72-
Le lendemain matin, aux aurores, Jungkook avait voulu aller prendre le bus qui se trouvait à une dizaine de kilomètres de la maison pour aller sur Daegu, mais en entendant ça mon grand-père avait insisté pour l'emmener directement à la gare. Jungkook eut beau rassurer tout le monde sur le fait que ça ne le dérangeait pas de prendre le bus, mon grand-père était bien plus borné que lui.
On fit le trajet sous la chaleur étouffante et le son de la radio qui fonctionnait mal dans l'habitacle rouillé. Ma poitrine me faisait mal et le trajet passa en un clin d'œil comme si le temps, ce traître, avait fait exprès d'accélérer les choses.
Lorsque vint le moment de le laisser à la gare, je ne réussis pas tout à fait à contrôler mes expressions.
La mer de mon cœur était agitée malgré le ciel bleu et les rares nuages. En présence de mon grand-père dans le hall, je ne pouvais pas me laisser aller à des embrassades alors on se contenta de se fixer le plus amicalement possible.
Jungkook s'inclina plusieurs fois pour remercier mon grand-père, il avait fait la même chose avec ma grand-mère avant de quitter la maison ce qui les avait beaucoup embarrassés. Mes grands-parents étaient des gens modestes qui n'aimaient pas être trop remercié.
Le moment de partir était là et il me lança son magnifique sourire faisant ressurgir ses dents de lapin ce qui me fit sourire simultanément. Il était tellement beau quand il souriait comme ça.
— On se revoit bientôt, hyung, assura-t-il.
Dans très précisément treize jours.
Ça allait être long, très long, mais ça ne serait jamais aussi long que les années qui m'attendaient à l'étranger.
En revenant vers la vieille camionnette sur le parking et tandis qu'on s'installait derrière le tableau de bord, je laissai ma tête reposer sur l'encadrement de la fenêtre. Alors que mon grand-père démarrait le vieux moteur qui se montrait capricieux, je fermai doucement les paupières pour tenter de calmer déjà ce ressenti de manque.
C'était comme un rongeur à l'intérieur de moi qui grignotait mon cœur petit bout par petit bout.
Soudain, je sursautai en sentant une main se poser sur mon épaule et me tournai vers mon grand-père. C'était son geste le plus parlant et le plus significatif et ça me surprit un peu.
Avais-je l'air si triste que ça ? Il esquissa un petit sourire et le moteur crachota encore une fois avant d'enfin démarrer.
Je fermai les yeux en posant la main sur mon cœur.
C'était douloureux mais pas autant que la dernière fois lorsque j'avais vu son appartement vide. Je sentais que cette nouvelle promesse faisait vivre quelque chose en moi.
« Si tu veux construire un château, ne le fais pas en sable. »
Je me mis à sourire doucement.
Il avait raison. Il fallait que je m'éloigne un peu du rivage pour prendre du recul et construire quelque chose de plus solide. Pas uniquement pour nous, mais aussi pour moi.
Le soir, tandis que je cherchais le sommeil, le ventilateur à fond dans la pièce, mon téléphone vibra et un message de Jungkook apparut :
« Hyung tu dors ? Je pense à toi. »
Je me mis à sourire, m'allongeant confortablement sur le matelas.
« J'ai aussi pensé à toi toute la journée. Il y a encore ton odeur dans mon lit. »
« Ok, un point pour toi. », répondit-il.
Une nouvelle notification fit vibrer mon téléphone :
« Jeu des phrases niaises, score actuel : 15 points pour JJK et 14 pour KTH. Je mène. »
« Plus pour très longtemps. », écrivis-je.
« Abandonne hyung, je vais gagner. J'arriverai en premier aux vingt points et tu devras me payer une paire de baskets de luxe. »
« C'est mal me connaître. »
« Avoue seulement que je suis bien plus doué que toi pour dire des phrases pleines de tendresse. I'm a romantic man, ok ? »
« C'est de la triche, les trois quarts de tes phrases étaient à moi et tu les as réutilisées sans me demander mon avis. Je demande des droits d'auteurs ! »
On se chamailla puérilement avant que je ne lui demande comment s'était passée sa journée et le trajet jusqu'à la capitale.
« Je me suis fait disputer par hyungnim, le capitaine est assez effrayant même s'il a une tête adorable. Comme quoi ne jamais se fier aux apparences... »
« Pourquoi disputer ? Parce que tu as pris quelques jours pour venir me voir ? »
« Oui... »
Je soupirai bruyamment, inquiet :
« Tu vas avoir des problèmes ? »
« Beaucoup, beaucoup d'échauffements et d'entraînements... mais rien de grave, rassure-toi. »
Puis après un moment où je voyais son message s'écrire sans que rien ne s'affiche encore, il finit par souffler :
« Je crois que Yugyeom se doute de quelque chose, pour nous. »
Jungkook et Yugyeom partageaient un appartement commun, je l'avais appris dès le premier soir de l'arrivée de Jungkook à Daegu.
J'avais été si perdu et réfractaire à toute conversation que je n'avais pas su avant que Jungkook, après plusieurs jours de galère pour trouver un appartement correct et suffisamment grand sur Séoul, avait opté pour la colocation avec nul autre que Yugyeom.
« Tu comptes lui dire, pour nous ? »
« Je ne sais pas encore... tu serais d'accord ? »
« C'est pour toi Jungkook, si tu en as envie et si tu penses qu'il doit le savoir alors oui, je suis d'accord. »
« Je vais y réfléchir. »
On échangea encore pendant un moment et je voyais mes heures de sommeil diminuer au fur et à mesure mais ça m'importait peu.
« Quand tu reviendras en Corée, on ira faire du camping et j'achèterai du vrai matériel cette fois ! »
« Ça ne changera rien au fait que tu as peur des insectes... »
« Ok, bonne nuit hyung. »
« Vexé ? »
« Nan. »
« D'accord, bonne nuit Jungkook. Je m'endors avec l'image de toi et j'espère te voir dans mes rêves. »
« 15 à 15, égalité. Tu gagnes la partie hyung, mais pas la guerre. I'm a romantic man, again. »
Je me mis à pouffer dans ma main le plus silencieusement possible.
« Si je te vois dans mes rêves, sache que tu y seras nu. »
Ce smiley démon ne me disait rien qui vaille.
« C'est fou ce que tu es un pervers en fait...#TeamTop »
« Tu n'iras nulle part avec ce hashtag, enlève ça tout de suite ! »
« Bonne nuit Jungkookie <3 »
« Reviens là ! »
Je ne répondis pas, le laissant mariner jusqu'à ce qu'il m'envoie un petit smiley adorable.
« Bonne nuit hyung, je t'aime. <3»
Je répondis de la même manière avant de verrouiller mon écran, le sourire aux lèvres et le cœur battant à la chamade.
Oui, une nouvelle vie arrivait et je devais apprendre de mes erreurs pour ne pas les refaire.
Je pourrais toujours voir la mer, mais si je devais construire un château je le ferais plus loin, pour la surplomber, pour éviter les vagues.
J'avais hâte.
*******
Quitter mes grands-parents, peu avant mon départ pour l'étranger, fut très difficile. En ce jour du 6 septembre, je reprenais le train pour Séoul. Une dernière fois.
La semaine précédente, j'avais essayé de m'organiser pour rentrer une semaine plus tôt et tout le monde s'était plié en quatre pour m'héberger mais au vu de la difficulté d'organisation que ça nous prenait, j'avais finalement annulé.
J'avais profité du temps avec ma famille ne sachant pas quand je pourrais revenir chez eux, la prochaine fois.
Mon départ était dans deux jours.
Je me sentais stressé.
Je n'avais pas réussi à fermer l'œil dans le train du retour, j'avais beaucoup pleuré quand ma grand-mère m'avait pris dans ses bras sur le perron de la maison lorsqu'elle avait dit : « On est tellement fiers de toi Taehyung, tes parents le seraient eux aussi, sois-en sûr. ».
En arrivant en gare, je fus surpris de voir Sehun seul qui accourut vers moi avant de me donner une accolade virile. En se détachant de moi, j'aperçus Dasom qui me fit un petit sourire. Nous n'étions pas suffisamment proche pour se donner ce genre de contact amical alors je me contentai de hocher la tête en souriant.
— Vous êtes venus ensemble ? demandai-je.
La combinaison de ces deux-là était assez improbable mais Sehun soupira :
— On a eu comme un malentendu...
— Jin m'a demandée de venir à la gare parce qu'il ne pouvait pas venir te chercher, m'expliqua-t-elle.
— Sauf qu'avec Yeri on avait convenu de venir te réceptionner, ajouta Sehun, mais elle a eu une urgence de dernière minute du coup je suis venu tout seul.
Les deux se regardèrent et Dasom, marmonna :
— Jin a répété plusieurs fois sur la conversation qu'il viendrait chercher Taehyung à la gare. Il n'a pas pu se libérer à temps donc il m'a envoyé de peur que Taehyung se retrouve tout seul.
— Il ne l'a pas dit plusieurs fois, on n'a rien lu de tel sur la conversation, on a cru que Taehyung allait devoir attendre alors on s'est décidés à venir nous-même le récupérer.
— On en a parlé avant votre envoi de vidéos et de photos du restaurant à l'envers.
— Non, on en a parlé après.
— Après, vous savez, j'aurais pu attendre, marmonnai-je.
Mais ils ne m'écoutèrent pas.
Je les regardai se chamailler, comprenant à présent que Dasom, sous ses airs de femme calme et mature, avait un sacré caractère. Sehun n'était pas en reste non plus et je répétai :
— Vous savez, ça ne m'aurait pas dérangé d'attendre.
— Et Jungkook alors ? s'exclama Sehun. Où est-il ? Il peut pas répondre aux messages qu'on lui envoie ? Je vais le pendre par les cou...
— Je suis heureux que vous soyez tous les deux venus, coupai-je, c'est gentil.
Ils finirent par se calmer et on quitta la gare pour prendre le métro.
Le trajet se passa bien, chacun parlant de tout ce que j'avais loupé ces dernières semaines, de la nouvelle couleur de cheveux de Yeri au nouveau restaurant sur Gang,am où le décor était à l'envers, la nouvelle tentative de Bambam de gagner un concours pour des vacances à Jeju, et donc de nouvelle boites de gâteaux immangeables, le jeu vidéo sur lequel Dasom avait bossé qui allait bientôt sortir, l'article de sport sur la nouvelle équipe des Nexen ( que Jungkook m'avait déjà envoyé), et plus encore.
Bientôt, Sehun nous quitta à une station :
— Vous ne restez pas chez Jin hyung, ce soir ? l'interrogeai-je.
Mais il secoua la tête :
— Non, on arrivera demain. Yeri commence tôt demain vu qu'elle va partir tôt pour la soirée. C'est moins long pour elle de faire le trajet de chez nous jusqu'à l'hôpital que de chez Jin hyung.
Je hochai la tête, un peu déçu de devoir attendre et il demanda à nouveau :
— Jungkook va venir ?
— Bah oui... il l'a dit sur la conversation.
— Je n'ai rien lu, moi.
— Ah ! s'exclama Dasom, c'est ce que je dis : à force de mettre des gifs et des vidéos dans tous les sens on finit par ne plus rien lire !
— Les gifs c'est la vie et je ne veux rien entendre.
Je le remerciai d'être quand même venu alors que ça lui avait fait un trajet pour rien mais il secoua mes cheveux en disant que ça lui avait fait plaisir, avant de passer les portes automatiques.
On poursuivit notre trajet et la jeune femme m'informa que la mère de Jin serait là ce soir, son père arriverait un peu plus tard pour le dîner. Ils ne seraient pas présents pendant trois jours puisque Mr Kim avait un voyage d'affaire à Busan et son épouse le suivait pendant ce périple.
— Et ça va aller ? m'enquis-je, que je débarque comme ça ?
— Ils sont prévenus, assura-t-elle.
— Tu les as déjà rencontrés, ses parents ?
Elle hocha la tête en se mordillant les lèvres :
— Il n'y a pas très longtemps, franchement je suis plutôt contente de pas être seule pour y aller...
Si Jin l'avait présentée à ses parents, c'était que leur relation était réellement sérieuse.
On sonna et la mère de mon aîné vint nous ouvrir.
C'était une toute petite femme un peu rondelette avec des cheveux permanentés, bien habillée.
Elle m'accueillit avec chaleur et de manière un petit peu sophistiquée alors qu'on s'inclinait.
— Depuis le temps que Jinie nous parle de toi, on avait hâte de te rencontrer.
On m'installa dans une des chambres de l'étage, la plus éloignée, et je m'excusai d'ainsi m'imposer pour les deux jours mais Mme Kim me donna une tape amicale sur l'avant-bras pour dire de ne pas m'en faire. Elle était un peu brusque et hyperactive, parlant à tout va et ça me fit beaucoup sourire.
Effectivement, entre elle et Dasom, il semblait y avoir tout un monde d'écart mais Mme Kim semblait très affectueuse avec la petite amie de son dernier fils.
Alors que je m'installais dans le salon pour boire le thé qu'on m'avait gentiment proposé, Bambam arriva.
Le thaïlandais, toujours trop enthousiaste, voulut se précipiter sur moi mais réussit à se retenir en voyant Mme Kim. De manière naturelle et étonnante, il se montrait très à l'aise et taquin avec elle et elle se laissait prendre au jeu. Je fus heureux de voir à quel point Bambam avait trouvé sa place et une manière agréable de vivre depuis qu'il avait emménagé chez Jin hyung. Lorsque Mme Kim repartit vers la cuisine, il s'empressa de me poser un milliard de questions sur ce que j'avais fait de mes vacances.
Jin hyung arriva deux heures plus tard, l'air fatigué, mais son visage se barra d'un sourire en me voyant. On commença à dîner à vingt et une heure quand Mr Kim arriva à son tour.
Jin lui ressemblait beaucoup, ses épaules étaient tout aussi larges que les siennes. Il se montra chaleureux et sortit immédiatement une bouteille de vin mais ne sembla pas le moins du monde blessé quand je murmurai que je n'en buvais pas.
Le dîner se passa dans une bonne ambiance mais je me sentais étrange. Je n'avais pas beaucoup d'expérience de dîner de famille du coup je prenais plutôt le parti d'observer que de parler.
Mme Kim parla de ses fils, tous de hauts fonctionnaires d'entreprises dont un vivant à l'étranger. Elle s'extasia longtemps sur sa petite fille. Mr Kim, lui, parla plutôt à Jin de son travail et se montra très curieux et intéressé par le fait que je partais à l'étranger.
Mme Kim s'inquiéta beaucoup de la soirée du lendemain alors que Jin tentait de rassurer sa mère que nous n'allions manquer de rien. Visiblement, elle s'inquiétait qu'on puisse tacher les tapis et casser des choses.
Dasom était plutôt silencieuse et polie alors que Bambam, très à l'aise, mettait une certaine légèreté et une ambiance amusante dans ce dîner.
Le repas se termina et chacun vaqua à ses occupations, j'optai plutôt pour appeler Jungkook et prendre une bonne douche.
Dasom et Jin s'étaient calés devant l'immense télévision tandis que Bambam sautait sur l'occasion pour prendre la salle de bain en premier.
Jungkook décrocha à la première sonnerie et je me mis à sourire comme un bienheureux.
« Le colis est-il bien arrivé à destination ? »
— YAH !
L'entendre rire me fit du bien et il marmonna :
« Je sauterais bien dans le premier bus pour venir te rejoindre mais je suis tellement mort que je n'arrive même pas à bouger d'un millimètre pour me faire à manger... »
— Demande à Yugyeom s'il peut cuisiner pour toi ?
« Non, il est dans un état pire que moi. Les entraînements nous ont achevés, on est comme deux larves là... »
J'entendis la voix de son colocataire geindre « ... nous a tués.. ».
« Le rythme des entraînements professionnels ça n'a rien avoir avec la fac, hyung », maugréa Jungkook.
— Mon pauvre...
« Tu vas faire quoi demain ? »
— Tout le monde travaille, alors je comptais traîner un peu en ville et bien vérifier toute ma valise mais Jimin m'a proposé de passer le voir à l'université. »
« D'accord. Je pense être là vers dix-neuf heures. »
— Dasom m'a dit que tout le monde arriverait vers cette heure-là. Je dois préparer quelque chose ? Prier la déesse de la bouffe pour un plat en particulier ?
« Tu ne t'occupes de rien, on a déjà tout géré. »
— Mais moi je n'ai rien préparé, m'affolai-je.
« Tu n'as rien à préparer hyung, c'est ta fête de départ. »
On continua de débattre sur cette idée jusqu'à ce que Bambam toque à ma porte pour me prévenir que la salle de bain était libre. Sa couleur bleue commençait à passer, donnant une démarcation importante à ses racines et à ses pointes.
J'écourtai notre échange en répétant que j'avais hâte de le revoir avant de m'engouffrer dans la cabine de douche.
Demain.
J'étais angoissé et empressé, j'avais hâte et peur à la fois.
J'essayais de contrôler ces émotions sans me laisser dépasser et envahir par elles.
Une fois propre, je rejoignis Bambam, Jin hyung et Dasom dans le salon pour regarder un film.
— Jin n'a jamais vu Shaun of the Dead, m'annonça Dasom avec une mine dramatique.
— Moi non plus, avoua Bambam, jamais entendu parler de ce film.
— Moi non plus.
Elle roula des yeux :
— C'est un film culte !
On ne lui répondit pas et elle souffla :
— Toute une éducation cinématographique à refaire... Bon, on peut se mater Fight Club sinon ?
— Jamais entendu parler de ce film.
— Moi non plus.
— Moi non plus.
Son expression traumatisée nous fit rire.
Calé dans un gros fauteuil, un plaid moelleux sur le corps, on regarda le film et Bambam n'arrêtait pas de faire des commentaires à voix haute tandis que je me mettais à somnoler.
J'étais bien dans cet entre-deux, dans ces moments calmes avant le début d'un nouveau travail, de nouvelles responsabilités. Probablement que ça allait être dur pour moi mais je le voulais aussi. Je me sentais curieux et courageux d'être ainsi mis au défi. Si j'avais accepté ce poste, c'était pour apprendre de nouvelles choses.
Tout ce qu'il s'était passé dans ma vie m'avait amené à ce point-là.
Et dans mon esprit, maintenant que j'étais arrivé un peu plus loin sur la plage, c'est fou ce que la mer était belle.
J'avais hâte.
*******
— Ken ? Non, attends... ça va me revenir... le coloc de Jaebum hyung ?
— Toujours pas.
Kai claqua des doigts et argua :
— Le type qui fait du baseball !
— Encore raté...
Je m'amusais comme un petit fou devant le regard dépité de Jimin.
En face de moi, son ami et collègue de promotion, Kai alias Mr-cervelle-de-poisson-rouge, cherchait en vain mon prénom depuis deux minutes déjà.
— Je t'ai dit qu'il allait venir aujourd'hui ! argua mon meilleur ami d'une voix agacée. C'est dingue de pas retenir les infos à ce point, Kai !
— J'écoutais pas quand tu parlais...
Jimin le frappa et Mr-cervelle-de-poisson-rouge poussa un aïe beaucoup trop important pour une si petite frappe avant de geindre :
— Tu parlais, tu parlais et y avait des belles filles qui passaient, je ne pouvais pas faire deux choses à la fois !
— Tu préfètes mater que m'écouter ? s'offusqua Jimin.
— Y avait de belles filles, insista Kai, je ne sais pas comment tu as fait pour les louper !
— Je m'en bats les steaks des filles !
— Franchement je ne sais pas comment tu fais...souffla Kai d'un air réellement désolé pour son voisin.
— C'est simple, tu te souviens, j'aime les bi...
— C'est cette partie-là que je pige pas, comment on peut aimer un truc longiligne quand on a deux beaux mamelons à portée de main ?
Il faisait un étrange mouvement avec ses mains et Jimin roula des yeux :
— Tu vas le trouver ce prénom oui ou merde ?!
Kai s'écria soudainement :
— Je sais, Sehun !
— Encore raté, lâchai-je en riant un peu.
Taemin, qui réglait la sono à l'autre bout de la salle, finit par s'approcher et je m'inclinai :
— Content de te voir, Taehyung.
— Taehyung ? M'enfin il n'a pas une tête à s'appeler Taehyung... s'écria Kai.
Il se prit une autre baffe.
— Ne fais pas attention à ces deux-là. Jimin nous a dit que tu voulais venir nous voir danser ?
— Oui, ça fait un moment que je n'ai pas assisté à un entraînement de danse, répondis-je en souriant.
— On a un examen dans dix jours, m'annonça Jimin, Kai, hyung et moi on forme un trio, on doit présenter une chorégraphie totalement créée par nous-même mais ce n'est pas encore prêt.
— Pas grave, je veux vous voir quand même.
Je m'installai dans un coin de leur salle de danse, m'asseyant à même le sol tandis que la musique démarrait. Je fus surpris que ce soit un morceau de musique électro mais Jimin m'expliqua que la chanson leur avait été imposée. Clairement, pour avoir vu le spectacle de l'année dernière, je ne voyais pas vraiment Taemin ou Jimin danser sur ce style mais je fus agréablement surpris lorsqu'ils commencèrent.
En fait, ils savaient tous danser mais c'était surtout Kai qui menait. Sous ses airs de joyeux luron un peu ingénu, encore moins doué que moi pour se souvenir des prénoms, il avait une maîtrise impeccable de la chorégraphie. Cela lui donnait un autre visage.
Je suivais avec fascination leurs mouvements parfaitement synchronisés et harmonieux.
Lorsque Taemin coupa la musique, ils étaient assez essoufflés et je me mis à applaudir. Ils me firent un sourire en me voyant et je leur tendis les bouteilles d'eau.
— C'était génial !
— Ce n'était que le premier couplet jusqu'au refrain...
— J'ai eu un décalage sur le refrain... marmonna Jimin, j'ai raté le tempo.
— Je n'ai rien vu, assurai-je.
— Mais moi je le sais, insista mon meilleur ami, je ne suis pas au point.
— Il nous reste dix jours, le rassura son aîné, on a le temps de peaufiner.
Par la suite, ils se mirent à improviser sur différentes pistes de musique. À un moment donné ils voulurent me faire danser ce qui se révéla être une véritable catastrophe.
En tout cas, ça les fit beaucoup rire.
Lorsque Jimin partit en direction des vestiaires avec Kai pour prendre une douche et me rejoindre ensuite, Taemin fit semblant de rester ranger la sono.
D'abord, je ne compris pas son manège avant de me rappeler que Bambam lui avait filé mon numéro lorsqu'il était inquiet à propos de Jimin.
— Comment le trouves-tu, hyung ?
Il se mit un peu à sourire comme s'il avait attendu ma question :
— Jimin va mieux, ce n'est pas encore tout à fait ça mais il remonte la pente.
— A-t-il autant de retard avec le niveau des autres dans votre classe comme il le dit ?
— Un peu, mais il se met encore beaucoup trop la pression, soupira notre aîné.
Puis il ajouta :
— Je ne sais pas ce qui s'est passé, je ne veux pas que tu me le dises, j'attends qu'il m'en parle de lui-même.
J'acquiesçai silencieusement.
Quand je tentais de repenser à tout ça, une part de moi se sentait soulagée que Yoongi hyung n'ait pas choisi Jimin, finalement. Tout ce que Jungkook m'avait dit c'était qu'il avait bien quitté son appart' et l'université en même temps mais qu'il était encore à Séoul. Il était inquiet et je le comprenais. Yoongi hyung avait tout abandonné d'un coup aussi drastiquement et violemment qu'il l'avait toujours fait, stipulant que tout irait bien. Jungkook affirmait qu'il allait se rendre à Daegu mais n'avait pas trop de nouvelles depuis un moment. Est-ce que Yoongi avait choisi Hoseok ou est-ce qu'il l'avait quitté aussi ? Difficile de savoir mais j'espérais que Jimin n'ait plus jamais à recroiser sa route.
Taemin hyung reprit :
— Il nous a dit que tu partais pour quatre ans à l'étranger, ça a l'air de le rendre triste ces derniers jours.
Je hochai la tête mais il me fit un sourire :
— Tu peux partir tranquille, on va s'occuper de lui et cette fois on ne le laissera pas sombrer. Je te donne ma parole.
On s'échangea un regard sérieux, comme si par ce biais je lui donnais une responsabilité que je ne pourrai pas tenir pendant que je serai à l'autre bout de la terre. On acquiesça en même temps comme une promesse silencieuse et je le laissai rejoindre les vestiaires.
On rentra ensemble, Jimin et moi, et dans le bus jusqu'à chez Jin hyung je me mis à lui poser tout un tas de question pour savoir ce que le groupe avait préparé pour mon départ.
Le traître, il ne m'avoua rien.
En arrivant à destination, je me rendis compte que tout le monde n'était pas encore arrivé. Par contre, ça sentait déjà très bon.
On m'expulsa, quand même gentiment, de la cuisine en me disant que ce n'était pas encore prêt mais je reconnaissais l'odeur : ça sentait le jjajangmyeon, les nouilles à la pâte de soja noir.
Ou autrement dit : mon plat préféré.
J'avais deux grands amours dans la vie : les hamburgers et les jjajangmyeon.
Et Jungkook ?
Ah... je n'avais pas mis Jungkook.
Mais Jungkook n'était pas de la nourriture alors ça ne comptait pas.
Si ?
La sonnette me coupa dans ma réflexion et je m'empressai d'aller ouvrir la porte d'entrée avant de me faire agripper par Yeri. Je répondis à son accolade et en reculant je m'aperçus qu'elle avait teint ses cheveux en violet foncé.
— Tu aimes ?
— J'adore, avouai-je honnêtement.
Mais en fronçant les sourcils, je chuchotai :
— Mais ils te laissent travailler comme ça, à l'hôpital ?
— Le médecin référent ne m'a encore rien dit, répondit-elle en gloussant un peu.
Sehun m'offrit une accolade avant de humer l'air :
— Ça sent trop bon...
J'allais répondre quand, à travers la porte toujours ouverte, Jungkook s'engouffra.
Mes yeux cherchèrent directement les siens tandis que son visage juvénile se fendait d'un sourire adorable auquel je répondis aussitôt.
— Voilà, maugréa Yeri d'un air faussement dramatique, maintenant on n'existe plus.
— Chérie, ne t'inquiètes pas, la rassura Sehun en rentrant dans son jeu. Après tout nous ne sommes que des personnages secondaires.
Elle mit la main sur son cœur :
— Je me sens comme trahie, d'être ainsi, invisible dès que le héros pénètre dans la pièce. Qu'avons-nous fait pour mériter ce châtiment ?
— Retenons nos larmes, surenchérit Sehun dans un geste théâtral, nous devons laisser les amants se retrouver car tel est leur destin et rien ne peut l'entraver.
—Bon, vous avez fini ? lâcha Jungkook mi-amusé, mi-agacé.
Ils se mirent à rire tous les deux tandis que j'entendais le gloussement amusé de Bambam nous parvenir depuis l'escalier où il avait assisté à la scène.
Ils allaient être en super forme ce soir ces deux-là...
— Allez, reprit Yeri avec bonne humeur, on vous laisse vous retrouver, on va dans la cuisine.
— Jungkook, Taehyung ne doit pas y rentrer avant que ce soit prêt.
— Entendu.
Je les entendis partir, tirer Bambam qui voulait rester regarder et enfin, lorsque ce fut plus silencieux, je fonçai dans ses bras.
Son odeur me parvint d'un coup et mes lèvres retrouvèrent les siennes.
On se détacha un peu à court de souffle avant qu'il ne me serre contre lui, le nez dans mon cou.
On resta ainsi jusqu'à ce qu'il recule et j'attrapai son sac pour la nuit avant de prendre sa main pour le mener à l'étage.
En arrivant à l'étage, Jungkook s'émerveilla de la grandeur de la maison et on déposa ses affaires dans la chambre qu'on nous avait attitrée pour cette nuit. Bien sûr, parce qu'on ne s'était pas retrouvés depuis longtemps j'eus envie de le toucher, de l'embrasser à nouveau.
Mais nos embrassades furent arrêtées par Yeri qui entra en toquant une main sur les yeux.
— Vous n'êtes pas tous nus, hein ?
— Yeri, soupirai-je tandis que Jungkook riait, tu vois tout à travers tes doigts là...
— Oh, fit-elle en faisant semblant d'être surprise, c'est vrai.
Jimin entra à sa suite et Jungkook lâcha :
— Et toi hyung, tu ne te caches même pas les yeux ?
— Nan, s'il fallait mater, j'aurais été prêt.
— Bande de pervers, soupirai-je.
— Je ne vois pas du tout de quoi tu veux parler, rétorqua mon meilleur ami en me faisant un clin d'œil.
— Tout est prêt, on est venu chercher Taehyung.
Je me sentis prendre une grande inspiration de stress, d'appréhension, d''excitation, d'un je ne savais pas trop quoi...
Je traversai l'étage, les trois autres sur mes talons, descendis l'escalier avant de m'arrêter devant la porte de la cuisine en me mordillant les lèvres. J'hésitai avant de faire coulisser le battant de l'autre côté, la cuisine ouverte sur le salon avait été décorée avec une banderole et quelques ballons tandis que Dasom et Sehun faisaient éclater des petits pétards à cotillons qui me firent sursauter.
La table était servie et Jin hyung, tablier rose et gants aux mains, me fit un grand sourire tandis qu'il posait sur la table un gigantesque plat de jjajangmyeon.
— Nous sommes tous réunis en ce jour... commença Bambam.
— On dirait une messe, non ? s'étonna Jungkook.
— Ça fait carrément cérémonie, assura Jimin.
Le thaïlandais fit la moue alors que je souriais :
— Vous n'étiez pas obligés de faire tout ça, on aurait pu juste aller manger quelque part...
— On voulait faire les choses bien, avoua Yeri. On a pris le temps de faire tes nouilles préférées maison, et même des hamburgers.
Sehun fit mine de montrer ses muscles :
— Je suis le roi des hamburgers.
Jungkook le regarda de haut en bas :
— Depuis quand t'es cuisinier, au juste ?
— Depuis toujours, c'était ma botte secrète, je ne l'utilise qu'au moment opportun.
Jimin se mit à glousser et Bambam trépigna pour reprendre la parole :
— Nous sommes tous réunis aujourd'hui pour fêter le départ de hyung ! Applaudissements, s'il vous plaît !
Tout le monde s'exécuta et je me mis à glousser, gêné. Jin hyung, presque maître de cérémonie dans sa tenue, invita tout le groupe à s'asseoir.
Chacun prit place où il voulait et on se mit à remplir les bols.
C'était les meilleurs jjajangmyeon que je n'avais jamais mangés.
Yeri nous mit une playlist durant le repas et elle se fit taquiner sur ses goûts musicaux. Malheureusement pour les moqueurs, la jeune femme avait toujours beaucoup d'arguments pour expliquer ses choix. Ainsi, sa playlist défila toute la soirée. Les conversations allaient de bon train tandis que Dasom coupait les burgers en deux pour que tout le monde puisse en avoir un bout. Jungkoook se plaignit auprès de Sehun qu'il n'avait pas fait « assez » de nourriture. Vu la quantité qu'il y avait sous la table, on aurait pu nourrir un village entier.
Les plats tournaient, Jungkook se levait, soufflait sur les jjajangmyon pour me les faire manger, Jimin trépignait pour que Bambam le nourrisse aussi mais ce dernier faisait mine de l'ignorer alors que Sehun et Yeri, champions toute catégorie dans l'art et la manière de se comporter en public, en faisaient des caisses ce qui fit mourir de rire Jin hyung et Dasom. Mais quand on les encouragea à se nourrir l'un et l'autre, ils se mirent à rougir tous les deux, trop gênés pour se donner en spectacle.
Les oreilles de Jin hyung restèrent rouges un bon moment même après le repas.
On taquina Bambam sur un potentiel petit ami, mais il refusa de nous en dire davantage pour l'instant, on écouta Jungkook parler de ses entraînements chez les Nexen, Jimin me reprocha de ne pas avoir proposé au Dr Lee de nous rejoindre ce soir. Visiblement, le fantasme qu'il incarnait dans la tête de mon meilleur ami était toujours bien là. Mais quand Yeri surenchérit sur la proposition, je me sentis outré et trahi.
— M'enfin je n'allais pas inviter un ancien maître de stage à notre diner de groupe !
— Je suis sûr que vu le personnage il aurait adoré, surenchérit Jin hyung.
Oui mais non.
Je me mis à imaginer le Dr Lee avec nous autour de cette table avant de secouer la tête.
Non, ça aurait été trop étrange et trop dérangeant pour moi qu'il soit là même s'il se serait éclaté comme un petit fou. On me servit par la suite une crise de jalousie parce que j'avais acheté trois tasses en édition limitée pour ce même individu.
Yeri termina cet échange par :
— Quand tu reviendras, on fera une méga soirée avec un barbecue géant et on l'invitera.
Oui mais non.
Le problème quand elle et Sehun disaient des trucs comme ça, c'est que ça se réalisait toujours.
Quand arriva le dessert, je perdis mon sourire en voyant Jungkook revenir avec une boite dans les mains.
— Vous ne m'avez pas fait de cadeau, hein ? m'inquiétai-je.
— Non, on aime ramener des boites en carton comme ça en soirée, juste pour le fun, marmonna Sehun.
Je lui donnai un coup sur le bras pour le faire taire.
— On s'est cotisés, m'annonça Yeri toute impatiente, on voulait te donner quelque chose pour ton départ.
Je sentis encore une fois quelque chose de brûlant serrer mon cœur et Jimin souffla :
— Je vous avais prévenus qu'il allait pleurer.
— Allez, hyung, ouvre-le, me chuchota Jungkook près de mon oreille en posant la boite entre mes mains.
— Mais moi je ne vous ai pas fait de cadeau, marmonnai-je.
— Est-ce qu'on part à l'étranger ? Non, donc pas besoin de cadeau, me répondit simplement Jin hyung.
— Moi je pars souvent à l'étranger, j'ai jamais de cadeau, fit remarquer Bambam.
— Tu rentres dans ton pays natal, ça n'a rien à voir, lui fit remarquer Jungkook.
— Je te donnerai un exemplaire gratuit du jeu sur lequel j'ai travaillé avant qu'il ne sorte, lui assura Dasom.
Bambam se mit à sourire, content.
J'ouvris la boite en tentant de ne pas arracher le papier cadeau mais lorsque mes yeux tombèrent sur un appareil photo vintage, j'ouvris la bouche sous le choc. Un argentique.
Mes yeux se relevèrent en comprenant le prix de ce cadeau et l'émotion me remonta à la gorge tandis que le visage de Jimin se barrait d'une grimace mignonne avant de me prendre dans ses bras.
— Vous êtes fous, balbutiai-je d'une voix tremblante.
— Mon beau-père nous a fait un prix, m'expliqua Jungkook, c'est lui qui l'a réparé.
— On voulait faire un petit quelque chose de spécial pour ton départ, souffla Yeri un peu touchée.
— Je ne sais pas quoi dire... Juste, merci... merci beaucoup...
— Câlin général ! cria Sehun.
Je me sentis soudain étouffé par plusieurs bras mais ça me fit rire. En se détachant, Jimin partit en courant dans l'autre pièce et revint avec un gros sac, celui-là même qu'il avait transporté depuis la salle de danse.
— Je t'ai fait un album photos, j'en ai rempli que la moitié pour que tu puisses y ajouter celles que tu prendras.
Il me le tendit, fier de lui :
— J'ai mis plein de photos de nous.
— Faut dire que les clichés qu'on a pris à Disney sont géniaux, lâcha Jin hyung.
— C'est les modèles qui sont géniaux, crâna Sehun.
Mais Jimin n'avait pas terminé parce qu'il sortit de son sac un autre album :
— C'est à présent le moment : Photos d'enfance de Kim Taehyung !
Je perdis mon sourire d'un coup.
— Sérieusement ?
— J'ai tellement hâte, s'enthousiasma Bambam.
Jimin prit soudain l'allure d'un présentateur télé :
— Ce soir, rien que pour vos yeux, je vais vous montrer des photos exclusives de Tae que vous ne verrez nulle part ailleurs.
— Je suis sûr que tu étais trop mignon, s'enthousiasma Yeri tandis que tout le monde s'installait autour de mon soi-disant meilleur ami.
— Tu ne vas pas faire ça ! m'exclamai-je. Tu ne vas pas sérieusement me taper l'affiche ?
— Hyung, poursuivit Jimin sans m'écouter, que devons-nous faire pendant ce moment de la soirée où les clichés de l'enfance de Tae seront révélés ?
— Boire du champagne, répondit rapidement Sehun.
— Chacun à vos verres, lâcha Jin hyung en sortant la bouteille du frigo.
— Hyung ? m'interrogea Jungkook en prenant mon verre.
Je fis la moue, jetant un regard courroucé à Jimin qui faisait mine de ne pas me voir avant d'acquiescer sans un mot. Jungkook gloussa un peu.
Une fois nos verres pleins de bulles, Jimin s'exclama :
— Attention, premier cliché, mesdames et messieurs, Taehyung en déguisement de fée à pois rouges et noirs.
Il y eut des « oooh », des « aaaah », des « trop mignon » et bien d'autres du même genre.
— Kim Taehyung en uniforme scolaire !
— Tu étais très mignon, commenta Dasom.
— Moi j'étais déjà beau à cet âge-là, se vanta Jin hyung.
— Page suivante : Kim Taehyung à la pêche.
Bambam riait à présent et je jetais à tout le monde des regards blasés jusqu'à ce que Jungkook récupère une photo intitulée « Kim Taehyung et son bonhomme de neige ».
— Hyung, je peux la garder celle-là ?
J'oubliai mon regard blasé pour faire un petit sourire gêné.
Sourire qui disparut quand Sehun lâcha :
— Mais en fait tu as les oreilles décollées !
— Ce tact... commenta Jimin.
— Quoi ? C'est un constat.
— Quand tu avais cet âge tu n'étais pas mieux, répondit Yeri.
— J'aimerais bien voir des photos de Sehun au collège, assurai-je.
Elle se figea et tira immédiatement son téléphone :
— J'en ai plein, je vous montre.
Et sous les yeux outrés de son petit ami, la séance « photos de Kim Taehyung » se transforma en la séance de « Oh Sehun » avant que Dasom n'aille chercher les albums photos de Jin hyung bébé.
Ce dernier, choqué, lui demanda comment elle savait qu'ils étaient là et Dasom répondit honnêtement :
— Ta mère me les a montrés dès ma deuxième visite chez vous.
On eut beaucoup de fous rires.
Si j'avais imaginé Sehun ressembler à une racaille au collège, il s'avérait que c'était surtout un adolescent très mignon et tout introverti.
La bonne blague.
On en profita pour ouvrir une deuxième bouteille de champagne et quand Yeri et Jimin commencèrent à danser, je me fis la réflexion que la soirée était déjà bien partie.
Il y eut deux teams, ceux qui avaient kidnappé la bouteille pour danser sur la piste improvisée et ceux qui se dévouaient pour ranger un peu la cuisine. J'avais choisi le deuxième groupe.
Étonnement, Sehun avait rejoint la team débarrassage pour que Jin hyung ne soit pas toujours celui qui devait s'occuper de tout.
En rangeant les bols, les plats, les verres et les baguettes dans le lave-vaisselle, il chuchota :
— On a une date.
— Pour ?
— Pour notre départ en Europe.
Je me figeai et il me fit un petit sourire avant de jeter un regard en coin pour vérifier que tout le monde était occupé :
— On n'avait pas envie de l'annoncer aujourd'hui, c'est ta fête de départ. Mais je comptais quand même te le dire.
— Vous partez quand ?
— Fin décembre, Yeri a trouvé le moyen de faire son internat sur Berlin mais je serais incapable de te prononcer le nom de l'endroit... Elle commence le premier janvier de l'année prochaine.
J'acquiesçai avant de l'observer refaire des chorégraphies sur le tapis du salon, un verre de champagne à la main.
— Est-ce que toi ça te va ? m'enquis-je.
Il acquiesça :
— J'ai hâte de voir l'Europe, Yeri veut aller à Paris et à Londres, je me suis renseigné un peu.
— Je doute avoir des congés avant le début de l'année prochaine pour pouvoir rentrer en Corée avant votre départ...
— C'est aussi ce qu'on s'est dit, mais on essaiera de se voir dans un autre pays, m'assura-t-il, plus accessible pour toi et pour nous.
— J'aimerais aller en Europe et à Paris visiter des musées... marmonnai-je.
On se mit à sourire et j'ajoutai :
— Merci de me l'avoir dit.
Il acquiesça mais alors qu'il allait reprendre, Jungkook fit son apparition, les sourcils à demi froncés, et Sehun roula des yeux.
— On ne faisait rien de suspect.
— J'ai quand même pas confiance...
Le futur tatoueur posa dramatiquement une main sur le cœur avant que Jungkook ne pose son verre vide dans le lave-vaisselle avant de venir m'enlacer par derrière en me berçant doucement.
Sehun referma le lave-vaisselle avant de l'allumer et regarda sa montre.
— Il est déjà assez tard, on doit se lever très tôt demain...
Il jeta un coup d'œil à Yeri en train de danser de manière endiablée sur la piste de danse improvisée dans le salon des parents de Jin hyung avant de s'arracher un petit sourire et nous dire :
— Je préviens d'avance qu'elle ne va pas beaucoup dormir.
Jungkook chuchota près de mon oreille :
— Tu es fatigué ?
— Un peu mais j'ai pas encore envie d'aller me coucher, je veux danser avant.
Je me tournai vers lui tandis que Sehun rejoignait Dasom, gardienne de la bouteille de champagne.
Mais alors que mon vis-à-vis allait me dire quelque chose, son portable sonna.
Il le tira de sa poche avant de détacher ses mains de ma taille pour y répondre.
Il avait l'air étrangement heureux.
— Qui est-ce ?
Je craignais qu'il dise « Yoongi hyung », mais sa réponse me surprit totalement.
— Bongsun.
— Bongsun ?
Il me jeta un coup d'œil amusé :
— Je te laisse chercher...
— C'est pas sympa ! Tu sais que je suis nul pour repérer les noms et les visages...
— Je te donne un indice : c'est une fille.
Je croisai les bras en mettant mon cerveau en route. Bongsun ? Une fille ?
C'est pas comme si Jungkook était ami avec beaucoup de filles.
Puis soudain, mon cerveau s'arrêta sur une image.
— C'est pas elle qui te servait de conducteur dans toute tes soirées, petite, coupe champignon ?
Il fit mine de m'applaudir et je lui donnai un coup dans les côtes pour qu'il arrête de me taquiner.
— Qu'est-ce qu'elle devient ?
— On a perdu un peu contact quand elle a quitté l'université pour partir sur des études de vétérinaire.
Il soupira :
— C'est un peu ma faute pour le coup, je n'ai pas fait vraiment d'efforts pour garder contact.
— Je me souviens d'elle à la toute première soirée où tu m'as traîné...
— Trainé ? Quand même pas...
Je levai un sourcil circonspect et il abdiqua.
— On s'est connus au lycée, expliqua-t-il, elle était une des rares filles à faire du sport au même niveau que les garçons. Elle était super cool et pas compliquée, du coup j'étais content de la retrouver à l'université mais mon rythme de vie ne correspondait pas au sien. Elle n'aimait pas les soirées et Yoongi hyung, elle a fini par me lâcher et s'en aller.
— Mais tu lui reparles, fis-je remarquer.
Il caressa mes cheveux et je glissai mes mains dans son dos.
— Ces derniers temps, j'ai pas mal réfléchi et je m'en suis voulu d'avoir été un vrai petit con, alors je lui ai envoyé un message pour m'excuser.
Il baissa les yeux :
— Elle m'a répondu et ça fait un mois qu'on se rééchange des messages.
— Tant mieux, admis-je en souriant.
— Je réfléchis à pas mal de choses en ce moment, à ce que je pourrais changer, à ce que j'ai envie d'être et de faire...
Il caressa les rebords de mon visage avant que Bambam ne viennent nous interrompre pour nous tirer vers le salon.
Animé par une nouvelle soif de profiter au mieux de tous les moments qui s'offraient à moi, je me mis à imiter Bambam dans sa chorégraphie conceptuelle sur la chanson « I'm the best » de 2NE1.
Jungkook et moi furent le deuxième couple à aller se coucher, quelques heures plus tard, alors que Jin hyung et Dasom avaient déjà abandonné tout le monde pour aller dormir.
Vu l'ampleur du délire entre Yeri, Jimin et Bambam, je me doutais que ces trois-là allaient sûrement faire nuit blanche. Il y avait déjà trop de cadavres de bouteilles de bière et ce n'était pas Jimin qui avait vraiment bu dedans...
Sehun nous salua avec un petit sourire pervers tandis qu'on grimpait l'escalier jusqu'à notre chambre attitrée.
Une fois arrivés, dans la pénombre, alors que le velux unique de la chambre était encore ouvert, Jungkook m'embrassa fiévreusement.
Je sentais dans sa manière de me tenir et de dévorer ma bouche tout ce qu'il avait caché en pleine lumière aux yeux des autres. Toute sa peur, son inquiétude, son angoisse, sa fragilité.
Et quand il me serra désespérément dans ses bras, mon cœur se fissura et je le pris dans mes bras en le serrant de toutes mes forces.
Je n'avais plus la sensation que mon corps était la prolongation du sien, comme si quelque chose manquait à présent. Avant, je pensais me fondre en lui dans ce genre de moments mais cette fois je sentais que c'était différent.
Je ne savais pas comment l'expliquer.
Je sentais son désarroi et tout ce qui planait au-dessus de nous. Nous faisions le pari risqué que les choses fonctionneraient ainsi pendant quatre ans. Mais allions-nous vraiment y arriver ?
J'avais envie d'être naïf et idéaliste et de croire que tout serait simple et facile.
Mais dans sa manière d'embrasser chaque centimètre carré de ma peau, je sentais qu'il y avait une brèche.
Une minuscule faille.
La mer avait emporté le château de sable, sa fuite avait brisé notre lien. Nous étions dans une nouvelle ère, dans un autre chose dont nous ne savions encore rien.
N'était-ce pas plus dur pour celui qui restait ?
En l'embrassant à nouveau tout en glissant mes mains sous son tee-shirt, je me demandai si avec tout ce qu'il s'était passé je n'avais pas érigé une barrière autour de mon cœur.
Comme si je l'avais verrouillé pour supporter la distance.
Je me sentais ému par ses émotions mais moins fragile que lui en cet instant.
Comme si je m'étais juré à moi-même que je pourrais tout supporter. Que je le devais.
Et contrairement au temps qui filait à toute allure vers l'inévitable, on prit notre temps pour faire l'amour comme si le monde allait nous attendre.
Je voulais me souvenir de cette nuit et de toutes les autres, de tout ce qui impliquait Jungkook pour rendre chacun de mes souvenirs vivant et me rappeler de tout, pour toujours.
*******
— Debout les amoureux, lança une voix qui me tira brusquement du sommeil.
J'avais la sensation de n'avoir fermé l'œil que depuis deux minutes.
— Réveillez-vous ! clama la voix tonitruante de Sehun depuis le seuil de la chambre.
— On doit partir dans deux heures, reprit la voix de Jimin en ouvrant le volet électrique.
Je grognai, bougeant un peu sous la couette en plissant des yeux tandis que Jungkook se réveillait, se mettant en position demi-assise et en se frottant les yeux.
Lorsque les deux préposés au réveil partirent réveiller les autres, je bougeai dans le lit, remontant la couverture tandis que Jungkook retombait presque sur moi en m'enserrant dans ses bras.
Aujourd'hui.
On resta ainsi jusqu'à ce qu'il caresse ma joue avec son nez avant de se lever.
Jusque-là, je me croyais stressé.
Jusque-là.
Mais en cherchant mes affaires pour me rendre dans la salle de bain, je vis ma main trembler au-dessus de ma valise.
Dans la maison, j'entendais que ça s'activait en tous sens, les portes s'ouvraient et se fermaient, tout le monde faisait des allers-retours entre les chambres et les salles de bains et Jin hyung criait à travers l'étage pour savoir qui prenait quoi au petit-déjeuner.
Je filai sous l'eau brûlante juste après que Jungkook y soit rentré, pour gagner du temps. Il était aussi stressé que moi, ses épaules étaient tendues. On n'échangea presque aucun mot.
J'avais l'impression que venait de commencer un rush interminable et que j'allais m'étouffer si j'ouvrais la bouche.
Je ne réussis pas à avaler quoi que ce soit une fois dans la cuisine, tout le monde avait du mal à émerger et Bambam piquait du nez devant ses céréales tandis que Sehun, que j'avais toujours vu calme et cool, ne cessait de regarder sa montre.
Jimin me rejoignit dans la chambre après avoir fini de manger :
— Ça va ? s'enquit-il.
La gorge serrée, je secouai la tête pour lui signifier que non et il acquiesça avant de m'aider à vérifier toute ma valise en énumérant à voix haute ce qui devait s'y trouver. Lorsqu'il partit chercher la balance de la salle de bain pour peser mon bagage, je mis l'appareil photo dans mon sac à dos et refis encore le listing. Jimin m'assura qu'il s'occupait de peser la valise et j'en profitai pour aller me laver les dents.
En revenant, lui et Jungkook étaient en train de la refermer et je sentis l'angoisse serrer mes intestins.
Jungkook caressa ma nuque, son front sur mon épaule, et je pris une grande inspiration.
Il était l'heure.
— On y va ! s'écria la voix de Dasom depuis l'escalier.
On échangea un regard et il tenta de faire un petit sourire, en vain. Je posai mon front contre le sien avant qu'il ne recule pour soulever ma valise.
Au rez-de chaussé, tout le monde semblait bien silencieux et assez tendu, loin de l'atmosphère de la veille. Sehun fourra ma valise dans le coffre et Jin hyung grimpa au volant du van. Bambam annonça qu'il était malade à l'arrière et gagna le droit d'être devant. Je me retrouvai assis entre Dasom et Jungkook, et derrière sur la même banquette, Yeri se trouvait entre Jimin et Sehun.
Notre hyung lança le GPS et le van quitta le domicile de ses parents tandis je serrais mes mains sur mes genoux.
Ça y est, on partait.
Jusque-là, je me croyais stressé.
Jusque-là.
Une fois sur l'autoroute, par miracle, mes amis se détendirent un peu et mirent de la musique. Écouter la voix de Sehun du matin, un peu cassée, chanter sur des chansons de girlsband aurait dû me faire sourire mais j'étais trop angoissé pour ça.
Mon esprit avait déjà un cran d'avance, projeté presque directement dans l'aéroport, dans l'avion et je n'arrivais pas à me focaliser sur le présent.
Lorsque le van entra dans un embouteillage, je me mis sérieusement à paniquer et Jimin, assis derrière moi, passa ses mains par-dessus mon fauteuil pour me masser les épaules.
Bon gré mal gré, on atteignit l'aéroport et on déboula dans le hall des départs. Jin hyung, qui avait déjà voyagé, me tira jusqu'au guichet d'enregistrement et je sortis mes papiers de mon sac à dos.
Une fois mon billet en main et ma valise partie sur un tapis vers je ne sais où, on marcha tous en direction du passage de la douane.
On avait encore un peu de temps et Jungkook alla acheter des snacks pour tout le monde et on grignota en commentant la soirée d'hier soir.
Mes cuisses tremblotaient et je ne cessais de vérifier l'heure sur la montre de Sehun assis à côté de moi.
Lorsque ce fut le moment, tout le monde se leva et me guida vers les portiques de sécurité.
Je soufflai un grand coup en me tournant vers eux.
Ils se tenaient les uns près des autres et personne ne prononçait un mot, tout aussi angoissés que moi. Les voir tous debout, les uns à côtés des autres et seul moi à l'écart me fit un sentiment tout drôle dans la poitrine.
Cette image marquait quelque chose de nouveau, de différent.
D'imprévisible.
Voyant que personne n'osait dire quoi que ce soit, Dasom se racla la gorge en prenant la parole :
— Je te souhaite bon voyage, Taehyung.
Jin hyung poursuivit alors :
— Bon vol et envoie-nous un message sur le groupe quand tu es arrivé, d'accord ?
J'acquiesçai sans savoir quoi répondre mais mon aîné ouvrit les bras pour m'offrir une petite accolade dans laquelle je me précipitai. En reculant, je me tournai timidement vers Dasom qui hésita puis ouvrit les bras à son tour. Ce fut bref mais ce fut important.
Je n'étais pas spécialiste des contacts physiques mais leur dire aurevoir de cette manière avait un sens et ça faisait trembler mon cœur.
En me reculant, je me tournai vers Bambam qui renifla d'un coup pour contenir ses larmes.
— Je veux pas être le premier à pleurer... marmonna-t-il.
Je me mis à sourire tandis que mes yeux me piquaient douloureusement. Il jeta un petit coup d'œil à Jungkook qui hocha simplement la tête, avant de se précipiter dans mes bras :
— Merci pour tout, hyung, je suis si heureux de t'avoir rencontré, reviens vite nous voir, hein ?
J'acquiesçai en répondant à son étreinte. Lorsqu'on se détacha, il eut du mal à refréner ses larmes et je me mis à déglutir difficilement. Cette douloureuse sensation dans ma gorge empira lorsque je tournai la tête vers Sehun et Yeri. Le futur tatoueur se frotta les yeux, mimant une poussière dans l'œil, tandis que le visage de Yeri se barrait d'une grimace de chagrin :
— C'est dur de te laisser partir... Fais attention à toi, hein ?
J'acquiesçai à nouveau sans savoir répondre autrement mais nos regards se croisèrent à nouveau. Tout ce que son regard me transmettait rendait mes yeux douloureux. Ma vision devint floue et elle se mit à pleurer pour de bon. Je sentis plus que je ne vis Sehun me serrer dans ses bras soudainement puis Yeri participer au câlin à trois. Ils me bercèrent ainsi quelques secondes et en reculant, m'essuyant les yeux, je crus que mon cœur allait lâcher.
Je ne devais pas pleurer, je m'étais juré que je tiendrais bon.
Ils me fixèrent tous les deux avec tristesse mais bienveillance et j'essayai d'esquisser un petit sourire mais il fut noyé par une grimace et Sehun marmonna :
— Appelle-nous quand tu veux, peu importe l'heure, d'accord ? On sera toujours là pour toi.
— Merci pour tout, soufflai-je.
Mais en me tournant vers Jimin, je sentis que je ne tiendrais pas plus longtemps.
On échangea un sourire et il me sauta littéralement dessus. J'entendis les autres glousser, il m'offrit une accolade sincère, chaude et forte et je repensai à tous nos moments où nous nous étions tenus ainsi dans le reste de ma courte vie. Ce fut à ce moment-là que je me mis à sangloter. On resta ainsi à se tenir l'un à l'autre sans un mot. Et en se reculant, il chuchota d'une voix qui trembla un peu :
— Je suis tellement fier de toi, Tae.
Ce fut moi qui fus à l'initiative de la seconde accolade, parce que je n'arrivais pas à trouver les mots qu'il fallait dire mais il murmura, comme s'il m'avait compris :
— Tu vas terriblement me manquer, toi aussi.
Lorsqu'on se détacha enfin, mes yeux peinèrent à se tourner vers la dernière personne.
Jusque-là, je croyais que mon cœur allait lâcher.
Jusque-là.
Jin hyung se racla la gorge tandis que Dasom se ventilait avec sa main pour éviter d'être prise par l'émotion :
— On va s'éloigner un peu, d'accord ? On ne sera pas loin.
Il tira sur la manche de Bambam et Jimin suivit Yeri et Sehun qui s'écartèrent de quelques mètres.
Mon cœur trembla brutalement quand mes yeux recroisèrent les siens.
Ça y est.
On y était.
— Hey...
Un rire m'échappa parmi mes sanglots et je répondis :
— Hey !
— Ça faisait longtemps, j'avais envie de te le ressortir, avoua-t-il timidement.
— Je crois que ça m'avait manqué...
Mes mains tremblèrent en prenant les siennes et ma gorge me fit mal pour articuler chacun de mes mots. Je ne sais plus où était passée ma soudaine force de la veille, celle qui me paraissait inébranlable. À présent, en pleine lumière et devant le fait accompli, l'angoisse me terrassait à nouveau.
— Fais attention à toi, hyung, d'accord ? me chuchota-t-il.
— Promis, toi aussi fais attention à toi.
À présent nos rôles étaient inversés, c'était moi l'effrayé et lui le solide.
— Je veux un message dès que tu es arrivé là-bas, insista-t-il.
— Promis.
— Reviens-moi vite.
Mon cœur lâcha d'un coup et je me précipitai pour l'embrasser. Il répondit chaotiquement à mon baiser et peu-importe si le monde entier pouvait nous voir ou si les gens à l'aéroport étaient choqués ou gênés qu'on s'embrasse ainsi en public. Je ne pouvais pas le quitter sans goûter ses lèvres.
J'avais soudain l'horrible pressentiment que je n'allais pas le revoir, c'était une idée insidieuse et sournoise qui s'infiltrait dans ma tête et dans mon cœur.
Même si j'allais revenir pour des congés, ça ne suffirait probablement pas à faire taire le manque et la distance. Quatre ans me paraissaient une éternité. Il pouvait se passer tellement de choses en ces quelques années.
Il me serra fort contre lui et je respirai son odeur pour m'en imprégner le plus possible. Il essuya mes larmes en souriant tristement et je lui chuchotai :
— N'oublie pas, je t'aime avec la certitude que je t'aimerai toute ma vie.
Ses yeux s'écarquillèrent un peu et il chuchota à son tour, amusé :
— Dix-neuf points pour moi, vingt pour toi. Tu gagnes la partie avec le plus de phrases niaises au compteur, hyung.
— Tu dois donc me payer tout ce que je veux, assurai-je, c'était le deal.
— Je te donnerai tout ce que tu voudras.
On se mit à sourire tous les deux et il frotta son nez avec le mien dans un geste tendre jusqu'à ce que je me détache, le cœur au bord des lèvres.
— Je t'aime, chuchota-t-il.
Mes paupières se fermèrent quelques secondes, faisant glisser les larmes sur mes joues que je ne pris pas la peine d'effacer, et je me tournai vers les portiques tandis que le reste du groupe nous rejoignait à nouveau.
— Câlin général, lâcha Sehun d'une voix rauque.
Je m'arrachai un rire à travers mes larmes et ouvris les bras dans lesquels tout le monde se précipita.
Ma jauge était pleine, mon cœur était tellement rempli d'émotion que je parvenais difficilement à le supporter, mais cette chaleur dans ma poitrine me faisait à la fois tellement de bien et tellement de mal.
Je me reculai doucement :
— Merci pour tout ce que vous avez tous fait pour moi. Je vous aime tous.
Cette fois, ça eut raison de Jin hyung qui se retourna pour retenir son émotion et je serrai les hanses de mon sac à dos.
La voix sournoise à mon oreille ne cessait de me dire de ne pas partir, que je perdais Jungkook, mais mes pieds s'activèrent d'eux-mêmes jusqu'au passage de la douane.
— À... À la prochaine, lançai-je maladroitement.
Ça les fit sourire et ils me firent des grands signes de main pour me saluer.
Mes mains, elles, tremblaient en déposant mon sac dans un bac puis sur le tapis. Il n'y eut aucune sonnerie au portique et je repris mes affaires en me tournant une dernière fois. Toute la bande était encore là, bruyante à travers le hall de l'aéroport. Ils semblaient s'être lancés dans un concours de celui qui sauterait le plus haut avec des grands gestes pour me dire au revoir. Visiblement Jimin gagnait haut la main. Je croisai le regard de Jungkook, plein de tristesse, d'anxiété, de doute. Probablement le reflet de mon propre regard dans ses yeux. Mon cœur me fit mal.
J'avais peur.
Je pris une grande inspiration pour essayer de me calmer, j'offris un aurevoir de loin avant de disparaître de l'autre côté du couloir. Je ne pouvais plus revenir en arrière, j'avais franchi le carrefour de ma vie, je devais aller de l'avant. Même si j'avais peur, même si je n'avais pas confiance en moi, même si j'étais moi et tout ce que ça impliquait.
Je ferai en sorte de réussir, pour moi, pour lui.
Quoi qu'il arrive.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro