64-
Yeri se rassit confortablement pour la troisième fois, croisant ses jambes puis ses bras, puis encore ses jambes.
Comme si elle n'arrivait pas à trouver une position confortable.
Je la regardais faire en fronçant un peu les sourcils devant son manège. Nous étions près de la machine à café, dans une salle d'attente vide de l'hôpital, assis sur les chaises en plastique devant la baie vitrée sale donnant une vue sur le parking.
— Oui, à ce niveau-là, clairement quelque chose ne va pas, finit-elle par prononcer après que je lui aie expliqué la situation.
— Clairement quelque chose ne va pas avec ton visage, lui répondis-je. Tu as vu les cernes que tu as ?
Elle leva les yeux au ciel avant de me faire un mouvement de main comme pour me dire de passer à autre chose.
Mais c'était difficile car je ne voyais que ça. Assise en face de moi, elle avait l'air épuisée. À peine maquillée, la fatigue mangeait ses traits, rendant son visage plus pâle qu'habituellement.
— Ne t'inquiète pas, ce n'est rien d'aussi grave que ce que tu viens de me dire.
— J'ai le droit de m'inquiéter, non ? tentai-je, tu as l'air exténuée.
— On sort beaucoup, éluda-t-elle, et Park Jimin commence à me courir sur le haricot.
Mais au moment où j'allais rebondir elle me coupa :
— Mais on n'a pas beaucoup de temps de pause, alors on s'occupera de ça à un autre moment. D'abord, laisse-moi décrypter la situation : « mère de Jeon Jungkook ».
Tiens, elle aimait bien mettre les noms de famille devant les prénoms aujourd'hui. Elle devait donc être agacée par quelque chose.
Je me surpris moi-même à penser à ça, comme si c'était évident alors que jusqu'alors, je ne m'en étais pas réellement rendu compte avant de le formuler dans mon esprit.
— On a rendez-vous ce soir pour le dîner, expliquai-je. Jungkook n'a pas dormi de la nuit. Il est complètement stressé, je ne l'avais jamais vu comme ça. Et puis...
J'inspirai par le nez avant d'avouer difficilement :
— Il me rejette un peu, je n'ai pas réussi à l'embrasser depuis deux jours. Il m'évite et il s'éloigne de tout contact avec moi.
— Pas étonnant.
Je la fixai en haussant les sourcils :
— Comment ça, pas étonnant ?
— Dans l'état actuel des choses, il n'arrive pas à gérer ses émotions. Peut-être qu'il craint que s'il t'embrasse ça ne le rende encore plus coupable aux yeux de sa mère ?
Ah. C'était peut-être ça.
Ça me paraissait plausible maintenant qu'elle le disait.
— Quand son père l'a rejeté il n'a pas réagi aussi excessivement, précisai-je. Je sais qu'il regrette de l'avoir dit à sa mère comme ça, mais si elle nous invite à dîner, n'est-ce pas positif ?
— Oui et non. Il y a une différence entre tolérer et accepter.
Je soupirai bruyamment :
— Oui, je sais. Mais je n'arrive pas à le calmer là-dessus. D'habitude j'y parviens mais là non.
— Tant que cette histoire avec sa mère ne sera pas résolue, insista Yeri, tu n'y arriveras pas. Jungkook traverse une grosse crise existentielle et l'enjeu derrière est énorme.
— Tu crois qu'il se passera quoi, si elle le rejette ?
Elle grimaça :
— Je ne sais pas. Mais clairement ça va avoir un impact considérable. Il s'agit de sa mère, Taeyhung, ce qui est en jeu dans cette histoire c'est l'amour maternel. Et ce n'est pas rien. Le fait que Jungkook lui ait dit au moment du rejet de son père n'est pas anodin non plus. Il a laissé ses émotions le dominer et il avait besoin d'être rassuré alors il le lui a dit parce que, dans le fond, il voulait savoir si sa mère l'aimerait quand même. Jungkook a déjà perdu son père parce qu'il n'était pas « suffisamment bien » pour lui, donc il reporte tout l'amour parental sur sa mère. Mais si elle le rejette, il va s'effondrer. Il aura perdu ses deux parents.
— Je sais, mais je suis là moi, c'est ce que j'essaye de lui dire. Je vais l'aider avec ça.
— Tu ne peux pas.
Elle me regarda tristement :
— C'est parce qu'il t'aime que tout ça arrive. Ce n'est pas de ta faute et tu le sais. Mais si sa mère ne l'accepte pas il va devoir choisir entre elle et toi.
Ma bouche s'ouvrit brusquement :
— Tu penses qu'il peut me rejeter ?
Elle pencha un peu la tête, secouant ses mèches noires qu'elle avait faites colorer en violet sur les pointes.
— Bien sûr, toi aussi tu le sens, c'est pour ça que tu es venu m'en parler, non ?
Je baissai la tête, coupable.
— Si Jungkook choisit de t'aimer, il peut perdre son dernier lien parental et ce sera une perte massive pour lui. Un jour il pourra t'en vouloir pour ça. Il sera tiraillé entre ses sentiments et ce que la société et les idéaux parentaux veulent et attendent de lui. Mais s'il choisit sa mère, il devra te rejeter mais il n'y parviendra pas non plus car il t'aime beaucoup trop.
Elle ferma les yeux douloureusement :
— Le meilleur scénario ce serait qu'elle l'accepte, qu'elle t'accepte toi avec lui, tout simplement. Mais pour une femme de son âge qui vit dans notre société ça n'a rien de facile, en réalité.
— Oui, mais sa mère me paraissait tolérante et ouverte d'esprit quand je l'ai vue...
— Beaucoup de gens se disent ouverts d'esprits mais quand il s'agit de leur vie, de leur famille, ils se renferment et rejettent les choses. « C'est mieux si ça arrive aux autres », disent-ils. J'espère que sa mère ne fera pas partie de ceux-là.
— Moi non plus...
Je m'adossai au dossier de ma chaise, me laissant choir lamentablement.
— J'aurais dû me rendre compte de tout ça avant. Qu'il avait du mal avec ça, à garder ça pour lui, pour nous.
— Ce n'est pas uniquement de ta faute, Jungkook te l'a caché aussi, ce gamin a un trop gros ego, soupira-t-elle.
Je m'arrachai un triste sourire.
— Le dîner est dans quelques heures et je flippe maintenant.
— Désolée, s'excusa-t-elle. Mais il fallait que je sois honnête avec toi. Je ne pense pas que Jungkook te quittera, ça se voit qu'il t'aime, mais perdre sa mère en plus du rejet de son père va terriblement le faire souffrir.
— Je sais...
Elle regarda l'heure à sa montre et se leva :
— Je dois retourner au sixième étage, j'ai un staff auquel je dois absolument participer, ma pause est terminée.
Je me levai à mon tour :
— Merci Yeri et désolé de t'ennuyer avec ça...
— C'est moi qui suis désolée, chuchota-t-elle, je vais croiser les doigts pour que tout se passe bien ce soir.
Elle me tapota le bras mais je fronçai les sourcils en la voyant partir :
— Il se passe quoi avec Jimin, au juste ?
Elle soupira bruyamment :
— Rien de particulier, il sort trop et j'ai l'impression qu'on va en soirée pour faire du baby-sitting, enfin... Sehun s'est mis dans l'idée qu'on devait le materner pour éviter qu'il dérape et... Enfin bref, on ne dort pas assez, surtout moi, en réalité avec le stage j'ai du mal à raccrocher les deux bouts.
Elle soupira :
— J'ai l'impression d'être à la fin de ma vie étudiante. Avant je n'avais aucun mal à associer nos études et les sorties mais plus maintenant. Je crois que ça ne m'amuse plus de faire la tournée des bars et d'enchaîner douze heures de boulot sans dormir sur l'hôpital...
Je fronçai les sourcils à nouveau :
— C'est nouveau ça. Et puis, depuis quand vous babysittez Jimin ?
