le monde.
Certes, ils s'étaient rarement vus par le passé mais Teamin hyung savait exactement qui il avait été.
Entre ce secret, ma culpabilité vis-à-vis de mon dongsaeng et les refus d'auditions, j'étais stressé.
J'étais mal.
J'étais en colère.
Contre moi, contre le monde entier.
Il y avait tout un tas de sentiments négatifs à l'intérieur de moi que je ne savais pas gérer. Un véritable monstre siégeait en moi, m'envahissait parfois, rendant les choses toujours plus sombres, plus chaotiques, plus noires.
Je le détestais.
Je me détestais.
Je m'arrêtai, essoufflé. La chanson tournait en boucle et j'avais répété et répété encore les mêmes mouvements jusqu'à être satisfait.
Mais je n'étais jamais satisfait de moi.
J'attrapai la petite télécommande avant d'appuyer sur le bouton d'arrêt, ce fut à ce moment-là que j'entendis un applaudissement.
Mon collègue Im Chinae était là. Je ne savais pas depuis combien de temps mais en reprenant mon souffle et en m'essuyant le visage avec ma serviette, je l'entendis approcher.
— Tu es d'une beauté... À chaque fois ça me surprend.
— Qu'est-ce que tu veux ? le toisai-je brutalement.
— Pourquoi tu m'agresses directement ? minauda-t-il, je voulais te saluer et te proposer d'aller boire un verre.
— Pas envie.
— Tu es sûr que tu vas bien ? demanda-t-il en penchant un peu la tête sur le côté en fronçant les sourcils d'inquiétude. Je te sens un peu à cran.
— Pourquoi tout le monde me dit ça ? rétorquai-je brusquement en jetant ma serviette dans mon sac.
Chinae haussa un peu les sourcils, surpris :
— Sûrement parce que ça a l'air vrai.
Je soufflai par le nez en détournant le regard.
— Franchement, marmonna-t-il en s'approchant, je ne veux pas être insistant mais je crois qu'une petite bière te ferait du bien. On a tous des moments où on est stressé, il faut savoir décompresser.
— Comme si toi tu étais stressé, sifflai-je.
Ce type aurait pu avoir « nonchalant » comme deuxième prénom.
— Ça m'arrive, avoua-t-il.
Ma colère remua à l'intérieur de moi. J'avais envie de me déchaîner contre lui, contre sa belle gueule, son corps aux proportions parfaites, son air cool à toute épreuve, son petit sourire fier de lui, sa manière d'être toujours confiant où tout tournait toujours à son avantage, sa façon d'être posé sans jamais se prendre la tête comme si ce putain d'univers lui donnait tout entre les mains.
Je mourrais d'envie de lui casser sa belle gueule pour cette injustice où lui était lui et moi j'étais moi.
Toute cette colère, je devais la refréner, la contrôler, la retourner contre moi-même pour ne faire de mal à personne.
— Je vais prendre une douche, lâchai-je.
Il ne répondit rien, il haussa seulement les épaules comme à son habitude.
Mais sur le seuil de la porte je me figeai, serrant le poing à plusieurs reprises avant de souffler :
— Je laisserai la porte ouverte.
Je n'attendis pas sa réponse et passai le seuil, me dirigeant sans mal jusqu'aux vestiaires pour hommes, vide à cette heure. Je me déshabillai après avoir déposé mon sac devant mon casier puis filai dans une cabine de douche.
Le jet brûlant me fit du bien, détendant mes muscles endoloris. Ma main s'attarda sous mon ventre.
Je devais avoir encore sauté le repas de ce midi, du moins je crois...
J'entendis presque la voix de Tae prier la déesse de la bouffe de me pardonner pour cet écart de conduite envers elle et cela me fit sourire de penser à ça. Le bruit de la porte de ma cabine de douche me fit rouvrir les yeux et je me retournai doucement.
Ce corps nu face à moi était un péché et je me détestais de l'envier et de le désirer.
D'être quelqu'un que je ne pouvais pas être.
— Ne m'embrasse pas.
— Je sais, souffla-t-il avant de fondre vers mon cou. Difficile de croire que quelqu'un a réussi à te laisser des suçons.
— J'étais bourré.
Ses mains parcouraient mon corps, me brûlant au passage alors que mon dos rencontrait la paroi de la douche.
Je me détestais.
J'allais me détester encore plus après ça. Mais j'étais maso, même au fond du trou j'avais besoin de creuser encore plus profond.
J'étais un nid à vices.
Ça ne disparaîtrait jamais de moi.
*******
— Tiens.
Je clignai des yeux, reprenant mes esprits. J'étais chez moi, assis dans mon canapé, la nuit était tombée à l'extérieur et la soirée était déjà bien entamée. En relevant la tête je me figeai, constatant que Yoongi hyung me tendait une bière fraîche.
J'eus quelques secondes de latence avant de la saisir et il s'assit dans le coin opposé du canapé.
— Pourquoi tu me donnes ça ? demandai-je.
— T'as l'air d'en avoir besoin.
Il ne me regardait pas, jouant avec habilité avec la télécommande pour chercher le programme qu'il voulait voir : à savoir un match de NBA.
— Merci, hésitai-je sans savoir quelle conduite tenir.
Il m'ignora et je portai le goulot à mes lèvres. Coincé dans mon canapé, un gros pull extra large sur le dos, je fixais l'écran sans le voir.
J'avais grignoté un peu en arrivant et instinctivement je m'étais pelotonné dans le canapé, hyung avait fait comme si je n'étais pas là ces dernières heures. Pourtant la fraîcheur de la bière autour de ma paume me confirmait qu'il savait que j'existais.
Allongé en vrac, je fixais le match de basketball sans le voir.
— Vas-y, cause, Park.
Je clignai des yeux, me rendant compte que c'était la pub, et tournai la tête dans sa direction.
— Quoi ?
— Arrête de faire la gueule et balance ce que tu as à dire.
— Pourquoi ? Tu voudrais m'écouter ? ricanai-je.
J'esquissai un sourire sarcastique mais il tourna son regard d'obsidienne naturellement blasé dans ma direction.
— Tu vois quelqu'un d'autre dans cette foutue pièce ?
Je roulai des yeux sous sa remarque.
— Te force pas, je sais bien que tu t'en fous.
— En effet, donc aucun risque que mon avis puisse avoir de l'importance, alors vas-y, crache le morceau.
— Pourquoi je le ferais ? demandai-je un brin méfiant.
— Parce c'est relativement insupportable de te voir faire la gueule. Je suis le seul à pouvoir tirer la tronche toute la sainte journée, hors de question que tu me piques ma place.
Sa réplique me fit lever les yeux au ciel.
