65-
Il me fallait un plan.
Un plan d'attaque. Que dis-je, un plan de mission, stratégique et bien conçu.
Un plan nommé : Park Jimin II, le retour.
Notez cette originalité de titre, à couper le souffle.
Bref.
L'idée centrale de mon plan se passerait durant une soirée déguisée.
— Une quoi ? répéta Jungkook.
— Une soirée déguisée, insistai-je.
Il se figea dans son mouvement, qui consistait à mettre un caleçon, et se tourna vers moi.
— Attends, reprit-il, tu me demandes à ce qu'on aille à cette soirée déguisée, après demain soir ?
Puis il mit enfin son sous-vêtement et j'arquai un sourcil appréciateur en voyant le suçon que je lui avais fait la nuit dernière sur sa cuisse droite.
Ça indiquait : « Propriété de Kim Taehyung, merci de respecter. »
Ou encore « Éloignez-vous, cuisses exclusives. »
Ou alors, « Œuvre d'art, ne pas toucher, merci. »
Ou enfin...
Je m'égarais, là, non ?
Il fallut que je secoue ma tête pour remettre mes idées en place.
Jungkook fronça les sourcils :
— Qui êtes-vous ?
— Très drôle, ironisai-je.
— Sérieusement hyung, ça doit être la première fois que je t'entends proposer d'aller à une soirée. Je suis un peu traumatisé là...
— C'est une mission ! insistai-je. On y va dans l'unique but d'attraper tous les fuyards qui tentent de m'échapper !
— On dirait que tu joues au jeu des prisonniers et des policiers, tu sais comme à l'école primaire...
Je lui envoyai un regard faussement noir.
— C'est de la plus grande importance, Jungkook.
Cela faisait quatre jours que cette comédie durait et j'étais vraiment, vraiment de mauvaise humeur.
Le lendemain de cette longue et désastreuse journée, j'étais retourné chez Jin hyung m'occuper de Bambam, qui avait vraiment été très mal pendant presque six heures consécutives.
On avait regardé un film et il avait comaté un bon moment avant de réussir à articuler deux phrases et manger une soupe sans être au bord de la mort.
Depuis, j'étais retourné travailler à l'hôpital mais Yeri me fuyait carrément. Elle restait évasive, m'assurant, je cite « C'est entre Sehun et moi, c'est personnel. Rien de grave Taehyung, tout va bien. ».
Mais elle grimaçait dès que j'abordais mes théories et mes inquiétudes autour de Jimin. Et clairement, nous n'avions pas assez de temps pour nous croiser au milieu de nos horaires respectifs pour que je puisse lui tirer les vers du nez.
Et enfin, mon cher et tendre meilleur ami était injoignable. Ce n'était pourtant pas faute d'être allé jusqu'à son dortoir, après onze heures de travail, pour réussir à le voir. Jaebum hyung m'informant qu'il dormait rarement au dortoir ces derniers temps. J'avais donc envahi son téléphone de messages pour lui demander de me rappeler.
Jungkook, lui, était retourné chez sa mère chercher ses fameuses boites Tupperwares et Hyejeong avait bien fait des doubles portions, comme à son habitude. Selon Jungkook, sa visite s'était bien passée même s'il m'avoua, à contrecœur, qu'elle avait détourné la conversation à chaque fois qu'il avait voulu parler de moi.
Ça ne lui plaisait pas et je m'attendais à ce qu'à chaque visite à présent, il soit à la fois heureux de la voir et malheureux pour moi même si j'essayais de lui dire à quel point ce genre de choses pouvait prendre du temps.
Clairement tout le monde commençait à bien m'agacer et ça me mettait dans un état de frustration et de colère que je ne me connaissais pas.
Mais pour être honnête, ce qui me mettait le plus en rogne c'était le manque de réponse du recrutement. Ça faisait bientôt plus de cinq jours et je n'avais reçu aucun coup de téléphone, aucun mail, aucun courrier.
Rien.
Quedal.
Nada.
Je n'osais pas envoyer un message au Dr Young, de peur de recevoir sa réponse et de me confronter à la réalité.
Je ne pensais pas être autant perturbé par ça, déçu par moi-même.
Je m'accrochais à l'idée que le recrutement avait pris plus de temps que prévu, qu'ils n'avaient pas donné de date officielle, seulement une fourchette de jours, et que ce genre de choses avait un certain délai.
Je n'osais pas m'avouer que c'était mort.
Une fois habillé, Jungkook me rejoignit dans la cuisine alors que je me préparais un chocolat chaud. Il enserra ma taille et embrassa ma nuque.
— Ce sera un plaisir de vous accompagner à cette soirée, monsieur Kim.
Je me mis à sourire comme un idiot, coupé dans mes ruminations moroses.
Mais alors qu'il commençait à un peu trop m'embrasser dans le cou, me faisant renverser du chocolat en poudre sur le bord de l'évier, il souffla à mon oreille.
— À une seule condition.
Je fronçai les sourcils en me retournant à demi vers lui, toujours dans ses bras :
— Depuis quand tu négocies ?
— Depuis quand tu m'invites à des soirées ? répondit-il au tac au tac.
— C'est pour mon plan, insistai-je. Ça fait partie de nos missions. Tout le monde y va et ce sera le meilleur moyen de réussir à tous les voir pour leur demander des comptes. Je n'ai que ce moyen-là, aucun d'eux ne veut m'accorder de temps, ils me fuient tous...
— Tu vas faire la peau à Jimin ?
— Non. Je vais lui faire comprendre, bien comme il faut, qu'il est en train de s'égarer, rectifiai-je.
Il arqua un sourcil ironique et je terminai de verser mon chocolat avant de souffler :
— Mais s'il faut que je lui plonge la tête dans la cuvette des toilettes pour lui faire comprendre, je le ferai.
Bon, je n'allais pas vraiment faire ça, mais il fallait saisir l'idée générale.
Jungkook rit en reprenant son câlin.
— Hyung, t'entendre parler comme ça, ça me plaît...
Je le repoussai légèrement :
— Ce n'est pas le but, je suis vraiment sérieux, m'irritai-je, et vraiment en colère contre lui depuis cette histoire avec Bambam...
— Je sais.
Mais il ne m'écoutait pas du tout, sa bouche me volant des baisers par instants, ses mains se perdant sous mon tee-shirt.
— Écoute-moi quand je te parle, tentai-je.
Il m'embrassa au bord de la mâchoire, créant une ligne pour arriver vers mes lèvres, alors que ses mains caressaient mes hanches.
— Jungkook, commençai-je.
Il se colla davantage à moi et joua avec sa langue près de mon oreille.
Oh le fourbe.
Je plissai les yeux sans pour autant me défaire de ses caresses :
— Pourquoi j'ai l'impression que mon énervement te plaît ?
— Ce côté-là de toi m'excite un peu, me confia-t-il.
— Ah oui ?
Et contre toute attente, je me retournai pour lui faire face et fis glisser mes mains sur son derrière avant d'approcher mes doigts du fameux endroit interdit.
Il se figea et recula, son visage se barra d'une moue contrariée et avec un amusement certain, je lui fis un clin d'œil.
— C'est négociable ça aussi ?
— T'es chiant.
D'une moue que je trouvais adorablement vexée, il lâcha :
— Plus de câlin pour toi.
— Je t'aime aussi, répondis-je avec un grand sourire en déposant un baiser sur sa joue.
Je pris ma boisson chaude et me dirigeai vers le salon.
— On doit monter notre plan, rabattai-je.
Il m'envoya un coup d'œil exaspéré et un peu fâché depuis la cuisine que je fis mine d'ignorer.
— Yeri m'a dit qu'elle irait et Sehun te l'a confirmé aussi. Jimin et sa bande y seront, ils vont à toutes les soirées, pourquoi n'iraient-ils pas à celle-là ? Yoongi y sera aussi, c'est ce qu'il t'a dit. Après tout, c'est une soirée organisée par Hoseok, donc forcément Yoongi hyung aura un laissez-passer pour s'y rendre...
J'avais l'impression d'être un détective planifiant une mission pour déjouer un complot.
— Tu te souviens de l'année dernière ? me demanda Jungkook en ramassant ses affaires éparpillées sur le canapé pour faire une lessive.
— Oui, avouai-je, on était fâchés et on s'est réconciliés à cette soirée-là... Enfin, Yoongi-hyung nous a « aidés ».
— Tu étais déguisé en ange, se rappela-t-il avec un grand sourire.
— Et toi, dans l'uniforme de l'attaque des titans.
Un sourire barra mes lèvres en repensant à ce costume mais il me jeta un regard faussement sévère :
— Pas de câlin veux dire : pas touche à mes cuisses.
Ma bouche s'ouvrit et il m'envoya un regard hautain comme très fier de sa tirade.
— Tu plaisantes j'espère ?
— En quoi on va se déguiser cette année ? interrogea-t-il avec un air innocent.
— Ne change pas de sujet, pourquoi tu te vexes pour si peu ?
— Parce que tu me taquines avec cette histoire. Laisse cet endroit tranquille, s'irrita-t-il.
J'ouvris la bouche pour répondre mais il me coupa, ses affaires dans les mains.
— Si on est en « mission », va pour James Bond, non ?
Ce fut à mon tour de faire la moue ce qui arrangea encore son sourire satisfait. Mon téléphone vibra sur la table basse et je bus une gorgée de mon chocolat avant de lire le message reçu.
— Yeri me lâche pour le rendez-vous de cet après-midi pour aller chercher des costumes, l'informai-je en soupirant. Elle dit qu'elle va essayer de « dormir » pour être en forme demain.
— Y'a quoi demain ? l'entendis-je dire depuis la salle de bain.
— C'est son évaluation de mi-stage, lui répondis-je en haussant la voix. La mienne aura lieu la semaine prochaine.
Et je n'avais pas du tout envie d'y être. J'avais l'impression que ça me rappellerait que trop bien le manque de réponse du recrutement.
Puis Jungkook revint dans le salon :
— Attends, ça veut dire que tu vas te rendre au magasin uniquement avec Bambam ? Tous les deux ?
J'acquiesçai mais avant qu'il ne dise quoi que ce soit, j'ajoutai :
— Ce sera l'occasion de lui dire, pour nous.
Depuis que je m'étais occupé de lui, le lendemain de cette soirée, Bambam m'envoyait beaucoup de messages.
Exactement comme il le faisait au départ, au début de notre amitié. J'avais l'impression que le fait que je m'étais occupé de lui avait été interprété de son côté comme un renouveau dans notre amitié, ce qui n'était pas totalement faux. Mais d'après ce que Jin hyung m'avait dit, je craignais que son obsession pour ma personne, que je ne comprenais pas d'ailleurs, revienne à la charge.
De ce fait, je devais enrayer ça rapidement. Pour éviter toute ambiguïté.
Jungkook referma la bouche avant de légèrement froncer les sourcils.
— Je ferais mieux de venir avec vous...
— Tu rencontres les recruteurs cet après-midi ! insistai-je. Tu ne vas pas t'absenter pour ça. Je vais gérer !
Il finit par acquiescer et je l'observai ranger son salon.
— Tu es nerveux ?
— Non.
Puis il ajouta en secouant un peu la tête.
— Un peu...
— Ne te précipite pas, ils vont te faire des offres et tu auras du temps pour les étudier.
— Ce n'est pas ça mais Yugyeom fait un peu la gueule...
Je haussai les sourcils, surpris.
— Pourquoi ?
— La plupart des gars de l'équipe sont contents pour moi, mais je suis le seul à recevoir autant d'offres de recrutements. Techniquement il me reste un an à l'université, même si c'est plutôt une année pour nous permettre de nous intégrer professionnellement dans les sports choisis. Pour ceux qui n'ont pas de stage ou de proposition d'embauche, c'est une nouvelle année à passer avec de nouvelles compétitions. Yugyeom pense que je vais les lâcher avant la compétition de cet été.
— Est-ce que tu vas les lâcher ?
— Je ne sais pas, avoua-t-il. Tout dépendra des offres. Après tout, je pourrais commencer directement cette année, ça m'éviterait de rester encore à l'université. Je me demande s'il n'est pas un peu jaloux...
— Mais tu as dit qu'il avait reçu une offre sur Séoul ?
— Oui mais..., je ne sais pas, c'est un peu bizarre entre nous ces derniers jours.
Je me levai et passai ma main sur sa nuque pour la caresser doucement.
— Ne stresse pas autant, parlez-en tous les deux. Pour les recruteurs je ne me fais pas de soucis, je suis fier de toi.
Il se laissa embrasser avant de se rembrunir.
— On avait dit pas de câlin !
— Mais...
— Tu es puni jusqu'à nouvel ordre !
Je roulai des yeux.
— Pourquoi est-ce que tu te sens vexé dès que j'effleure cette partie-là de toi, depuis la dernière fois à Sapporo... ?
— On n'en reparlera pas ! trancha-t-il.
— Tu as pris du plaisir, tu as aimé ça, ça ne fait pas de toi un homme sans virilité.
Mais il leva seulement les yeux au ciel comme exaspéré par mes propos :
— Je sais bien. C'est juste une histoire de goût, je n'aime pas, c'est tout.
— Avoue que tu as peur que je devienne l'alpha de notre couple, ironisai-je en souriant en coin.
Il me jeta un coup d'œil irrité :
— Tu veux savoir qui est l'alpha de notre couple ?
Je me mis à glousser mais il lâcha soudainement les magazines de sport qu'il tenait pour les empiler et je me mis à déguerpir rapidement.
Objectif : salle de bain.
Mission : réussir à s'enfermer, à clef.
Mais je réussis à peine à effleurer la poignée qu'il me souleva en arrière pour me tirer, me faisant crier et rire en même temps.
— Tu vas prendre très cher, hyung, Crois-moi.
Je me débattis en le voyant m'emmener vers la chambre, ma technique de défense consistant à le chatouiller, ce que je parvins à faire, et on tomba tous les deux sur le lit.
Je grimpai sur lui en riant et en l'embrassant, passant mes mains sous son tee-shirt mais il me fit basculer, bloquant mes bras, attaquant ma bouche en mordillant mes lèvres avec ses dents.
La température augmenta, notre bataille devint bien plus sérieuse et je commençais à souffrir de bouffées de chaleur, mes mains traçaient ses courbes sous son haut alors que son bassin se frottait au mien.
Sa langue s'attaqua à mon cou puis au lobe de mon oreille gauche alors que ses mains brûlantes effectuaient de lentes et langoureuses caresses sur mon entrejambe.
Et soudainement, sans que je ne m'y attende, il se releva :
— J'ai dit pas de câlin.
Puis il leva un sourcil narquois en regardant mon entrejambe.
— Bien fait.
Et tout aussi brusquement, il m'abandonna sur le lit et retourna dans le salon.
Le fourbe...
*******
— Il n'y a plus de déguisement de Deadpool, soupira Bambam.
Je me retournai pour l'apercevoir derrière une rangée de cintres d'où pendaient des costumes rouges et noirs. Nous étions arrivés depuis cinq minutes après s'être donné rendez-vous devant la devanture du magasin. Le thaïlandais avait directement visé les costumes rangés par codes de couleurs.
— Tu visais ce déguisement-là ? demandai-je.
— Oui. Il y en avait quatre hier soir encore et ils sont tous partis ce matin, je suis dégoûté. J'aurais dû le récupérer avant...
Nous étions en milieu d'après-midi. Bambam m'avait rejoint au magasin de location de costumes, le même que l'année dernière.
Le même où il m'avait vu faire une crise d'angoisse pour la première fois.
Je ne m'en étais pas rendu compte qu'il s'agissait du même endroit avant d'apercevoir les cabines d'essayage. J'avais vraiment l'impression que le temps avait filé à toute vitesse depuis ce jour.
— Essaye autre chose, lui recommandai-je.
— Oui, mais ça me faisait vraiment envie, se plaignit-il de manière mignonne. Je voulais un truc cool et classe à la fois, pas comme le déguisement du T-Rex de l'année dernière.
Le souvenir de Bambam habillé ainsi, suivi de sa déclaration foireuse vomissant ses tripes à mes pieds, me revint brusquement et je fus sûr, vu son expression soudaine, qu'il venait aussi de s'en rappeler. Un silence s'installa entre nous, d'où planait une atmosphère un peu gênante.
Je fis mine de m'intéresser aux costumes sous mes yeux, passant en revue chacun d'eux, cintre par cintre.
— Un déguisement de vampire ? lui montrai-je.
— Non, il ne me plaît pas, avoua-t-il. Tu as trouvé ce que tu cherchais, hyung ?
— J'ai trouvé le costume de James Bond. Mais je ne sais pas quoi porter...
— C'est Jungkook qui veut être en James Bond ? me demanda-t-il en fronçant les sourcils.
— Oui, avouai-je.
Je sortis des cintres un uniforme avant de lui montrer :
— Harry Potter ?
Je vis de l'hésitation dans ses yeux mais il le prit quand même.
— Tu as trouvé celui de Jin hyung ?
— C'est le premier que j'ai pris, c'est le costume de Mario, me répondit-il en observant l'uniforme de Gryffondor avec intérêt.
Puis il se mit à rire :
— Il va sauter de joie quand il va le voir.
— Jin-hyung ?
— Oui.
— C'est un fan de Mario ? interrogeai-je, surpris.
— Un gros fan, rectifia-t-il en souriant. Je te jure, c'est un vrai collectionneur, de jeux, de figurines, de peluches...
— Ah bon ?
Pourquoi je ne l'imaginais pas comme ça ?
— Hyung, tu sais, j'ai eu des nouvelles de Jimin hyung, lâcha-t-il doucement.
Je me retournai brusquement et il fit une petite grimace.
— Je n'osais pas te le dire tout à l'heure quand je suis arrivé. Je sais que toi et hyung vous êtes un peu en colère contre lui.
— Un peu est un euphémisme, précisai-je.
— Jimin hyung m'a appelé, il s'est excusé.
— Et c'est tout ? insistai-je. Il a dit quoi d'autre ?
— Rien d'autre, qu'il bossait beaucoup pour le spectacle de danse de l'été, qu'il ne savait pas s'il aurait le temps de venir chercher un costume pour la soirée...
Il me fixa en coin, presque en analysant mes réactions.
— Je ne lui en veux pas, hyung.
— Tu devrais.
Je me remis à trier les costumes, faisant couiner les cintres sur le montant de fer.
Donc Jimin appelait Bambam sans problèmes alors que moi ça faisait des jours que je n'avais plus de nouvelles ?
Bien, très bien.
Ne pas s'énerver, ne pas s'énerver, ne pas s'énerver...
— Il a dit aussi qu'il remettrait peut-être le costume du démon sexy de l'année dernière s'il n'avait pas le temps de passer.
De mieux en mieux.
Vraiment.
Bambam sortit un costume d'une étagère et me le montra :
— Annabelle ?
— Sérieusement, si quelqu'un porte ça, avec un maquillage réaliste, je risque de vraiment flipper.
Il rit et on se mit à sortir des anecdotes sur tous les costumes intéressants qu'on repérait.
— Tu travailles comment samedi ? me demanda Tête Rousse, car il avait les cheveux oranges en ce moment.
— Je finis tard, je rentre chez moi et je file à la soirée, j'arriverai sûrement assez tard là-bas. Pourquoi ?
— Dommage, fit-il. Je pensais abuser de ta gentillesse et venir me préparer chez toi pour qu'on y aille ensemble. Mais tu finis à la même heure que Jin hyung, alors je l'attendrai.
— Oui, vaut mieux. Jin hyung et moi on essaiera de finir à l'heure mais comme c'est le soir et qu'on a des patients en grande fragilité, s'ils viennent à décéder on devra recevoir les familles et ça risque de nous retarder sur l'horaire.
Il acquiesça avant de crâner :
— Être dans une clinique de chirurgie esthétique c'est vachement plus cool.
— J'ai vu les vidéos que tu m'as envoyées, j'ai juste trouvé ça dégoûtant...
— Dégoûtant, répéta-t-il les yeux grands ouverts. Hyung, c'est moins gore que certaines opérations ou plaies qu'on trouve dans les services de médecine...
— Ouais ouais, affirmai-je, pas convaincu. C'est discutable.
— Dis, hyung, marmonna-t-il en reposant le déguisement de Sailor Moon parmi les cintres, tu vas vraiment partir à l'étranger ?
Je me figeai avant de prendre une grande inspiration.
— Je ne sais pas, avouai-je, tant que je n'aurais pas de réponse positive ou négative, difficile d'envisager l'avenir. Pourquoi tu me demandes ça ?
— Eh bien... Mon père m'a demandé de revoir mon projet et sûrement de rester plus longtemps en Corée pour apprendre davantage avant d'ouvrir une clinique de chirurgie esthétique à Bangkok et, je me demandais si tu serais encore là, l'année prochaine.
— Je l'ignore, lui répondis-je.
Il acquiesça avant de se figer et tirer un costume en ouvrant grand les yeux.
— Hyung !
Je me tournai en levant les sourcils.
— C'est le déguisement de Kenshin le Vagabond !
Connais pas.
Ah si ! Maintenant ça me revenait, Jungkook avait regardé au moins deux fois la trilogie et Jimin fantasmait légèrement sur l'acteur principal.
Bambam me tendit le costume, pourvu d'un sabre en plastique plutôt bien fait et de la tenue. C'était une sorte de kimono bordeaux et blanc. Le tout était accompagné d'une perruque que je supposais être là pour imiter la coupe, cheveux long attachés en queue de cheval, du personnage.
Mais surtout.
C'était un kimono.
Mon visage se barra d'un sourire satisfait.
— Hyung, tu fais un peu peur là. Ça va ?
— À merveille.
J'avais ma vengeance contre Jungkook.
— Tu penses que ça m'irait ? lui demandai-je.
— Je pense que oui, affirma-t-il. Quoi que tu portes, tout te va, hyung.
Nos yeux se croisèrent et mon sourire satisfait retomba quelque peu.
— Bambam, tu sais...
Mais il se décala, cherchant un autre costume avant de dire :
— Tu penses que je devrais essayer de me déguiser en Joker ? Tu sais celui de Batman...
— Hum non.
— Oh ! Ou Jon Snow, dans Game Of Thrones ?
— Non plus.
— Je ne vais rien trouver, geignit-il.
— Bambam ?
Il releva la tête et je pris une grande inspiration.
— J'ai quelque chose à t'avouer.
Je vis dans ses prunelles une sorte d'inquiétude, comme si tout d'un coup il se laissait envahir par l'appréhension.
— D'accord, répondit-il un peu nerveusement. C'est en lien avec Jimin hyung ?
— Non, repris-je, pas du tout.
Puis j'ajoutai, contaminé par son angoisse :
— C'est plutôt en lien avec Jungkook.
Je le vis se tendre d'autant plus, fuir mon regard, faire semblant de s'intéresser aux autres costumes mais nous arrivions à la fin du magasin et nous avions fait le tour de ce qui était à louer.
Il savait. Je pouvais le sentir de là. Il semblait savoir ce que j'allais dire et je voyais à sa mine que ça ne lui plaisait pas. Pas du tout.
— En réalité, Jungkook et moi nous sommes en couple.
Il se figea avant de reprendre sa recherche, ses gestes étaient hachés et, sans me regarder, il répondit, presque sèchement :
— Ah bon ?
Il eut un petit rire dénué de toute joie avant de dire :
— C'est nouveau ça. Depuis quand ?
— Depuis bientôt un an.
Là il se figea totalement, ses yeux rencontrèrent les miens brusquement et je me mordis la lèvre.
— Je sais que je te le dis assez tard.
— Assez tard ? Après un an ? s'exclama-t-il sèchement.
— Personne ne le savait au début, confiai-je, même Jimin. C'est resté un secret et puis peu à peu, on a fini par s'ouvrir et les autres ont fini par l'apprendre.
— Les autres et pas moi ? grinça-t-il.
— À cette époque-là, nous étions encore en froid.
Il se rembrunit, les yeux fuyants.
— Par la suite, nous avons eu beaucoup de choses à faire et à penser. Jin hyung n'est pas au courant depuis très longtemps non plus.
— Et je suis le dernier !
— Je suis désolé, lui avouai-je le plus calmement possible. Ce n'est pas une histoire de confiance ou non, je craignais beaucoup ta réaction en réalité.
— Tu pensais quoi ? scanda-t-il. Que j'allais pleurer, faire une scène ? Tu vois bien que tout va bien...
Il mentait et je le fixai. Il dut sentir que je n'avais pas cru ses paroles et sa mine contrariée changea un peu pour quelque chose de plus coupable, de plus triste.
— Nous savons tous les deux pourquoi je n'osais pas te le dire.
Il ne répondit pas et je poursuivis.
— Tu voulais que nous redevenions amis et les choses sont en train de se faire ainsi, comme aujourd'hui. On peut reprendre une relation amicale mais je ne laisserai plus de place à l'ambiguïté.
Il acquiesça doucement.
— Tu t'en doutais, non ? demandai-je.
— Un peu, avoua-t-il au bout d'un moment. Mais je pensais que Jungkook était hétéro, enfin comme tout le monde j'imagine...
— Garde cette histoire pour toi, intimai-je sérieusement. Seuls nos amis les plus proches sont au courant, nous ne voulons pas que ça s'ébruite.
— D'accord.
On continua la recherche de nos costumes. Il ne prononça pas grand-chose mais alors que je me disais que j'avais définitivement gâché la journée, il lâcha :
— Je suis amoureux de toi, hyung.
Ça me fit sursauter et il me fixa droit dans les yeux :
— Je trouve que tu es la personne la plus magnifique, la plus touchante et la plus belle que je n'ai jamais rencontrée.
Mon cœur loupa des battements de surprise et je ne sus pas quoi répondre sur le moment.
Il se mordit la lèvre, reprenant son courage, les poings serrés.
— Je t'aime beaucoup et si je n'avais pas autant merdé j'aurais voulu te le dire proprement et correctement ce jour-là.
Il reparlait de la soirée où il était déguisé en T-rex ?
— Mais j'ai merdé, confessa-t-il. J'ai merdé sur plein de choses. Je sais que tu ne veux qu'une amitié et j'essaierai d'être ton ami.
Je sentis qu'il se retenait de pleurer et j'eus presque envie de m'avancer vers lui mais me retins.
— Je suis désolé, Bambam.
— Je sais.
Puis il ajouta :
— Je ne le dirai à personne pour toi et Jungkook.
— Merci.
Il renifla puis ajouta en souriant un peu :
— Tu devrais vraiment porter le costume de Kenshin, ça t'ira bien, j'en suis sûr.
— D'accord, acquiesçai-je.
Il attrapa celui d'Harry Potter avant de le serrer contre lui presque comme un enfant timide, le plastique se froissant sur sa veste en cuir.
Je me raclai la gorge, mal à l'aise. Je sentais qu'il avait besoin d'être rassuré mais je ne savais pas comment m'y prendre.
— Ça t'ira bien ce déguisement, tentai-je en souriant.
— Merci, mais en réalité je pense que je ne serais pas Gryffondor si j'étais à Poudlard. Dommage qu'ils ne fassent pas les uniformes des autres maisons.
— Ah bon ? m'étonnai-je en m'approchant de la caisse où la vendeuse qui lisait reposa son livre.
La clochette de la boutique tinta et un groupe de filles apparut par bande de six.
— Non, d'après les tests que j'ai faits, je serais à Poufsouffle.
— Faudrait que je regarde, avouai-je, tu penses que j'irais dans quelle maison ?
— Je ne sais pas, peut-être Gryffondor, marmonna-t-il en faisant mine de réfléchir.
— Tu crois que Jin hyung irait où, lui ?
— Serdaigle, répondit-il sans hésiter.
— Ah bon ? Pourquoi je n'irais pas à Serdaigle, moi aussi ?
— Je ne sais pas, une impression. Jimin hyung j'ai dû mal à savoir, pour lui aussi.
— Je le mettrais bien à Serpentard, grinçai-je.
Il rit un peu et ça me fit du bien de l'entendre rire ainsi.
Comme si tout était redevenu à la normale alors que ce n'était pas le cas.
J'espérais qu'un jour cette ambiguïté et cette gêne entre nous puisse disparaître complètement.
Mais je m'inquiétais par rapport à ce que Jin hyung m'avait dit. Bambam arriverait-il à ne pas s'accrocher à moi ? Pas ainsi ?
— Tu crois que Jungkook irait dans quelle maison ? me demanda-t-il en récupérant son costume que la vendeuse lui tendait.
— En ce moment ? Serpentard, définitivement.
— Hyung, hésita-t-il. Tu es au courant qu'il n'y a pas que des méchants qui vont à Serpentard ? Des gens bien aussi y sont.
Oui mais non.
*******
Je sortis précipitamment de l'ascenseur et m'avançai jusqu'à ma porte d'entrée. Je tapai le code indiqué avant que, les mains chargées des sacs de déguisement, je ne tire la poignée vers moi et m'engouffre dans mon appartement.
Je sentais déjà l'odeur du poulet grillé sauce aigre-douce et défis mes chaussures.
— Jungkook ?
Je traversai le salon en déposant les sacs sur mon canapé et me tournai vers la cuisine. Il me fit un grand sourire, une bière à la main, terminant de faire cuire le riz et de sortir le kimchi de sa boîte.
Je m'approchai délicatement et embrassai sa joue avant de glisser jusqu'à ses lèvres en grimaçant devant le goût âpre de sa boisson, ce qui le fit sourire.
— Ça a été avec Bambam ? s'enquit-il.
— Oui, avouai-je, je lui ai dit...
— Et ?
— Et l'ambiance est devenue bizarre.
— Bizarre comment ?
— Il s'est confessé.
Jungkook se figea, manquant de faire tomber ses baguettes, et me jeta un coup d'œil un peu contrarié.
— Et ?
— Et je pense qu'il avait besoin de me le dire, correctement cette fois. Mais il a promis qu'il ferait un effort pour qu'on ait une vraie relation amicale.
Il fit la grimace.
— C'est une bonne chose, affirmai-je doucement en cherchant un verre d'eau.
— Ouais, on sait tous les deux à quel point il est doué pour oublier, ne pas se montrer rancunier et passer à autre chose, ricana-t-il.
Je ne répondis pas, ne voulant pas aborder plus longtemps le sujet et m'attendant davantage à ce qu'il me raconte son après-midi.
Il termina de préparer les plats avec son petit sourire satisfait.
— Le repas est prêt, j'espère que tu as faim ?
— J'ai la dalle, scandai-je en m'installant sur ma table haute avant d'aviser mon téléphone.
Ah.
Je me disais bien que j'avais encore oublié quelque chose en partant ce midi.
Mais au moment où j'allais l'allumer, Jungkook me le prit et le remplaça par un bol rempli d'ailes de poulet braisées.
— À table !
Il était étrangement de très bonne humeur.
Et étrangement nerveux.
J'attrapai mes baguettes et commençai à manger mais mes yeux ne revenaient que vers lui.
J'attendais, j'attendais encore mais il ne disait toujours rien, comme si son but était de me faire languir le plus possible.
— Dis-moi, intimai-je en essayant de ne pas avoir l'air trop impatient et directif. Comment ça s'est passé avec les recruteurs ?
Il me fit un petit sourire que j'aurais pu reconnaître entre mille. Il était à la fois heureux et très fier de lui. C'était un sourire qui n'était pas apparu sur son visage depuis sa victoire à la compétition il y a deux mois et je lui répondis en retour.
— J'ai eu trois propositions.
Il faisait monter le suspense et je devais ressembler à un gamin de six ans à trépigner sur mon siège. Ça le fit sourire encore plus.
— Je continue ?
— Raah, arrête de me faire patienter, m'impatientai-je. Dis-moi !
Mais avec une lenteur maîtrisée, il commença à manger ses cuisses de poulet, les trempant allégrement dans la sauce avant d'enfourner une bonne cuillerée de riz dans sa bouche.
Je lui envoyai un coup de pied sous la table qui manqua de lui faire tout cracher.
Il m'envoya un regard faussement colérique avant d'avaler ce que contenait sa bouche et de dire :
— Il y a eu trois propositions, mais la première était finalement la moins intéressante du lot. Il s'agissait d'un recruteur d'une petite équipe de baseball locale.
Il fit un geste avec sa baguette comme si cette idée avait été reçue puis passée en revue avant d'être jetée au loin. Puis il se remit à sourire.
— Puis j'ai reçu deux propositions pour deux équipes majeures.
Je me mis à trépigner davantage, oubliant complètement de manger.
— Lesquelles ?
— Samsung Lions et Nexen Heros.
Je fronçai les sourcils.
— J'ai l'impression de connaître ces noms...
— C'est normal, je t'en parle tout le temps dès qu'il y a un match à la télé.
— Samsung Lions, ce n'est pas eux qui ont remporté le championnat national cette année ?
— Non, l'année dernière, précisa-t-il. Mais oui. Celle-ci, c'est la deuxième meilleure équipe du pays.
Mes yeux s'ouvrirent brusquement mais Jungkook fronça légèrement les sourcils.
— Les Nexen Heros sont dans le top dix des équipes professionnelles nationales, mais ils n'ont jamais été champions. L'année dernière ils ont fini cinquième sur le podium.
— Alors ?
Il mangea un peu, me rappelant alors que notre repas refroidissait, et je me mis à mâcher mon poulet rapidement pour ne rien louper.
— Les Samsung Lions sont de gros recruteurs, m'informa-t-il. C'est une énorme équipe, plusieurs fois championne de Corée du Sud. Ils ont beaucoup de moyens, mais aussi beaucoup de joueurs. Ils me proposent un poste de remplaçant sur un poste de lanceur. Le salaire est très correct.
J'acquiesçai et il poursuivit en buvant un peu de sa bière :
— Les Nexen Heros sont en train de changer toute leur équipe suite à la retraite de certains de leurs membres. Le salaire est moins élevé mais, eux, ils ne me proposent pas un remplacement mais un poste directement.
Je me figeai, la bouche pleine.
Je voulus parler mais je toussai un peu, avant de réussir à avaler ce que je contenais dans ma bouche.
— Un poste ? Déjà ?
Il acquiesça en souriant mais sembla tout d'un coup un peu anxieux :
— Je ne sais pas quoi faire. D'un côté je peux accepter le poste des Samsung Lions, j'aurais l'opportunité d'être déjà dans une grande équipe victorieuse, avec un bon salaire, mais je ne serais que remplaçant. Sur une saison, j'aurais peut-être la chance de quitter le banc, une ou deux fois.
— Tu adores cette équipe, lui fis-je remarquer.
— J'adore trois de ses joueurs, précisa-t-il.
— Et de l'autre côté ?
— Les Nexen Heros refont leur équipe donc difficile de savoir quel sera le niveau pour le prochain championnat. Le salaire est moins important parce qu'ils ont un peu moins de moyens mais je serais déjà en poste. Je serais déjà un joueur, je ne resterais pas sur le banc.
— Je vois, acquiesçai-je, c'est un sacré choix que tu dois faire.
— Tout le monde m'a encouragé à prendre la proposition des Samsung Lions. Je sais que c'est une grosse équipe et que le fait qu'ils viennent me recruter est flatteur mais...
— Mais tu n'as pas envie d'être un remplaçant, terminai-je à sa place.
— C'est ça, confessa-t-il. Un sunbaenim de deux promos au-dessus de la mienne est remplaçant chez eux, sur deux ans il n'a pu jouer seulement que quelques minutes de match.
Il souffla :
— Je suis peut-être trop ambitieux.
— Peut-être pas, rectifiai-je. Tu aimes jouer au baseball, je te connais, rester sur un banc te rendra malheureux...
— Mais en même temps, refuser une offre pareille serait de la folie, insista-t-il.
— Lequel des deux recruteurs t'a le plus convaincu ?
Il se mit à réfléchir, mangeant un peu avant d'avouer :
— Celui des Nexen Heros. Il a été plus honnête et plus abordable. Il sait bien qu'il ne faisait pas le poids face au recruteur des Samsung Lions, mais il a mis les bons arguments. Sauf que les Nexen n'ont presque jamais gagné.
— Du coup ils visent sur toi pour remonter leur score au prochain championnat ?
Jungkook acquiesça.
— Je pense que c'est flatteur de te recruter comme joueur, de te montrer que tu feras partie d'une équipe et que tu pourras mettre ton talent en action plutôt que de te proposer de rester sur un banc une année, en se basant uniquement sur la réputation d'une équipe, fis-je remarquer.
— C'est ce que je me suis dit...
Je me mis à sourire :
— Tu as déjà pris ta décision, hein ?
Il secoua la tête :
— Pas vraiment, ça se discute. J'ai appelé ma mère mais elle ne m'a pas dit grand-chose, elle n'y connaît rien au sport. Elle s'est juste plus ou moins focalisée sur le salaire.
— La différence est si grande que ça ?
— Oui, avoua-t-il. Mais mon salaire risque de rester le même tant que je serais remplaçant alors que si on gagne les championnats, en tant que joueur mon salaire augmentera d'autant plus.
Puis il me fit un petit sourire :
— Mais tu as raison, je pense que j'ai déjà pris ma décision. Et puis Yugyeom aussi a été recruté par les Nexen.
Mes yeux s'écarquillèrent :
— C'est génial ça !
Il semblait très heureux de cette nouvelle.
— Lui qui faisait la gueule a complètement changé d'humeur. Être recruté ensemble était presque inespéré.
Puis il ajouta :
— J'admire vraiment les Samsung Lions mais au final je ne suis pas sûr de vouloir jouer avec eux, je crois que j'ai envie de jouer contre eux. De pouvoir les affronter, de voir l'effet que ça fait de jouer contre des légendes, sur le même terrain.
J'acquiesçai en souriant :
— Ça te va bien ce genre de raisonnement. Je suis content pour toi. Je te soutiendrai quoi qu'il arrive, Jungkook.
Néanmoins il semblait déjà concentré sur autre chose, ça se voyait dans ses yeux, comme si son esprit était en train de préparer, d'organiser quelque chose.
— Les deux équipes sont à Séoul, reprit-il. Si j'accepte l'offre des Nexen Heros, je quitterai l'université. Je ne pourrai pas garder l'appartement et je vivrai par moi-même. Je serai déjà en poste, dans ce cas-là, la fac me fera une dérogation et me validera mon diplôme.
Je fus surpris par ce qu'il me disait. Il s'était déjà informé là-dessus ?
— Je vais trouver un appart', hyung.
Son ton de voix me fit tiquer et je relevai la tête de mon assiette à présent vide.
— C'est un peu tôt, non ? Tu as plusieurs mois avant de signer, d'organiser le départ avec l'université, les vacances et le reste...
— Tu seras payé à l'internat, non ? me coupa-t-il. Peut-être qu'avec nos deux salaires on pourrait se trouver un appartement.
Je fronçai les sourcils, peu sûr de voir où il voulait en venir. D'autant plus que la question de mon logement avait déjà été abordée une fois.
— J'aurai un dortoir à partager avec les autres internes juste à côté de l'hôpital, lui rappelai-je.
Il baissa la tête et je repris :
— Mais ça c'est le plan B. Tant que je n'aurais pas obtenu d'informations du recrutement je ne peux pas savoir comment organiser l'avenir.
— Ce ne serait pas mieux qu'on vive ensemble ? Je peux trouver un logement à égale distance entre nous deux. Ou mieux, deux logements, l'un en face de l'autre !
Je haussai les sourcils, amusé.
— Tiens, c'est nouveau ça.
— Je suis ton voisin d'en face, répondit-il d'un ton amusé, je compte le rester.
Je roulai des yeux en riant un peu.
— On pourrait vivre dans deux appartements sur le même pallier et on passerait d'un appart' à l'autre parce qu'on partagerait un balcon., se lança-t-il avec un sourire comme fier de son idée.
— Tu t'emportes là, commentai-je en gloussant un peu.
— J'aime cette idée qu'on vive ensemble mais dans deux appartements, c'est pratique.
Je me mis à sourire et il insista :
— Ça te dit ? De vivre ainsi, de trouver un équilibre entre nos deux boulots ? Ça t'évitera de te coltiner tes collègues jour et nuit et ça nous permettra de nous voir.
— Jungkook, le coupai-je doucement, si on a un dortoir ce n'est pas sans raisons. On dort à proximité de l'hôpital car on risque d'être appelés les week-ends, d'être d'astreintes, de faire les gardes de nuit, ect...
Il se rembrunit, soudain bien plus agacé que ce que je pensais, et posa ses baguettes.
— Qu'est-ce qu'il y a ? m'inquiétai-je.
— Rien.
— L'idée est bonne, insistai-je pour le rassurer. Et puis je ne vais pas rester interne indéfiniment. Mais tant que je n'ai pas la réponse du recrutement je ne sais pas comment envisager la suite des choses, si je pars, si je reste sur Séoul, si...
— Tu as oublié ton téléphone cet après-midi, me coupa-t-il.
Je papillonnai des yeux sans comprendre.
— Et ?
— Tu as reçu un mail.
Ma tête se tourna vers l'appareil en veille posé sur la table basse.
— Tu l'as lu ?
— Non, mais j'ai juste vu l'aperçu avec le nom de l'expéditeur quand ça s'est affiché, il a sonné quand je suis arrivé avec le dîner.
Je me levai, quittant mon siège pour me diriger vers mon téléphone. Mon cœur eut un sursaut quand je compris que ce mail était celui que j'attendais le plus. Je passai ma langue sur mes lèvres soudain sèches avant de déverrouiller mon écran et de cliquer sur l'onglet.
Mes yeux parcoururent les lignes alors que Jungkook n'avait pas bougé de son siège.
— Alors ? s'enquit-il.
Un frisson me parcourut suivi d'un souffle.
— Je suis pris à l'entretien...
Je ne savais pas comment me sentir, j'avais à la fois envie de sauter, de crier de soulagement, tout en me tirant les cheveux de stress. La date s'affichait écrite en gras.
J'avais une semaine pour me préparer à l'entretien.
Le Dr Young m'avait envoyé un mail à la suite, m'indiquant de le contacter rapidement pour discuter de la procédure pour la mise en place de la visio conférence en vue de cet entretien.
Je me tournai vers Jungkook qui baissa les yeux.
— Tant mieux, prononça-t-il d'une petite voix.
Mais ça sonnait tellement faux que mon bras retomba contre ma cuisse et je m'avançai vers lui, inquiet.
— Jungkook... commençai-je.
Mais il quitta sa chaise et partit en direction de la chambre, me fuyant complètement.
Je restai là, les bras ballants devant notre dîner à peine terminé avant de le rejoindre.
Mon cœur me faisait mal, le stress me rongeait, mais par-dessus tout j'avais aussi terriblement peur de sa réaction.
Il commençait à faire les cent pas, la mine bloquée dans une expression d'irritation et de tristesse.
— Ça ne veut rien dire, commençai-je, je ne suis pas sûr de le réussir.
Mais il releva le visage, ses yeux noirs balayés par ses longs cils se braquèrent furieusement dans ma direction :
— Arrête, hyung ! Arrête de répéter ça ! On sait tous les deux que tu y arriveras !
— Non, on ne sait pas ! insistai-je.
— C'était censé être une bonne soirée, cracha-t-il avec colère, une soirée de joie autour de mon annonce de recrutement !
— C'est toujours une bonne soirée, lui fis-je remarquer. Je suis très heureux pour toi et...
— Mais je peux aller me brosser, hein, sur cette histoire d'appart' !
Il s'échauffait, je le sentais, je voyais sa mâchoire se crisper et les muscles de son cou se tendre.
— Jungkook...
— J'ai qu'à oublier cette histoire, hein ! reprit-il avec sarcasme. De toute façon ça n'arrivera jamais !
— Arrête de dire ça ! m'écriai-je. Moi aussi je veux vivre avec toi !
— Ah oui ? Et dans combien de temps, dans cinq ans ? Dix ans ? ironisa-t-il.
— C'est si important ? Le principal n'est-ce pas qu'on finisse par vivre ensemble ? lâchai-je avec force.
Il s'assit sur le lit avant de poser ses coudes sur ses cuisses et de souffler bruyamment :
— J'imagine des tas de scénarios dans ma tête, mais rien ne se passe comme je le prévois, marmonna-t-il.
Je m'avançai et m'assis près de lui.
— Je n'ai pas envie que tu partes... lâcha-t-il.
— Je sais.
— Mais je n'ai pas envie de t'imposer mon désir égoïste, clama-t-il. J'ai envie de t'encourager et j'ai envie de te garder et ça m'emmerde de me sentir comme ça !
Il s'était relevé, furibond, devant mes maigres tentatives pour le retenir.
— Je ne peux pas te reprocher d'avoir de l'ambition, reprit-il, parce que si j'étais à ta place j'en aurais aussi mais ça me tue, chaque jour... de me dire que tu vas t'en aller.
Je me mordis la lèvre violemment pour retenir mes émotions.
— Je sais que c'est dur, pour nous deux, de ne pas savoir comment envisager l'avenir...
— C'est plus que difficile, lâcha-t-il sombrement. C'est infernal.
Je m'avançai dans le but de lui prendre les mains mais il recula.
Je réessayai mais il reproduisit le même geste.
— Jungkook, insistai-je plus sévèrement, lève cette foutue interdiction de câlin. Pourquoi tu me fais ça maintenant ?
— Parce que je ne sais plus quoi penser de nous ! s'exclama-t-il.
Il me fixa et une vague d'émotion me traversa, me coupant dans toute tentative de le prendre dans mes bras, de le serrer contre moi.
— Peut-être que Yoongi hyung a raison, murmura-t-il les yeux remplis de larmes et le visage balayé par une expression confuse, peut-être qu'on ne doit pas rester ensemble...
Je me figeai, terrassé par ses mots. Mes yeux s'écarquillèrent sous le coup du choc et j'eus soudain froid. Un frisson épouvantable se propagea sur tout mon corps.
— Quoi ?
Mais il était confus, presque à deux doigts d'imploser, et il lâcha horriblement la pire phrase que je n'aurais jamais voulu qu'il me dise :
— Je crois que je veux que tu me quittes, si tu pars.
Ça me fit un effet horrible, comme si on m'avait plongé la tête dans l'eau et que je ne pouvais plus remonter à la surface pour respirer.
Comme si je m'étouffais.
Comme si je me noyais.
Comme si j'allais mourir.
Mes paupières battirent désespérément pour retenir le flot de larmes qui m'envahissait.
Lui aussi se mit à pleurer, de manière plus brusque et désespérée.
— Je ne le supporterais pas, hyung. Je ne supporterais pas de vivre ça.
— Pourquoi tu m'imposes ça... ?
— C'est toi qui pars !
Et ce fut violent, terriblement violent.
Je sentis que je m'étouffais, que je voyais trouble, flou.
Que le monde venait de basculer et je finis par crier :
— Tu n'as pas le droit de me dire ça ! Tu n'as pas le droit de me demander ça !
— Tu es plus courageux que moi, me cria-t-il en retour tout aussi dépossédé que je l'étais, je n'y parviendrai pas mais toi tu peux le faire !
— Pour que tu me haïsses ensuite ? m'écriai-je. Pour que tu me le reproches ? Jamais ! Tu m'entends, jamais je ne ferai ça ! C'est une décision que tu n'as pas le droit de m'imposer ! Tu n'as pas le droit de me forcer à le faire à ta place !
— Moi, je ne te quitterai pas !
— Moi non plus je ne te quitterai pas ! Alors pourquoi tu parles de ça ? balbutiai-je entre deux sanglots. Pourquoi tu me fais ça ?
— Parce que je n'arrête pas d'y penser. Parce que j'ai peur de ne pas y arriver, qu'on n'y arrive pas pendant de si longues années...
Il bougea, quittant la pièce et me laissant tout d'un coup décomposé, paniqué.
Je me précipitai à sa suite en le voyant remettre ses chaussures devant ma porte d'entrée.
— Où tu vas ?
— Chez moi, je vais dormir chez moi.
— Jungkook je t'en prie, suppliai-je.
Je voulais l'attraper, le saisir, mais il ne se laissa pas prendre, s'arrachant à mon étreinte et la porte claqua tandis que je m'effondrais en larmes.
On s'était leurrés.
On s'était fourvoyés en croyant que l'abcès avait été percé à Sapporo, mais on n'avait fait qu'effleurer la surface, pour apercevoir la douleur que ce serait s'il venait à éclater.
Et comme des lâches on n'avait rien fait, mais maintenant c'était trop tard.
Je restai ainsi, recroquevillé près de la porte, anéanti, pleurant comme si je me vidais de toute mon eau, de toute mon âme.
Frigorifié, je réussis à me traîner jusqu'à mon lit, pour m'enrouler dans ma couette.
L'odeur de Jungkook était partout et la humer me fit terriblement mal. Je cherchai ma peluche en forme de cœur et la serrai contre moi. Échoué parmi les draps, j'étais comme un corps disloqué.
Je ne pouvais même plus m'isoler, m'enfermer dans mon esprit comme avant. Je sentais que mon corps souffrait tout autant que mon cœur.
Cette douleur en moi, au fond de moi, était insupportable.
Je restai dans le noir et mes sanglots, mes spasmes finirent par se tarir, comme si j'étais éreinté d'avoir autant souffert. Dans le noir, le réveil m'indiquait trois heures du matin.
Je me levai tel un zombi, toujours enroulé dans mes couvertures, marchant jusqu'au salon où les restes de notre dîner n'avaient pas bougé, comme si le temps s'était figé, interrompu.
J'ouvris le rideau de la baie vitrée et mon cœur tressauta en m'apercevant que le salon de l'appartement d'en face était illuminé.
Précipitamment, j'allumai ma lampe de chevet, apercevant la silhouette de Jungkook être alertée par ce changement dans l'horizon.
Paniqué, je cherchai des yeux mon portable avant de le saisir et de composer son numéro. Il décrocha et on resta ainsi silencieux à respirer, connectés juste par cet appareil.
Pour se rassurer.
Je m'assis dans ma couette, les yeux rivés sur lui.
— Tu n'arrives pas à dormir non plus, murmurai-je.
« Non... »
Sa voix était cassée et l'état de son appartement faisait peur à voir, comme si en rentrant il s'était rué sur tous les objets pour les briser.
Comme si une tornade s'était déchaînée.
« Je n'arrive pas à dormir sans toi. »
— Je sais, moi non plus.
Mes larmes revinrent, me brûlant les yeux, et j'hoquetai :
— Je suis désolé, tellement désolé Jungkook...
« Je sais... Moi aussi. »
Et ce fut tout ce qu'il répondit.
On resta ainsi, et les souvenirs de nos premières rencontres me revinrent.
— Tu te souviens quand on discutait ainsi à l'époque ?
« Oui... Je me souviens. »
— C'était tellement agréable.
« C'était comme à des années-lumière... »
Je l'entendis presque sourire à travers le combiné.
— Je t'aime, soufflai-je.
« Je sais hyung, je t'aime aussi. »
— Alors pourquoi ?
Il ne répondit pas tout de suite et j'essuyai mes yeux, cherchant ma peluche perdue dans les plis de la couverture pour la reprendre contre moi.
« Hyung, en fait... J'ai peur de moi. »
— De quoi tu parles ?
« J'ai peur de la personne que je serais sans toi... Pendant trois, quatre, cinq ans... »
— Pourquoi deviendrais-tu une personne différente ?
« J'ai peur de mes faiblesses, de mes envies, de mes colères... J'ai peur. » murmura-t-il à demi-mot.
— Tu as peur de me tromper.
Et tout m'apparut alors comme une évidence et je l'entendis pleurer à travers le téléphone.
« Ce sera trop dur, je n'y arriverai pas. Je sais que je n'y arriverai pas... »
— Tu penses que moi je n'ai pas peur ? Que je ne suis pas terrorisé ? C'était cruel de me dire que c'était à moi de mettre fin à notre relation. Je ne veux pas de cette responsabilité.
« Je ne suis qu'un lâche. »
— Et moi un égoïste qui pense à partir.
Le silence reprit ses droits et mes yeux se perdirent dans l'obscurité extérieure, dans la pénombre de son appartement si semblable au mien. Je le voyais mal mais je l'imaginais, la position de sa silhouette, son expression, ses larmes...
— Tu me manques, c'est horrible.
« Alors, viens. »
Je me levai d'un bond, m'arrachant à la chaleur de ma couette. J'enfilai mes chaussures sans prendre quoi que ce soit d'autre. Je me mis à courir comme un dératé jusqu'à son immeuble, enfonçai le bouton d'appel de l'ascenseur, m'impatientai dans la cage d'acier avant de courir jusqu'à sa porte qui s'ouvrit, me faisant entrer dans la pénombre et dans le chaos de ses meubles renversés.
— Je lève l'interdiction de câlin.
Sa voix surgit dans le silence et dans la pénombre et je me précipitai sur sa bouche. Nos lèvres se rencontrèrent avec une telle possessivité que ça me fit mal.
Mais cette douleur fut un soulagement. Mes bras se refermèrent sur lui alors qu'il me soulevait pour me transporter jusqu'à sa chambre.
Il y avait des baisers, comme en cet instant, plus terribles que les autres. Ceux qui mélangeaient nos larmes, nos rancœurs, nos faiblesses et notre terreur.
Mais de ces baisers, il y avait des émotions qui parvenaient malgré tout à nous charmer, nous allumer, nous aimer.
Nos corps se renversèrent contre son lit défait, nos mains tremblantes se cherchaient, s'arrachant, s'agrippant comme effrayées.
Je l'aimais à m'en faire mal.
Et derrière cette manière complètement désordonnée et acharnée de se retrouver, cette douleur dans ma poitrine me terrifiait.
Comme si pour la première fois je me rendais compte que notre amour pouvait nous détruire.
Je mordis dans sa peau lorsqu'il entra enfin en moi et repris mon souffle comme si j'avais été en apnée tout ce temps.
Lui aussi se figea et on échangea un regard.
Un regard qui renversait mon cœur.
Je ressentais cette plénitude de l'avoir, cette chaleur dans mon bas-ventre et l'abominable sensation qu'il pouvait m'échapper.
On se serra l'un contre l'autre avant de bouger lentement, très lentement.
J'embrassais ses larmes, il attrapait les miennes et nos bouches se disputaient avec passion, cherchant à prendre le dessus l'une contre l'autre.
Le plaisir arriva par vagues, nous emportant un peu plus dans notre frénésie dévastatrice et mélancolique.
Et lorsque vint le moment de l'orgasme, j'eus presque la sensation qu'on allait s'anéantir à se serrer ainsi, aussi fort.
Mon corps retomba contre le matelas et je fondis en larmes, sa tête se posa sur mon torse secoué de spasmes que je sentais trempé de ses larmes.
— Ne me quitte pas...
Je n'entendis pas ma voix, je ne la reconnus pas comme telle.
Et il répéta comme dans l'écho de mes propres mots.
— Ne me quitte pas.
Puis le temps s'arrêta à nouveau durant cet instant où mon cœur foudroyé et torturé parvint un peu à se calmer.
Je ne sais pas alors, si je m'endormis ou si je sombrai dans le néant.
Mais j'eus l'affreuse et terrible sensation que quelque chose au fond de moi s'étirait jusqu'à manquer de se briser.
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