Mais elle me fit signe qu'elle s'en allait en s'engouffrant dans l'ascenseur :
— Plus tard, Taehyung. Appelle-moi après le dîner, ok ?
Mais elle retint les portes automatiques avant de froncer les sourcils :
— Ce n'est pas à partir d'aujourd'hui que tu dois recevoir une réponse pour le recrutement du poste ?
— Si.
Elle croisa les doigts à nouveau et les portes se refermèrent sur elle doucement.
Je soufflai bruyamment en me passant une main désabusée dans les cheveux.
Cette journée allait être longue et terrible.
Je le sentais.
*******
Six heures plus tard, assis l'un à côté de l'autre dans le métro, ni Jungkook ni moi ne disions un mot.
Est-ce que j'étais stressé ?
Totalement.
Est-ce que c'était vraiment le moment le plus gênant de ma vie ?
Sûrement.
Est-ce que j'avais envie de m'enterrer six pieds sous terre ?
Absolument.
Sa cuisse tressautait et il se rongeait les ongles. Je ne savais pas quoi lui dire sans craindre de me faire rejeter. D'autant plus que nous étions loin d'être seuls dans la rame de métro silencieuse. Difficile donc, d'avoir un peu d'intimité.
Mais même le trajet à pied jusqu'au domicile de sa mère se fit dans le silence et j'avais de plus en plus l'impression de me rendre au purgatoire. En grimpant les trois marches du perron et après avoir sonné, Jungkook se tourna soudainement vers moi et je sentis qu'il voulait me dire quelque chose mais la porte s'ouvrit en le coupant, remplaçant son expression par un visage fermé et anxieux.
La porte était ouverte et j'essayai de sourire à son beau-père mais mes joues étaient si crispées que je n'y parvenais pas. Il nous invita à rentrer. Lui aussi semblait nerveux et j'avais l'impression qu'un nuage de tension flottait au-dessus de nos têtes.
On avança jusqu'à la salle à manger, où la table avait été dressée, et la mère de Jungkook arriva de la cuisine armée d'un plat qu'elle portait avec des gants de cuisine. Elle était un peu décoiffée, un peu essoufflée aussi, comme si elle s'était activée à cuisiner à toute vitesse à la dernière minute.
— Ah vous êtes là, tant mieux. C'est prêt, on mange ?
Son débit de voix était impressionnant et, sans un mot, Jungkook traversa la distance qu'il lui restait avant de s'asseoir.
Je ne le sentais pas ce dîner.
Je pris place à côté de lui alors qu'il ne me regardait pas ou à peine, comme s'il essayait de maintenir le plus de distance entre lui et moi. Ce constat me fit mal, il fut d'autant plus douloureux quand je tentai de m'imaginer qu'elle serait sa réaction si sa mère n'acceptait pas notre couple.
Jungkook m'aimait, je n'en doutais pas un instant mais là, comme le disait Yeri, c'était aussi l'amour maternel qui était en jeu et ça n'avait pas le même poids.
Pourrait-il m'aimer alors qu'à chacun de ses choix un de ses parents l'avait lâché ?
Un silence religieux et ô combien gênant trôna autour de nous et son beau-père se tourna vers moi :
— Alors le Japon ? Sapporo, est-ce aussi beau qu'on le dit ?
Je répondis doucement à la question. La mère de Jungkook ne cessait de se lever faire des allers-retours en cuisine : d'aller chercher, sel, poivre, baguettes, sauce ou même rien du tout. Jungkook, lui, était assis droit comme un i, attendant sa sentence.
Son beau-père meublait du mieux qu'il pouvait et je participais à l'échange bien malgré moi. Je n'étais toujours pas doué pour ça, clairement.
Le ragoût qu'elle avait fait n'était pas bon, bien trop salé. C'était inhabituel pour elle car sa cuisine, qu'elle faisait passer à Jungkook par des boites tupperwares, était toujours délicieuse. Personne ne s'en formalisa, on mangea sans que ni le fils ni la mère ne prononce un mot et sous mes questions, son beau-père était parti dans un discours sur son métier.
Le pauvre, il galérait autant que moi.
Mais moi j'étais lié à tout ça, j'étais aussi responsable de ce qu'il se passait autour de cette table. J'aurais tant souhaité prendre la main de Jungkook sous la nappe pour que nous nous soutenions mais j'avais toujours cette peur qu'il me rejette. Maintenant que j'y pensais, j'avais parfois eu peur qu'il me quitte, qu'il se lasse de moi ou qu'une fille vienne me le prendre, mais c'était le genre d'inquiétude que j'avais quand je manquais de confiance en moi. La majorité du temps, j'avais confiance en lui et en nous.
Sauf qu'à présent, j'avais la certitude que ce n'était pas à cause de tout ça qu'il me quitterait, ce serait le poids des exigences parentales qui me l'arracheraient.
Le silence régna alors que Minhyuk, le beau-père, et moi n'avions plus de sujet à aborder, nos maigres tentatives tombaient à plat.
— Je vais chercher le dessert, s'empressa de dire la maîtresse de maison.
Elle se leva pour fuir vers la cuisine et, au moment où je faisais ce constat, Jungkook cria au milieu de la pièce :
— Ça suffit ! Si tu veux me déshériter fais-le maintenant !
Il y avait tant de haine, tant de rancœur, tant de colère et de regret dans sa voix. C'était comme un appel désespéré jeté au silence, en pâture à l'amour maternel.
Cartes sur la table, tout l'enjeu se trouvait là et tout pouvait basculer. Hyejeong, sa mère, pivota, les yeux brillants de larmes, le corps crispé.
— Je ne vais pas te déshériter ! Qu'est-ce que tu racontes ?
Elle se mit à sangloter et son mari se leva en la prenant dans ses bras avant de l'inciter à se rasseoir. Jungkook fixait sa mère comme un enfant perdu, comme un enfant disputé, et mon cœur se serra devant cette vision.
Elle releva la tête en s'écriant :
— Je ne suis pas ton père ! Pourquoi tu dis ça ?
— Parce que tu me détestes maintenant ! s'écria-t-il. Tu me trouves abominable ou dégoutant ou je ne sais quoi...
— Je n'ai jamais dit ça !
Ils se ressemblaient vraiment. C'était impressionnant. Ils avaient la même réaction, le même regard perdu et offusqué, la même manière de perdre leurs moyens, et ce constat me fit doucement écarquiller les yeux.
Elle prit un bout d'essuie-tout présent sur la table et s'essuya les yeux, puis elle renifla et je voyais dans ses traits cette même expression infantile que le visage que Jungkook possédait lorsqu'il pleurait.
Je détournai le regard de peur de pleurer à mon tour.
C'était beaucoup trop pour mon cœur.
— Je... suis un peu surprise, d'accord ? balbutia-t-elle. Tu nous as annoncé ça si... brusquement...
Jungkook se recroquevilla sur son siège, presque coupable.
— Tu vas me haïr, après papa ce sera toi.
— Je ne vais pas te haïr ! s'écria-t-elle. Écoute-moi quand je te parle !
Il bouda, faisant la moue de manière exagérée.
— C'est juste que... que je ne m'y attendais pas, avoua-t-elle.
Elle pleura encore, reniflant par moments, et le silence s'éternisa.
— Taehyung, m'appela Minhyuk, tu veux venir chercher le dessert avec moi ?
Je me levai précipitamment afin de le suivre et d'échapper à ce qu'il se passait mais sa femme attrapa son bras et secoua la tête.
— Le dessert est fichu, restez-là vous deux. S'il vous plaît.
Elle essuya ses yeux alors que je me rasseyais, nerveusement. Elle se tourna vers moi.
— Vous sortez avec mon fils... alors vous, vous êtes... homosexuel, c'est ça ?
Elle me vouvoyait ?
Ma bouche s'ouvrit et je secouai la tête timidement :
— Non, je ne crois pas. Enfin, je ne me considère pas comme cela.
Elle cligna des yeux, perdue, et Jungkook s'agaça :
— Laisse-le tranquille, c'est de moi qu'il est question, là !
— Mais... tu vis bien avec... lui, hein ? C'est pour ça que tu me demandes des doubles portions quand je te fais des plats à emmener, non ?
Il se rembrunit à nouveau et les yeux curieux de sa génitrice se posèrent sur moi. Je n'y voyais pas de haine, seulement de la détresse, de la tension et de l'inquiétude.
Du jugement ?
— Vous...
— Hyejeong, souffla son époux, tu le vouvoies là.
Elle rougit avant de se racler la gorge :
— Tu... Tu sors avec mon fils, n'est-ce pas ?
— Oui, madame.
— Depuis longtemps ?
— Oui, comme je vous l'ai dit au téléphone ça fait presque un an.
— Mais tu aimes les garçons, hein ? Tu... enfin, vous deux... tu as attiré mon fils ou... comment, je ne comprends pas...
Je me sentais plein d'empathie pour elle, alors même qu'elle pouvait aussi être la raison d'une potentielle séparation entre son Jungkook et moi. Je ne savais pas comment m'en sortir, je me sentais trop balayé par mes ressentis, mes émotions. Enserré par la situation jusqu'à m'étouffer.
Jungkook s'exclama avant que je ne dise quoi que ce soit.
— Il n'est pas gay maman, et moi non plus !
— Mais... balbutia-t-elle en clignant des yeux.
— On est juste tombés amoureux l'un de l'autre, terminai-je pour tenter de rattraper la situation qu'il provoquait en se montrant si agressif.
Je tentai un sourire avant de sentir mes lèvres trembler :
— Je suis désolé, je ne peux pas l'expliquer.
Je voyais bien qu'elle ne comprenait pas, mais elle ne prononça plus rien pendant un petit moment.
Puis doucement, elle marmonna :
— Alors mon chéri, tu es vraiment... amoureux de lui ?
Jungkook se mordit la lèvre inférieure avant d'acquiescer.
— Mais... mais tu as conscience que... que... vous n'aurez pas d'enfants...
Il la fusilla du regard mais elle se remit à pleurer brusquement :
— Je n'aurai jamais de petits enfants non plus.
Son mari posa une main sur son épaule pour la réconforter et nous envoya un regard presque désolé.
— C'est ça qui t'inquiète ? cracha Jungkook, que tu n'aies pas de petits enfants ? Sérieusement ?
Hyejeong pleura beaucoup avant de renifler à nouveau.
— Je ne sais pas quoi vous dire, avoua-t-elle enfin, je suis un peu dépassée.
Mais au moment où Jungkook allait encore crier quelque chose, j'anticipai sa réaction et accrochai sa main, je le sentis sursauter et je vis dans ses yeux tout son rejet, presque défensif, qu'il dirigea contre moi avant de s'apaiser soudainement.
Sa mère se releva un peu, les yeux rouges, avant de regarder son fils et de souffler un grand coup comme s'il lui fallait du courage.
— Je ne te déshérite pas, j'en serais incapable mon chéri... mais je... enfin, il va me falloir un peu de temps pour accepter tout ça.
Je sentis Jungkook se crisper et détourner les yeux.
— Je n'avais pas imaginé... enfin que tu... aimerais un jour un garçon, et ce n'est pas contre toi Taehyung...
J'acquiesçai en baissant la tête à mon tour.
— ... J'ai si peur pour toi mon bébé.
Elle craqua à nouveau et je sentis que Jungkook essuyait ses larmes avec force comme s'il se refusait de pleurer devant elle. Moi, au milieu de tout ça, mon cœur était une éponge et mes yeux me piquèrent horriblement.
— Ne... m'appelle pas comme ça..., geignit-il.
Ils pleuraient tous les deux et elle se leva d'un coup pour contourner la table et le prendre dans ses bras, il la serra contre lui et je cherchai désespérément un mouchoir pour arrêter mes sanglots.
Ce dîner allait me tuer.
— Oh mon bébé, souffla-t-elle, je suis désolée...
Ils se séparèrent, et lorsque Jungkook me regarda, cette fois, j'avais l'impression d'enfin le revoir tel qu'il était et un souffle de soulagement s'échappa de mes lèvres.
Il n'allait pas me quitter.
— Je... C'est juste que... pour toi... notre société est si... est-ce que ça ira vraiment ? J'ai peur pour ton avenir..., marmonna-t-elle, une main sur le cœur.
Elle allait repleurer et mon cœur n'allait pas le supporter mais je me levai, tentant du mieux que je pouvais de mettre mon nouveau courage à profit.
— Ça ira, je vous assure, on va y arriver. Ne vous inquiétez pas. On a déjà affronté beaucoup de choses ensemble. Je ferai tout pour protéger l'avenir de Jungkook sans que notre relation vienne entraver quoi que ce soit. Je vous le promets.
Mais elle refondit en larmes, encore, et j'avais l'impression que ça n'allait jamais s'arrêter.
— Tu sais, maman, murmura Jungkook d'une toute petite voix. Moi non plus je n'aurais jamais imaginé tomber amoureux de hyung, mais ça m'est arrivé et je peux t'assurer que ça a été difficile au début... On... Je ne l'explique pas, ça s'est passé comme ça, c'est tout. Ne lui en veut pas, il n'y est pour rien, il n'a pas demandé ça non plus.
Il releva la tête pour la première fois du dîner et sa voix trembla :
— On est juste heureux tous les deux, pourquoi ce serait mal ?
Elle l'agrippa dans une étreinte en lui caressant la tête tout en murmurant des « oh mon bébé » à répétition. Je me sentis touché devant cette image.
À côté de moi, Minhyuk sourit avant de m'indiquer la cuisine d'un mouvement de menton.
Je le suivis doucement, presque avec joie de m'arracher à l'atmosphère pesante de la salle à manger, et une fois dans la cuisine je l'observai chercher de quoi faire un dessert. Un peu inutilement, les bras ballants, je restais au milieu de la pièce.
— Des glaces, ça ira ? demanda-t-il.
— O... oui, balbutiai-je.
Il me fit un petit sourire et me montra le placard des assiettes à dessert.
— On va leur laisser un peu de temps.
J'acquiesçai alors qu'il fouillait dans un tiroir bordélique à la recherche d'une cuillère à glace.
— Hyejeong a très mal vécu ces deux derniers jours, m'avoua-t-il.
— Jungkook aussi...
— Je suis sûr que tu as remarqué qu'ils se ressemblaient beaucoup.
— Oui.
Il me fit un petit sourire en me montrant la cuillère à glace et le pot avant de tapoter son ventre rebondi :
— Et dire que j'étais au régime.
Ça m'arracha un petit sourire, malgré moi.
— Ne t'inquiète pas Taehyung, marmonna-t-il. Hyeojeong y arrivera.
Je hochai la tête et il reprit, en trempant la cuillère de glace dans le pot :
— Elle le fera parce qu'elle aime Jungkook. Hier soir elle a dit « si je le rejette, je ne le reverrai peut-être jamais » et je pense qu'il n'y a rien de pire pour une mère qui aime son enfant que d'être séparée de lui.
— Je comprends. Je suis désolé.
Il allait répondre mais son épouse déboula dans la cuisine en criant presque :
— Minhyuk, on avait dit qu'on était au régime !
Il fit une bouille coupable et elle sembla presque désespérée, comme aux bords de la crise de nerfs :
— Mon dîner était infect ! Je n'ai jamais autant raté ce plat qu'aujourd'hui, alors j'ai dit à Jungkook de commander des pizzas ! Vous devez mourir de faim...
De nouveau, son débit de voix était impressionnant et malgré la situation elle semblait toujours autant nerveuse.
Ou alors elle était nerveuse en ma présence ?
Je sentis que je devais dire quelque chose. Je le sentais au fond de moi, en moi, mes mains tremblaient et mes larmes arrivaient. Je m'inclinai à quatre-vingt-dix degrés devant elle.
— Je suis vraiment désolé. Je suis désolé d'aimer votre fils, ne lui en voulez pas, s'il vous plaît. Il n'a rien fait de mal !
Ils ne bougèrent pas et mes larmes dégringolèrent, s'écrasant sur le carrelage. Je restai dans cette position pour leur montrer mon dévouement et mon respect envers eux. Ce n'était pas de leur faute, ce n'était pas de la mienne. C'était la faute au monde, aux mentalités, à la société, à tout ce dans quoi nous vivions. Mais je ne pouvais pas m'empêcher de me sentir coupable.
De sentir le terrible poids de mes choix et de leurs conséquences sur les autres.
— C'est bon hyung, marmonna doucement Jungkook en me relevant. C'est bon.
J'avais beau être devenu plus courageux, j'étais vraiment, encore, beaucoup trop émotif pour mon propre bien. Et parce que je pleurais, Jungkook posa sa main sur ma nuque pour m'inciter à poser mon front contre son épaule.
J'essuyai mes yeux en tentant de me contrôler mais je voyais bien que sa mère avait du mal à nous voir aussi proches, elle se tourna vers son mari :
— Oublions le régime, file-moi cette glace !
Je me décalai doucement. C'était comme si c'était à mon tour de rejeter son contact mais il ne sembla pas m'en porter rigueur, jetant quelques coups d'œil à sa mère qui s'acharnait sur le pot, alors j'enlevai son bras autour de ma taille pour imposer une distance entre nous.
Dix minutes plus tard, les pizzas arrivèrent. Bien que l'ambiance soit légèrement plus détendue, il flottait encore une aura de malaise mais tout le monde sans exception faisait de son mieux pour rendre la situation agréable.
Minhyuk me fit beaucoup parler, et lui et son épouse ne semblaient pas surpris de m'entendre parler de ma volonté de prendre un poste à l'étranger. Je supposais que Jungkook devait souvent parler de moi en venant les voir.
Sa mère ne me regardait pas. Pas une seule fois. Réfléchissait-elle ? Essayait-elle de se rappeler toutes les fois où son fils avait parlé de moi et qu'elle ne s'était doutée de rien ?
Je me sentais désolé pour elle alors que je ne devais pas penser ça. Je supposais qu'elle ne parviendrait peut-être jamais à cesser de penser que son fils serait mieux avec une femme. Est-ce que je devais lui en vouloir de penser ça ?
Je ne savais pas. Je ne savais plus. J'espérais juste qu'elle se rende compte que Jungkook était heureux avec moi, que j'étais heureux avec lui, et que ça pourrait être suffisant à ses yeux.
En les quittant, Jungkook offrit une étreinte un peu particulière à sa mère qui l'accepta et Minhyuk et lui échangèrent une poignée de main virile mais avec une certaine affection. Je me contentai de m'incliner respectueusement même si son beau-père m'assurait de ne pas être si formel.
Hyejeong me fixa enfin, avant de seulement hocher la tête et de tenter un sourire, un peu crispé mais présent. J'y répondis plus sincèrement en retour.
Ce n'était pas grand-chose mais c'était déjà ça.
— Rentrez bien, et mon chéri, si tu veux récupérer des boites il faut que tu repasses le week-end prochain... annonça-t-elle.
Il acquiesça et la porte se referma délicatement. Je soufflai un grand coup. On s'échangea un regard un peu nerveusement.
On refit le trajet jusqu'à la bouche de métro. Je le sentais soulagé, presque guilleret, parce que toute la pression sur ses épaules s'était relâchée. Moi de mon côté, tout était un peu plus confus, en demi-teinte. Mais la discussion avait été bien meilleure que la plupart des scénarios terribles que j'avais imaginés.
— Tu sais... commençai-je.
— Si tu me dis « si tu ne m'avais pas rencontré, rien de tout ça ne te serait arrivé » je te frappe, hyung, même si je t'aime, m'annonça Jungkook soudainement.
Je refermai la bouche avant de dire :
— Je n'allais pas dire ça.
— Ah bon ?
C'était le retour du Jungkook taquin qui m'arracha quand même un nouveau soupir de soulagement.
Il allait mieux. Tant mieux.
— Mais il faut remarquer que... commençai-je.
— Non.
— Que si je...
— Non.
Je m'arrêtai en croisant les bras, un peu irrité :
— Laisse-moi finir !
— Pas question.
— J'ai le droit de dire ça !
— Non.
— Jungkook, m'agaçai-je.
— Hyung, répondit-il sur un ton ironique. Ça ne sert rien de dire ça. Avec des « si » on referait le monde. En parler ne donnera rien, c'est stérile.
— Tu étais à deux doigts de me quitter en allant chez ta mère, et là tu me sers un discours pseudo positif ? déclarai-je avec un ton légèrement sarcastique.
— Je n'allais pas te quitter !
Il soupira un peu mais m'envoya un regard tendre :
— Tu as eu peur ?
Je le fixai dans les yeux en décroisant les bras.
— Bien sûr que j'ai eu peur...
— Moi aussi.
Il prit ma main dans la sienne avant de poser son front sur mon épaule.
— Ça a été les deux plus horribles jours de ma vie, ces derniers temps j'ai l'impression que mon cœur fait des ascenseurs émotionnels...
— On est deux.
Il releva son visage en face du mien.
— J'ai toujours peur mais ça ira. Je ferai en sorte que ça aille, ma mère... Ma mère n'est pas mon père. Je sais que tu me l'as dit mais c'était difficile à entendre. Elle fera des efforts, elle me l'a promis, elle continuera d'être près de moi.
Puis il ajouta :
— Je ferai en sorte qu'elle t'aime aussi, qu'elle t'accepte vraiment, hyung.
— Ne force rien, précisai-je, tu ne peux pas l'obliger à ça. Elle le sait, elle le tolère, c'est mieux que rien.
Je soufflai en fermant les yeux.
— Je ne veux pas me battre pour ça. Je veux juste que tu ne sois pas obligé de faire un choix entre elle et moi...
Il embrassa mon front et je rouvris les yeux.
— Je t'aime hyung. Ne réfléchis pas avec des « si je ne t'avais jamais rencontré ». Je t'ai rencontré et jamais je ne regretterais ça.
J'acquiesçai en me mordant la lèvre sans parvenir à trouver les mots pour lui répondre.
Je zieutai sur les environs, cherchant à savoir si nous étions seuls ou non, et en apercevant les rues vides je posai mes lèvres sur les siennes.
Je me dégageai mais Jungkook m'agrippa, prolongeant le baiser.
Et enfin, je me détendis.
Ses lèvres bougèrent sur les miennes doucement, tendrement, et je répondis à son baiser avec bonheur.
Comme toujours, l'effet que ça avait sur moi était capable de chasser toutes les inquiétudes, tous les dangers. Comme si sa bouche, sa langue gourmande, était chargée de centaines de milliers de promesses.
On se détacha avant de se laisser emporter par la ferveur de nos sentiments et de nos retrouvailles.
On se sourit, riant un peu nerveusement, le front posé l'un contre l'autre.
Les rôles s'inversaient encore, c'est lui qui tentait de me rassurer maintenant.
On marcha jusqu'au métro, nos mains et nos épaules se frôlant alors que le jour déclinait, il n'était pas vraiment tard mais maintenant que la pression était redescendue je sentais que tout comme moi, nous avions tous deux envie de dormir.
D'enfin avoir une bonne nuit de sommeil après tout ça.
On resta silencieux, assis près l'un de l'autre, mais ce n'était pas un silence dérangeant, pas cette fois. Je soufflai alors que le métro s'arrêtait à une station vide :
— J'essaye de m'imaginer, si mes parents étaient en vie, comment ils auraient réagi.
Jungkook se tourna vers moi :
— Tu devrais plutôt te questionner à propos de la réaction de tes grands-parents, non ?
— Oui, confiai-je. C'est difficile d'imaginer ça.
— Ce n'est pas parce que je l'ai dit à ma mère et mon beau-père que je te force à leur dire.
— Je sais, assurai-je en lui souriant, mais ça me fait quand même réfléchir. Je pense que mon grand-père n'aimera pas ça mais il ne dira rien et ma grand-mère sera bienveillante. Je suppose, ils sont bien plus âgés que tes parents, c'est une autre génération. Est-ce qu'ils comprendront ? J'en doute.
Mais alors que Jungkook allait surenchérir, mon téléphone sonna brusquement, nous coupant dans notre conversation. Mes sourcils se froncèrent quand je vis apparaître le nom de Jin hyung. À cette heure-ci ?
Ce n'était pas dans ses habitudes.
Je décrochai :
— Hyung ?
« Taehyung, où es-tu ? »
Pas de « bonsoir », pas de « salut », rien ?
Pourquoi ce ton si directif ?
— Je suis dans le métro, je rentre chez moi, pourquoi ?
Au ton de sa voix, je le sentais un peu sur les nerfs. Ce qui était assez rare.
— Hyung, tout va bien ? m'inquiétai-je.
Ma phrase attira le regard curieux de Jungkook.
« Je pensais que vous étiez à la soirée sur le campus. »
— Quelle soirée ?
Il y avait du bruit derrière lui ce qui me fit froncer les sourcils :
— Hyung, je ne t'entends pas bien, tout va bien ?
« Moi oui. Mais Bambam est complètement défoncé. Je ne sais pas ce qu'il lui a refilé et je pensais que tu étais sur le campus aussi alors je t'appelais pour venir m'aider. »
Je haussai les sourcils :
— Défoncé ? Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ?
« Alors là, c'est une excellente question ! »
Son ton était très sarcastique.
« Figure-toi que j'ai croisé tout le monde, Jimin, Sehun et Yeri, et que cette soirée était même sympa avec tous ces stands sur le campus, le concert et le feu géant jusqu'à ce que ça parte totalement en cacahuètes ! »
— Comment ça ?
— Qu'est-ce qu'il se passe ? s'inquiéta Jungkook.
« Depuis quand Jimin vend de la drogue, au juste ? », siffla la voix de mon aîné de manière agacée, stressée et désespérée comme jamais je ne l'avais entendue.
« Parce que je te jure qu'il a refilé un truc pas net à Bambam qui vomit ses tripes depuis tout à l'heure, je suis à deux doigts de l'envoyer aux urgences. Et Yeri et Sehun sont trop occupés à se disputer comme des sauvages au milieu de la foule pour m'aider. »
Ma mâchoire se décrocha alors que mon cerveau emmagasinait toutes les données.
Jungkook me fixait, inquiet et impatient que je partage ce qu'il se passait.
— On arrive, on te rejoint, assurai-je.
Je savais que cette journée serait longue et pénible, mais je ne pensais pas que ça pouvait être pire.
*******
Quarante-cinq minutes plus tard, en nous voyant arriver, le soulagement sur le visage de Jin hyung fut visible même à quelques mètres. Un peu essoufflés, enfin surtout pour moi, Jungkook et moi avancions vers lui par petites foulées.
Son téléphone à la main, Jin hyung nous rejoignit.
— Vous n'arriviez pas, je me suis inquiété ! s'exclama-t-il.
— Désolé, m'excusai-je en parlant fort pour couvrir le bruit du concert extérieur. La sortie de métro de l'université est fermée, on a dû marcher depuis la suivante pour venir. Où est Bambam ?
— Dans la tente des secours, m'expliqua-t-il en montrant l'emplacement derrière lui, ils l'ont mis en position latérale de sécurité. Ça va mieux mais il m'a fait vraiment peur.
Jin hyung jeta un coup d'œil à Jungkook sans pour autant s'attarder sur lui.
— Tu as réussi à joindre Yeri et Sehun ?
— Pas du tout, avouai-je. Jimin a décroché mais il y avait trop de bruit, je n'ai rien entendu de ce qu'il me disait. C'est quoi cette histoire, depuis quand il vend de la drogue ?
— C'est la question que je te pose, rétorqua notre aîné. Il était avec Yoongi et il s'est arrêté pour nous saluer il y a deux heures de ça, il lui a tendu une pilule dans un petit sac en lui disant que c'était gratuit, qu'il fallait qu'il essaye. Il en avait tout un sac de ce truc ! Au début ça allait mais ensuite Bambam s'est effondré et a commencé à vomir.
Je fermai les yeux douloureusement.
— Je ne suis au courant de rien, je te le jure, hyung ! Je ne savais même pas que vous alliez à une soirée ce soir !
Je regardai autour de moi. Les places principales de l'université et les chemins menant aux différents bâtiments des départements étaient parsemés de stands de nourriture et de boissons alors qu'un gigantesque feu brûlait au centre. Une scène avait été construite plus loin pour des concerts nocturnes en plein air et chaque vibration se ressentait à des mètres de là.
Une fille en uniforme de pompier sortit de la tente et s'approcha de nous en avisant Jin :
— Votre ami est réveillé.
— Merci.
On rentra tous les trois dans l'espace dédié aux secours. Il s'agissait d'une grande tente bâchée.
Des petits lits de camp étaient alignés, certains étaient vides, d'autres avaient des occupants semblant au bord du coma éthylique.
Bambam se tenait sur le quatrième lit en partant de la gauche, un verre d'eau à la main, il était assis, presque recroquevillé sur lui-même, comme frigorifié, sa peau était d'une pâleur maladive, les yeux rouges. Il semblait avoir du mal à rester fixé sur un point, ses pupilles semblant hyperactives.
— Hyung !
Il essaya de nous parler sans y parvenir et Jin hyung s'assit sur son petit lit de camp.
Je secouai la tête, inquiet, avant de me tourner vers Jungkook.
— Yoongi hyung fait vendre sa drogue par Jimin !
Il haussa les sourcils avant de me répondre :
— Je te l'ai dit tout à l'heure, je ne suis au courant de rien, hyung ! Je te le jure !
Je sortis mon téléphone et maltraitai la touche de contact de Park Jimin mais ne réussis qu'à tomber sur la messagerie.
Mais qu'est-ce qu'il se passait ?
J'avais l'impression d'avoir loupé un wagon entier d'informations.
Cette journée avait été longue, pénible, chargée en émotions. Je me sentais encore confus, à la fois un peu soulagé et un peu triste. Tout était en demi-teinte depuis la rencontre avec la mère de Jungkook. De ce fait, je n'arrivais pas à réfléchir clairement sur ce qu'il se passait. Mes amis étaient à une soirée organisée sur le site de l'université pour assister à des concerts en plein air et manger dans des stands de nourriture de tous les pays.
Comment venait-on de basculer dans cette histoire, au juste ?
Je refusais de croire que Jimin puisse vendre de la drogue.
Jin hyung se releva :
— Je le ramène chez moi, je vais avoir besoin d'un coup de main, il ne tiendra pas debout...
— Et Yeri et Sehun ? Où sont-ils ? m'inquiétai-je.
— Je les ai perdus de vue, me confia mon aîné, ils se sont disputés un moment.
— Disputés ? Mais s'ils ont pris le même truc que Bambam ?
— Ils ont bien plus l'habitude, fit remarquer Jungkook. Je ne suis pas sûr que ça fera le même effet sur eux.
— Mais ils se disputaient, insistai-je alors qu'ils ne relevaient pas ce détail. Il s'est passé quelque chose, non ? Ça a un lien avec Jimin ?
Jin hyung soupira :
— Aucune idée, ça c'est leur histoire.
Bambam tentait de sortir du lit mais il faisait peine à voir. Pour éviter qu'il tombe, je m'approchai, poussant un peu son corps qui penchait dangereusement vers le sol.
Il était dans un état que je ne lui avais jamais vu. Il ne s'agissait pas là d'un état d'ébriété avancé, désinhibé, mais d'une sorte d'état de transe le rendant malade, presque au bord du coma. Il n'était plus maître de lui-même, plein de spasmes, de frissons, les yeux presque fous.
— Je vais t'aider, hyung. Jungkook tu peux aller chercher Yeri et Sehun ?
— Je propose de m'occuper de Bambam et que tu les cherches, répondit-il.
J'allais répondre mais Bambam m'agrippa le poignet en pleurant à moitié, semblant avoir du mal à trouver son souffle. Il marmonnait dans sa langue natale, ses soubresauts étaient inquiétants et sans attendre, Jin hyung lui prit un bras pour le passer au-dessus de ses épaules et le soulever. Je fixai Jungkook, le voyant plutôt mécontent avant de soupirer :
— Jin hyung n'habite pas loin, on l'emmène et je te rejoins ensuite. Appelle-moi s'il faut et si tu vois Yoongi hyung ou Jimin...
Il fronça les sourcils et j'ajoutai sombrement :
— Massacre-le.
Il sembla un peu décontenancé par ma réaction avant de sourire, à demi-amusé, puis d'acquiescer en me lançant un dernier regard intense, zieutant Bambam en coin avant de quitter la tente.
— J'ai appelé un taxi, m'informa Jin hyung.
On avança ainsi, tous les trois, maladroitement. Bambam n'était pourtant pas bien grand ni bien épais, mais il pesait son poids. Mettre un pas devant l'autre semblait lui demander un effort abominable. On rejoignit péniblement le véhicule qui nous attendait et en s'installant dans le taxi je remarquai que le compteur tournait déjà.
Jin hyung aussi s'en rendit compte et son visage s'assombrit.
— Excusez-moi, mais pourquoi votre compteur tourne au juste ?
— C'est le tarif.
— Pardon ? grinça mon aîné, depuis quand c'est le tarif ?
— C'est une soirée étudiante, c'est une sécurité pour nous, on en a marre de nettoyer nos fauteuils de gerbe si vous voyez ce que je veux dire... rétorqua le conducteur. Votre ami là, il a l'air bien mal en point.
Soudain, sous mes yeux hébétés et toujours un peu confus, Jin hyung dégaina son téléphone et prit en photo la carte d'immatriculation du chauffeur, son permis et son accréditation qui étaient toujours accrochés, dans chaque taxi, sur le tableau de bord du véhicule. La tête de Bambam tomba de mon épaule et j'enroulai mon bras autour de ses épaules pour le maintenir droit. Sa tête dodelinait dans tous les sens. Il n'avait plus aucune maîtrise de son corps et sa peau était glacée. Jin cingla d'une voix autoritaire qui me fit sursauter :
— Ça ne vous dérange pas que je vous signale à votre compagnie histoire de savoir si ce tarif en vigueur est bien normal ?
Le type ne répondit pas, son visage se rembrunit et Jin hyung cingla :
— Mon père est avocat ! Je prends vos coordonnées et je porte plainte si vous ne remettez pas le compteur comme habituellement ! Ce que vous faites est illégal monsieur, et arnaquer des étudiants encore plus !
J'étais cloué à mon fauteuil, Bambam allongé sur moi, et un silence religieux s'installa dans le véhicule. Jamais, jusqu'alors, Jin hyung ne m'avait paru si impressionnant, voir même si effrayant. Il avait vraiment dû être inquiet pendant tout ce temps où il avait attendu que Jungkook et moi arrivions. Le chauffeur trafiqua son compteur avant de le remettre au bon tarif de nuit et de démarrer la voiture sans un mot. Je me fis tout petit et risquai un coup d'œil en direction de notre aîné, le visage fermé, saisissant de force, qui croisait les bras avant de vérifier l'état du thaïlandais avachi entre nous. Le trajet jusqu'à la maison de ses parents fut très rapide, et heureusement que nous fumes deux pour sortir notre camarade de promotion du taxi. Bambam était à demi-conscient et il avait fallu le soulever. Jin hyung paya et claqua violemment la porte du véhicule en menaçant son propriétaire, ce dernier partit sans demander son reste.
— Me sens pas bien... bafouilla Bambam alors que je me figeais de stupeur en imaginant qu'il allait me vomir dessus.
Mais visiblement, mon collègue de promotion n'avait plus rien dans l'estomac et Jin hyung m'aida à le porter pour le faire entrer dans la demeure.
— Mes parents ne sont pas là ce soir, ma mère a suivi mon père sur un déplacement à Jeju, m'informa-t-il en ouvrant la porte.
Tant mieux, nous n'aurions donc pas à nous inquiéter de faire du bruit car, pour l'instant, être silencieux semblait mal parti.
La maison des parents de Jin hyung était plutôt grande, me prouvant encore une fois que mon aîné vivait dans un milieu aisé sans pour autant être démesurément riche.
Je défis les chaussures de Bambam alors qu'il caressait mes cheveux comme fasciné, presque absent à lui-même, et aidé de Jin hyung, on le fit grimper dans l'escalier.
On le coucha en position demi-assise et alors que mon aîné était parti chercher une bassine, le thaïlandais se mit à geindre des « hyung » d'une petite voix désespérée en tremblant comme une feuille.
Je le fis boire un peu mais il avait du mal à déglutir, comme complètement hors réalité. On le cala du mieux qu'on put dans des coussins pour que ce soit confortable. Il s'endormit la bouche ouverte, continuant de trembler de froid malgré les couvertures.
Je jetai un coup d'œil à Jin hyung avant de chuchoter :
— Je suis désolé, assurai-je. Je ne suis pas plus au courant que toi de ce que Jimin fabrique, j'ignore complètement dans quoi il traîne.
— Je sais.
— Tu es énervé ?
— Oui.
Je me mordis la lèvre et il répondit froidement :
— Si Jimin veut se détruire, grand bien lui fasse, mais qu'il n'entraîne pas les autres dans ses conneries.
Sa phrase me cloua sur place.
Il finit par se lever et je le suivis, quittant la chambre silencieusement, laissant une lampe de chevet allumée et la porte ouverte. Vu l'inquiétude sur le visage de mon aîné, je sus qu'il allait passer la nuit à vérifier la condition physique de Bambam. Pour s'assurer que tout allait bien.
— Désolé, marmonnai-je d'une petite voix.
— Ne t'excuse pas Taehyung, ce n'est pas de ta faute.
Il se massa la nuque, m'invitant à redescendre l'escalier et entrer dans l'immense cuisine high-tech de sa demeure. Il ouvrit le frigo et me proposa une petite bouteille de jus de fruit de grande qualité, plutôt chère.
Tel un rapiat, je m'en emparai.
— Cette soirée est un désastre.
— À qui le dis-tu, soufflai-je.
Il se laissa tomber sur une des chaises hautes alignées devant le plan de travail en marbre sombre.
— Tu te rends compte que si je n'avais pas été là, Bambam se serait étouffé ? Il a perdu connaissance et s'est mis à vomir.
— Tu étais là, hyung, c'est le principal, éludai-je en buvant un peu.
— Yeri et Sehun étaient bien plus occupés à se disputer qu'à m'aider, grinça-t-il. Et penses-tu que les amis de Bambam ou ses anciens colocataires se sont inquiétés ? Absolument pas ! Tout le monde était bien trop occupé à danser, faire la fête, boire, se défoncer, comme si ça leur passait complètement au-dessus.
Il soupira en se massant les paupières :
— Est-ce que je suis devenu trop vieux pour tout ça ?
— Ce n'est pas une histoire de vieillesse, hyung, c'est parce que tu as eu peur.
— C'est vrai, avoua-t-il.
Puis il ricana.
— Je n'ai pas arrêté de réfléchir comme un médecin, c'est pour ça que la fille des secours m'a sorti de la tente. Crois-moi, notre boulot va déformer professionnellement notre manière de voir les choses.
J'acquiesçai sans répondre.
On resta silencieux et j'insistai, sûr de moi :
— Je vais éclaircir ça, hyung. Notamment concernant Jimin.
Il acquiesça avant de me sourire doucement :
— Merci à vous deux, heureusement que vous étiez là.
— Désolé qu'on soit arrivés si tard...
— Non, c'est bon. Je pensais que vous étiez déjà sur place, où étiez-vous au juste ?
— Dans la banlieue, le temps qu'on prenne le métro puis qu'on te rejoigne...
Il acquiesça et partit vérifier l'état de Bambam avant de redescendre l'escalier, pendant ce temps je regardai mon téléphone. Jungkook ne m'avait pas appelé.
Lorsque mon aîné revint, je me mordis la lèvre :
— Tu veux que je reste ? Tu travailles demain, et tôt en plus, tu as besoin de dormir.
— Ça ira, m'assura-t-il. Va retrouver Jungkook, Yeri et Sehun.
— Ils se disputaient vraiment ?
J'avais du mal à les imaginer car je ne les avais jamais vus se crier dessus.
Et je me demandais si tout ça n'était pas lié à Jimin.
Où est-ce que tout ça allait mener ?
— Ils étaient effrayants, d'autant plus énervés, avoua Jin hyung, j'ai cru qu'ils allaient se taper dessus. Je ne sais pas de quoi il était question mais ça avait l'air grave.
— Yeri était fatiguée ce matin quand je l'ai vue. Et puis elle m'a dit qu'elle et Sehun « babysittaient » Jimin à chaque soirée... Tu crois que c'est lié ?
— C'est possible.
Je soupirai bruyamment.
Pourquoi on me gardait encore éloigné de tout ça ? Pourquoi ne pas m'en avoir parlé ?
Yeri et Sehun savaient-ils que Jimin commençait à vendre de la drogue ? C'est pour ça qu'ils le surveillaient ? Pourquoi ne pas me l'avoir dit ? Ou bien, est-ce qu'elle ne m'en avait pas parlé parce que Jungkook et moi avions d'autres choses à régler ?
— Jungkook ne t'a pas appelé ?
— Non, répondis-je. Pas encore.
Mais sans réussir à attendre, j'enfonçai la touche d'appel de mon téléphone pour le joindre. Il décrocha et je n'entendis qu'une cacophonie de bruit avant qu'il ne parvienne à s'éloigner et que sa voix soit discernable :
« Bon, je n'ai trouvé personne. Ni Yoongi hyung, ni Jimin hyung. J'ai cru voir Sehun mais il y a beaucoup trop de monde, on dirait que tout le campus assiste au concert. Pas vu Yeri non plus. Je rentre à la maison. Ça ne sert à rien, hyung. Si Yoongi hyung et Jimin ont tout vendu, ils sont repartis et puis ils ne répondent pas au téléphone. Pour Yeri et Sehun, ils lisent les messages mais ne répondent pas. On verra ça demain. Tu es toujours chez Jin hyung ? »
— Oui, acquiesçai-je.
« Je t'attends dans ton appart'. Tu vas mettre combien de temps pour venir ? »
— Vingt minutes en taxi, je pense.
« Tu veux que je vienne te chercher ? »
— Non, ça ira, ça te fait un détour. Je te rejoins dans mon appart', lâchai-je.
Je raccrochai et croisai le regard de Jin hyung.
— Tu es sûr que je peux rentrer ? Je peux rester t'aider avec Bambam...
— Alors reviens demain, répondit-il, il va avoir une sacrée descente à mon avis et je dois être à six heures à l'hôpital. Je prendrai le relais quand tu devras embaucher à treize heures.
J'acquiesçai.
Mais alors que j'allais embarquer ma bouteille non-finie de ce jus de fruit délicieux, je me figeai.
La situation ne s'y prêtait pas, pas du tout même, mais maintenant que l'angoisse était redescendue, je me rendis compte à quel point cet échange, au calme sans personne pour nous interrompre ou nous entendre, était rare.
— Hyung ?
Il releva la tête.
— Tu ne te demandes pas pourquoi Jungkook et moi étions dans la banlieue de Séoul ce soir ?
— Non, pas vraiment, pourquoi ?
— Je ne sais pas, pour savoir si tu ne trouverais pas ça... curieux.
Il croisa les bras :
— Vous êtes toujours l'un avec l'autre, pourquoi je trouverais ça curieux ?
Je haussai les épaules maladroitement, mais mon aîné eut un léger sourire :
— Tu essayes de me dire quelque chose, Taehyung ?
— Peut-être.
Jin hyung sembla surpris de ma réponse et je me mis à jouer avec ma petite bouteille pour cacher mon embarras.
— Je t'avoue que je ne sais pas comment trouver les mots pour le dire...
Et j'ajoutai, en chuchotant :
— Je ne sais même pas si c'est le bon moment, mais je suppose que j'ai trop suffisamment attendu.
Il se mit à sourire légèrement :
— Essaye pour voir.
Je me mordis la lèvre avant de prendre une grande inspiration.
— Jungkook et moi...
Décidément, cette soirée avait été longue et je n'avais jamais autant dit à voix haute ce que je m'apprêtais à dire. C'était peut-être pour équilibrer toutes les fois où j'aurais dû le dire et que je ne l'avais pas fait ? Sûrement.
— Nous sommes ensemble. En couple, je veux dire.
Il n'eut aucune réaction, il acquiesça seulement en disant :
— Ok.
Je fronçai les sourcils, ne m'attendant pas à ça.
— Tu n'es pas surpris ?
— Tu es étonné ?
— Oui...
Il se mit un peu à rire :
— Taehyung, je te connais depuis la première année de médecine. Quatre mois après la rentrée je me suis retrouvé en groupe de travail avec toi. Tu étais difficilement approchable et encore, je pèse mes mots. Difficilement sociable, aussi. Il m'a fallu un moment pour réussir à ce que tu t'habitues à moi. J'ai découvert que passer du temps à la fac avec toi me plaisait davantage que de traîner avec tous les autres prêts à se retourner contre moi si jamais je devais être bien meilleur qu'eux dans le classement. Tout le monde se bouffait le nez à cause de la compétition, mais pas toi. Toi, tu étais complètement éloigné de ça. C'était apaisant de juste avoir quelqu'un avec qui s'asseoir, discuter de choses banales sans importance sans que tout ne tourne autour de rancunes stupides. Tu as mis un an à t'habituer à moi et une autre année à me paraître légèrement plus sociable. Puis tu as commencé à changer, d'abord doucement puis de plus en plus rapidement. Comment voulais-tu que je ne me rende pas compte de l'origine de ton changement ?
Il rit devant ma réaction complètement abasourdie.
— Et puis vous vous êtes grillés quelques fois, sans vous en rendre compte.
— Ah bon ?
— Quand tu parles de Jungkook et toi, tu dis toujours « on » ou « nous ». Les couples font ça. Yeri et Sehun le font aussi.
Je détournai les yeux, gêné.
— Tu m'en veux de ne t'avoir rien dit ?
— Non, répondit-il franchement. Je sais que tu ne pensais pas à mal en faisant ça. Parfois tu as ta propre logique qui me déroute un peu, mais je l'accepte. Je me suis senti un peu vexé de m'apercevoir que Yeri semblait bien plus au courant que moi mais ça n'a duré qu'une journée.
Il me fit un clin d'œil :
— Donc en plus d'être magnifique, je suis bien plus mature que tu ne le croies.
Je levai les yeux au ciel.
— Hyung, tes chevilles...
— Je plaisante, Taehyung ! gloussa-t-il.
Mais il se calma d'un coup pour reprendre un air sérieux :
— Je pensais que tu serais plus maladroit que ça pour me le dire, si tu devais me le dire un jour, mais tu m'as surpris. Je ne t'ai jamais vu aussi confiant.
— J'aurais, quand même, dû te le dire bien plus tôt, me reprochai-je. Te l'annoncer en même temps que Yeri et Sehun...
— Je ne t'en veux pas. Je sais que tu es bien plus fusionnel avec Yeri qu'avec moi. Toutes les amitiés sont différentes. Je ne t'ai pas dit non plus que j'étais en couple alors on est quittes.
— Tu es en couple ? m'exclamai-je.
Il se mit à rire un peu.
— Oui. Je pense que tu l'apprécieras.
— Tu me la présenteras ?
Il acquiesça et je me mis à sourire :
— Content pour toi, hyung.
— Moi aussi Taehyung, je suis content que vous vous soyez trouvés, Jungkook et toi.
Mais il ajouta un peu plus tristement :
— Mais c'est à Bambam que tu devrais l'annoncer officiellement.
Je me rembrunis, mon soulagement et ma joie retombèrent d'un coup.
— Je le ferai, assurai-je.
— Tu devrais le faire sans attendre. Là, tu as trop traîné.
J'acquiesçai, un peu coupable.
— Bambam ne semble plus être aussi désespérément amoureux de toi qu'avant...
Il me fit un clin d'œil devant mon haussement de sourcil surpris :
— Oui, je suis au courant de sa déclaration, de son béguin, de cette histoire avec Jackson, tout ce qu'il ne m'avait pas dit la dernière que je vous ai pris à part pour comprendre pourquoi il s'était fait tabasser.
— Il t'a raconté tout ça ? m'étonnai-je.
— Il vit chez moi depuis des mois, on s'est beaucoup rapprochés, m'annonça-t-il. Je sais qu'il est un peu immature sur les bords et que vous êtes un peu en froid depuis des mois, mais tu sais aussi qu'il n'a pas un mauvais fond.
Il bougea lentement la tête, comme pour mesurer ses paroles :
— Bambam fonctionne par obsession, Yeri l'avait déjà remarqué mais je ne suis pas sûr que toi tu t'en sois rendu compte. C'est la manière dont il fonctionne la plupart du temps. Quand il aime quelque chose, il devient obnubilé par ça et il a du mal à lâcher prise.
J'acquiesçai, me souvenant vaguement de ce que Jimin avait dit là-dessus.
— Son obsession pour toi est moins forte depuis quelques temps.
— À cause de notre mise à distance ?
— Non, parce qu'il semble avoir une nouvelle obsession et ça fait disparaître celle qu'il a pour toi.
— Une nouvelle obsession ? répétai-je.
— Jackson, souffla-t-il avant de faire un signe de la main comme pour éloigner le sujet. En tout cas, il n'arrivera pas à tourner la page tout seul, tu dois lui dire pour qu'il passe enfin à autre chose.
J'acquiesçai doucement et il reprit :
— Bref, passe du temps avec lui et trouve le bon moment pour lui dire. Ça doit venir de toi, Taehyung.
— Oui, hyung, je le ferai.
Je le quittai en le saluant, assurant que je reviendrais demain matin mais il précisa :
— Lui dire ça pendant sa gueule de bois, mauvaise idée.
— Je n'en avais pas l'intention ! m'écriai-je.
Je le saluai avant d'attendre mon taxi.
Je me rendais compte, au travers de la conversation entre Jungkook et sa mère, à quel point j'étais chanceux d'avoir des amis si ouverts d'esprits.
Jusqu'alors, personnellement, je n'avais jamais été confronté à l'homophobie ou au rejet par quelqu'un. J'avais toujours été entouré de personnes bienveillantes.
Jungkook, de son côté, avait d'autres amis, d'autres collègues, beaucoup plus de gens intolérants, et je comprenais à quel point c'était difficile pour lui, à quel point il se méfiait, il se sentait en insécurité par rapport à tout ça.
Mon esprit dériva vers Jimin alors que le véhicule se garait devant moi et que je donnais l'adresse au chauffeur, vérifiant si le compteur était au bon tarif, mais ce dernier semblait honnête.
Dans l'habitacle, je laissai ma tête reposer contre la vitre. Cette histoire entre Jimin et Yoongi hyung allait mal finir.
Clairement, ça m'inquiétait.
Ça allait trop loin cette fois.
Et Yeri et Sehun, alors ?
Qu'est-ce qui n'allait pas entre eux ?
En arrivant, Jungkook était sous la douche et je me dévêtis avec lenteur et harassement.
Je me glissai sous l'eau chaude derrière lui et il se retourna avant de se rincer les cheveux pleins de shampooing.
— Ça a été ?
— Jin hyung ne voulait pas que je reste mais je ne pense pas qu'il dormira beaucoup. Bambam était dans un sale état. J'irai demain matin prendre le relais quand il devra partir à l'hôpital. À mon avis, il va vraiment être mal demain...
Jungkook acquiesça avant d'inverser nos positions pour que je passe sous l'eau chaude.
— Yoongi hyung m'a renvoyé un message. Il a d'abord écrit « occupe-toi de tes affaires, gamin ». C'est ce qu'il répond habituellement quand il n'a pas envie de faire la conversation. Mais j'ai insisté pour savoir où était Jimin hyung et il a répondu « dans mon lit ».
Je me figeai avant de remettre violemment la bouteille de gel douche sur son emplacement.
— Bon quoi maintenant, ils sont ensemble ? Officiellement ?
— Je ne sais pas, hyung, avoua Jungkook.
— Franchement j'en prendrais bien un pour taper sur l'autre.
Jungkook gloussa en me massant les épaules.
— J'aimerais bien te voir faire ça, tiens...
— Je ne plaisante pas, maugréai-je. Il lui fait vendre sa drogue ! Et après quoi ? Il va se droguer lui-même ? Et ensuite ? Il ira en prison pour lui ?
— Hyung... commença-t-il en retirant ses mains de ma peau.
— Tout ça est tellement malsain !
— Yoongi hyung n'est pas une mauvaise personne, tenta-t-il.
— Mais il traîne dans des mauvais trucs, rétorquai-je, et il entraîne Jimin là-dedans !
— Ce n'est pas le genre de hyung, me coupa-t-il. Il n'entraînerait personne dans ses problèmes, il n'est pas comme ça ! Si Jimin hyung se retrouve là-dedans c'est qu'il le veut bien, c'est lui qui a choisi !
— Évidemment, m'écriai-je, il est amoureux de lui, il ferait n'importe quoi pour lui ! Yoongi se sert de lui !
— Il ne se sert pas de lui !
— Ose me dire que Yoongi hyung ne se sert pas de lui ! m'énervai-je. Il couche avec Jimin alors qu'il ne l'aime pas et qu'il sait très bien ce qu'il éprouve pour lui !
— On n'en sait rien, on ne connaît pas les sentiments de hyung, s'agaça Jungkook qui semblait contrarié que je ne comprenne pas son point de vue.
— Mais c'est toi qui m'as dit que Yoongi hyung et Hoseok se voyaient par moments, non ?
Jungkook se mordit la lèvre :
— Hyung ne parle pas de Hoseok hyung, je ne sais pas ce qu'il y a entre eux.
— Et s'ils se voyaient toujours ? Yoongi hyung est attaché à Hoseok hyung, non ?
— Oui... avoua-t-il. Très. Mais ça ne veut rien dire. On ne sait pas ce qu'il se passe.
— Et s'ils étaient ensemble et que Jimin se retrouvait là-dedans sans le savoir ?
Jungkook serra les dents, sa mâchoire se contractant.
— Je ne sais pas, répéta-t-il durement. On n'en sait rien, hyung ! En tout cas, pas question que tu remettes uniquement la faute sur Yoongi hyung.
Je finis par soupirer en me rinçant avant de dire, plus calmement :
— Je ne sais pas non plus. Il faut que je réfléchisse à ça... Il faut que je parle à Jimin.
— Je n'ai pas envie qu'on se dispute ce soir, marmonna Jungkook en me serrant contre lui, collant son torse à mon dos et embrassant mon épaule.
Mes muscles se détendirent un peu et Jungkook me les massa.
— Tu es vraiment à cran ce soir, me fit-il remarquer.
— Je sais...
— Ça fait beaucoup, avoua-t-il, entre le dîner avec ma mère et cette histoire avec Bambam...
— Oui...
Je me tournai à demi vers lui, caressant sa hanche. Ça me brûlait la gorge alors il fallait que je lui dise, même si je sentais que j'allais pleurer.
L'eau noierait mes larmes après tout.
— Mais ce n'est pas que pour ça...
Il fronça les sourcils.
— Jungkook, tu sais, marmonnai-je, je n'ai pas eu de réponse pour lerecrutement.
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