— Si c'était une tentative d'humour, c'était à la fois pourri et inquiétant.
— Va chier, Park. Dis ce que tu as à dire maintenant, à prendre ou à laisser, ensuite tu pourras te brosser. Mon offre se termine dans 3, 2...
Je soufflai rapidement :
— J'ai couché avec un membre de mon groupe d'amis.
Il ne répondit pas tout de suite, et je cherchai dans ses yeux de l'ennui ou de la moquerie mais son allure apathique ne me donnait aucune prise. J'aurais pu lui annoncer être enceinte il aurait fait la même tête.
— Sans blague, ironisa-t-il d'un air froid, tout l'immeuble a bien vu que tu boitais.
Je plissai des yeux, agacé :
— Garde tes remarques cinglantes pour toi.
— Je me demande si entre la dernière fois où tu es rentré le cou couvert de suçon et maintenant il ne s'agit pas de deux gars différents.
J'eus un léger sursaut avant de l'insulter mentalement.
Je détestais sa perspicacité.
Je soupirai bruyamment avant de boire à nouveau une gorgée de ma bière.
— Tu fais chier. T'as été inspecteur dans une autre vie ou quoi ?
Il argua un minuscule sourire satisfait avant de se caler confortablement contre les coussins.
— De toute façon, dès que les pubs seront terminées tu reviendras à ton match sans t'occuper de mon histoire alors... marmonnai-je dédaigneusement.
Il renifla bruyamment :
— Tiens, une odeur de lâcheté.
Je lui donnai un coup de pied et il leva un sourcil circonspect.
— Tu as commencé, tu finis ce que tu as à dire Park.
Je roulai des yeux à nouveau.
— Je ne comprends pas pourquoi tu tires une gueule de six pieds de long pour t'être envoyé en l'air.
Je le fusillai du regard.
— De toute façon tu ne vois jamais le problème. Depuis quand on tient une conversation normale toi et moi, au juste ?
— Depuis maintenant, répondit-il platement.
— Tu as l'air d'être redevenu comme il y a quatre ans...
Il ne répondit pas tout de suite.
— Rien ne sera jamais comme avant, Park.
— Mais quand même, insistai-je, tu travailles, tu me parles... Je ne sais pas sur quel pied danser avec toi.
— Si c'était un jeu de mot parce que tu es danseur, c'est nul à chier.
Je lui envoyai un deuxième coup de pied qui ne le fit même pas ciller.
— Réponds moi, insistai-je.
Mais il chassa ma phrase :
— Nous y reviendrons plus tard, ne change pas de sujet.
Il me fixa :
— J'aimerais savoir en quoi prendre ton pied fait que tu tires la gueule depuis une semaine.
Je soupirai, m'enfonçant dans les coussins.
— Parce que tout ça n'est qu'une connerie.
— Et ?
— Et j'ai été un vrai connard avec Ten.
Comme toujours.
Il ne bougea pas d'un poil et répéta comme un robot :
— Et ?
— Et tes réponses me font chier, je n'ai plus envie de parler avec toi.
— Je ne vois toujours pas le problème.
Je soufflai bruyamment, il commençait à titiller ma colère et ce n'était clairement pas la chose à emmerder ce soir.
— J'ai couché avec lui, je me suis servi de lui alors qu'il a clairement des sentiments pour moi et au petit matin je l'ai rejeté.
— Et ?
— Comment ça « et » ?
— Le vrai connard en aurait profité pour continuer à baiser avec lui sans se préoccuper de ses sentiments. Si t'as autant de culpabilité pourquoi ne pas être sorti avec lui ?
— Parce que je ne pouvais pas.
Il plissa des yeux et je détournai le regard avant de lâcher, esseulé :
— Je l'aurais détruit.
Yoongi hyung se leva comme si ce que je venais de dire n'avait pas d'importance et sous mes yeux surpris et choqués, il ouvrit la porte du frigo et se sortit une bière pour lui.
— L'alcool et les médicaments ne font pas bon ménage...
— Ta gueule Park, je n'en boirai qu'une.
— Ne m'insulte pas !
Il se recala sagement dans son coin de canapé.
— Bon, c'est quoi le problème ?
Je le foudroyai du regard :
— Je viens de te le dire !
— Comment tu pourrais détruire ce type, au juste ? me demanda-t-il en buvant une première gorgée de sa boisson.
Je me mis à déglutir avant de reprendre ma bière pour y faire tournoyer le liquide à l'intérieur avant d'amener le goulot à ma bouche :
— Facile. Je serais sorti avec lui, on aurait eu des rencards, sûrement romantiques, ça serait son genre, on se verrait souvent, on passerait nos nuits ensemble et puis il finirait par tomber amoureux de moi.
— Et ?
— Mais pas moi.
Le liquide tournoyait de plus en plus dangereusement dans la bouteille que je tenais, mes yeux étaient attirés par le mouvement que cela produisait contre les parois.
— Je ne l'aimerais pas, je n'y arriverais pas, lui comme tous les autres, alors je le tromperais. Je me servirais de lui pour pallier ma solitude et je le jetterais à la fin, lui brisant le cœur. C'est toujours pareil.
Mes yeux suivaient les remous de l'alcool alors que mon ongle entamait l'étiquette, grattant le verre.
— Je rencontre des gens vraiment gentils, des vrais princes. Ils sont magnifiques, ils sont charmants, romantiques vraiment adorables. Je sais que j'ai la chance de les rencontrer, que je suis flatté qu'ils tombent amoureux de moi, mais je finis toujours par leur faire du mal. Par les tromper. Tu as déjà trompé quelqu'un, hyung ?
— Qu'est-ce tu entends par « tromper » au juste ? Embrasser ? Coucher ?
— Sucer, baiser... ricanai-je. Un baiser n'est qu'un baiser.
Il but une gorgée avant de hausser les sourcils d'un air insolent.
— Pour tromper, faut être en couple, Park.
— On voit clairement que tu n'as jamais juré fidélité à quelqu'un, fis-je remarquer.
— Crois-tu ?
Nos regards se rencontrèrent et je me sentis étrange. J'avais l'impression qu'une nouvelle atmosphère nous englobait. C'était la première fois que nous avions une si longue conversation. C'était maladroit mais ça me semblait, étrangement, important.
— Je les ai tous trompés, tous ceux avec qui je suis sorti, avouai-je.
Le dire à voix haute me libéra d'un poids. Je ne l'avais jamais dit à personne, cela faisait partie des choses que je détestais le plus chez moi.
— Avec un, deux, voire plusieurs types, parfois en même temps...
Les mots sortaient sans que je ne puisse plus n'avoir ni frein ni filtre à présent.
— Plus je suis en couple, plus mes envies sont horribles, plus j'ai besoin de faire du mal à quelqu'un. À moi, à l'autre. Mais quand je suis seul, ces envies disparaissent... Je ne suis pas fait pour être en couple, pour aimer quelqu'un. Rien n'a jamais été de l'amour, tout n'a été qu'une obsession malsaine et instable.
— Tu t'en es rendu compte quand ?
Je relevai les yeux, ses iris noires me fixaient sans ciller, sans la moindre moquerie, la moindre trace de rire ou de sadisme.
— Il m'a fallu deux relations après...
Mon regard flancha avant que je ne souffle :
— ... après toi.
Il ne répondit pas.
— J'ai plein d'idées romantiques, de fantasmes amoureux, mais j'ignore complètement si je suis capable d'en faire une réalité. Mon cœur ne bouge pas, il n'aime pas.
Mes yeux revinrent vers les siens.
— Ce n'est pas à toi que je vais apprendre tout ça, n'est-ce pas ?
Il ne répondit pas tout de suite et l'atmosphère qui nous entourait faisait battre mon cœur d'anticipation.
J'avais le sentiment qu'on pouvait dès à présent parler de nous, d'il y a quatre ans, mais c'était une porte que je n'étais pas sûr de pouvoir ouvrir. Ça faisait trop.
C'était trop tôt.
— Mais toi hyung, est-ce que tu aimes quelqu'un ?
Je voulais qu'il me parle d'Hoseok car je savais que c'était la vérité. Pourtant cette fois ce fut son regard qui se déroba au mien.
— Amour, addiction, pour moi c'est la même chose. Je n'ai jamais su distinguer ni l'un ni l'autre, ce n'est qu'une histoire de dépendance.
On resta ainsi baignés dans cette atmosphère dans un silence en suspens. Il y aurait tellement d'autres choses à dire, mais j'étais clairement incertain qu'on puisse ouvrir nos cœurs.
Si cœurs nous avions.
— Je me déteste, lâchai-je.
— Je sais.
Il leva son verre :
— Je me hais suffisamment aussi.
Sa remarque m'ébranla, j'étais à la fois surpris et rassuré. Son attitude et ses mots tranchaient avec ceux de tous les gens que je connaissais.
— Tu es un être imparfait, Park. Comme tout le monde, faut juste que tu l'acceptes.
— Parce que toi tu l'acceptes ?
— Ai-je le choix ? Tu as pu voir qui j'étais, nier ma véritable nature serait stupide.
— J'aimerais l'être parfois : parfait, murmurai-je.
— Ne le sois pas, la perfection c'est nul à chier, ça m'emmerde personnellement.
Et sur cette dernière phrase il m'ignora, me tournant le dos, ralluma le son de la télévision et reprit son match de basket tandis que l'équipe des Chicago Bulls remontait son score de manière inattendue.
Il s'alluma une cigarette et l'odeur imprégna rapidement le salon, je râlai en allant ouvrir la fenêtre.
En me rasseyant, je dardai mes yeux sur ma bouteille de bière vide avant de froncer les sourcils.
C'était dérangeant et extrêmement étrange d'avoir eu cet échange avec lui.
Et pourtant, je me sentais étrangement réconforté.
« Amour addiction, pour moi c'est la même chose. Je n'ai jamais su distinguer ni l'un ni l'autre, ce n'est qu'une histoire de dépendance. »
Cette phrase me restait et me revenait alors que je lui jetai un dernier regard avant de me lever et de m'approcher de la poubelle à verre.
Ça faisait des années maintenant que je savais que quelque chose clochait chez moi, mais je n'avais jamais voulu consulter.
J'avais bien trop peur.
Mais en cet instant me revenaient d'anciens souvenirs, d'anciennes émotions, celles d'être rassuré à l'idée que quelqu'un pouvait penser comme moi.
Quelqu'un d'aussi cassé, et plein de vices que je l'étais.
C'était probablement ça qui avait encensé une obsession malsaine autour de Yoongi hyung à l'époque. Mais je n'étais plus le même et je ne tomberais pas dans ce travers une autre fois.
Je laissai tomber ma bouteille dans le bac prévu à cet effet. De la cuisine ouverte sur le salon, j'entendais les vociférations d'un présentateur télé qui beuglait la victoire inespérée de l'équipe de Yoongi hyung.
En fait, je crois que j'aimais bien cette nouvelle routine dans notre cohabitation.
*******
« J'ai fini ma journée plus tôt, j'arrive chez toi d'ici quinze minutes. »
En ce mardi soir, après ma journée de travail, mes yeux fixèrent bêtement le message provenant de Taemin hyung avant que mon sang ne fasse qu'un tour.
Putain de merde.
Je venais à peine de sortir du magasin d'électronique dans lequel j'avais été tenté pour une offre pour les téléphones portables pour Yoongi hyung, que je me mis à courir comme un dératé. Le message datait d'il y a une vingtaine de minutes et j'avais eu beau essayer de l'appeler, mon aîné ne décrochait pas.
Il ne fallait surtout pas qu'il aille chez moi.
Mais évidemment, comme si le karma avait décidé de me rire au nez, je ne réussis à héler aucun taxi. Ce fut en panique que je me mis à courir derrière le bus qui venait juste de quitter l'arrêt et le chauffeur eut la gentillesse de freiner pour me laisser monter. En passant ma carte magnétique sur la borne, cette dernière sonna en se barrant de rouge et, la respiration coupée, je fouillai comme un dépossédé mes poches de pantalon et de veste pour payer le prix d'un trajet. Tout le monde me regardait.
C'est paniqué et en transpirant abondamment que je finis par arriver chez moi au bout de dix minutes. L'ascenseur ne venant pas, je grimpai les quatre étages, avalant les marches deux par deux et fonçai sur ma porte d'entrée.
Je lançai un vague « Je suis rentré » comme à mon habitude mais ma respiration chaotique fit trembler ma voix car sous mes yeux écarquillés d'anxiété je vis Taemin hyung, les bras croisés, la mine sévère, au beau milieu de la pièce faisant face à Yoongi hyung, l'air affable et apathique.
Je blêmis soudainement, tentant un sourire alors que mon aîné en danse se tourna vers moi.
La déception que je vis dans son regard me fit mal et je bafouillai :
— Hyung, je... Laisse-moi t'expliquer, d'accord ?
Il partit au quart de tour, la silhouette rigide, et passa devant moi sans s'arrêter pour renfiler ses chaussures. J'échangeai un regard avec Yoongi hyung qui haussa simplement les épaules sans plus de détails.
Il avait l'air de s'en foutre complètement.
Je fis volteface, suivant Taemin hyung sur le palier mais ce dernier ne m'avait pas du tout attendu. Dévalant l'escalier, je partis à sa suite, manquant de glisser sur certaines marches. Je réussis à le rattraper une fois dehors et il se retourna sèchement.
— Min Yoongi, articula-t-il. Ne me dis pas que c'est la fameuse princesse en détresse que je t'ai conseillé d'aller sauver il y a six mois ?
Je pris une grande inspiration :
— Laisse-moi t'expliquer, s'il te plaît.
— Je savais que j'aurais dû t'en reparler ! Te poser des questions ! Combien de temps ça fait ? me coupa-t-il. Tu recouches avec ce type depuis combien de temps ?
— Je ne couche pas avec lui ! écriai-je brusquement. On vit ensemble, c'est mon coloc'...
Les sourcils bruns de Taemin hyung se froncèrent davantage et il lâcha :
— Donc c'est encore pire.
— S'il te plaît, hyung, insistai-je d'une voix ferme. Laisse-moi t'expliquer.
— Est-ce que Taehyung le sait ? Yeri, Sehun ? Bambam ? Les autres ? Parce que visiblement moi je passe complètement à la trappe pour ce genre d'infos.
Ma bouche se referma et il croisa à nouveau les bras avant de soupirer :
— Donc personne n'est au courant. De mieux en mieux. Je comprends enfin pourquoi tu ne voulais pas que je débarque chez toi... Je trouvais ça déjà bizarre que tu sortes moins ces six derniers mois, que tu sois moins dispo, mais là c'est le pompon.
— Je peux tout t'expliquer mais laisse-moi au moins commencer !
Il me fixa avant de souffler par le nez :
— Vas-y.
— Allons dans un café. Il y en a un au coin de la rue.
On marcha silencieusement, lui tendu et moi me préparant mentalement à ce que j'allais dire. J'avais déjà imaginé plusieurs fois la manière dont je présenterais les choses à Taehyung, à Sehun, à Kai et à Taemin hyung sans jamais réussir à passer le cap. J'excluais volontairement Yeri car je savais qu'elle se montrerait nettement plus conciliante et compréhensive.
Bien qu'elle allait sûrement poser des questions pile là où ça pouvait faire mal, mais passons.
Néanmoins, une fois assis, une tasse de café latte entre les mains, je ne réussis pas à prononcer clairement le discours que j'avais préparé mentalement.
— Tu te souviens quand je t'ai appelé...
— Et que je t'ai dit d'aller sauver ta princesse, me coupa-t-il en portant son café à ses lèvres, si j'avais su qu'il s'agissait de Min Yoongi je ne t'aurais pas dit ça.
Je me mis à lui expliquer alors comment tout avait commencé, l'appel de l'hôpital à un an d'intervalle, ma vision de son corps au bord de la mort et ma volonté de faire quelque chose jusqu'à lui proposer ce deal.
Taemin hyung ne m'interrompit pas et je continuai en lui évoquant notre colocation, ses tenants et ses aboutissants. Je passai délibérément sur les crises de hyung, au début de notre cohabitation. Je n'avais clairement pas envie d'aggraver la situation.
À la fin, j'insistai :
— Ce n'est pas ce que tu crois, on a pas du tout les mêmes rapports qu'il y a quatre ans. Je sais que tout ça peut te paraître bancal mais là, ces derniers temps, on vogue sur un semblant d'équilibre et c'est vraiment important, hyung. Je ne sais pas comment te l'expliquer mais je crois qu'ainsi on y trouve notre compte.
Il me toisa, son gobelet de café à présent vide. Il fit bouger ses doigts sur la table en signe de réflexion et j'attendis.
— Je ne sais pas quoi en penser, Jimin.
— Tu n'es pas obligé d'en penser quelque chose.
— Bien sûr que si, on parle quand même de toi et de Min Yoongi, il est évident que tout un tas de pensées me traverse l'esprit. J'ai peur pour toi, ce type... est... Il est instable.
J'allais le reprendre mais il me coupa :
— Peu importe comment tu le défends ou tu justifies ses actes, il n'est clairement pas stable et il ne le sera jamais si je comprends bien.
Je détournai le regard en me mordant la lèvre.
— Rien ne dit que je suis stable non plus...
— C'est justement là le problème, insista-t-il, je trouve ça dangereux.
— Il ne me fait aucun mal.
— Et la charge mentale qu'il t'inflige ? La sœur de ma mère est bipolaire et ce n'est pas toujours une partie de plaisir pour sa famille, ce n'est pas de sa faute mais n'empêche qu'autour d'elle, les gens s'épuisent parfois à l'aider.
Je ne répondis pas.
— J'ai du mal à comprendre pourquoi tu veux tant que ça être utile et aider un type comme lui. Est-ce qu'il mérite vraiment ce que tu fais pour lui ? Est-ce qu'il s'en rend compte au moins ? Il a l'air tellement désintéressé de tout... Ça me donne l'impression qu'il se sert de toi.
Je secouai la tête mais Taemin hyung reprit :
— Mais ce qui me gêne le plus et ce pourquoi je t'en veux c'est que tu ne l'as dit à personne. Ça fait six mois Jimin !
— Je sais, soufflai-je en baissant la tête.
— Si tu ne l'as pas dit c'est que clairement tu n'as pas confiance en cette situation et que tu n'as pas confiance en nous.
— J'ai confiance en vous !
— Dans ce cas-là pourquoi Taehyung n'est pas au courant ? Tu te plains qu'il ne te raconte rien de sa vie perso mais tu fais pareil !
Pas faux.
— Il faut que tu lui dises.
— Je vais le faire, insistai-je, on a prévu de s'appeler d'ici demain ou après-demain de toute façon...
C'était vrai mais j'espérais encore, comme tous nos autres échanges de ces six derniers mois, réussir à éviter le sujet avec Tae.
Comme le lâche que j'étais.
— Ce qui m'inquiète vraiment c'est que je te connais et que je sais que tu t'attaches à lui.
— Mais non...
Il me foudroya du regard et je baissai la tête.
— Tu t'attaches aux gens Jimin, surtout ceux que tu considères « spéciaux » à tes yeux. Min Yoongi est spécial alors certes, et heureusement, vous ne couchez pas ensemble...
Son regard semblait signifier « pour l'instant » et ça ne me plut pas du tout d'y lire ça.
— Ça n'empêche que clairement les choses ne vont pas durer, inutile de se voiler la face.
— Pourquoi ça ne durerait pas ? rétorquai-je.
— Soit vous allez coucher ensemble un beau jour et vous allez repartir sur la même situation qu'avant, soit il va se barrer après qu'il se soit bien servi de toi, de ton hospitalité et ta naïveté.
— Pourquoi tu le considères comme un connard pareil ?
— Parce ce que c'est ce qu'il est, Jimin. Dois-je te rappeler tout ce que tu m'as dit quand tu as parlé de lui il y a quatre ans ? Ce n'est clairement pas un enfant de chœur !
— C'était il y a quatre ans ! Et puis tu ne sais rien de lui, tu ne sais pas pourquoi il est comme ça.
— Ça y est... tu le défends encore, murmura-t-il en détourant les yeux.
— Tu n'essayes pas de le comprendre ! m'écriai-je.
— Toi, tu essayes trop, me reprocha-t-il, et on sait tous les deux comment ça va finir. C'est toi qui vas souffrir, il va te briser le cœur encore une fois !
— Je ne l'aime pas ! scandai-je.
Il me fixa d'un air compatissant et je secouai la tête.
— L'eau a coulé sous les ponts depuis quatre ans, ne le nie pas. Les choses ont changé, moi, lui... Cette situation diverge de ce qui s'est passé à l'université. Je pense aujourd'hui qu'on a peut-être besoin de l'un et de l'autre pour avancer.
— Jusqu'où ?
— Je ne sais pas...
— Je comprends tu aies besoin de l'aider, reprit-il plus calmement, mais toi est-ce qu'il t'aide ?
— Si on veut, éludai-je.
Taemin hyung soupira :
— Quand je pense que je venais te parler de Ten et que c'est Min Yoongi qui a ouvert la porte...
— Aucun rapport entre l'un et l'autre, lui fis-je remarquer durement. Ne te fais pas de fausses interprétations.
— Il s'est passé quoi avec Ten ?
Je racontai distraitement le chaos de ce lendemain de cuite et mon aîné fronça les sourcils :
— Il est dans un état lamentable depuis, confia-t-il, mais il a dit à tout le monde de ne pas t'en vouloir.
— Donc tout le monde le sait ? marmonnai-je.
— Momo ne sait pas tenir sa langue, comme d'hab'.
Je me sentis embarrassé.
— Ça va foutre la merde dans le groupe ?
— Je ne sais pas trop, faut attendre que ça se tasse. Je voulais te voir car j'avais peur que tu sois déprimé, le moral dans les chaussettes à te gaver de biscuits chocolatés devant la télé avec ton plaid.
— Comme si c'était un truc que je faisais...
— Tu as eu une crise de foie la dernière fois, me fit-il remarquer avec un petit sourire.
Je détournai le regard, niant à bloc.
— Pourquoi pas Ten ? me demanda-t-il d'une voix un peu plus basse.
— Je lui aurais fait du tort, comme à tous les autres.
— Mais là c'était un ami, ça n'aurait pas été différent ?
— Je ne pense pas, ça aurait été pire même, je te l'ai dit hyung, être en couple n'est pas pour moi.
Je détournai le regard, reposant ma tasse froide et presque vide de café latte sur le bord de la table en bois, jouant avec la hanse par moment.
— Je sais que cette colocation n'est pas ce que tu attendais ou ce que tu espérais pour moi, que Yoongi hyung n'est clairement pas la personne indiquée non plus, que rien de tout ça n'est stable, beau et fantastique, mais je me sens bien ainsi. Je me sens rassuré que quelqu'un vive avec moi, quelqu'un d'aussi instable, voire plus, que moi. Ça me rassure. Ce n'est pas stable, ça n'aura probablement pas de fin heureuse avec « ils vécurent mariés et eurent beaucoup d'enfants », ce n'est pas parfait.
Je le fixai, sentant une tension dans ma voix, comme un sanglot coincé alors que pourtant mes yeux restaient terriblement secs :
— Ce n'est pas parfait et c'est mieux ainsi.
Je me mis à sourire tristement :
— Je ne suis pas parfait après tout.
Je soufflai pour tenter d'enlever cette douleur qui étranglait ma gorge, en vain.
— Et si je continue de courir après la perfection ça va me rendre terriblement malheureux. Et là, cette situation avec Yoongi hyung, est loin d'être idéale, merveilleuse ou n'importe quel synonyme lié à ça... Mais je crois que c'est ce que je peux faire de mieux.
Taemin hyung me fixa mais ne trouva rien à redire et lorsqu'on se leva quelques minutes silencieuses plus tard, il me donna une accolade en me demandant de faire attention à moi avant de souffler :
— Dis-le à Taehyung.
J'acquiesçai, on se quitta sur ce dernier mot et je traînai un peu le pas en rentrant. Dans l'appartement, Yoongi hyung était toujours dans le canapé, somnolant à moitié alors même que la soirée n'était pas tombée. Je fouillai mon sac et lui tendis le téléphone que j'avais acheté.
Il releva un œil inexpressif :
— Tu fais chier Park, tu es têtu.
— Alors là c'est l'hôpital qui se fout de la charité, tu es bien plus têtu que moi. Prends-le.
Il obtempéra mollement avant de marmonner :
— Tu t'es fait engueuler ?
— Par Taemin hyung ? interrogeai-je en déposant mon sac sur le porte-manteau près de l'entrée.
— Non, le père noël, évidemment.
Je roulai des yeux.
— Question conne, réponse conne, Park.
Il était en pleine forme.
— Pas vraiment, éludai-je, on a un peu parlé. Il n'est pas d'accord avec la situation, mais il a compris.
Il ne répondit pas mais je revins vers lui :
— Vous vous êtes dit quoi avant que j'arrive ?
— Il m'a demandé qui j'étais et je lui ai répondu, après il s'est fermé comme une huître.
— Rien d'autre ?
— Non. Tu aurais voulu quoi ? Qu'on se batte ?
— Bien sûr que non, grognai-je en m'asseyant à même le tapis, monsieur prenant toute la longueur du canapé.
J'avisai la télécommande et tandis que je zappais sur les différents programmes, le silence s'installa mais il était tout sauf gênant et angoissant. À force, j'en venais à apprécier cet instant.
Néanmoins, alors qu'on essayait de décider, une heure plus tard, quoi manger : moi voulant qu'il cuisine, pour une fois, lui insistait pour qu'on commande des pizzas.
Yoongi hyung avait une véritable obsession pour les pizzas.
Mon portable sonna alors que celui de mon colocataire était toujours dans sa boîte, je me demandais s'il allait vraiment y toucher.
Je me figeai en m'apercevant que Taehyung m'appelait et annonçai à hyung que je prenais cet appel, et qu'il n'avait pas intérêt à commander des pizzas pendant mon absence, tout en m'éclipsant dans ma chambre.
Je me jetai sur mon lit et décrochai. Sur l'écran apparut le visage de mon meilleur ami dans un sourire rectangulaire adorable.
Il s'était fait couper les cheveux, légèrement, et me fit des mouvements de mains mignons pour me saluer. Je fis pareil.
