— Oh mon dieu ! Cria Jin hyung en me voyant. Mais qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?

Je soupirais silencieusement.

Je m'attendais à cette réaction. De toute façon il aurait été impossible de cacher l'état de mon visage et de mon cou.

Quand j'avais vu mon reflet dans le miroir de la salle de bain, une heure plus tôt, j'avais eu du mal à contrôler mon effarement.

J'avais l'air horrible.

Je faisais peine à voir. Mon visage était bouffi, j'avais des bleus et des écorchures partout, les lèvres arrachées et le pire restait mon cou.

J'avais l'impression qu'il avait été repeint en violet et noir.

— Je me suis fait tabasser, avouais-je.

— Quoi ? Glapit-il.

Mais ses yeux s'écarquillèrent encore davantage en voyant Jimin derrière moi accompagné de Yeri et Sehun.

Le match commençait dans vingt minutes et nous cherchions nos places dans les gradins. Le soir était tombé, les projecteurs sur le terrain étaient allumés. Il faisait plutôt frais et humide bien que la météo n'avait pas annoncé de pluie.

— Mais qu'est-ce qu'il vous est arrivé ! S'enquit-il avec inquiétude.

Derrière lui Bambam n'avait pas bougé, les yeux écarquillés par la surprise.

Nous piquions l'intérêt des personnes autour de nous qui s'installaient sur leur siège. Je voyais leurs regards sur mon visage à la fois avec pitié et intérêt.

La curiosité maladive des gens me fit soupirer.

Mon corps tout entier était lourd et douloureux et je me demandais si je n'avais pas de la fièvre aussi.

— Répondez-moi, tous les deux ! Insista-t-il avec autorité.

— Hier soir en sortant du resto pour prendre l'air, se lança Jimin, des types dans une ruelle ont emmerdé Tae, ils lui ont piqué son téléphone et j'ai voulu le défendre, voilà...

Je me mordis la lèvre avant de grimacer en me souvenant que c'était douloureux de faire ça sur des lèvres abîmées. Avec Jimin, avant de rentrer dans le stade, nous nous étions mis d'accord sur ce mensonge.

Je n'aimais pas mentir mais j'étais bien incapable de dire la vérité sur cette histoire à mon aîné.

Je culpabilisais de ça mais ouvrir cette porte signifiait ouvrir toutes les autres et je n'arrivais pas à l'accepter. Pas parce que je n'avais pas confiance en lui, mais parce que je ne voulais qu'il porte, comme tous les autres, le poids de mes problèmes.

— C'est horrible ! S'inquiéta Jin hyung, vous avez porté plainte j'espère !

Ah.

Je savais qu'il dirait ça. Sehun avait prit ce parti aussi mais c'est moi qui avait refusé.

Porter plainte contre Youngjae le ferait se venger. Et je savais exactement ce qu'il ferait pour ça, détruire la carrière de Jungkook.

Dans le fond nous étions piégés dans ses filets. Et c'était une sensation horrible.

— Oppa, intervint Yeri, je les ai soignés, ils n'ont rien de cassé, ils vont bien c'est le principal.

Mais Jin hyung ne semblait pas vouloir lâcher l'affaire.

Bambam, lui, ne semblait pas savoir quoi faire, perdu, il nous fixait avec une mine si triste qu'on aurait dit un chiot.

— T'inquiète pas gamin, lui annonça Jimin en lui ébouriffant les cheveux, on est des solides !

— Hyung, marmonna-t-il en se tournant vers moi, si... si tu veux il me reste de la pommade et du fond de teint, pour quand, enfin, quand j'ai vécu la même chose. Je pourrais te l'apporter demain à l'hôpital, ça permettra de cacher un peu...

— Oui, merci, acquiesçais-je en lui faisant un petit sourire.

— Et moi je peux me brosser ? Bouda Jimin.

Bambam ouvrit la bouche avant de marmonner :

— Tu as déjà du fond de teint, dans ta chambre, hyung.

— Mais pas du tout !

Jin hyung me palpa comme une mère un peu trop maternelle et il fronça les sourcils :

— Je ne sais pas ce qu'ils vont dire demain à l'hôpital mais ça ne risque pas de leur plaire...

— Je verrais, éludais-je.

Je n'arrivais même pas à me projeter à demain.

Je n'arrivais même pas à me projeter après le match.

Je n'arrivais pas à réfléchir.

On finit par s'asseoir et Jin hyung m'assomma de questions auxquelles c'était Yeri qui répondait à ma place, pour la plupart. Je n'arrivais plus à penser clairement ni à me concentrer. Je fixais le stade de l'université qui se remplissait au fur et à mesure.

Là où nous nous trouvions, nous étions plutôt proches du terrain mais je doutais que les joueurs, pouvaient, à cette distance, distinctement voir notre visage.

Je quémandai le téléphone de Jimin et envoyais un message à Jungkook.

D'abord je lui écrivis que j'étais dans la salle.

Ne voyant pas de réponse et m'inquiétant davantage, je finis par lui réécrire tout ce que je lui avais dit deux heures plus tôt avant que nous nous quittions.

Il ne répondit pas.

Je me mis à angoisser et Jimin serra ma main dans la sienne.

— Ça va aller. Le match va commencer il ne doit pas avoir son portable sur lui.

Mais son téléphone vibra soudainement et je me jetais désespérément sur la notification avant de cligner des yeux deux fois.

— C'est... Yoongi hyung.

Jimin se rua sur son appareil. Son visage affichait de la surprise d'ainsi recevoir un message de la part de l'homme qu'il aimait mais ses gestes semblaient traduire aussi son désespoir.

— Hyung me demande comment va Jungkook...

Sur le coup, et parce que la situation était telle qu'elle était, j'eus envie de me mettre en colère contre lui.

C'était si cruel de sa part de s'inquiéter pour Jungkook sur le téléphone de Jimin alors que c'était lui et moi qui avions le plus souffert.

Mon meilleur ami lui répondit pourtant mais son visage s'était fermé.

Mais alors que j'ouvris la bouche pour lui parler, les spots dans les tribunes s'éteignirent et les équipes quittèrent les vestiaires pour prendre place sur leurs sections respectives.

Le stade se réveilla en applaudissant bruyamment. Jin à ma droite se pencha en chuchotant :

— Regarde, il y a des caméras de différentes chaînes de télé locale...

Puis il ajouta en me montrant des individus assis quelques rangs en dessous de nous.

— Les types en costard m'ont tout l'air d'être des recruteurs...

Mon cœur s'emballa et j'agrippais mes genoux à deux mains.

Mes yeux le cherchèrent avec affolement sur le terrain avant de soupirer bruyamment de soulagement en apercevant sa silhouette sortir du vestiaire. Il portait une casquette coiffée sur sa tête et son maillot rayé bleu marine au numéro 58, sur un pantalon blanc.

Je me mis à applaudir avec retard. En face l'équipe de Busan s'échauffait. Une partie du stade devait être composée exclusivement d'élèves de l'université du sud car ils scandaient en chœur un fanchant rien que pour eux. Les maillots de leur équipe étaient rouges.

Le présentateur se fit entendre au micro présentant chacun des membres.

L'arbitre rassembla les capitaines qui se saluèrent. Celui de Busan était un type minuscule aux cheveux blonds, ressemblant à s'y méprendre à un collégien.

J'avais l'impression que toute l'équipe de l'université adverse détonnait dans le paysage. Contrairement aux équipes que Seoul avait déjà affrontées, les joueurs de Busan portaient des couleurs de cheveux dignes d'idoles de kpop et leurs physiques semblaient hétéroclites.

Seoul commença le match en défense.

Les joueurs en bleu investirent le terrain stratégiquement pour couvrir la pelouse et pour aussi protéger les bases.

Jinwhan fut le premier lanceur.

Du côté de Busan le premier batteur fut Youngjae.

Je me crispais et je sentis Jimin bouger, aussi mal à l'aise que moi, sur son siège à ma gauche.

Même s'il portait des pansements sur le visage, son aspect ne lui avait pas valu de punition au point d'être exempter de jouer aujourd'hui.

Mon cœur se serra face à cette injustice. J'aurais préféré qu'il ne soit pas sur le terrain.

Pas contre Jungkook.

Youngjae prit son temps pour arriver à son poste en s'échauffant. Son attitude ne le montrait pas du stressé et encore moins tendu. Il bougeait son corps presque avec amusement, entamant une chorégraphie mignonne enjouée comme pour agacer ses adversaires. Les supporteurs de Busan l'acclamèrent.

Il joua de la batte, mesurant sa force, ignorant superbement Jinhwan à quelques mètres de lui, déjà en position. En réalité tout le monde était concentré, prêt à attaquer, ça se voyait dans leurs attitudes. Le seul qui semblait s'amuser était l'unique joueur de Busan sur le terrain.

Puis l'arbitre fit démarrer le match et le public se tût.

Ce silence quasi religieux m'effraya, tout autant que l'attitude de Youngjae qui passa d'une déconcentration amusée à une allure rigoureuse.

Jinwhan amorça la posture pour lancer la première balle. Son corps se tendit et partit en avant mais Youngjae ne frappa pas la première balle.

Il ne la loupa pas, il ne bougea tout simplement pas.

Le public de Seoul applaudit un peu, pour encourager l'équipe de Seoul, mais certains semblaient déconcertés devant cette attitude adverse. Les fanchants à l'encontre de Busan furent plus bruyant encore.

Pourquoi ne bougeait-il pas ?

Il ne restait plus que deux essais à Youngjae sinon il serait éliminé de cette manche. Jinwhan se tendit et envoya une nouvelle balle.

Son comportement fut identique mais cette fois-ci il posa sa battre contre le sol, prenant appui sur elle, narguant son adversaire.

Nous ne pouvions pas entendre ce qu'ils se disaient mais je me doutais que ça ne devait pas faire plaisir à Jinwhan vu l'expression qu'il prenait.

L'arbitre leur demanda de se reconcentrer et lorsque le lanceur de Busan entama son dernier lancé je compris que Youngjae avait gagné cette partie.

Le troisième tir fut beaucoup moins net, beaucoup moins précis et cette fois ci le batteur de Busan frappa la balle avec force avant de partir au pas de course.

Le projectile fit une trajectoire étrange comme s'il lui avait donné une direction ce qui poussa la défense de Seoul à courir vers la gauche. Le temps que la balle soit attrapée, Youngjae avait déjà atteint deux bases par petites foulées comme s'il faisait son jogging.

Les supporteurs de Busan l'acclamèrent et mon angoisse empira quand ce fut au tour du joueur maigre aux cheveux rouges de venir frapper la balle.

Sur sa deuxième base, Youngjae se dandinait devant Yugyeom qui gardait un œil sur lui.

Jinwhan essayait de reprendre contenance, semblant agacé par le comportement de son adversaire précédent. Pourtant, son nouveau lancé fut bien meilleur que celui d'avant.

Le joueur aux cheveux rouges loupa la frappe et contre toute attente, bien loin du comportement de son coéquipier, frappa le sol avec la batte dans un excès de frustration.

Cela eut lieu deux fois de suite. La deuxième fois, il insulta copieusement Jinwhan. Nous l'entendions vociférer sur le terrain même de là où nous nous tenions dans les tribunes.

Enfin, arriva le troisième lancé mais cette fois le joueur de Busan réussit à toucher la balle.

Et là comme si c'était un éclair, il s'élança.

Ma bouche s'ouvrit et j'entendis Sehun lâcher un juron.

Ce type courait vraiment très vite.

Youngjae marqua un point en validant toutes les bases et en atteignant le marbre alors que son coéquipier s'arrêta à la troisième base.

Le jeu avait commencé depuis à peine dix minutes mais Busan venait déjà de marquer un point pour son équipe.

Je serrais les poings, priant à qui pouvait m'entendre de ne pas les laisser prendre l'avantage.

Malheureusement, durant la première manche et jusqu'à la vingt cinquième minute, Busan gagna de 7 points contre 3.

Mais Séoul ne se laissa pas abattre et mon cœur se serra en apercevant Jungkook passer lanceur pour la deuxième manche.

D'habitude il passait lanceur plus tard et je me demandais de quel type de stratégie il s'agissait ici.

Il en était de même pour Jinwhan, jamais il n'avait commencé un match en premier.

Visiblement l'entraîneur de l'équipe de Seoul avait eu l'air de revoir tous les plans d'attaque dans l'optique d'affronter les Monstres de Busan.

Certes leurs joueurs étaient doués mais je me demandais pourquoi ils avaient cette réputation.

Jungkook bougea la nuque, remettant sa casquette. Dans son gant il tenait la balle qu'il ramena contre sa poitrine en soufflant.

J'avais l'impression d'entendre son cœur battre mais je me rendis compte que c'était le mien.

Il se mit en position alors que de nouveau, le stade retenait son souffle.

J'avais envie de pleurer.

Jungkook lança et mes pupilles s'écarquillèrent. Sa posture était parfaite et sa balle fut difficile. Le joueur de Busan, au crâne rasé sur les côtés et coiffé d'une crête, manqua son coup.

Jungkook se reconcentra, respirant un grand coup en remettant sa casquette et il tira. La balle fut si à ras du terrain qu'elle rendit la frappe impossible.

Enfin marqua le dernier envoi.

Jungkook déplia son corps et la balle termina dans le gant du receveur derrière le marbre. Le Joueur de Busan fut éliminé de cette manche. Seoul marqua un nouveau point.

Le public acclama Jungkook qui pourtant ne se laissa pas déconcentrer. Il remit de nouveau sa casquette et bougea les jambes comme pour s'étirer professionnellement.

Le joueur suivant fut le capitaine de l'équipe de Busan.

Malgré son aspect infantile et les difficultés dues au lancé de Jungkook, il réussit à frapper la troisième balle et parvint jusqu'à la première base.

Malheureusement, le joueur suivant ne parvint pas à frapper la balle et l'équipe de Seoul remporta un deuxième point.

Les équipes inversèrent leurs positions.

Pour l'instant je n'arrivais pas cerner l'équipe des rouges. Bien que Séoul avait des difficultés en défense, jusqu'à maintenant bien cachées grâce aux nombreux entraînements et aux nombreux matchs de sélections, je ne parvenais pas à savoir si Busan était plus fort dans un domaine ou dans un autre.

Aussi hétéroclites qu'étaient les physiques des joueurs, chacun semblait jouer à sa manière sans pour autant avoir un lien entre eux.

C'était déconcertant.

Ça me donnait un sentiment de malaise sans que je ne parvienne à l'expliquer.

Comme si quelque chose n'allait pas.

Cette impression ne disparut pas jusqu'à la cinquième manche.

Jusque-là, les équipes gagnaient tour à tour, Séoul emportant la dernière manche, lui donnant de l'avance.

Il ne restait que quatre manches jusqu'à la fin du match et plus d'une heure et demi s'était déjà écoulée.

Ce fut au tour de Jungkook de passer en batteur et contre toute attente, ce fut le joueur gigantesque taillé comme une armoire à glace, au visage de bonze et au crâne rasé, qui vint en lanceur.

Il n'avait pas le physique de l'emploi.

Jusqu'alors, il n'avait pas fait parler de lui, se contentant d'agir en défense comme n'importe quel joueur. Il ne courait pas plus vite qu'un autre.

Mais j'avais l'impression que c'était tout sauf un hasard que ce soit lui qui soit devant Jungkook.

Le public de Séoul, avec un retard sur les supporters de Busan, entamèrent une série d'applaudissements rythmés dans le but d'encourager les joueurs de la capitale.

Le bonze ne prit pas de position particulière mais Jungkook se tenait prêt.

Le public se tût et je me mis à trembler.

Le lancer vint mais mes yeux ne le virent pas. La balle fut envoyée avec tant de force et de rapidité qu'elle passa sous notre nez et celui de Jungkook sans que personne ne bouge d'un cil.

Les supporters de Busan acclamèrent le joueur et je me tournais vers Jin hyung qui se mordait les ongles, signe de grande nervosité chez lui.

— Ça va aller, chuchota-t-il, il va y arriver.

Pourquoi il y avait tant de doute dans sa phrase ?

Jungkook se remit en position et le lanceur relança la deuxième balle.

Comment était-ce seulement possible d'avoir une force pareille ?

Jungkook loupa sa deuxième frappe. Je le vis lever la tête en direction du ciel et souffler d'un coup. Je sentais toute sa frustration jusqu'ici.

Le joueur de Busan lui, n'avait pourtant aucune émotion particulière sur son visage tanné par le soleil.

Il était impossible de frapper une telle balle. Et si Jusque-là ce joueur n'avait pas été lanceur, c'était pour une bonne raison.

C'était cruel de faire ça si loin dans le match mais clairement personne ne pouvait réussir à marquer un point avec lui au centre du terrain.

C'était ce que toute son équipe semblait dire, vu leurs positions de défenses insouciantes au loin sur la pelouse.

Le troisième lancé arriva et Jungkook ne toucha pas la balle.

Je voyais ses épaules voûtées, sa mâchoire serrée, ses jointures que j'imaginais blanches sur le manche de la batte de baseball.

Il quitta son emplacement donnant sa batte à Daejoon qui passait après lui. Je le fixais, le cœur aux bords des lèvres, les mains jointes et serrées en le voyant s'énerver alors que Yugyeom posait une main sur son épaule.

Sans surprise, Séoul ne parvint pas à marquer un seul point face au bonze jusqu'à ce que les équipes échangent leurs places.

Mais ce n'était que le début du tourment.

Durant cette sixième manche, Séoul ne parvint pas à s'en sortir face au jeu de son adversaire.

Busan montrait enfin son vrai visage.

Ils étaient bel et bien des monstres. Chaque joueur aussi éclectique soit-il, était extrêmement doué. Parfois c'était l'unité d'une équipe qui la rendait forte et puissante comme cela pouvait être le cas de celle de Séoul. Mais pour Busan, c'était la diversité de talents de ses membres qui, associés, les rendaient incroyablement forts.

Et pour la première fois depuis le début du match, j'eus l'impression que Séoul pouvait perdre cette finale.

La septième manche débuta et le public, enhardit par une volonté de fer, acclamaient Seoul.

Ils avaient beau être à égalité, c'était maintenant qu'il fallait réagir et ne pas laisser les monstres rouges prendre de l'avance.

Le capitaine et Seongwu parvinrent à valider deux marbres, faisant gagner deux points à l'équipe de Séoul.

Mais les deux points suivants furent emportés par Busan.

A chaque fois que les joueurs en bleu parvenaient à grappiller quelques points, les monstres rouges les récupéraient sans vraiment de difficulté.

L'équipe de Busan renversa ainsi la tendance, prête à semer l'équipe de la capitale dans son sillage. Ils gagnaient de 7 points à 4.

Puis ce fut à nouveau au tour de Jungkook de venir frapper la balle, son adversaire en face tirait vraiment bien puisqu'il avait éliminé Yugyeom juste avant.

Jungkook était nerveux, je pouvais le sentir Jusque-là. Sa défaite précédente, sans réussir ne serait-ce qu'à effleurer la balle devant le bonze, avait l'air de l'avoir mis en rogne.

Je craignais qu'il ne parvienne pas à se contrôler et qu'il loupe encore des tirs. Néanmoins il reprit son petit rituel, souffler, lever la tête vers le ciel, remette la casquette, bouger ses jambes.

Je serrais mes mains froides l'une contre l'autre, répétant mentalement à Jungkook de se calmer, d'avoir confiance en lui et de garder son sang-froid comme si un lien télépathique pouvait nous unir.

Le lanceur amorça un premier tir que Jungkook loupa mais je me sentis presque soulagé dans mon angoisse de voir que son visage n'avait pris aucune émotion.

Je l'avais vu tant de fois s'entraîner et j'avais assisté au dernier match contre Daegu pour savoir qu'il se préparait.

Il loupa aussi le deuxième lancé mais il modifia sa position en attendant le troisième. Il se penchait un peu plus bas que d'ordinaire et inclinait sa batte de manière différente.

Le troisième lancé arriva et il frappa la balle dans un mouvement fluide et parfait.

— C'est un Home Run, chuchotais-je en me sentant sourire pour la première fois du match.

Le public de Séoul applaudit alors à tout rompre et Jungkook lâcha la batte, le plus lentement possible, et avec une classe que je lui trouvais folle, il fit le tour des bases souriant magnifiquement à tous ses adversaires qu'il croisait.

C'était le premier Home Run du match et c'était lui, qui l'avait tiré.

Mon cœur se gonfla de joie et je refrénais mes larmes et ma nervosité. J'avais été si pessimiste quelques minutes plus tôt mais voilà que je sentais à nouveau la rage de vaincre de Séoul, la rage de vaincre de Jungkook.

7 points à 8.

Le joueur suivant fut le capitaine et Jungkook lui murmura quelque chose à l'oreille avant de le laisser rejoindre son emplacement.

Le capitaine, SungWoon, prit l'exact position de Jungkook quelques secondes plus tôt et réussit à frapper dès le premier lancer. Il ne parvint pas à faire un Home Run mais il atteignit la deuxième base.

Chanyeol prit la suite, prenant la même position. Et lui aussi arriva à la deuxième base alors que le capitaine validait le marbre.

7 points à 9.

Ce fut un festival et le lanceur de Busan eut du mal à cacher son énervement. Jungkook avait trouvé un moyen de contrer ses meilleurs lancés.

Contre toute attente et malgré la pression que la ville du sud leur mettait, Séoul réussit à remporter cette manche.

Mais on arrivait à l'avant dernière manche.

Plus on se rapprochait de la fin, plus ce qui importait était de marquer le plus de points possibles. L'équipe avec un score total plus élevé que l'autre remporterait la finale.

Je posais mes yeux sur le tableau des scores et au total, Busan avait accumulé 35 points et Seoul n'en avait que 29.

La stratégie de l'équipe bleue fut, alors qu'ils repassaient en défense, de bloquer toute tentative des joueurs aux maillots rouges.

Ils y réussirent plus ou moins, réduisant l'écart durant cette huitième manche à seulement trois points entre les deux équipes.

Mais un joueur de Busan, aux cheveux longs accrochés en une basse queue de cheval, marqua un Home Run détruisant les plans de Séoul à la dernière minute puisque l'écart se creusa de quatre points supplémentaires.

Mes yeux ne lâchaient pas des yeux Jungkook pour cette huitième manche, je le voyais sérieusement fatigué et en sueur.

Le lanceur suivant fut Minjoon. Il avait retiré sa casquette qui, à cause des projecteurs, produisait des ombres sur son visage et j'entendis quelques filles du public l'acclamer.

Mais il était, pour une fois, trop concentré pour les entendre.

Le point important dans cette fin de manche, et ce pourquoi tout le monde retenait son souffle, était la présence insupportable du joueur de Busan aux cheveux aussi rouges que son maillot.

S'il frappait la balle, sa rapidité foudroyante pouvait lui faire valider beaucoup de points.

Il fallait donc soit l'empêcher de jouer, soit l'éliminer sur une base. Mais jusqu'alors il avait été inarrêtable.

Minjoon se tenait prêt et avec son premier lancé il fit faire une légère oblique à la balle, un effet de mouvement qui empêcha le joueur en rouge de la frapper.

J'applaudis avec les autres, le cœur tambourinant.

Si Busan validait le marbre avec ce joueur-ci, l'écart à rattraper deviendrait trop important en une seule et dernière manche.

Tout le monde le savait et je sentais la nervosité de mes camarades assis près de mon siège aussi intensément que la mienne.

Séoul devait y arriver, ils devaient éliminer ce joueur-là. Gagner même un ou deux points, c'était leur dernier espoir.

Minjoon relança une nouvelle fois et mes yeux se fermèrent de douleur en entendant le rebond de la balle contre la batte, un tintement d'acier au mauvais présage.

Je me crispais en baissant la tête, envahit par la peur, mais mes paupières se rouvrirent en entendant le nom de Jungkook être crié parmi la foule.

Ma tête se releva alors que j'apercevais le joueur de Busan courir aussi vite qu'il le pouvait en validant la troisième base et Jungkook courir dans sa direction tout aussi vite, tout aussi impressionnant, la main tendue, gant en avant.

Je cherchais la balle des yeux, qui survolait le terrain, lancée avec force et fracas par Chanyeol. J'eus l'impression que tout se passait au ralenti. J'entendis le glapissement de Jimin et le juron de Sehun.

Jungkook accéléra sa cadence, il se projeta en avant. Ma bouche s'ouvrit sous le choc et il rattrapa la balle à l'exact seconde où le joueur de Busan posait un pied sur le marbre.

Ils s'écroulèrent l'un sur l'autre dans un nuage de poussière et je me levais, un cri se bloquant dans ma gorge.

L'arbitre siffla et leva le bras.

Mon cœur loupa un battement.

Jungkook avait réussi.

Le public de Séoul cria en applaudissant alors que je me rasseyais, secoué par différentes émotions, et que Jimin me prenait la main en sautillant à moitié sur son siège.

— Ils vont nous tuer, souffla Jin la main sur le cœur.

Mais ma joie fut de courte durée car le joueur de Busan relevé s'en prit directement à Jungkook couvert de traces de terre, clairement mal au point et son bras semblait saigner.

Les arbitres arrivèrent et j'eus l'impression de passer dans un torrent d'eau froide.

La capitaine se précipita pour les séparer, bientôt aidé de Yugyeom. Jungkook se releva malgré tout, ignorant superbement celui aux cheveux rouges qui vociférait contre lui.

L'arbitre siffla et le joueur de Busan fut exclu du jeu jusqu'à la fin du match.

Cela sembla épouvanter les supporters de Busan qui crièrent son nom mais moi je poussais un soupir de soulagement. Jungkook leva le pouce vers le ciel, sans pour autant regarder qui que ce soit, juste pour prévenir tout le monde qu'il allait bien.

Pour me prévenir moi.

Séoul combla l'écart entre les deux équipes de deux points supplémentaires et c'est sur ce résultat que la dernière manche s'enclencha.

Je ne me sentais pas bien, j'avais l'impression d'avoir la nausée et pourtant je ne pouvais pas détacher mes yeux du match.

J'avais l'impression que si je ne le regardais pas jusqu'à la fin j'allais mourir de frustration.

C'était comme si mon cœur s'était associé à toutes les personnes dans le public, je scandais les noms, applaudissais avec eux et j'avais presque la sensation que nos cœurs battaient à l'unisson.

Alors c'était ça, le sentiment de vivre un match ?

La main de Jimin n'avait pas lâché la mienne et je le sentais dans un désarroi aussi grand que le mien.

Cette dernière manche serait décisive, celui qui prendrait l'avantage gagnerait ce match.

Il commençait à pleuvoir, une légère pluie fine, ce qui fit réagir Jin hyung qui sortit immédiatement une panoplie de parapluies de son sac.

Le sien était rose, comme d'habitude, et il le partagea avec moi. Mais la pluie qui augmentait, n'enlevait rien à la ferveur des spectateurs.

Le terrain commençait à se remplir d'une fine gadoue et les joueurs mirent tous leurs casquettes pour que l'eau ne leur tombe pas dans les yeux.

Leurs tenues étaient sales alors qu'ils s'étaient rassemblés autour de leur entraîneur pour une dernière directive.

Busan était en attaque en premier cette fois et mon cœur loupa une série de battements en apercevant Youngjae prendre place au poste de lanceur.

La main de Jimin serra davantage la mienne et je sentis une incontrôlable envie de pleurer me reprendre ce qui alarma Jin.

Contre toute attente et parce que je m'en doutais plus que je ne l'imaginais, la première personne à venir en tant que batteur fut Jungkook.

Je secouais la tête, au bord de l'apoplexie.

Youngjae arqua un inutile et mesquin sourire et pourtant Jungkook sembla faire son rituel habituel sans le regarder.

Je vis les lèvres de Youngjae bouger et Jungkook se figer, mes mains tremblèrent furieusement.

Pitié, pitié, si quelqu'un m'entendait, ne les laissez pas se parler, protégez Jungkook...

Je me mis à prier de tout mon cœur alors que Jin hyung, toujours sous son parapluie rose, chuchota :

— Taehyung, qu'est-ce qui ne va pas ?

Tout.

Je relevais la tête alors que la pluie s'aggravait encore et aperçut Youngjae se mettre en position alors que Jungkook fit craquer sa nuque de manière menaçante avant de prendre sa batte à deux mains.

S'il le frappait, tout serait perdu.

Mais Jungkook ne bougea pas, attendant la balle, le public redevint silencieux et Youngjae amorça le premier lancé.

Sa balle fut glissante et envoyée beaucoup trop près de l'adversaire pour empêcher celui-ci de frapper convenablement.

Jungkook recula en se décalant, surpris par cette façon de tirer.

Par pitié, s'il vous plaît, faites que Jungkook frappe et marque... Je vous en prie.

Je pleurais à nouveau faisant perdre leur concentration à Yeri et Sehun qui se tournèrent simultanément vers moi mais Jimin reprit ma main, sortant de sous le parapluie que tenait Bambam à sa gauche.

— Regarde-le, Tae, aies confiance en lui, il donne tout ce qu'il a, encourage-le.

Et là, tout d'un coup, Sehun se leva et dans le silence général, beugla d'une voix à réveiller les morts :

— VAS-Y JEON !

Yeri se leva aussi et bien que sa voix portait moins, elle cria :

— Tu peux le faire Jungkook !

Jin se leva aussi et je les fixais les yeux écarquillés avant que le public entier ne reprenne leurs exclamations, bientôt le stade trembla, rugissant d'encouragements.

J'avais dit à Jungkook de faire crier la foule, de faire trembler les tribunes pour lui, et c'était exactement ce qu'il se passait.

Ma voix ne pouvait pas porter autant que la leur, j'avais beaucoup trop mal à la gorge mais je m'accrochais au public, à cette force à l'unisson.

Jungkook refit craquer sa nuque et se mit en place pour le second lancé. Youngjae prit position en prenant son élan et refit une balle glissante et clairement impossible à frapper.

Jungkook la loupa et le public scanda son nom plus fort encore alors que je n'arrivais pas à arrêter mes larmes.

Je le vis souffler, gonfler sa poitrine, faire un pas légèrement en arrière, s'incliner d'une nouvelle manière qui fit sourire Youngjae.

Je pouvais presque imaginer le joueur de Busan se moquer et lui dire que c'était impossible, qu'il n'y arriverait pas.

J'avais mal aux mains à force de les frapper en chœur avec les autres.

Puis le public se tut, retenant son souffle, alors que le troisième et dernier lancé se faisait.

La batte de Jungkook fendit la pluie et il réussit à l'atteindre in extremis, la projetant sur le côté gauche du terrain.

Pas assez loin pour lui garantir une sécurité durant sa course mais pas assez près pour qu'il soit éliminé avant d'atteindre la première base. Il s'élança.

Le temps sembla comme suspendu, j'avais arrêté de respirer, mes yeux suivait sa course. Jamais Jungkook n'avait couru aussi vite.

Le sourire de Youngjae s'était décomposé et son visage s'assombrissait.

Le Golden maknae, lui, emplissait le stade d'exclamations stupéfaites et d'applaudissements, de cris d'espoir, d'encouragements, d'appréhension et de joie.

Le terrain devenait glissant et la balla attrapée par l'adversaire ne semblait pas vouloir aller là où il voulait qu'elle aille. Jungkook continuait de courir, comme un athlète, la posture parfaite, ses jambes s'élançant en avalant les mètres, passant même la troisième base.

C'était risqué, bien trop risqué de ne pas s'arrêter là alors que le receveur allait réceptionner la balle et l'éliminer mais ma voix craqua, me tuant les cordes vocales quand je me mis à crier. Le corps de Jungkook dérapa, glissant à toute vitesse en frappant le marbre à l'exact seconde où le défenseur de Busan réceptionnait la balle. L'arbitre siffla.

C'était sa plus belle course et son plus gros challenge et qu'importait le résultat de ce match personne n'oublierait cette performance, ni lui, ni Séoul ni Busan, ni Youngjae, ni moi.

Personne.

Mes yeux cherchèrent les recruteurs, ceux que m'avait montré Jin hyung, sous leur parapluie transparent qui applaudissait avec le public, hochant la tête silencieusement.

Je relevais mon visage, sentant les gouttes de pluie sur ma peau et je me sentis presque à demi apaisé.

Le destin de Jungkook venait d'être scellé.

L'arbitre siffla encore, levant le bras. Le point allait à Séoul. Son équipe cria de joie avec le public. Cette fois-ci c'était eux qui menaient.

Youngjae au centre du terrain, tremblait de rage alors que Yugyeom se précipitait sur un Jungkook noir de boue de la tête au pied pour le prendre dans ses bras.

Jimi ria, en pleurant.

— Ce gamin j'te jure... marmonna-t-il.

— Un jour, Jungkook sera vraiment un grand joueur de baseball, maronna Jin hyung.

— Il l'est déjà, soufflais-je.

Enhardit par cette avancée, Séoul sembla requinquer et même si la pluie s'était arrêtée, c'est trempés qu'ils firent de leur mieux, ensemble.

Néanmoins Busan ne se laissa pas faire, Youngjae réussissant à éliminer deux autres joueurs grâce à ses balles glissantes envoyées sadiquement. L'écart se resserrait toujours. Séoul tenait jusqu'au bout, épuisée et éreintée car les joueurs de Busan, à présent agacés de se faire mener pour la première fois en six ans, démontrèrent toutes leurs capacités en passant en attaque.

Personne ne courait aussi vite que Jungkook mais certains avaient des techniques bien à eux pour surprendre et agacer leurs adversaires.

Le pire coup, le plus dégueulasse à mes yeux, fut la frappe ridiculement faible d'un joueur, projetant la balle non pas loin comme n'importe quelle autre mais juste devant lui, la faisant atterrir misérablement sur la pelouse séparant le batteur du lanceur.

Cette action déconcentra Changyun qui eut un temps de retard avant de courir lui-même réceptionner la balle tombée. Et c'est par des coups aussi misérables et des mauvaises intentions que Busan rattrapa ses points.

Séoul menait, à quelques points près.

Puis vint le dernier moment, celui où l'équipe qui marquerait le point l'emporterait car la neuvième manche touchait à sa fin.

Le lanceur final fut Jungkook et mon cœur eut un raté quand je compris que la personne qui venait en tant que batteur fut Youngjae. Ce n'était pas lui prévu initialement, ça se vit dans sa manière de se rebeller contre l'entraîneur et pourtant il vola la place de son coéquipier. Par pure vengeance.

Busan avait trois joueurs sur trois bases.

Si Youngjae frappait la balle et courait, Busan pouvait valider jusqu'à trois points, les faisant clairement gagner.

Mais si Youngjae ne parvenait pas à frapper la balle, son élimination entraînerait la fin du match et la victoire de Séoul.

Je vis Jungkook tourner ses poignets en soufflant par la bouche.

De nouveau le silence fut accablant dans le stade.

Jungkook se concentra, ramenant la balle et le gant près de sa poitrine avant de se mettre en position.

J'eus de nouveau du mal à respirer.

Derrière lui tous ses coéquipiers se tenaient prêt à réagir au quart de tour. La tension était étouffante.

Chacun des joueurs de Busan présent sur les bases, se tenait prêt à courir. Les yeux du monde entier ne fixaient que le lanceur.

Jungkook remonta sa jambe dans un geste élégant avant de relâcher son bras faisant presque pivoter le reste de son corps dans un mouvement gracile.

Mon esprit paniqua en voyant la batte de Youngjae partir et le bruit de la frappe fit résonner mon cœur de terreur.

Il l'avait eu.

Le public cria dans une cacophonie de bruits alors que sur le terrain tous les joueurs bougèrent d'un coup. Ceux de Busan partirent au quart de tour, le premier réussit à atteindre le marbre. Tous les maillots bleus n'avaient qu'un seul objectif : la balle. Ce fut Chanyeol, meilleur réceptionniste de toute l'équipe qui parvint à la récupérer et de manière foudroyante cette dernière fut lancée sur Minjoon qui sauta pour l'attraper mais avec retard car la troisième base fut validée. Néanmoins Minjoon la renvoya à Yugyeom qui parvint, lui, à éliminer un joueur.

J'étais essoufflé comme si j'avais moi-même couru pour attraper cette fichu balle.

Ne restaient sur le terrain, en sécurité sur des bases, que Youngjae et son collègue à la crête.

Les points étaient à présent, à égalité.

Un nouveau batteur de Busan vint prendre sa place et je vis la mâchoire de Jungkook se serrer en apercevant le bonze qui l'avait humilié quelques manches plus tôt.

Il n'était pas là pour courir, ça se voyait qu'il avait été choisi pour marquer un Home Run ou au moins frapper la balle suffisamment loin pour que ses camarades passent le marbre.

S'il le faisait, Busan l'emporterait.

Jungkook remit beaucoup de fois sa casquette en place par nervosité et je serrais mes genoux à m'en faire mal.

Il prit position et déplia son corps. Le joueur de Busan loupa le premier lancé.

Plus que deux.

Jungkook bougea les épaules comme pour chasser l'agitation de son corps et se remit en position, légèrement différente de la précédente comme s'il ne voulait surtout pas que son adversaire puisse anticiper la trajectoire qu'il allait faire prendre à la balle.

Le deuxième lancé fut loupé par le bonze.

Plus qu'un.

C'est là où tout se jouait.

Le silence dans le stade fut religieux et la tension à son paroxysme.

Moi je me croyais mourir d'appréhension mais je vis les épaules de Jungkook s'abaisser, se détendre juste avant son troisième lancé.

Pas de tics nerveux cette fois. Il resta là dans la nuit fraiche, trempé de sueur et de pluie mais son attitude démontrait un grand calme.

Comme si peu importe ce qu'il arriverait, il l'accepterait.

Mes yeux s'ouvrirent légèrement et je l'imitais, décoinçant mes épaules tendues pour qu'elles se rabaissent naturellement.

Je soufflais par la bouche, continuant seulement de serrer mes mains ensemble.

Jungkook avait raison, le match était joué. On ne pouvait pas revenir en arrière. Peu importe ce qui se passerait maintenant, il fallait l'accepter avec dignité.

Je ne devais pas m'apitoyer s'il perdait, je ne devais pas pleurer, pas encore.

Que Busan l'emporte ou non, je savais que rien n'arrêterait Youngjae. Ni sa joie de la victoire, ni sa rancœur de la défaite. Ce n'était pas seulement le résultat de ce match qui se jouait, en cet instant, c'était ce qui allait arriver après. A travers son attitude, j'avais l'impression que Jungkook semblait prêt à tout.

Mais moi l'étais-je aussi ?

J'avais senti qu'il avait gagné sa chance de se faire recruter lors de la dernière manche, j'avais senti sa hargne, sa soif de pouvoir mais il avait fait preuve de retenue, de self contrôle alors que moi je n'avais cessé de pleurer depuis plus de trois heures.

Je ne pouvais pas toujours me reposer sur lui, il était bien plus fort que moi mais cette fois c'était à moi de le protéger et non l'inverse.

Je me redressais légèrement sur mon siège.

Que Séoul l'emporte ou non, je devrais affronter Youngjae.

Je devrais planter le couteau dans sa faille, le convaincre d'abandonner son idée et protéger Jungkook, sa carrière et notre histoire.

J'allais le faire pour lui, pour moi. Pour nous et notre futur.

Je ne devais plus avoir peur du passé, il n'était plus seulement question que de moi.

Je me sentis empreint d'un nouveau courage qui me fit prendre une grande inspiration.

— Quoi qu'il arrive, chuchotais-je.

Jungkook se remit en position et son corps pivota, avec ce même mouvement gracieux et il envoya la dernière balle. Son lancé fut rapide, fort et puissant.

J'esquissais un léger sourire, mon cœur et mon souffle ayant enfin ralenti leurs courses.

Le bruit de réception de la balle dans le gant de cuir du receveur sembla résonner dans le stade. L'arbitre siffla et mes paupières se fermèrent.

Mon corps se leva automatiquement avec celui des autres parmi les applaudissements.

Séoul l'emportait et j'avais l'impression qu'une partie de moi était emportée aussi à cet instant-là.

Jimin me sauta dans les bras en criant, me faisait grogner de douleur avant que je ne sente l'étreinte de Jin par-dessus, puis celles de Yeri, Sehun et Bambam.

Je leur hurlais de me lâcher parce qu'ils m'étouffaient mais ils ne faisaient que rire comme des imbéciles heureux.

Mes lèvres me faisaient mal mais je n'arrivais pas à m'arrêter de sourire.

Séoul avait gagné, les joueurs, les entraîneurs envahissaient le terrain pour se prendre dans les bras les uns des autres. Et la pluie pouvait bien se remettre à tomber elle ne faisait qu'effacer la boue sur les visages radieux, offrant au ciel et au public leurs expressions de victoire, leurs sourires lumineux, leurs larmes de joies et leurs rires éclatants.

Mon cœur battait lentement alors que je continuais d'applaudir avec les autres, Yeri et Sehun hurlaient à tout va et Jimin sautillait encore. Une nouvelle page de notre histoire se tournait et cette fois je ne laisserais pas ce bonheur être ravagé par mon passé.

Quoi qu'il arrive.