55-
La journée avait défilé à une vitesse phénoménale.
Au final nous étions complètement et littéralement claqués.
Jimin n'avait pas dormi et moi à peine et nous faisions peine à voir.
Ma grand-mère avait semblé avoir tout compris mais elle n'avait rien dit. Elle avait seulement assuré à mon grand-père, qui nous trouvait un peu « mollassons », que nous étions en repos et que nous n'avions pas la force de l'aider à cause de nos études et de la fatigue accumulée. Au final, mon grand-père avait grogné tout seul dans son coin, comme quoi la nouvelle génération n'était pas très vaillante et il était parti vendre sa volaille et ses légumes au marché, tout seul.
De ce fait, on avait pu somnoler deux petites heures avant le déjeuner.
Ensuite, il avait fallu qu'on marche jusqu'à chez le voisin le plus proche à cinq kilomètres pour que leur fils nous emmène en ville. J'avais donc dû faire la conversation dans la voiture avec l'homme d'un certain âge qui s'extasiait devant mon parcours alors qu'il m'avait connu à la ferme étant tout petit.
Une fois à Daegu, on avait marché jusqu'au terrain de baseball. Là-bas, on avait été surpris par le monde. Alors certes, tous les gradins n'étaient pas pleins, mais beaucoup de personnes étaient quand même présentes pour voir le match.
Jimin souffla une phrase qui rendit mon anxiété plus importante encore :
— Ils deviennent vraiment populaires pour une équipe qui vient de nulle part, on dirait même qu'il y a des journalistes locaux.
Je repensai soudainement à la phrase de Yeri en m'installant sur un des gradins « Rends-toi à l'évidence, même s'ils ne gagnent pas Jungkook sera recruté. » et je me sentis à deux doigts de pleurer.
Décidément cette nuit ne m'avait pas réussi. Je me sentais beaucoup trop à fleur de peau. Je n'imaginais même pas l'état de Jimin.
— Tu vas lui dire quand, à Jungkook, que tu es là ? demanda-t-il en me tendant une canette de coca achetée au marchand ambulant entre les rangées.
— Je ne sais pas... Je pense que ça risque de le déconcentrer si je lui annonce maintenant, mais si je lui dis après...
— S'ils perdent il ne va jamais vouloir te voir.
Oui, là était le point noir de ma « surprise ».
Je connaissais trop bien Jungkook. Vexé, il n'arriverait pas à contrôler ses expressions. Sa hantise était que je puisse le voir échouer.
— Envoie-lui un message maintenant, m'incita Jimin en buvant mon coca.
Je finis par abdiquer, il restait encore une bonne demi-heure avant le début du match, du coup je lui annonçai simplement, par message, que je me trouvais dans les tribunes pour mater ses cuisses.
Enfin, pas que ses cuisses, entendons-nous bien, mais ce message avait pour but de le faire réagir, et j'espérais, le faire sourire.
Sa réponse ne tarda pas :
« Non ?! Tu es vraiment là ? Je ne te crois pas ! »
Je fis un selfie avec Jimin avec les sièges derrière nous en arrière-plan pour lui montrer qu'on se trouvait bien dans le public.
Mon téléphone sonna soudainement dès la réception de la photo et un sourire barra mon visage alors que je décrochais.
« Sans déconner, hyung. Tu es venu ? Tu es là. Vraiment là ? » s'enthousiasma-t-il.
— Oui, il paraît qu'ils ont un joueur carrément canon, dans l'équipe de Séoul, très doué en plus, je suis venu l'admirer.
J'entendis Jungkook glousser.
— Minjoo... je crois qu'il s'appelle comme ça ce joueur, non ?
« Yah ! »
— Ne me crie pas « yah », fis-je mine de m'offusquer.
« T'as intérêt à ne regarder que moi, je suis le SEUL joueur canon et doué de cette équipe ! »
Un jour, son arrogance l'étouffera.
Je levai les yeux au ciel en pouffant un peu.
— J'ai hâte de te voir jouer.
« J'ai hâte de te voir ! »
Je gloussai stupidement devant le regard amusé de Jimin.
— Concentre-toi, fis-je mine d'ordonner.
« Tu dors là cette nuit ? »
— Non, notre train est à 21h, Jimin et moi rentrons jusqu'à Séoul, il a cours demain et je dois être à l'hôpital à 5h du matin.
« Ah... » fit-il, déçu.
— Mais je suppose que tu peux, peut-être, retourner à l'hôtel après le match...
« J'aime quand tu me parles comme ça. Je te préviens, je ne te ferai pas de cadeau, je suis trop en manque de toi. »
Je gloussai encore et Jimin me prit le téléphone :
— Pas de phrase de pervers, monsieur le Golden Maknae, tu es censé jouer et gagner avant de pouvoir avoir ta récompense finale !
« Yah, hyung ne casse pas tout le truc là ! »
— Pas de « yah » sale gosse, je suis ton hyung !
« Un petit hyung. »
Mon meilleur ami ouvrit la bouche avant de dire sombrement :
— Je vais te balancer mon coca à la gueule en plein match, tu vas comprendre ta douleur...
Je repris mon téléphone.
— On se retrouve tout à l'heure.
« Je vais gagner, hyung, ne me lâche pas des yeux. »
Il raccrocha et avec une nouvelle chaleur dans la poitrine, je me mis à trépigner sur mon siège en piochant dans le paquet de popcorns de Jimin.
— Vous êtes vraiment trop mignons...
— Mais pas du tout ! rétorquai-je en rougissant.
— Tu sais que les hôtels ne sont pas très bien isolés... va falloir que vous soyez discrets quand même...
Je me mis à tousser en avalant un popcorn de travers et Jimin me tapota la tête :
— Mon bébé est devenu si grand.
— Yah !
On se chamailla gentiment jusqu'à ce qu'une annonce résonne au micro, annonçant le début du match. Le panneau des scores s'alluma et les deux équipes sortirent de leurs vestiaires respectifs avant de s'installer dans leur zone.
— Oh, l'uniforme de Daegu est violet, fit Jimin, je n'aurais jamais cru que cette couleur serait saillante sur un mec mais quand je vois le numéro 5, je me dis que tout est possible maintenant...
— D'où tu sors ces jumelles ? demandai-je, surpris.
Il leva un sourcil avant de dire d'un air sérieux :
— Pour mater, Tae, faut toujours être équipé.
Non mais...
Alerte pervers.
Alerte pervers.
Je répète : nous signalons un cas de perversion dans les gradins, merci de faire appel aux autorités compétentes.
Je n'avais qu'une chose à lui dire :
— Tu me les prêteras ?
Le match commença et je bloquai instantanément, ce qui fit rire Jimin un moment. Jungkook disait souvent que je buguais, me figeant dans mes mouvements pour regarder quelque chose intensément.
Qu'ils se moquent, ça n'empêchait que voir un match de baseball en vrai, ça avait une autre gueule qu'à la télévision.
Bon.
J'avais bossé le sujet, histoire d'être à jour et surtout pour pouvoir suivre les récits de Jungkook lorsqu'il me racontait ses matchs. J'avais même fait une fiche pour être sûr d'avoir compris les règles.
Donc le but était de marquer plus de points que l'adversaire.
Sans déconner.
C'était la base mais c'était quand même important de le rappeler.
Les équipes fonctionnaient par roulement entre défense et attaque.
En défense, il y avait le lanceur, le receveur ainsi que les joueurs éparpillés sur le terrain pour récupérer les balles frappées par les adversaires.
Les attaquants, eux, devaient frapper la balle et utiliser le temps de récupération de la balle par l'équipe adverse pour courir autour du terrain délimité par les zones blanches. Le joueur qui courait autour du terrain devait analyser le moment où la balle reviendrait dans la main du lanceur pour s'arrêter à des bases. S'il ne se trouvait pas sur une base quand le lanceur avait récupéré la balle, il était éliminé. Le point étant marqué quand un joueur réussissait à faire le tour du terrain au complet. Il pouvait y avoir plusieurs joueurs sur différentes bases mais jamais deux sur la même. Le home run était une balle frappée dans un certain cadre, en dehors du terrain. La balle étant non attrapable, le joueur pouvait faire tranquillement son tour sans problème.
Vous avez suivi ?
L'équipe de Jungkook, elle, commençait en attaque.
Le premier joueur fut Yugyeom qui fit craquer sa nuque après son échauffement. L'arbitre marqua alors le début du match sous les applaudissements du public. Le lanceur adverse se mit en position et lança la balle à une telle vitesse que je ne fus pas sûr de l'avoir bien vue.
C'était quoi cette force ?
Yugyeom loupa le premier lancer, il avait encore le droit à deux autres frappes. S'il loupait encore les deux autres il serait éliminé et le point irait à l'adversaire. Motivé par les cris de son équipe, il refit tourner sa nuque, jouant avec la batte au bout de sa chaussure et se reconcentra.
— Ok, ce n'est pas gagné, en fait... avait chuchoté Jimin, jumelles sur le nez.
Yugyeom réussit à frapper le deuxième lancer et l'équipe adverse s'activa comme un seul homme pour récupérer la balle alors que le joueur de Séoul courait à toute vitesse jusqu'à la première base. Ce fut limite au niveau du temps mais l'arbitre siffla en validant la base et l'équipe de Jungkook acclama Yugyeom.
Le public était clairement pour l'équipe de Daegu vu les injures et autres grognements de mécontentement à l'encontre de l'équipe adverse.
Le match s'enchaîna à une vitesse considérable, quand ce fut le tour de Jungkook, j'étais complètement stressé. Tellement, que Jimin dut poser sa main sur ma cuisse pour que j'arrête de la faire tressauter.
Jungkook réussit à frapper la balle du premier coup et lorsqu'il se mit à courir, je compris pourquoi son entraîneur misait autant sur lui.
Il courait incroyablement vite.
Il réussit à atteindre la deuxième base de justesse. Son dérapage valut quelques applaudissements timides du public de Daegu alors que Jimin et moi nous nous étions mis à crier de joie.
Adieu popcorns renversés sur le sol pendant notre acclamation.
Le match se poursuivit, les équipes inversèrent leurs positions après l'élimination des trois lanceurs, ainsi l'équipe de Jungkook passa en défense. Les deux équipes ne se valaient pas, celle de Séoul étant plus rapide et offensive contrairement à celle de Daegu plus réservée et défensive. L'inversement des positions ne joua pas en faveur des Séoulites malgré les deux excellents lanceurs qu'ils possédaient. Si je me souvenais bien de leurs noms, il s'agissait de Jinhwan et Daejoon.
Pourtant lorsque s'enchaîna la dixième manche et que Jungkook repassa en attaque, son équipe marqua un paquet de points. Le jeu était intense et bien rythmé, malgré quelques erreurs et un arbitrage sévère, Daegu prenait de l'avance mais ne menait pas de beaucoup.
Jimin parlait à voix haute sans s'en rendre compte, le faisant ressembler à un commentateur sportif, ce qui me fit sourire, c'était les rares moments où je desserrais les dents tant j'étais stressé et concentré sur le match.
Mais il avait raison, rien n'était gagné et si les deux équipes en étaient arrivées jusque-là, presque au bout de la compétition, c'était qu'elles le valaient bien.
À un moment j'avais crié en voyant le dérapage sur une base de Jungkook, où il s'était rattrapé par ses coudes. J'avais eu peur qu'il se soit fait mal mais il s'était relevé d'un coup sans peine.
La dernière manche fut intense, les deux équipes étant au coude à coude. J'étais complètement figé, les mains serrées entre elle en suppliant de tout mon cœur que l'équipe de Jungkook gagne ce match. Mais je m'inquiétais comme un fou, car l'équipe de Daegu menait d'un point et celle de Séoul était repassée en défense ce qui n'était pas en leur faveur.
Jungkook fut pour la première fois de la partie lanceur. Il eut alors plusieurs tics nerveux, notamment de remettre sa casquette plusieurs fois de suite avant de se mettre en position.
Je retins mon souffle et ne pus m'empêcher de l'applaudir lorsque le joueur adverse ne réussit pas à attraper sa balle.
Il relança une seconde fois avec une force qui fit dire à Jimin « Putain ! » et il se fit siffler par le public.
Il fallait qu'il réussisse son dernier essai pour éliminer ce joueur, ce serait le deuxième et il n'en resterait plus qu'un avant d'inverser les équipes.
Séoul devait repasser en attaque, sans cela, jamais ils ne parviendraient à gagner.
Malheureusement, le joueur réussit à frapper son lancer et j'aperçus le visage contrarié de Jungkook alors que son équipe s'activait à rattraper la balle rapidement.
La personne, que je reconnus comme étant le capitaine, prouva toute sa dextérité en la récupérant et en la renvoyant précisément à Jungkook qui l'attrapa, faisant éliminer le joueur adverse qui courait encore sans avoir atteint de base.
Séoul gagna un point, marquant un exæquo.
Tout se jouait à présent. Jungkook semblait très nerveux, il ne cessait de mettre et remettre sa casquette. S'il éliminait ce joueur-là, Séoul l'emporterait.
Il se concentra et j'entendais mon cœur battre à toute allure, le public était silencieux, retenant son souffle.
Plus rien ne bougeait ou ne faisait de bruit, seul le ciel s'assombrissait, ses nuages gris apportant une pluie prochaine dont personne ne s'occupait.
Le temps sembla s'arrêter et Jungkook lança.
Le joueur adverse frappa la balle dans un bruit brutal, distinct et pur et tout s'activa. L'équipe de Daegu et son public criaient, alors que Jimin et moi, inconsciemment, nous tenions les mains, le cœur battant la chamade, la peur au ventre.
L'équipe de Séoul s'éparpilla pour réceptionner la balle alors que le joueur adverse venait déjà de passer la première base. Ce fut le dénommé Chanyeol, reconnaissable par sa taille, qui réceptionna la balle et plutôt que de faire des passes à ses camarades, l'envoya avec une force démesurée en direction de Jungkook.
Je suivis la trajectoire du projectile, mes yeux s'écarquillant au fur et à mesure des secondes, Jungkook prit position alors que le joueur adverse dépassait la troisième base. Et il sauta, la réceptionnant de justesse, manquant de la perdre et de sortir de sa zone.
Il y eut un temps de latence qui ne dura qu'une fraction de seconde et qui me parut durer une éternité. L'arbitre siffla, la quatrième base ne fut pas validée.
Le joueur fut disqualifié.
Séoul l'emporta.
Séoul allait en finale.
Les joueurs foncèrent sur le terrain dans des cris de guerrier, le public, sidéré, encore sous le choc, applaudit de manière désordonnée et un peu faible tandis que Jimin et moi nous prenions dans les bras en criant comme des cinglés.
Mes yeux cherchèrent Jungkook et les siens semblèrent analyser tous les sièges du public jusqu'à tomber sur moi.
Il me fit un sourire magnifique et je lui répondis en reniflant, retenant mes larmes.
Notre contact visuel fut coupé par ses camarades qui lui sautèrent sur le dos pour montrer leur joie de la victoire.
Les applaudissements du public de Daegu finirent par être plus respectueux quoique brefs et tous finirent par se lever.
Jimin m'interpella dans ma contemplation béate en disant :
— Viens, on va l'attendre à la sortie des vestiaires.
On remballa nos affaires, essayant tant bien que mal de ramasser les popcorns éparpillés au sol.
Dehors, nous n'étions pas les seuls à attendre les joueurs, je me sentais comme un fan particulier attendant une rock star, c'était assez galvanisant comme image.
Visiblement, les « fans » étaient de sexe féminin et semblaient attendre surtout l'équipe de Daegu, qui devait sortir par une autre porte que celle où nous attendions.
Au bout de vingt minutes, je me demandais si nous étions au bon endroit quand la porte s'ouvrit sur Jungkook.
Un franc sourire lumineux barrait son visage fatigué, ses cheveux trempés de sueur et son uniforme sale. Je sentais toute la joie et l'euphorie qui émanaient de lui et qu'il cherchait pourtant à contrôler.
Rapidement, il me donna une clef en marmonnant :
— Hotel Apsan Business, Chambre 76, tu m'attends. Salut hyung.
— Salut Jungkook, répondit Jimin tout enthousiaste, super match, toutes mes félicitations !
— Merci !
La porte se referma presque aussitôt et je tournai la tête en tous sens, inquiet à l'idée que quelqu'un nous ait vus mais Jimin m'assura que ce n'était pas le cas.
Je serrai la clef magnétique entre mes doigts et regardai mon meilleur ami qui mit les mains dans ses poches de manière cool et nonchalante.
— Vas-y file, je vais aller me manger un truc en t'attendant. Tiens-moi au courant dès que tu quittes l'hôtel.
— Merci Jimin.
— De rien.
Il souriait pour moi mais dans le fond je me sentais un peu mal de le lâcher, surtout en me rappelant notre discussion de la veille.
Il m'accompagna malgré tout jusqu'à l'hôtel avant de me laisser devant.
Nerveux et mal à l'aise de mettre les pieds dans un endroit pareil, je baissai la tête en entrant. Est-ce que je devais aller au comptoir ? Me présenter ? Mais pour leur dire quoi ? Est-ce qu'ils allaient me demander des comptes ?
Hébété, je m'avançai lentement mais personne ne sembla faire attention à ma personne, on me salua simplement avec politesse.
Je finis par souffler une fois dans les couloirs et me demandai s'il était toujours aussi facile de rentrer dans un hôtel de cette manière.
Je trouvai rapidement la chambre 76 et l'ouvris sans difficulté. Les affaires éparpillées dans la petite pièce m'indiquèrent que j'étais bien au bon endroit.
Je posai mon sac et entrepris d'aller prendre une douche rapide. J'avais à peine terminé de me sécher qu'on toqua à la porte.
J'enfilai une serviette supplémentaire sur mes épaules et me servis du judas pour apercevoir qui se trouvait derrière la porte.
Un léger sourire étira mes lèvres et j'ouvris à Jungkook qui s'infiltra par l'ouverture comme un espion en mission.
— Les membres vont fêter ça dans un restaurant de ramens, je leur ai dit que je devais récupérer un truc dans ma chambre avant...
Il pivota à demi en prenant soin de refermer la porte avant que ses yeux ne parcourent mon corps intégralement.
— Excellent timing, là, non ?
Je pouffai.
— Félicitations pour ta vict...
Mais le reste de ma phrase fut noyé dans ses lèvres et je répondis avec gourmandise à son baiser.
En reprenant mon souffle, je tentai de finir :
— C'est génial, tu vas aller en fi...
Mais il ne m'en laissait pas le temps.
— Mais... je... laisse... moi finir, balbutiai-je dans un enchaînement de baisers qui le fit rire.
— Pas le temps, hyung, j'ai beaucoup trop envie de toi.
Il accrocha mon visage soudainement et je dus m'accrocher à ses épaules tant ce baiser m'emporta.
Après l'amour, je me calai en position fœtale sur la droite et il jeta le papier sale avant de se caler contre moi. Du bout des doigts, Jungkook caressa mes cicatrices, les embrassant une à une et sous ces sensations mes paupières se fermèrent.
Mais je devais rester éveillé, derrière mes paupières closes j'eus la vision de mon train et de Jimin que j'avais lâchement abandonné et mes yeux se rouvrirent.
— Tu disais quoi déjà tout à l'heure ? plaisanta Jungkook en chuchotant.
— Je te félicitais pour ton match et ton admission en finale, baragouinai-je d'une voix pâteuse.
Il m'embarqua dans un câlin par derrière en embrassant mon dos.
— Hyung, chuchota-t-il tout près de mon visage, je vais en finale.
Il semblait avoir du mal à le croire et je me mis à sourire.
— Tu as été incroyable aujourd'hui.
— Tu n'as regardé que moi ? s'enquit-il.
— Comment aurais-je pu faire autrement ? Tu étais le plus éblouissant sur le terrain !
Il gloussa en rougissant légèrement.
— On arrive si près du but, chuchota-t-il les yeux émerveillés, tu te rends compte ? On va sûrement affronter Busan la semaine prochaine.
— Si Busan gagne son match contre Jeju, lui fis-je remarquer.
— Ils gagneront, ce sont les champions en titre. Ils ont explosé leurs adversaires jusqu'ici, ils sont connus pour être imbattables...
— Tu as hâte ? supposai-je.
— Tu n'imagines même pas.
Je me mis à sourire avant d'embrasser son cou et de passer ma main dans ses mèches sombres.
— Je suis fier de toi, lui murmurai-je.
— Je t'aime hyung, répondit-il en entourant mes hanches pour me coller davantage à lui.
Je me sentais bien, même si j'étais fatigué, juste heureux. J'avais l'impression de flotter, que rien ne pourrait interrompre ce moment.
Qu'il n'y avait que nous qui existions.
Ce bonheur me transperçait de partout et me donnait presque envie de pleurer de joie.
Mais surtout.
Je ne voulais pas le gâcher.
Je savais que nous devions parler, discuter, communiquer comme le disaient si bien Yeri et Jimin, mais comment pouvait-on parler de ces sujets douloureux alors qu'on vivait ce genre de moment, maintenant ?
Comment pouvais-je gâcher sa joie de la victoire et sa qualification en finale pour parler de nos futurs problèmes ?
Impossible.
Et je voyais dans ses yeux qu'il semblait hésitant, lui aussi.
On aurait pu rester comme ça mille ans à se papouiller sans que rien ne vienne se mettre entre nous.
Mais la réalité nous rattrapa rapidement, méchamment, par son téléphone qui sonna.
Il grogna en fronçant les sourcils, tâchant d'abord de l'ignorer mais quand l'appel suivant retentit, il quitta mes bras pour se lever.
Il décrocha :
— Oui ?... Non, je suis à l'hôtel, je... je me suis assoupi en fait... Oui, j'arrive. Oui, d'accord... donnez-moi cinq minutes...
Je me levai, sentant une douleur en bas du dos et je parvins à attraper mes affaires.
Je sortis mon téléphone de ma poche et constatai que le temps avait filé à toute vitesse et que dans une heure je devais reprendre mon train.
J'envoyai un message à Jimin, lui promettant d'arriver rapidement.
« Je suis au Starbucks près de la gare, je t'attends. », fut sa seule réponse.
On se rhabilla en silence et je sentis mon bonheur filer, exploser en des centaines de petites bulles et la pression du monde, des autres, de la réalité, nous revenir méchamment.
D'un accord silencieux on se dirigea vers la porte, mais avant de l'ouvrir j'attrapai son menton pour poser mes lèvres sur les siennes, il y répondit doucement en marmonnant :
— Je t'aime, hyung.
— Je t'aime aussi.
Nos doigts s'entremêlèrent et ce sourire me réchauffa la poitrine, il me donnait de l'espoir. Nous nous comprenions et c'était le plus important.
On quitta la chambre qui se verrouilla derrière nous mais alors qu'on traversait le couloir, le dénommé Chanyeol sortit d'une chambre à son tour.
Il ne nous avait pas vus, pas encore, mais mes doigts quittèrent ceux de Jungkook précipitamment et je me décalai imperceptiblement avec la sensation d'être passé sous un torrent d'eau froide.
Qu'est-ce qu'il faisait là ?
Il tourna la tête pour claquer sa porte et se figea avant de dire :
— Jungkook, qu'est-ce que tu fais là ?
— Toi, qu'est-ce que tu fais là ? rétorqua l'interpellé.
Le géant montra son portefeuille qu'il tenait à la main avant de soupirer :
— Captain veut que ce soit moi qui paye aujourd'hui, parce que j'y ai échappé pendant toutes les qualifications... Mon portefeuille était à l'hôtel, je suis revenu le chercher. Et toi ? Je pensais que tu étais déjà retourné là-bas...
Quoi dire, quoi faire ?
Les yeux de son camarade se posèrent sur moi, semblant me reconnaître et se montrant aussi surpris de me voir là.
— Hyung est venu spécialement voir notre match, affirma Jungkook d'un air nonchalant que je lui enviais.
— Qu'est-ce qu'il fait à l'hôtel ? Il devrait venir nous rejoindre pour manger un barbecue !
— Je... j'avais besoin d'utiliser la salle de bain, balbutiai-je d'une voix que je détestais, à la fois hésitante et tremblante. Mais je ne peux pas vous rejoindre, je dois aller prendre mon train pour ce soir.
Est-ce que ça paraissait plausible ?
Est-ce qu'il allait se douter d'un truc ?
Mais Chanyeol haussa simplement les épaules :
— Ok, on y va ?
Sur le chemin jusqu'au hall, je me sentais tendu et je voyais la mâchoire de Jungkook se serrer.
— Alors hyung, lança le géant, comme ça tu as vu le match ? On a bien joué, hein ?
Je tentai de paraître naturel :
— C'était génial, à la fin j'ai cru que c'était fichu mais tu as super bien attrapé la balle...
Il me fit un sourire avant de dire :
— Nous voilà en finale, à affronter les démons de Busan.
— Les démons ?
— Ouais, c'est leur surnom depuis des années car ils sont réputés pour être imbattables et effrayants...
Il fit semblant de frissonner :
— Tout le monde saute de joie et se félicite, mais franchement... on va affronter les monstres de la compétition...
Tout s'apparentait à une discussion normale mais Jungkook ne semblait pas réussir à desserrer les dents.
— Pourquoi tu avais besoin des toilettes de Jungkook au juste, tu aurais pu juste aller à la gare ?
Je me figeai, mais alors que j'allais balbutier quelque chose, Jungkook s'agaça :
— Je t'en pose moi, des questions pour savoir pourquoi tu poses ton cul sur telles ou telles chiottes ?
Chanyeol leva les yeux au ciel :
— T'es chiant, pourquoi tu te braques dès que je pose des questions ?
— On sait tous à quel point les toilettes de la gare sont sales et puis hyung a fait le trajet jusque-là pour voir le match, je pouvais bien lui offrir des toilettes décentes, non ? Je ne me braque pas mais on sait tous ce que ta curiosité peut faire, contrecarra Jungkook. Taehyung hyung est ton aîné, tu devrais le respecter et lui foutre la paix.
Ça sembla clore le débat même si Jungkook s'était assombri et que Chanyeol semblait clairement contrarié de s'être fait couper le sifflet. Devant la devanture de l'hôtel, Jungkook me salua nonchalamment comme si nous n'étions que des simples connaissances et je répondis en essayant de faire pareil. Je faisais un mauvais acteur n'empêche.
Je finis par souffler d'un air angoissé avant de me précipiter des centaines de mètres plus loin jusqu'au café où m'attendait Jimin. Je retrouvai mon meilleur ami là où il m'avait indiqué et il releva la tête en me voyant arriver avant de sourire de façon moqueuse :
— Tu ne boiterais pas un peu ?
Mais en me voyant m'effondrer sur la chaise en face de lui, il s'inquiéta :
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Je crois que Chanyeol nous a grillés...
— Hein ?
Il reposa son téléphone et se pencha par-dessus la table :
— Comment ça ?
Je lui racontai alors la rencontre dans les couloirs et mon meilleur ami demanda :
— Sa chambre et celle de Jungkook sont éloignées ?
— Oui, à trois ou quatre chambres d'écart, tu crois qu'il nous a entendus ?
— Faut avoir de bonnes oreilles à cette distance-là... À moins qu'il ne soit passé devant la porte pendant que vous le faisiez.
Je me sentis défaillir mais Jimin reprit :
— S'il n'a pas eu plus de réaction que ça, j'en doute. Tu crois vraiment qu'il vous aurait accueillis normalement après vous avoir entendus coucher ensemble ? Il pense que Jungkook est hétéro alors je ne pense pas qu'il aurait pu aussi bien jouer la comédie s'il vous avait surpris.
— Tu... tu crois ?
J'avais terriblement besoin d'être rassuré.
— Franchement, aux yeux de tous vous avez l'air de bons amis, insista Jimin. L'excuse des toilettes pour passer à l'hôtel est tout à fait possible.
— Je te jure, ce type est vraiment curieux à un point inimaginable...
— Détends-toi, m'assura Jimin, et mange un peu, on prend notre train dans vingt minutes.
Je passai commande d'un sandwich avant que nous nous dirigions vers la gare.
En nous installant dans notre wagon, je me tournai vers mon meilleur ami :
— Tu es resté au café tout ce temps ?
— Ouais...
— Et Yoongi hyung ?
Je le vis changer légèrement d'expression avant de souffler :
— Je n'ai pas réussi à le joindre et il ne m'a pas appelé... De toute façon il n'était pas au match, j'ai regardé tout le monde dans les gradins, il n'était pas là.
Il me fit un rictus désabusé :
— Tout ça pour ça, hein ?
— Qu'est-ce que tu vas faire ?
Il ne répondit pas tout de suite, cherchant ses écouteurs au fond de son sac.
Puis alors que le train démarrait, glissant doucement sur les rails, il lâcha :
— Je ne sais pas encore...
J'aurais voulu poursuivre cette conversation mais mon téléphone sonna et je le tirai de ma poche pour apercevoir un message de Jungkook : « Chanyeol a posé beaucoup de questions sur toi, mais il ne sait rien. Il ne se doute de rien, ne t'inquiète pas, je gère complètement la situation. Par contre ça m'agace qu'il s'intéresse autant à toi. Ce type commence à me taper sur le système. »
— Tant mieux, souffla Jimin alors que je lui montrais mon téléphone. Je te l'ai dit, ce type n'a rien entendu.
Une nouvelle vibration m'informa d'un autre message.
« Je suis vraiment heureux que tu sois venu hyung, c'était une surprise d'enfer ! Tu me manques déjà. »
Je me mis à sourire en lui répondant. Sa réponse ne tarda pas :
« Je suis désolé si tu es complètement cassé en deux à cause de moi... »
Oui, pour le coup on peut dire que j'étais cassé en deux.
Puis il m'envoya un autre message quelques secondes plus tard :
« Je n'ai pas réussi à me contrôler, je ne sais pas trop ce qui m'a pris... »
Je trouvais ce message étrange et je me mis à le rassurer en écrivant rapidement. Je ne comprenais pas sa soudaine inquiétude, j'étais claqué mais ça avait été vraiment intense et génial.
« C'est moi qui commence à avoir peur que tu me quittes... »
Mon cœur loupa des battements et l'angoisse monta, prenant son origine dans mon ventre qui se contracta douloureusement.
Une nouvelle notification me fit me précipiter sur l'application, mon souffle s'était tari par l'inquiétude.
Notre conversation prenait un drôle de tournant.
« Je sais qu'on doit parler mais j'ai toujours peur de casser le moment... »
Je lui assurai, en retour, que c'était aussi mon cas.
« Je ne t'en voudrais jamais de déposer ta candidature pour cette offre d'internat à l'étranger, hyung. Jamais. Je veux te soutenir tout autant que tu me soutiens dans ce que je fais. »
Mais ? Où était le mais ?
Je ne répondis pas, mes doigts tremblaient légèrement sur le clavier de mon smartphone et Jimin qui pliait un pull pour en faire un oreiller dans le but de somnoler confortablement fronça les sourcils.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
La sonnerie me fit me précipiter sur l'ouverture du message :
« Je suis désolé de te dire ça comme ça maintenant mais... quand ma compétition sera terminée, peu importe le résultat, il faudra qu'on parle. Je souhaite qu'on prenne une décision très rapidement, je n'en peux plus de cet entre-deux. Je veux qu'on soit sûrs de ce qui va se passer, de ce qui va arriver pour nous deux. Qu'on soit bien conscients de toutes les options et les alternatives qu'on aura... »
Il avait raison, ce moment de latence nous tuait à petit feu. Je sentais qu'on doutait de nous, de tout. Jungkook m'avait paru si fort il y a une semaine et demie, mais là il me montrait enfin ce qu'il ressentait. On devait être ensemble sur ce coup-là, pas seulement moi mais nous, ensemble. Je ne pouvais pas me reposer sur lui, comme à chaque fois, il fallait que ça vienne de moi aussi. Alors je lui répondis à l'affirmative.
Au bout d'une heure de trajet, alors que Jimin se réveillait de sa sieste, les yeux gonflés, je me tournai vers lui.
Il me fixa, surpris et un peu déconcerté par mon expression.
— Je crois que je vais le faire. Je vais postuler pour le stage à l'étranger.
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