On avait l'air d'avoir cinq ans.
— Est-ce qu'il n'est pas trop tard chez toi ?
« Il est tôt en fait », plaisanta-t-il. « Je vais bientôt partir avec un convoi donc en attendant que ça se prépare je voulais t'appeler. »
— Comment tu vas ? m'enquis-je.
« Ça va et toi ? »
Je me mordis la lèvre en hochant la tête, la phrase de Taemin hyung me trottant dans la tête.
— En fait j'avais un truc à te dire.
« Moi aussi ! »
Je levai les sourcils de surprise et Tae ricana :
« Désolé que tu ne sois pas le premier au courant mais le radar de Yeri a encore fonctionné, elle m'a appelé directement le jour même. »
— Je ne sais pas comment elle fait pour avoir ce sixième sens à chaque fois, m'amusai-je. Elle a un super pouvoir pour sentir des trucs à des kilomètres à la ronde. Je t'écoute, que veux-tu me dire ?
« Oh ? Tu ne veux pas commencer ? »
— Non, tu as titillé ma curiosité, tu assumes, ironisai-je.
Il fit un peu la moue mais je voyais de là ses yeux pétiller. Il avait l'air de s'être calé dans un coin d'une pièce, un endroit servant sûrement d'entrepôt vu les caisses qui s'entassaient autour de lui mais du bruit et des langues étrangères se faisaient entendre à travers mes hauts parleurs.
« Comme tu le sais, mon contrat est bientôt terminé. »
Je me mis à sourire encore plus :
— Je sais...
« Comme tu le sais, je suis parti il y a quatre ans pour avoir l'opportunité de... »
— Tae, abrège, le coupai-je amusé, je connais l'histoire.
Il se tordit la bouche et je gloussai malgré moi. Il n'avait pas changé, sa bouille avait toujours les mêmes mimiques. Seul son corps s'était légèrement modifié en quatre ans. Ses épaules s'étaient un peu élargies, sa mâchoire avait pris en masculinité. Sa manière de se comporter faisait moins introverti, davantage sûr de lui et je devais dire que lorsqu'il portait sa blouse blanche cela faisait son petit effet. Il avait l'air d'un professionnel à présent. Parfois, lorsqu'il me parlait un peu de son travail, je restais bouche bée devant sa manière de présenter les choses. Il avait pris en assurance mais quand il faisait cette tête-là, il me renvoyait la même image d'enfant que j'avais connu toute ma vie.
— J'attends, insistai-je, tu vas me rendre fou avec ton suspense.
Il commença à faire le bruit de la musique de Star Wars avant de reprendre plus sérieusement :
« Jimin, je ne vais pas rentrer. »
Mon sourire tomba d'un coup et je me redressai brusquement.
— Quoi ?
Lui n'avait pas perdu son sourire rectangulaire et il se gratta la tête :
« Mon contrat va se terminer mais il y a quelques semaines on m'a fait une nouvelle proposition. Un des médecins d'une autre équipe a été muté et on m'a proposé le poste. Cette fois je ne ferai plus partie d'une équipe mais j'en serai le co-dirigeant. C'est bien plus de responsabilités. L'équipe se trouve au Yémen. »
Je blanchis d'un coup :
— Tae... tu... Mon dieu mais tu sais ce qu'il y a dans ces pays, n'est-ce pas ? C'est carrément dangereux !
« Je sais, je sais » reprit-il rapidement. « Je me doutais que tu allais réagir comme ça, Sehun ne l'a pas du tout bien pris non plus et je suppose que Jin hyung ne va pas sauter de joie quand je lui dirai. C'est pour du court terme et ensuite j'irai sur une mission à long terme en Colombie. »
Je ne répondis pas, j'étais bien trop surpris pour ça.
« Je sais que c'est dangereux mais on n'est jamais seuls, les équipes là-bas sont débordées et les gens... Tous ces gens, Jimin ils ont tellement besoin d'aide, je ne peux pas rentrer. Je ne peux pas rentrer sans y être allé pour voir ce que je peux faire. »
Il me fallut quelques secondes pour articuler :
— Je comprends... Enfin je crois que je comprends, même si je t'avoue que je suis un peu triste, je pensais vraiment que tu allais revenir.
Cette fois-ci, il eut l'air mal à l'aise :
« Je ne sais pas si je rentrerai un jour, en fait. »
Je fronçai les sourcils :
— Attends... Quoi ? Mais Jungkook ?
Tae fit une drôle de tête que je reconnaissais entre mille et je me penchai en avant, me rapprochant de l'écran.
— Et Jungkook ? répétai-je.
Un mouvement à ma gauche me surpris et je pivotai vers l'entrebâillement de ma porte. Je vis clairement la silhouette de Yoongi hyung passer devant et réceptionner ce que je supposais être des pizzas livrées. Néanmoins, il prenait tout son temps, semblant s'adosser au mur non loin de ma chambre.
Qu'il écoute si ça le chantait.
« J'aime Jungkook », m'assura Tae sans même ciller, « Je l'aimerai toute ma vie... Mais je te l'ai dit je ne peux pas rentrer avec cette nouvelle opportunité, pas avec tous ces gens qui souffrent, qui ont besoin d'aide. Je me sens responsable maintenant que je sais que je peux faire quelque chose, même pas grand-chose. »
— Mais lui, il en pense quoi ?
« Il m'a encouragé. »
— Vraiment ? interrogeai-je, surpris.
« Oui, on en parlé longuement il y a quelques jours et on a fait le bilan de ces quatre dernières années loin l'un de l'autre. »
Il eut l'air un peu triste et ça me fit mal au cœur de le voir ainsi.
— Je vous interdis de vous séparer, maugréai-je.
Il gloussa un peu :
« On a nos vies maintenant, chacun de notre côté. Je sais bien que ce n'est pas ce que tu attendais pour nous, mais c'est comme ça. »
— Alors c'est fini ? m'exclamai-je.
« On n'a pas prononcé le mot « rupture » ni le mot « fin ». On s'est juste encouragés mutuellement dans nos carrières. Je sais qu'il est en train d'évoluer à toute vitesse de son côté. Sehun suit suffisamment le baseball coréen pour me le dire. Sa popularité est grandissante, il n'y a pas la place pour moi dans la vie qu'il mène actuellement et il sait que, de mon côté, j'ai encore besoin de m'expérimenter, d'aider, de remplir ma fonction de médecin du monde. »
Il ajouta rapidement :
« Il me manque, tous les jours, même si nos messages et nos appels s'espacent et je sais que je lui manque aussi. Quand on s'est rendu compte qu'actuellement on n'avait pas de place pour l'autre dans nos vies, j'ai bien vu qu'il allait pleurer mais on n'a jamais prononcé le mot « fin ».
