49-
Le mois de janvier passa tellement rapidement que j'eus à peine le temps de me rendre compte que nous étions déjà en février.
Les quelques congés de fin d'année pour le nouvel an m'avaient donné un peu de temps pour souffler. Le matin de la nouvelle année, on s'était rendus au temple avec Jungkook. Jimin nous y avait rejoints.
Puis Yeri et Sehun s'étaient ajoutés à notre trio.
Puis Jin hyung avait finalement débarqué.
L'ambiance avait été étrange toute la journée. Étrange mais réconfortante comme si ce premier jour de l'année sonnait comme l'arrivée de nouvelles résolutions, et donc une nouvelle entente entre nous.
Malgré tout, Jimin n'avait cessé de faire des sourires sarcastiques à Jungkook, en glissant des remarques l'air de rien toute la journée.
De quoi nous mettre bien mal à l'aise.
Ensuite Yeri m'avait disputé une fois sortis du temple, parce que je ne lui avais pas dit que mon anniversaire était le trente décembre et Sehun, n'étant pas au courant non plus, l'avait mal pris, et il s'était remis à bouder, nous abandonnant avant la fin de l'après-midi.
Les joies et les galères des rendez-vous entre amis.
La relation entre Jin et Jungkook n'était toujours pas au beau fixe mais ces derniers faisaient des efforts. De plus, Jimin trouvait sûrement cela incroyablement drôle d'embêter mon voisin d'en face en glissant des remarques à double sens sous le regard d'incompréhension de notre ainé.
Quelle bande de gamins.
Une fois que Jin hyung nous avait quittés, Jungkook ne s'était pas gêné pour faire comprendre à Jimin le fond de sa pensée.
Résultat des courses, tel un inspecteur, mon meilleur ami avait sorti un carnet contenant les « cinquante règles à entretenir pour rendre Kim Taehyung heureux » pour s'assurer que mon compagnon rentrait dans ses critères.
Sentez derrière ces lignes mon regard blasé.
Ça avait été n'importe quoi cette journée.
Mon stage aux Urgences s'était poursuivi mais à présent il tirait sur la fin.
Les vacances scolaires d'hiver étaient là et à la rentrée de Mars je réintégrerai les bancs de la faculté pour quelques cours théoriques et rédaction du mémoire de mi-parcours.
Ainsi donc, j'étais là, assis à la table du réfectoire de l'hôpital universitaire, mon plateau de repas vide devant moi et le papier de renouvellement de mes vœux de stage pour cette année dans les mains.
Assis face à moi, le Dr Lee, blouse blanche sur tatouages, les cheveux reteints en turquoise, me regardait en sirotant sa briquette de jus de pomme en mordillant la paille.
Allez savoir pourquoi, mais Jimin avait été incroyablement intéressé par mon ancien tuteur temporaire à partir du moment où j'avais évoqué ses tatouages et ses goûts musicaux.
En fait, il y a quelques jours, alors qu'on s'apprêtait à commander chinois pour la soirée, j'avais dû le décrire physiquement à mon meilleur ami et son intérêt pour lui avait beaucoup augmenté. Il m'avait demandé sa taille, la grosseur de ses avant-bras, le nombre de tatouages, s'il avait des piercings et tout un tas d'autres choses gênantes comme son orientation sexuelle.
Devant mes yeux choqués face à ces questions sans culot, Jungkook avait ricané en se moquant de son aîné.
Sauf que lorsque j'avais effectivement décrit le Dr Lee comme il était, notamment qu'il se trouvait dans la trentaine, il était devenu horriblement jaloux.
Sentez derrière ces lignes, mon regard dépité.
En tout cas, j'avais eu quelques fois l'occasion d'aller apporter du café jusqu'au troisième sous-sol comme je l'avais promis au grand bonheur du Dr Lee alors qu'il était en train de faire subir, à son nouveau stagiaire, l'horrible contrainte du sceau et de la chaise à un mètre d'un corps.
Et ça lui arrivait aussi parfois de manger au réfectoire en même temps que les personnes de mon équipe et moi-même. D'où le fait qu'il était là, devant moi.
— Ça ne sert à rien de te triturer le cerveau quatre mille ans. Si tu veux changer de département, tu changes de département, soupira-t-il, excédé par mon observation minutieuse de toutes les consignes de mon document.
— Je vous remercie du conseil, le toisai-je en essayant de ne pas lui manquer de respect malgré mon agacement, mais j'ai encore quelques jours pour me décider.
— Pourquoi prendre autant de temps, tu voulais être pédiatre, non ?
Son sourire carnassier me fit lâcher un soupir.
— Ne me dis pas que ce stage imposé par l'horrible Mr Do a fait chambouler toutes tes décisions ?
Ok, donc clairement il me courait sur le haricot.
Ce type n'était pas net.
Je ne savais pas s'il était clairement sadique ou sacrément dérangé mais je n'aimais pas du tout quand il lisait dans ma tête comme si j'étais un livre ouvert.
— Bon après-midi, Dr Lee.
— Toi aussi. Pense à me redescendre d'autres briquettes de jus de pomme !
Je soupirai en retournant en salle de soins.
En plus, Yeri n'était pas là aujourd'hui, son médecin référent lui avait demandé de faire les nuits alors que j'avais été attribué au service de jour.
Chose qui, ô miracle, m'allait beaucoup mieux.
Bon.
Le problème étant le renouvellement de mes vœux.
Jusque-là, je voulais être pédiatre.
Jusque-là.
Sauf que maintenant, je ne savais plus du tout.
Clairement, vouloir être pédiatre était un choix grandement influencé par mon traumatisme de l'accident de voiture mais aujourd'hui, ce choc était calmé, apaisé.
Il ne sera jamais guéri mais il était beaucoup moins douloureux.
Je pouvais vivre avec ça, à présent.
Du coup, j'étais paumé.
Bien sûr, j'avais toujours envie de travailler auprès des enfants, je savais que j'aspirais à cela. Mais en même temps, une nouvelle curiosité me poussait à aller voir ce qu'il se passait dans les autres secteurs.
Je me grattai la tête d'énervement.
Et dire que Mr Do avait eu raison, c'en était insupportable.
*******
En rentrant ce soir-là, beaucoup trop tard, j'espérais vivement que Jungkook ne m'avait pas attendu pour manger.
Le pauvre sinon, il devait mourir de faim.
En soupirant, exténué par ces heures supplémentaires qui n'en finissaient plus, je finis par rentrer dans mon appartement.
Personne.
Surpris et un tantinet déçu, je l'avouais, je tirai les rideaux et ouvris la fenêtre pour regarder ce qu'il se passait en face. En apercevant de la lumière chez moi, Jungkook tourna sa tête dans ma direction alors qu'il était assis dans son canapé, les pieds posés sur sa table basse.
En grognant, je cherchai mon téléphone et il décrocha en deux secondes :
« Salut hyung, bon retour. Ça va ? »
— Oui ça va, mais Jungkook on avait convenu que ce soir on dormirait chez moi...
« T'es sûr ? Je croyais qu'on avait convenu chez moi... »
— Non, on en a parlé ce matin !
« Il était cinq heures et demie du matin, tu sais, je n'étais pas réveillé... », ronchonna-t-il.
— Tu as mangé ?
« Oui, je n'ai pas réussi à t'attendre, désolé. Je te fais réchauffer ce qui a refroidi si tu veux ? »
— Non, ramène tout là, je dois prendre ma douche...
« Hyung, c'est plus simple que ce soit toi qui viennes. »
— Jungkook, arguai-je. On avait convenu chez moi.
« Non. »
— Si.
« Non, je t'assure. »
— Si, j'insiste.
Il fit la moue avant de geindre :
« Mais hyung, il fait super froid ! »
— Excuse non-recevable, il ne fait pas si froid !
« Ils ont annoncé - 4° à la télé. »
— Et alors ? C'est toujours mieux que le -10° de la semaine dernière...
« Tu portes encore ton manteau, je le vois de là, allez viens chez moi, ce sera plus simple. »
— Non. On est tout le temps chez toi en ce moment, mon appart' me manque.
« On a exactement le même appart ! »
— Le tien est en bordel !
« T'es vexé parce que hier soir j'ai dit que je ne voulais pas le ranger ? »
— Non...
Je l'entendis glousser ce qui augmenta mon irritation et il se leva avec un grand sourire.
D'abord il fit des gestes, puis des roulements d'épaules étranges.
— Je peux savoir ce que tu fais ? cinglai-je.
« Je trouve des arguments. »
— En te trémoussant comme un dindon devant la fenêtre ?
Mais il enleva son hoodie puis son tee-shirt et commença à danser.
Mes yeux s'écarquillèrent alors qu'il jouait avec la ceinture de son pantalon.
« Aujourd'hui, hyung, j'ai fait beaucoup de muscu... tu le vois de là, non ? »
— Tu vas arrêter ça tout de suite !
Il passa une main sur ses abdos avant de déboutonner le premier bouton de son jean, mes doigts se crispèrent sur mon téléphone.
— Si tu penses que ce genre « d'arguments » fonctionne, tu te mets le doigt dans l'œil...
Mais le pantalon commençait à bien trop descendre.
— Je vais raccrocher, je te préviens.
Mais pourquoi on en était arrivés là, déjà ?
Pourquoi il jouait avec sa langue, là ?
C'était tout bonnement inacceptable !
Ça y est, il était en caleçon et je fermai les yeux en soupirant.
« J'ai beaucoup musclé mes cuisses en fait, aujourd'hui. »
Oh non.
Ne pas craquer, ne pas craquer, ne pas craquer, ne pas...
Non, je n'étais pas un homme facile.
Et encore moins émoustillé par cet abruti.
Surtout par ses cuisses...
— Je raccroche. Je prends ma douche et je t'attends.
Deux minutes plus tard, j'étais devant la porte de son appartement.
J'étais vraiment, vraiment un être faible.
Le battant s'ouvrit, me frappant de chaleur, et mes yeux s'écarquillèrent en le voyant de près.
Il avait vraiment fait de la muscu en plus aujourd'hui, cet abruti.
Je pivotai la tête en tous sens, observant le pallier avant de rentrer et refermer la porte.
— Non mais t'es malade, quelqu'un pourrait te voir !
— Oui, toi...
— Non, les voisins ! arguai-je. Je trouve déjà suspect que la voisine de l'appartement de gauche passe te demander si tu as des œufs tous les...
Mais la fin de ma phrase se noya dans ses lèvres et mon dos rencontra la porte. Je le repoussai pour garder un semblant de dignité et d'honneur :
— Pas question. Je suis vexé ! On avait dit chez moi !
— On n'a plus de lubrifiant chez toi... soupira-t-il.
— Ce n'est pas un argument recevable, ça !
Ne pas regarder ses cuisses, ne pas regarder ses cuisses, ne pas regarder ses...
— Est-ce que tu mates mes cuisses ?
— Mais pas du tout !
Il gloussa, passant une langue tentatrice sur ses lèvres.
— Tu sais que plus tu es mignon, plus je veux te sauter dessus...
— Pas ce soir, l'arrêtai-je en tentant d'y mettre de l'autorité. J'ai faim, je suis fatigué et...
Pourquoi sa bouche était encore sur la mienne, au juste ?
Oh.
Et puis.
Zut.
*******
Essoufflé par ma course, je dérapai maladroitement devant l'entrée du bâtiment. J'aperçus la touffe de cheveux de Jimin de l'autre côté de la vitrine et m'empressai de tirer sur la lourde porte de verre avant de m'engouffrer dans la chaleur et les odeurs de café.
Un peu penaud et clairement rouge comme une tomate, je m'avançai jusqu'à lui alors qu'il poirautait à sa table :
— Je suis désolé j'ai... pas vu... l'heure, bafouillai-je la gorge en feu.
Inspirer.
Expirer.
Inspirer.
Expirer.
J'en crachais mes poumons là quand même.
— Venir en retard parce que tu t'envoies en l'air n'est pas une excuse ! me toisa Jimin, mécontent, les bras fermés sur sa poitrine.
Des têtes pivotèrent vers nous et je me mis à rougir de gêne.
Déjà que je devais ressembler à un fruit bien mûr...
— Mais n'importe quoi, chuchotai-je. J'étais à la bibliothèque, je n'ai pas vu l'heure et...
— T'as pris ton pied au moins ?
Rougissement.
Gêne.
Embarras.
— Je vais rentrer chez moi, rétorquai-je en faisant volte-face.
— Oh je te charrie, s'amusa Jimin en me retenant, quand je vous imagine tous les deux vous envoyer en l'air, vous êtes super sexy dans ma tête.
— Non mais ça va pas ! Qui te...
— Qui s'envoie en l'air ? fit la voix de Yeri qui arrivait pour nous rejoindre en portant les cafés et autres chocolats.
— Jungkook et Tae.
— Ah, fit-elle en haussant les épaules. Ce n'est pas une nouveauté, ça arrive très souvent...
— Oh, tu le repères à sa manière de marcher ? ironisa mon meilleur ami.
— Non, à sa mine béate et à son sourire d'idiot heureux.
— Yah ! m'écriai-je.
Ils se mirent tous les deux à rire.
— Tu as fait une nouvelle couleur ? poursuivit Jimin en m'ignorant complètement.
— Oui ! s'écria Yeri en secouant la tête. J'ai choisi la couleur mandarine ! Ça me va bien, hein ?
— À merveille.
— Et toi, tu devrais te remettre au rouge, tu serais...
— Dites... commençai-je.
— Je ne te parle pas, tu refuses de changer ta couleur de cheveux... bouda Jimin.
Non mais qu'est-ce que j'avais fait au monde pour mériter un meilleur ami comme ça ?
Attendez, asseyez-vous, je vous explique.
Le mois de février étant déjà bien entamé, et la fin du stage approchant, le service des ressources humaines de l'hôpital avait décidé de nous rendre toutes les heures supplémentaires que nous avions dû faire. En fait, légalement notre stage devait comprendre un nombre d'heures maximum, sans quoi, excédé ce taux horaire nous devions être rémunérés. Mais la direction de l'hôpital ne voulant clairement pas rémunérer tous les stagiaires qu'ils possédaient, avait décidé de redonner les heures supplémentaires, en congés.
En réalité c'était comme si mon stage était déjà terminé, il ne me restait qu'une demi-journée à faire pour mon bilan de fin de stage avec le Dr Anh.
Du coup, l'apparition de jours de congés inopinés ravissait plusieurs personnes à la fois.
Déjà Jungkook, évidemment. Nous pouvions passer le plus de temps possible ensemble a contrario de mes jours de stage où on se croisait à peine une demi-heure dans une journée. J'allais le voir s'entrainer aussi puisque l'ouverture de la saison de baseball approchait à grands pas. Jungkook allait bientôt rentrer dans une grande compétition et il était extrêmement impatient.
Jimin, ensuite. Mais pas Jimin tout seul, non, ça aurait été trop beau.
Je ne serais pas dans une telle galère si ça n'avait été que lui...
Figurez-vous, qu'après le nouvel an, mon traitre de meilleur ami avait non seulement décidé de nous embêter Jungkook et moi, puissance dix mille, mais surtout il avait trouvé une alliée.
Oui, Yeri.
Ces deux-là, qui s'étaient pourtant déjà croisés à quelques soirées sans établir plus que cela le contact, s'étaient trouvés des intérêts communs et contre toute attente, étaient devenus les meilleurs amis du monde.
Genre, Mr Park Jimin pouvait aller diner chez eux quand il voulait, faire du shopping avec Yeri, passer deux heures avec elle au téléphone et partir sur des grands sujets de conversation et faire des soirées avec Sehun. Genre les meilleurs amis du monde, en fait.
Il semblerait que Sehun était quelqu'un de cordial et sociable, je voulais bien le croire, mais il ne l'était pas avec moi.
Le truc complètement invraisemblable, après ce que sa copine m'avait dit.
Donc Jimin et Yeri s'étaient trouvés des points communs, notamment.... Attention roulements de tambours : m'embêter.
Non. Je n'étais pas du tout jaloux de la facilité déconcertante avec laquelle Jimin était devenu ami avec eux alors qu'il m'avait fallu des mois pour en arriver au même stade.
Bon.
Ok.
Si.
Pas tout à fait au même stade.
Bon.
Ok.
Si.
J'étais jaloux, voilà.
Tout ceci était particulièrement injuste, entendez-moi bien.
Ils étaient là, roucoulant comme un parfait couple hétéro, alors qu'on en était à dix mille lieues. Elle, habillée dans une tenue entre le casual et le chic, ses cheveux oranges coiffés d'un bonnet noir et son maquillage sophistiqué parfaitement mis sur son visage pâle. Lui, élégamment habillé avec son fameux pantalon qui lui faisait un derrière vachement aguicheur, maintenant que j'y pensais, tout en portant un pull simple laissant voir une légère chemise.
Ses cheveux étaient de la couleur du miel, renforçant ce côté poupon et ô combien faux.
Park Jimin, le démon dans un corps d'ange.
Ça ferait un super titre d'histoire.
Leur mission principale : m'embêter. Et leur mission secondaire : soutirer de moi des informations intimes concernant ma vie de couple pour mieux m'embêter encore.
Qui aime bien châtie bien, avait dit Jimin.
N'importe quoi cette expression.
Bah moi je n'aimais pas, voilà.
— Tae, j'ai commandé pour toi ton chocolat chaud, avec du caramel et beaucoup de mousse. Je leur ai demandé un supplément éclats de noisettes dessus.
Bon, ok, si, je l'aimais bien, mais juste maintenant.
Je n'écoutais leurs conversations que d'une oreille distraite, sans y prendre vraiment part, jusqu'à ce que Yeri prenne congé.
Je n'allais pas tarder non plus, le soir était tombé et j'avais l'intention d'aller chercher des burgers à emporter au super bon restaurant du coin de la rue avant de rentrer.
— Tu veux manger avec nous ? demandai-je à Jimin alors qu'on se levait pour remettre nos manteaux.
— Pas ce soir, je dois rejoindre Taemin hyung et Kai, on se fait un resto de sushis.
Puis il me fit un sourire en coin :
— Je ne pensais pas que tu m'inviterais, la dernière fois tu avais l'air contrarié...
— C'est parce que tu as posé des questions louches toute la soirée, répondis-je brusquement.
— Je satisfais ma curiosité.
— Je refuse. Tu n'as pas arrêté d'envoyer des piques à Jungkook toute la soirée.
— Ce gamin a besoin d'être embêté.
Je soupirai bruyamment :
— Je comprends que tu sois encore vexé qu'on ne t'ait rien dit mais...
— Je m'y suis fait, assura-t-il avec bonne humeur.
— Mais... repris-je avec sérieux. Ce n'est pas une raison pour le tester à chaque fois que tu le vois. Et puis c'est quoi ces règles et ces exigences que « le petit ami de Tae doit avoir » ? On aurait dit une vieille tante acariâtre voulant marier son beau-fils dans une rencontre arrangée...
— Tu regardes trop de dramas...
— Mais pas du tout !
Bon.
Ok.
Si.
Un peu, mais c'est la faute de Jungkook, il adore ça.
Jimin se mit à rire :
— Je veux juste m'assurer que le gamin prend bien soin de toi.
— C'est gentil mais il prend parfaitement soin de moi.
Il leva les yeux au ciel en enfilant ses gants :
— Je veux m'assurer que tout aille bien pour toi et vous donner des conseils...
Et c'était bien ce que je n'aimais pas.
Je savais que ça partait d'une bonne intention de sa part, mais il fallait que je l'avoue : avant, quand personne ne savait pour nous, tout était plus simple.
Peut-être que c'était un désir égoïste mais avant, il n'y avait personne pour nous charrier, savoir des choses de notre intimité et encore moins donner leur avis sur tels ou tels sujets.
— Je te remercie, mais je trouve que tout va bien.
— Pour l'instant.
Je serrai la mâchoire.
Voilà qu'il recommençait.
Jimin m'avait déjà fait le coup, il y a quelques jours, et ça m'avait contrarié.
— Je sais que ça te vexe, reprit-il en me regardant. C'est juste que je te connais et que je connais aussi Jungkook et parfois j'ai peur pour vous. Je veux que ça marche mais j'ai l'impression que vous avez des difficultés. Votre couple est beau mais je ne le trouve pas stable.
Tiens, c'était marrant que ce soit lui qui me parle de stabilité relationnelle.
Bon, ok, j'étais mauvaise langue.
Mais j'étais vexé !
— C'est bien plus stable qu'au début, affirmai-je.
— Jungkook reste un gamin.
— Il a mûri, le défendis-je. Depuis la fin de mes crises, ça va beaucoup mieux entre nous.
— Oui j'ai vu, vous êtes très complices mais je ne parlais pas de ça, poursuivit-il.
Je le fixai et il se mordit la lèvre.
— De ce que tu m'en dis et de ce que j'ai pu voir... vous ne parlez jamais de sujets sérieux.
— Bien sûr que si ! rétorquai-je.
— Ok, donc tu lui as dit pour le renouvellement de tes vœux ?
— Pas encore.
Il me fit un regard entendu qui m'agaça un peu plus.
— Je lui ai dit, vite fait, rectifiai-je.
— Vite fait ?
— Je vais rentrer. Il se fait tard et j'ai faim...
— Tae, souffla Jimin alors qu'on se dirigeait vers la sortie du café.
Je poussai un soupir audible avant de me tourner vers lui.
— Quoi ?
— Pourquoi tu ne lui as pas dit complètement ?
— Ce ne sont que mes vœux de renouvellement, il le sait.
— Mais il sait que tu hésites ?
— Oui.
— Et vous en avez parlé de ce que tu voulais faire, alors ?
— Pas vraiment, admis-je, ça me concerne uniquement. C'est tout, il me soutiendra peu importe mon choix, c'est ce qu'il m'a dit. Le reste, ce n'est pas important.
— C'est important, au contraire.
Pourquoi doit-il toujours me contredire ?
— Je m'inquiète, je n'ai juste pas envie que vous vous sépariez pour des bêtises... soupira-t-il.
— On ne se séparera pas, assurai-je, on s'aime quoi qu'il arrive.
Et là, Jimin claqua des doigts comme s'il se souvenait de quelque chose qu'il avait, jusqu'alors, oublié.
— Voilà, c'est ce mot-là !
— Bah quoi ?
— Ça me chiffonne votre « quoi qu'il arrive. » C'est un mot étrange, non ? demanda-t-il. Pourquoi quoi qu'il arrive ?
— Parce que c'est une promesse que peu importe la difficulté on s'aimera...
Je sentis mes joues chauffer, un peu gêné de dire ça à haute voix.
— Oui, mais ça implique que quelque chose va arriver, insista-t-il.
— Et ?
— C'est négatif, non ?
— Non, c'est positif, assurai-je.
— Alors qu'est-ce qui pourrait arriver ? me demanda-t-il.
— N'importe quoi, c'est abstrait comme concept, les aléas de la vie...
— C'est ça que je te dis depuis tout à l'heure. « Quoi qu'il arrive » et pourtant vous ne parlez pas de ce qui peut arriver.
Il commençait à m'agacer, sérieusement.
— C'est important, s'acharna-t-il. Comme le fait que quand tu seras interne vous aurez des difficultés à vous voir, que votre relation est un secret, que l'un de vous devra peut-être partir à l'étranger, que...
Quoi ?
Il soupira en voyant mon expression avant d'ajuster la capuche de sa doudoune bleu marine.
— Pourquoi tu me parles d'aller à l'étranger tout d'un coup ? m'exclamai-je.
— Tae, Jungkook est rentré dans une compétition importante, s'il est recruté il ira peut-être à l'étranger, non ?
— Ou peut-être pas.
— Ou peut-être pas, admit-il, mais toi aussi. Ton internat va commencer l'année prochaine...
— Ce n'est que l'année prochaine.
— Et si tu as des propositions pour l'étranger ?
— Je n'ai pas forcément envie d'aller à l'étranger !
— Ok, admit-il. Mais est-ce que vous vous projetez dans un ou deux ans, tous les deux ?
— Pourquoi faire ?
— Pour anticiper, précisa-t-il avec un ton qui ne me plût pas.
— Ça ne va pas arriver tout de suite... marmonnai-je. On a le temps d'y réfléchir plus tard.
— Plus tard ?
— Oui, quand ça arrivera, insistai-je. Pourquoi on devrait parler de choses qui peuvent être négatives maintenant ?
— Parce que c'est le meilleur moyen de s'y préparer, d'anticiper les choses !
Tiens, voilà qu'on se disputait.
— Pourquoi parler de choses qui ne sont pas encore arrivées ? m'offusquai-je. C'est ridicule !
— C'est ce que font les couples. Ils envisagent l'avenir ensemble, Tae !
— Laissez-nous gérer notre propre couple comme on l'entend !
Il s'arrêta, sa mâchoire se bloquant avant qu'il ne pousse un soupir en détournant le regard :
— Ok, très bien. Je garde mes conseils pour moi.
— On s'en sort très bien, Jungkook et moi, m'écriai-je vexé.
Pourquoi j'avais l'impression qu'il me maternait tout d'un coup ?
Je n'étais plus un gamin et j'avais du mal à supporter le côté envahissant de ses questions sur ma vie privée.
— Bon, soupira-t-il. Je vais te laisser, on s'appelle demain ?
— Oui...
Sur le chemin du retour jusqu'à chez moi, le sachet en plastique dans les mains diffusant une délicieuse odeur de hamburger chauds, je me mordis la lèvre.
Je refusais d'admettre que Jungkook et moi nous ne parlions jamais de sujets sérieux.
Mais...
Mais je me sentais blessé par les remarques de Jimin.
Je me doutais qu'il voulait mon bien, et qu'il voulait s'assurer que Jungkook me traitait bien et que notre relation fonctionnait, mais pourquoi devait-il venir titiller des détails comme ça ?
Je tapai le code avant de rentrer dans l'appartement désert. Je m'empressai de poser le sac sur la table pour vérifier si les plats bien emballés étaient encore chauds.
J'avais à peine eu le temps d'enlever mon manteau et de remplir une carafe d'eau que j'entendis le bruit du digicode et que Jungkook entra.
— Hey hyung !
Un sourire barra mon visage et je tournai la tête à moitié en sentant son étreinte derrière moi et ses lèvres sur ma joue.
Il sentait bon le gel douche et ses cheveux étaient encore un peu mouillés après sa douche suite à son entraînement, ça me chatouillait la nuque.
— J'ai pris des burgers, tu sais ceux que tu adores car ils sont en format xxl !
— Oh, trop bien !
On s'embrassa doucement avant de revenir vers le salon.
— Je meurs de faim. L'entraîneur nous a fait répéter dix fois la stratégie principale...
— Pour le premier match ?
— Oui.
— Alors, la date est tombée ?
— Demain, on connaîtra l'organisation des équipes et la répartition des matchs. Et toi t'as fait quoi aujourd'hui ?
Il mordit avec appétit dans son hamburger :
— J'ai bossé à la bibliothèque mon rapport de stage, il faut que je montre l'ébauche au Dr Anh vendredi et j'ai vu Yeri et Jimin en fin d'après-midi...
— Sont toujours fourrés ensemble ces deux-là, dernièrement, ou c'est moi ?
— Ce n'est pas toi, soupirai-je.
Il pouffa et je me mordis la lèvre.
— Puis Jimin et moi on s'est un peu disputés...
Jungkook releva la tête, voulut dire quelque chose mais, la bouche pleine, mâcha rapidement avant de déglutir :
— Pourquoi ça ?
Je soupirai avant de lui répéter l'échange que nous avions eu il y a une heure.
Il fronça les sourcils avant de s'exclamer :
— Mais pas du tout ! On a plein de conversations sérieuses !
— Tout à fait ! surenchéris-je.
— Hyung est vraiment tatillon, grogna-t-il. Tu as eu raison de lui répondre ça. Pourquoi on parlerait de choses qui ne sont pas encore arrivées ?
— Exactement !
Alors pourquoi j'avais un doute ?
— C'était vexant, me plaignis-je. Surtout sur la question de partir à l'étranger...
Je fixai le visage de mon vis-à-vis qui haussa les épaules.
— On en a déjà parlé de toute façon.
— Évidemment...
On l'avait vraiment fait ?
— Mais bon... on n'a pas l'intention d'aller à l'étranger, hein ?
Soudain, Jungkook fronça les sourcils en finissant d'avaler son premier burger.
— Bah oui, pas tout de suite en tout cas.
Je me figeai, papillonnant des yeux avant de relever la tête.
— Pas tout de suite ?
— Pas tout de suite, répéta-t-il.
Il attrapa son deuxième plat avec appétit :
— Mais à un moment ou à un autre, la question va se poser.
— Je ne vois pas pourquoi la question se poserait...
— Hyung, poursuivit-il d'un ton sérieux, la compétition qui va commencer dès le mois prochain est super importante. On va jouer contre toutes les équipes semi-professionnelles universitaires du pays, tu te souviens ?
— Je me souviens.
— Mais si on gagne la compétition...
Il fit un grand sourire :
— On va se classer comme équipe semi-professionnelle représentant la Corée du Sud. Donc si on gagne, et j'espère qu'on va gagner, on représentera la Corée, en compétition semi-professionnelle universitaire asiatique de l'année prochaine qui aura lieu à Taiwan ! On y affrontera Hong Kong, la Chine, Taiwan, la Thaïlande et le Japon.
Ma bouche s'ouvrit et il fronça encore les sourcils :
— Je ne te l'avais pas dit ?
— Bah pas comme ça, répondis-je franchement.
Mon cerveau imprima l'info et je m'exclamai :
— Ça veut dire que l'année prochaine tu seras à l'étranger ?
— Pas toute l'année, rectifia-t-il, mais oui... Taïwan a ouvert un nouveau stade, ils vont vouloir que ce soit là-bas selon les rumeurs. Hyung, c'est une compétition énormissime. Si on gagne le tournoi de Corée cette année et qu'on est sélectionnés pour l'année prochaine, on est quasi sûrs d'être repérés par des recruteurs. C'est la chance de ma carrière.
Mes épaules m'en tombèrent et j'ouvris la bouche avant de la refermer.
Qu'est-ce que je devais dire maintenant ?
— Je pensais que c'était clair, désolé, s'excusa Jungkook, un peu gêné.
— Ça voudrait dire que tu vas partir...
— Pas toute l'année, répéta-t-il. Mais oui...
Je reposai mon hamburger à moitié entamé en maltraitant mes lèvres avec mes dents.
— Désolé, je n'avais pas compris ça comme ça quand tu m'avais parlé de ces compétitions... avouai-je à demi-mot.
— De toute manière, toi aussi ça risque d'arriver, non ?
— Comment ça ? m'étonnai-je.
— Quand tu étais en stage en orphelinat, tu avais parlé de partir quelques mois à l'étranger en humanitaire...
— C'était l'année dernière et des choses ont changé depuis... rectifiai-je.
— Mais si l'occasion se présente ? me demanda-t-il.
— Je... Je ne sais pas....
Et je ne voulais pas y penser.
— De toute façon ce n'est pas tout de suite, éluda Jungkook en nous servant de l'eau, on a le temps de voir venir et d'en reparler...
— C'est vrai, m'exclamai-je, soulagé que nous arrêtions cette conversation. On ne va pas se stresser avec ça alors qu'on n'est même pas sûrs que ça arrivera.
— Voilà.
Mon cerveau fonctionna à quatre mille à l'heure pour trouver un nouveau sujet de conversation et ne pas laisser le silence s'installer entre nous, mais ce fut lui qui changea de sujet :
— Sinon j'ai découvert une nouvelle série sur Netflix, il faut absolument qu'on la regarde...
Il me fit un sourire carnassier et en reprenant mon burger je secouai la tête.
— Pas question si c'est un truc de chez Marvel.
— Mais... s'offusqua-t-il.
— On en a déjà regardé deux à la suite, je préférais qu'on change de registre.
— Mais hyung, c'est Marvel, comment peux-tu ne pas aimer ?
— De toute façon, c'est mon tour de choisir quelque chose...
— Non.
— Si.
— Non.
— Si.
Mais au moment où il allait tenter de m'amadouer, parce que je le connaissais par cœur, son téléphone sonna.
Il s'essuya les doigts avec l'essui tout sur la table basse et chercha son téléphone dans sa poche de jogging.
Mais son visage se figea, ses yeux s'écarquillèrent, son sourire amusé retomba et il releva son visage paniqué vers moi.
— Qu'est-ce qu'il y a ? m'inquiétai-je soudainement.
— C'est mon père.
Mon sang se glaça. J'eus la sensation que mon cœur s'arrêtait de battre avant de reprendre ses battements à vive allure, ma bouche s'ouvrit sans sortir le moindre son.
— Qu'est-ce que je fais ? paniqua Jungkook en regardant son écran.
— Tu... Tu n'es pas obligé de répondre, bégayai-je.
Et puis la sonnerie s'arrêta.
Un soupir de soulagement passa la barrière de mes lèvres.
Sauf que mon cœur fit un ascenseur émotionnel dès que mes oreilles entendirent de nouveau la sonnerie du téléphone reprendre et Jungkook blêmit :
— Il sait.
— Jungkook, tentai-je, tu...
Mais il décrocha avant de coller l'appareil à son oreille. Debout, le hamburger encore dans la main, je le fixai, figé.
— Bonsoir, papa, commença-t-il. Je... oui... non... attends... s'il te plait laisse-moi parl....
Je lisais tout sur son visage, même si je n'entendais pas leur conversation. Chaque expression me donnait un indice du déroulement de leur échange. Mon regard n'était fixé que sur lui, et sur son visage.
J'y voyais de l'angoisse, de la panique, de la nervosité.
— S'il te... non... laisse-moi t'expliquer...
L'idée même que nous avions tenu si longtemps sans que le paternel de Jungkook ne soit au courant de sa décision, relevait du miracle.
Il s'était posé beaucoup de questions, énormément même, pour savoir s'il devait l'appeler et le lui dire lui-même ou attendre qu'il l'apprenne.
Finalement, Jungkook n'en avait pas eu le courage.
Mais maintenant il était confronté à ce qu'il ne voulait pas voir arriver.
Soudain, ses expressions de visage affichèrent de la colère, de l'énervement, un agacement certain au point d'avoir envie de crier, de pleurer.
— Je ferai du baseball ! cria-t-il. Que ça te plaise ou non ! Je le ferai !
Mon cœur s'emballa, ma main vint se poser sur ma bouche comme si j'avais peur de ne pas pouvoir retenir mes mots, d'une autre manière.
Puis apparut le choc sur son beau faciès. Ses yeux s'écarquillèrent, ses lèvres tremblèrent mais sans qu'aucun son n'en sorte. La sidération totale.
Jungkook était là, comme figé et moi je ne pouvais pas bouger, respirant fort en le regardant jusqu'à ce que ses yeux chocolat, remplis de larmes, ne pivotent vers moi.
Mon cœur se serra face à cette supplication silencieuse que je voyais dans ses yeux. Soudain, je traversai la distance qui nous séparait, attrapant son téléphone et entendant la voix grave, rauque et chargée de colère dans le combiné et je raccrochai furieusement.
Je me tournai vers lui dont les yeux écarquillés étaient le constat de toute sa tristesse sur son visage.
— Qu'est-ce qu'il a dit ? m'enquis-je.
Il sembla faire des efforts titanesques pour reprendre le contrôle de ses émotions.
— Ri... rien, ça va aller, je te jure.
Mais ce n'était pas rien.
Je le voyais, je le sentais.
Le choc était encore présent sur son visage, comme s'il avait entendu la pire phrase de son existence.
Il passa une main sur son visage avant de tourner la tête, son corps tremblait légèrement et jusqu'alors jamais je ne l'avais vu ainsi.
— Jungkook, chuchotai-je, qu'est-ce qui s'est passé... qu'est-ce qu'il a dit ?
— Les... les trucs habituels, bégaya-t-il, tu sais... qu'il vaut mieux que je fasse un autre sport, que le baseball n'est pas un sport... que je devrais faire du football, que j'y gagnerais plus d'argent et que... et...
Je caressai sa joue et il sursauta à mon contact avant de se pincer les lèvres visiblement pour retenir ses larmes, sa mâchoire se contracta furieusement :
— Ne me regarde pas comme ça, hyung. Ça va... je te dis...
Alors je mis ma seconde main sur le rebord de son visage, me rapprochant pour déposer un baiser furtif sur ses lèvres.
Et il craqua, d'un coup.
Ses bras emprisonnèrent mon corps, son visage s'effondra sur mon épaule et il se mit à pleurer violemment. Je ne l'avais jamais vu dans un état pareil. Même la dernière fois il n'avait pas été aussi bouleversé.
Alors, choqué et sans savoir quoi faire d'autre, je me mis à sangloter à mon tour en resserrant ma prise. Ma main caressant son dos et sa nuque en espérant l'apaiser.
Ses sanglots tâchèrent mon pull mais ça je m'en fichais pas mal, son corps trembla longtemps avant qu'il ne se relève, chassant ses larmes, reprenant son visage magistralement viril et masculin comme il le souhaitait.
— Je vais bien... ça va... aller...
Il respirait vivement, tâchant de se contrôler et je n'aimais pas qu'il s'efforce de conserver une attitude inébranlable alors que ce n'était pas le cas.
— Qu'est-ce qu'il a dit ? insistai-je en chuchotant.
— Rien... ce n'est pas...
Mais ses lèvres tremblèrent à nouveau et il s'accrocha à mes mains comme pour se contenir.
— Jungkook, tu n'as pas besoin de faire ça devant moi...
Ses épaules retombèrent un peu et son masque se brisa, le rendant tout d'un coup peiné, fragile.
Il souffla alors :
— Il m'a dit qu'il ne me considérait plus comme son fils à présent.
Les sanglots lui remontèrent aux yeux et il les cacha de sa main alors que ma propre bouche s'ouvrait de stupéfaction.
Oh mon dieu.
Je repris mon étreinte, le serrant fort pour lui faire ressentir tout ce que j'éprouvais en cet instant, embrassant ses cheveux et son front.
— Ce n'est pas grave, mentit-il. J'ai pris... ma décision... ça n'y changera rien...
Je ne savais pas quoi lui dire.
Je ne savais pas quoi faire à part serrer son corps près du mien.
Comment pouvait-on soulager quelqu'un de cette douleur-là ?
Celui d'un père reniant son propre fils ?
Tout ça parce que ce dernier avait choisi quelque chose d'autre que les volontés paternelles.
J'embrassai et réconfortai Jungkook doucement et il finit par se laisser tomber dans le canapé comme s'il n'arrivait plus à supporter d'être debout.
— Ça va aller, m'assura-t-il plusieurs fois. Je vais bien.
Mais je savais qu'il mentait.
— Un jour, renifla-t-il bruyamment, un jour... je serai une énorme star de baseball et il verra bien...
— Tu n'as rien à lui prouver, soufflai-je. Tu as choisi ce sport pour toi, tu as embrassé cette carrière pour toi, le plaisir des victoires il doit être pour toi tu sais, pas pour lui.
Il se mordit la lèvre avant d'acquiescer :
— Oui, je sais...
— Fais-le pour toi, Jungkook. Tu as choisi le baseball parce que tu aimes ce sport. Les choses que tu feras par rapport à ça, fais-les pour ceux qui t'aiment, ceux qui te soutiennent, ce sont ces gens-là sur lesquels il faut que tu te concentres, pas sur ceux qui t'enfoncent.
Il hocha la tête vivement, peiné, les yeux rivés vers le sol.
— Sois heureux, l'embrassai-je doucement entre chacun de mes mots, gagne, deviens la star que tu veux être si tu veux, c'est par ton bonheur que tu pourras lui montrer qu'il a eu tort et que tu as eu raison.
Il se mordit les lèvres pour se retenir de pleurer avant de m'embrasser désespérément. J'accrochai son visage, cherchant à lui insuffler tout ce que je ressentais.
— Tu devrais appeler ta mère...
— Non, il est tard, je ne veux pas l'embêter avec ça ce soir.
— Jungkook, insistai-je. C'est ta mère. Elle doit savoir tout ça.
Il acquiesça finalement au bout de quelques secondes et m'embrassa une dernière fois avant de prendre son téléphone et pendant qu'il parlait à sa mère, je me mis à débarrasser la table.
Nous n'aurions plus d'appétit ce soir, tant pis pour les burgers.
Je l'entendais tenter d'expliquer les choses, les vibrations dans sa voix témoignaient de toute son émotivité. Dans la cuisine, je me tenais au bord de l'évier, concentré et peiné.
Jimin avait raison au final.
Nous ne parlions pas assez de ce qui pouvait nous arriver.
Alors nous n'étions pas préparés.
Mais il avait tort sur un point. Car même si quelque chose de négatif nous arrivait, nous restions ensemble et nous surmontions ça, tous les deux.
Quoi qu'il arrive.
Et pour moi c'était ça, le plus important.
Peu importe ce qu'il arrivera...
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