Cette fois-ci, il eut du mal à retenir ses larmes et mon cœur se gonfla de douleur. J'avais envie de traverser l'écran pour le serrer contre moi.
« Ce ne sera jamais fini, du moins c'est ce que je crois et ce que j'espère. »
J'acquiesçai doucement sans savoir quoi dire, zieutant sur un coin à droite mais hyung n'était plus dans l'entrebâillement de la porte.
— Si c'est ce que tu veux, et que lui veut aussi, alors je ne peux que t'encourager, je ne voudrais pas passer pour l'égoïste de service qui te demande de rentrer.
Tae gloussa en s'essuyant les yeux :
« J'attends quand même les smileys et les gifs qui pleurent de Bambam, je sens que je vais être envahi dès qu'il apprendra la nouvelle. »
Je me mis à ricaner :
— Tu n'y échapperas pas, c'est certain.
Je soufflai avant de dire :
— Je suis heureux pour toi, Tae, vraiment. Je suis fier de toi, tu n'imagines même pas. C'est remarquable ce que tu fais et ce que tu vas faire, j'ai juste peur qu'il t'arrive un truc.
« Je sais, je m'en doute, mais je ferai attention. »
— Tu l'as dit à tes grands parents ?
Il hocha la tête :
« J'ai envoyé une lettre, c'est très difficile de les appeler avec le décalage horaire et vu qu'ils n'utilisent pas internet...Tu... »
— Je vais les rassurer, dès qu'ils auront reçu ton courrier. Je les appelle de temps en temps, pas souvent mais ta grand-mère est toujours aussi géniale.
« Je sais », crâna-t-il.
Puis son visage prit soudain une tournure plus boudeuse :
« Devine qui m'a envoyé des nouvelles ces deniers temps ? »
Je fronçai les sourcils, faisant la liste des potentielles personnes dans mon esprit sans réussir à trouver.
— Bah je ne sais pas.
« Le Dr Lee. »
Je me penchai en avant soudainement :
— Et ? Qu'est-ce qu'il dit ? Qu'est-ce qu'il devient ? Il est toujours aussi canon ? Tu n'as pas une photo ?
Il me fit une tête blasée.
« Faut vraiment que tu arrêtes d'être obsédé par lui. »
— Tae, soupirai-je, ce type est très clairement un demi-dieu vivant...
« N'importe quoi. »
— Et donc, il dit quoi ?
« Il m'a envoyé un mail pour se plaindre qu'il avait cassé ma tasse Baby Groot et qu'en tant que « parent » je devais être informé de cette « mort prématurée » puis ensuite me dire que la tasse a eu des funérailles décentes. Son mail continuait sur le fait qu'il avait trouvé un bon filon pour recevoir du jus de pomme de Daegu sans difficulté et qu'il allait installer un trafic au troisième sous-sol. »
Cela me fit éclater de rire alors que Tae prenait une mine blasée et ennuyée.
« Même pas de « comment ça va ? » ou « que deviens-tu ? », non, il m'a écrit ça. »
— Je rectifie, cet homme est peut-être l'homme de ma vie.
« Ah non hein ! »
— Tu ne peux rien faire contre le destin, dramatisai-je avec exagération.
« Pour ta gouverne, je sens qu'il s'est marié car sur la photo dite « preuve de la mort du mug Baby Groot » il y avait sa main et il avait une alliance. »
Je posai la main sur mon cœur, foudroyé.
— Comment oses-tu ?
« Fais ton deuil et puis c'est tout », clama-t-il sans la moindre délicatesse.
On se mit à rire mais en reprenant mon souffle, j'insistai :
— Tu es sûr que c'était une alliance ?
« Jimin ! », s'agaça-t-il.
Puis après quelques divagations sur le Dr Lee, restant à jamais dans ma mémoire comme fantasme numéro un, même devant Cilian Murphy, Taehyung lança :
« Sinon tu voulais me dire quoi ? »
Je refermai la bouche brusquement et me raclai la gorge.
— Eh bien...
De nouveau, le petit discours préparé dans ma tête me faisait défaut mais le téléphone de Taehyung bougea alors qu'il se levait, échangeant des paroles en anglais avant de chuchoter dans ma direction :
« Je suis désolé, je vais être obligé de te laisser, mon équipe est prête à partir. »
Un soupir de soulagement passa la barrière de mes lèvres mais alors que mon meilleur ami s'excusait encore et me souhaitait une bonne soirée, je fus saisi par un courage inespéré.
Au diable la lâcheté, il n'était pas question de faire traîner ça plus longtemps :
— Tae, mon nouveau colocataire est Yoongi hyung.
Je vis la caméra bouger et le visage de mon meilleur ami se recala devant l'écran brusquement :
« Quoi ? »
— Voilà, je voulais te le dire, ne t'inquiète pas tout va bien, ce n'est pas ce que tu crois, je t'expliquerai tout dès que tu as du temps.
Sa bouche entrouverte, son air hébété, ses yeux figés auraient presque été drôles à voir et je le sentis perturbé par cette annonce. Il regarda autour de lui, échangeant encore en anglais avant de rebraquer ses yeux sur moi.
« Tu... tu plaisantes, j'espère. »
— Pas du tout.
« Mais... pourquoi... m'enfin tu ne peux pas me laisser là-dessus, je dois vraiment y aller... »
— Tae, regarde-moi, regarde mon visage.
Je soufflai un peu avant de le fixer :
— Je vais bien, ne t'inquiète pas.
Il fronça les sourcils avant de clore les paupières quelques secondes :
« Je te rappelle dès que je peux, je veux une explication ! »
— Fais attention à toi et à bientôt.
Il voulut ajouter un truc mais me salua de la main avant de raccrocher.
Voilà c'était dit, c'était fait.
Finalement ça ne s'était pas trop mal passé.
Je me levai, remettant mon portable sur le chargeur avant de passer dans le salon, Yoongi était sur le téléphone que je lui avais amené.
— Tu t'es finalement décidé à l'utiliser, lançai-je, surpris.
— Je voudrais récupérer le numéro de Jungkook, tu l'as ?
— Oui, attends...
En revenant avec mon téléphone encore déchargé, je soufflai :
— Tu as entendu ? Taehyung ne reviens pas.
— Pas vraiment une surprise à mon sens, maugréa-t-il en prenant mon téléphone pour copier le numéro.
— Eh bien pour moi ça l'est, clamai-je.
Il était en train de taper un message mais je fronçai les sourcils :
— Enregistre mon numéro aussi.
— Pas besoin.
J'eus envie de le frapper et marmonnai entre mes dents :
— Fais-le où je coupe l'eau chaude à chaque fois que tu prendras ta douche.
— C'est une menace ?
— Tout à fait.
Il roula des yeux :
— Fais-le Park, et je fous des araignées dans ton lit.
— Je n'ai pas peur des araignées, le toisai-je.
Il me jeta un regard ironique :
— Donc la dernière fois que tu es venu me chercher en miaulant pour que j'écrase celle au-dessus du micro-onde c'était quoi ?
— Elle était énorme, noire et velue.
— Une araignée quoi.
Je soupirai bruyamment.
Il m'emmerdait.
— Tu es puéril, assénai-je.
— C'est toi qui as commencé.
Je restai sur mes positions, debout devant lui, le bras tendu avec mon téléphone et il finit par abdiquer et enregistrer mon numéro.
J'eus la sensation que dans ses prunelles dansaient une lueur amusée.
— Tu vas contacter Jungkook ? m'enquis-je une fois que je fus sûr d'être dans son répertoire.
— Peut-être.
— Ça fait combien de temps que tu ne l'as pas contacté ?
— Ça me regarde.
Il était pénible.
— Par contre si tu me spammes de messages je te refais le portait, Park.
— Je tremble de peur, ironisai-je en m'asseyant devant la table basse et le repas.
On mangeait, encore, des pizzas.
— Je vais bosser après manger, m'informa-t-il d'un air plat.
— Encore ? Tu ne penses pas que tu pousses le bouchon un peu loin alors que...
— La psy a validé, me coupa-t-il sans préambule.
Je retins un juron franchement violent.
— T'es complètement déphasé en terme de sommeil après.
— T'es psychologue du sommeil ? Non, donc tais-toi.
— Tu me fais chier, hyung.
— Je sais.
— Pour la peine, on passera la semaine à manger végétarien.
— Va chier Park, cracha-t-il.
Quelques minutes plus tard, installés dans le canapé, un programme de sport diffusant du baseball, on aperçut des extraits de vidéos centrées sur Jungkook avant que les présentateurs ne commencent leur émission.
— La nouvelle saison de Baseball va rendre Jungkook encore plus populaire, commentai-je.
Il ne répondit pas mais je me tournai vers lui :
— Tu ne penses pas qu'il va être vexé de ne pas avoir eu de tes nouvelles depuis si longtemps ?
— Jungkook est devenu une grande personne, répondit-il platement, il n'a plus besoin de moi maintenant.
— Tu es son hyung, rectifiai-je, il aura toujours besoin de toi.
Mais mon vis-à-vis eut un rictus froid :
— Il a grandi, il vole de ses propres ailes maintenant, je suis fier de lui mais réaliste.
On fixa l'écran alors que les présentateurs discutaient de la différence stratégique entre deux équipes notamment celle des Nexen, grande gagnante des dernières saisons. Je reconnus aussi Yugyeom qui apparaissait en plan dans l'équipe, ses cheveux étaient très courts à présent alors que ceux de Jungkook étaient vraiment longs.
Dire que je les avais fréquentés à l'université et qu'aujourd'hui ils étaient les sportifs les plus populaires de la nation, c'était étrange.
Nous n'étions plus dans le même monde, ils appartenaient à une vie différente de la mienne.
— Je m'inquiète pour lui je crois...
— Pourquoi ? demanda Yoongi hyung immédiatement.
— Tae est parti et quelques mois après Jungkook a débuté une carrière sur les chapeaux de roues, tout s'est enchaîné pour lui ces quatre dernières années. Victoire, succès, argent. Il n'a plus vraiment eu de contact avec nous...Tu crois qu'il a changé ? Qu'il se sent seul ? N'est-ce pas ce que la popularité fait ?
Il ne répondit pas.
J'attendis qu'il prenne la parole mais il ne le fit pas. Mes yeux se portèrent à nouveau sur l'écran. Je me demandais si Yoongi hyung ne se sentait pas insignifiant à présent, vis-à-vis de Jungkook. Peut-être que hyung ne voulait pas que Jungkook le voit comme il était et peut-être que sa nouvelle aura de célébrité l'éloignait indéniablement de nous, pauvres mortels.
Je ne savais pas trop mais je sentais que quelque chose n'était pas clair pour Yoongi sans réussir à mettre le doigt dessus.
Je repensai aux propos de Tae sans réussir à calmer mon inquiétude. Lui et Jungkook avaient réussi à maintenir le contact malgré tout, ces quatre dernières années, mais ils devaient faire face à la réalité. « On n'a pas de place dans la vie de l'un et de l'autre. »
Pourtant j'y croyais, je croyais en eux. Je ne savais pas trop comment ni pourquoi mais j'avais de l'espoir car il existait un lien entre eux qui m'avait toujours paru inébranlable.
On continua d'échanger superficiellement sur les images qu'on voyait, les programmes changeaient un peu car les fêtes de Chuseok allaient arriver puis il m'annonça qu'il sortait.
Il cumulait des petites missions intérimaires, garde de chien, inventaire de magasin, homme de ménage. Il ne m'en parlait pas, me laissait juste du liquide pour payer sa part du loyer et des factures.
— Je pars tôt demain, l'informai-je. Donc ne t'inquiète pas si tu ne me vois pas en rentrant.
— Je ne m'inquiéterai pas, répondit-il sans détour en mettant ses chaussures.
C'était les miennes au départ mais je ne les portais plus. Hyung n'était pas amateur de shopping donc j'achetais parfois des trucs pour nous deux, vu qu'on avait la même morphologie. Néanmoins, ces derniers temps il se servait allégrement dans mes placards.
— J'ai une audition demain matin, précisai-je.
— Et ?
— Et quoi ? m'agaçai-je.
— Et pourquoi tu fais cette tête-là ?
— Parce que je suis stressé, voilà, lâchai-je avec fatigue.
— Si tu pars avec cette tête-là tu ne l'auras pas c'est sûr, marmonna-t-il sans émotion.
Une violente envie de lui mettre mon poing dans la figure me prit alors qu'il se levait, attrapant un manteau assez large. J'allais rétorquer, sûrement quelque chose d'acide et d'implacable mais il se tourna vers moi avec son air apathique habituel.
— Tu seras grandiose, Park.
Sa phrase me fit l'effet d'une claque et, sans mesurer l'effet de ses mots sur moi, il ouvrit la porte d'entrée et me salua nonchalamment avant de sortir. Lorsque le battant se referma, je restai sidéré, bloqué. Ma colère s'était tarie au fond de ma poitrine et mes joues rougirent brusquement.
L'espace d'une fraction de seconde, je sentis mon cœur s'emballer comme s'il était vivant.
Comme s'il venait de ressusciter.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro