48-
Un frisson.
Une sensation.
Un baiser.
Mon esprit quitta le monde de Morphée, flottant encore dans un entre-deux.
J'avais conscience que je dormais mais j'avais la sensation d'un baiser déposé sur ma peau nue.
Mes doigts bougèrent sur les draps, un léger réflexe indiquant que mon corps entier sortait du domaine des rêves.
Les lèvres douces descendaient un peu plus dans mon dos, s'aventurant vers mes côtes, m'arrachant un frisson délicieux.
Les yeux encore clos, accroché à mon sommeil qui s'éteignait peu à peu, je pivotai pour bloquer mon dos, espérant que cette douce torture s'arrête et que je puisse grappiller encore quelques minutes de sommeil.
Mais les lèvres revinrent chatouiller mon torse et lorsqu'une langue vint sensuellement s'ajouter au lot, j'ouvris mes yeux bouffis et ensommeillés en grognant.
J'aperçus le visage de Jungkook penché au-dessus de moi, son fameux sourire en coin et ses cheveux bruns ébouriffés.
Il s'approcha dangereusement de mon visage et déposa ses lèvres sur ma mâchoire puis sur le coin de ma bouche.
Baigné dans la chaleur de la couette et de son corps sur le mien, je bougeai, m'étirant comme un chat encore à deux doigts de refermer les yeux.
— Bonjour hyung, chantonna-t-il.
— Hum...
Sa bouche ne me laissait pas tranquille et m'arracha un gloussement lorsque ses mains vinrent toucher mes côtes.
Je me plaignais mais j'adorais quand il me réveillait comme ça.
— Bon anniversaire, hyung.
Mes yeux papillonnèrent et je m'arrachai un sourire.
— Merci.
Ma voix était rauque du matin et, mon corps soudain réchauffé, je passai ma main dans sa tignasse bordélique et accrochai sa nuque pour qu'il poursuive ses caresses mais Jungkook ne fut pas de cet avis.
Rapidement et avec beaucoup trop d'enthousiasme, il se leva, faisant relever la couette, me donnant un frisson d'air glacial et s'exclama :
— Allez, debout ! Une bonne journée nous attend et on doit être dans les temps !
Mon grognement fut beaucoup plus plaintif et nettement moins agréable et je tirai sur la couverture et les oreillers pour les récupérer.
Mais évidemment, il avait beaucoup plus de force que moi et je me mis à batailler comme un acharné pour récupérer mes affaires.
— Debout hyung, insista-t-il. J'ai préparé des tas de trucs, faut pas qu'on soit en retard !
— Quels trucs ? baragouinai-je en serrant l'oreiller dans mes bras.
Il s'approcha, fondant près de mon visage avec son sourire aguicheur à damner, mais me souffla à l'oreille :
— Surprise.
Et comme un gosse de huit ans, il se mit à rire en emportant oreillers, couvertures et vêtements dans la pièce d'à côté.
J'eus beau crier son prénom, il ne revint pas alors je me décidai à me lever, me passant une main fatiguée sur le visage.
Oh non, mes cheveux avaient l'air complètement en pétard.
D'un pas endormi je me dirigeai vers la pièce d'à côté, Jungkook avait allumé la musique et en caleçon il dansait dans le salon, tout enthousiaste et heureux qu'il était.
Ok. Il était trop tôt pour moi.
Je fis la moue, lui envoyant un regard torve et il se mit à rire.
Crétin.
Quand je pense qu'il m'avait réveillé ainsi, tout aguicheur qu'il était, comme les matins où il avait une idée derrière la tête, pour me flanquer une frustration pareille.
Aish.
Il s'approcha de moi, avec ses pas de salsa légèrement ridicules. Je me retins de ne pas sourire en détournant le regard.
Il m'emporta dans une accolade chaleureuse en embrassant mes cheveux.
— Bon anniversaire, hyung. Je suis vraiment heureux de t'avoir rien que pour moi aujourd'hui...
Ne pas craquer, ne pas craquer, ne pas craquer, ne...
Mais pourquoi devait-il avoir l'air si mignon et si sexy ?
Mais alors que j'allais approfondir notre accolade, il me relâcha avant de dire :
— On part dans vingt minutes ! la douche !
Ok. Donc cette matinée d'anniversaire allait s'appeler : frustration totale.
Vingt-cinq minutes plus tard, j'étais dans le bus emmitouflé comme si je sortais pour aller au Pôle Nord, et on n'en était pas loin.
La température était descendue en dessous de zéro et j'avais rempli mes poches de chaufferettes.
— Je peux savoir où on va, maintenant ?
— Nan.
On jouait à ça depuis cinq minutes et Jungkook transpirait d'enthousiasme et d'excitation comme je l'avais rarement vu.
— On va manger au moins ?
— Je ne te dis pas.
Je tapotai mon index sur sa cuisse :
— Allez, dis.
— Nan.
— Allez, dis, Jungkook.
— Nan.
— S'il te plait.
— Nan.
Aish.
Sale gosse.
— Hyung, je t'entends m'insulter mentalement, là !
— Je ne vois pas de quoi tu parles.
Mais dans le fond, est-ce que ce gamin avait vraiment planifié une journée entière pour mon anniversaire ?
Non... Impossible.
Où est-ce qu'il aurait trouvé le temps de faire ça ?
On descendit à un arrêt que je ne connaissais pas et en marchant dans les rues j'observai les décorations de Noël qui n'avaient pas encore été enlevées...
J'aimais bien cette époque-là de l'année. Même si j'imaginais que pour les européens, Noël devait signifier bien autre chose que chez nous.
Jungkook me fit entrer dans un petit restaurant qui ne payait pas de mine vue de l'extérieur mais mes yeux s'ouvrirent en grand une fois à l'intérieur :
— Brunch américain ! m'exclamai-je.
Il sembla très fier de lui et pendant tout le repas je me gavai de sirop d'érable sur mes pancakes.
Mais Monsieur-le-voisin-d'en-face avait l'air d'avoir chargé notre planning parce qu'on ne traina pas pour le petit déjeuner. J'étais à peine repu qu'il m'emmena au musée d'art moderne.
— Mais tu détestes les musées, lançai-je en entrant dans le bâtiment.
— Ce n'est pas grave, argumenta-t- il alors qu'on s'approchait de la file d'attente pour prendre nos tickets d'entrée, c'est ton anniversaire.
— Tu... tu es sûr... ? Tu vas t'ennuyer, tu sais ?
— Je suis sûr.
Il me fit un grand sourire et mon cœur se réchauffa.
— Tu crois qu'on pourra aller dans la section limitée qui expose les œuvres de Basquiat ?
— C'est sur réservation...
Ah.
Dommage.
Mais son sourire s'agrandit :
— Ça tombe bien parce que j'ai effectué ma demande le mois dernier et que j'ai reçu les billets.
Ma bouche s'ouvrit en grand et je me retins de crier. Son sourire de crâneur revint à la charge et me donna presque envie de lui sauter dessus et l'embrasser.
Mais nous n'étions pas seuls alors je réfrénais mes pulsions.
— Je sais que tu m'aimes, se vanta-t-il en lisant mes expressions sur mon visage.
— Tu... tu... Mais il y a un mois ? m'écriai-je.
— Je suis très prévenant comme garçon.
Dans un autre contexte, je l'aurais frappé pour son insolence, mais là je le fixai avec émerveillement.
— Qui êtes-vous et qu'avez-vous fait de Jeon Jungkook ?
— Hé !
Je sautillai sur place comme un enfant à l'approche des galeries en lisant le prospectus et en lui parlant avec animation de l'artiste et des expositions, aussi des photos du célèbre photographe...
Il écoutait religieusement même si je savais qu'il n'avait presque pas d'intérêt pour l'art.
— Comment tu as su ? chuchotai-je.
— Parce que les trois quarts des photos sur ton téléphone sont des tableaux et des photos célèbres... Pas très difficile de trouver.
— Bien joué, Sherlock Jeon !
— Du coup j'ai rempli ta galerie de selfies de moi, ne me remercie pas...
Je me mis à glousser avant de m'interrompre brutalement :
— De selfies habillé, hein ?
— Viens, l'entrée est par là...
— Jungkook, ne détourne pas la conversation !
Je ne savais pas trop d'où venait mon obsession pour l'art depuis quelque temps.
Je ne courais pas après les musées ni les galeries mais j'avais une fascination importante pour les artistes.
Je pouvais rester plusieurs minutes devant une œuvre pour essayer d'en saisir la totalité.
J'avais l'impression que les musées étaient un monde à part, hors réalité, sans bruissement, sans bruit, cloisonné, et où chaque œuvre parlait intimement aux spectateurs qui les contemplaient.
*******
Deux heures plus tard, Jungkook s'étirait en sortant du musée. S'il m'avait tranquillement suivi tout le long, il était resté plusieurs fois assis sur les sièges à disposition en attendant que je termine mon tour.
— Merci, marmonnai-je en marchant à son rythme tout en pliant les prospectus pour les mettre dans ma poche.
— De rien, hyung, c'est ta journée et puis c'est aussi un de mes rares jours de repos en commun avec toi où je n'ai pas d'entrainement...
— Donc tu serais d'accord pour qu'à chaque jour de repos en commun, on retourne aux musées ?
— Faut pas déconner.
Je pouffai alors qu'on revenait vers le quartier d'Insadong en marchant.
— Un jour, quand je serai super riche et une grande star de baseball dans tout le pays, je t'achèterai un tableau.
— Jungkook, ça vaut des millions et des millions de wons...
— J'ai dit : quand je serai très riche, insista-t-il.
— Tu veux dire milliardaire ?
— Oui.
Je secouai la tête et il pivota vers moi, surpris :
— Ça ne te ferait pas envie d'en avoir ?
— Je ne sais pas... Je n'ai pas forcément envie de m'approprier des œuvres. Je ne veux pas être le seul à les contempler. Ce serait injuste, non ?
Il fronça les sourcils en haussant les épaules :
— Peut être. Je n'y aurais jamais pensé comme ça...
On déambula dans le quartier des marchés et des stands de nourriture de rue jusqu'à reprendre le bus en grignotant des brochettes.
Un gamin assis à notre droite nous avait fixés avec envie sur tout le trajet et j'avais fini par lui tendre une de mes brochettes au poisson.
En arrivant à destination, je fronçai les sourcils en apercevant un parking géant.
Mais où est-ce qu'on était ?
Je m'apprêtai à me tourner vers Jungkook en quête d'explications jusqu'à ce que j'aperçoive le bâtiment à quelques centaines de mètres. Mes yeux s'ouvrirent encore en grand.
— Oh j'y crois pas....
— J'ai des coupe-files, assura-t-il en sortant les tickets de la poche de son manteau. On n'aura pas à attendre ici non plus.
— On va à l'aquarium ! m'écriai-je.
Je n'étais jamais allé dans un aquarium de ma vie.
À l'époque, enfant, quand on avait fait une sortie avec l'école, j'étais tombé malade. Les trois fois durant les trois années où j'aurais pu y aller.
J'étais maudit des aquariums.
En arrivant à Séoul j'étais incapable de sortir de ma routine, ni même de prendre des initiatives pour faire des choses seul comme le cinéma, le restaurant et donc les aquariums.
J'avais confié cette histoire rocambolesque sur ma malédiction des aquariums à Jungkook il y avait un sacré moment de ça, mais le fait qu'il s'en souvenait me fit sentir incroyablement bien.
Depuis le début de cette journée mon cœur battait à toute allure et je n'arrivais pas à m'empêcher de sourire.
On arriva rapidement au guichet, passant devant tous ceux qui attendaient dans la file d'attente et je regardai partout, déjà émerveillé par les faux poissons accrochés au plafond.
— Je le connais par cœur, m'informa Jungkook, il y a toujours plus de monde pour voir les dauphins mais vers midi on devrait moins attendre pour le spectacle, on va commencer par la fin et finir par le début, ça nous évitera de nous retrouver dans la foule. Tu viens ?
J'acquiesçai avant de me figer, tâtonnant mon corps avec inquiétude :
— Attends, avec la malédiction, il y a moyen que je tombe malade d'un coup, là, brusquement.
Il leva les yeux au ciel :
— Hyung, ça n'arrivera pas. Aujourd'hui, la « malédiction » prend fin.
— C'est une vraie malédiction, insistai-je.
— Oui, une « malédiction »...
— Le fait que tu le dises sur ce ton prouve que tu ne me crois pas.
— Je pense juste que tu n'as pas eu de chance à chaque fois... Rien de magique ou maléfique là-dedans, soupira-t-il.
— Tu prends le même ton quand je te parle de la fée voleuse de chaussettes.
Il soupira encore mais à demi amusé cette fois :
— Oui, mais je trouve ça mignon.
— Ce n'est pas censé être mignon !
Mais notre chamaillerie s'arrêta lorsqu'on pénétra dans la première pièce. La bouche ouverte, je me mis à contempler les bassins et le plafond. Quelques mètres plus loin, on se mit à rire comme des imbéciles face à la tête un peu stupide d'un des poissons.
— Oh, m'extasiai-je, regarde celui-là, il est beau.
— Ouais je sais, crâna-t-il encore, c'est un cypri... un cyprindo... cy...
Je me mis à glousser, essayant de me contenir et il m'envoya un regard noir.
— Ne rigole pas.
— Tu essayes de lire la pancarte mais tu n'y arrives pas !
— Pas du tout, je connais le nom de ce poisson en français ! rétorqua-t-il avec une mauvaise foi évidente.
— C'est du latin, Jungkook...
— C'est pareil !
Je me penchai :
— C'est un cyprin...
C'était quoi ce nom horrible, au juste ?
— Cyprin.. odont... ifo... rmes
— Tu as galéré, se moqua-t-il.
— Pas du tout ! m'écriai-je. C'est comme ça qu'on prononce !
On poursuivit notre chemin et alors que j'observais mon environnement émerveillé, comme si j'étais revenu en enfance, je ne m'aperçus pas tout de suite que Jungkook fixait les couples autour de nous.
Vu que nous étions le dimanche, il y avait des familles mais il y avait aussi beaucoup de couples, faciles à distinguer puisque les garçons et les filles s'habillaient à l'identique pour l'occasion.
Et alors que je contemplais le bal des méduses, se balançant dans le courant artificiel avec grâce, magnifique dans cette eau bleue, un couple composé d'une fille minuscule et d'un garçon pas plus grand qu'elle, habillés d'un hoodie jaune semblable, se papouillaient devant nous sans aucune gêne.
Jungkook claqua méchamment sa langue contre son palais, les sortant un peu de leur bulle dégoulinante d'amour. Ils s'éloignèrent, gênés, et j'interrompis mon observation fascinée pour me tourner vers lui.
— Tu n'étais pas obligé d'être désagréable avec eux, ils ne faisaient rien de mal.
— Ils me gênaient, je ne voyais rien.
— Jungkook, ils étaient nettement plus petits que nous.
— Et alors ?
— Pourquoi tu es agacé ?
— Pour rien. Viens, la salle avec de plus gros poissons est par là...
Mais malgré moi, je me mis à me rendre compte des couples autour de nous, se tenant la main, ou par l'épaule sans discrétion et j'eus une fulgurante envie de faire pareil.
Mais ce n'était pas possible. Pas pour nous du moins.
Est-ce que Jungkook était agacé parce qu'il était frustré, aussi ?
Ça lui ressemblerait bien, en tout cas.
Soudain pris d'une pulsion, je le tirai par la manche, dans l'optique de le faire approcher au plus près d'un thon de plusieurs mètres qui nageait tranquillement dans le courant artificiel.
Je gardai volontairement ma main sur sa manche en m'extasiant devant la taille de l'animal. Jungkook fixa ma main, puis le sourire lui revint et il me conta une histoire complètement impossible.
— Ton grand père n'a pas pu pêcher un requin doré, ce n'est pas possible ! m'exclamai-je.
— Bien sûr que si ! Il me l'a montré quand j'étais tout petit...
— Tu es sûr de ça ? me méfiai-je. Il t'a peut-être raconté n'importe quoi.
— Je suis sûr que non...
— Donc un requin peut être doré, tu n'y vois aucun inconvénient, mais une fée voleuse de chaussettes ça, ça ne peut pas exister ?
— Ce n'est pas pareil, assura-t-il. Le mien existe, hyung !
Non mais quelle mauvaise foi.
Alors que tout le monde se dirigeait pour le déjeuner vers le restaurant, on en profita pour aller dans la plus grosse partie de l'aquarium, celle avec les dauphins.
C'était comme un rêve de gamin, je n'arrivais pas à croire que je voyais ces créatures d'aussi près.
Jungkook avait l'air tout aussi émerveillé que moi et on se mit à sourire comme des gosses en les regardant nager.
Deux heures et demie plus tard, assez fatigué par cette journée un peu chargée, Jungkook m'informa qu'on devait prendre trois nouveaux bus.
— Trois ? soupirai-je. Mais pourquoi trois ?
— Parce qu''il n'y a pas de ligne directe.
Le temps avait encore refroidi et se couvrait comme s'il allait neiger. La journée était déjà bien entamée et il n'allait pas tarder à faire plus sombre. Durant le trajet je somnolai un peu, un écouteur dans l'oreille, l'autre dans celle de mon voisin alors que la playlist de Jungkook défilait sur son téléphone.
— On en a pour longtemps encore ?
— Encore une heure, me répondit-il.
En rentrant dans le troisième bus, je poussai un bâillement grognon et alors que je grelottais il retira son gros manteau et le déposa sur nous deux comme une couverture.
Je me calai confortablement en dessous pour profiter de la chaleur et lui donnai une chaufferette pour réchauffer ses mains sans gants.
Mais alors que je m'apprêtai à m'assoupir, parce que les trajets en bus ça m'endormait souvent, notamment quand ils excédaient une demi-heure, je sentis les doigts de Jungkook se glisser dans les miens.
Je pivotai la tête vers lui en constatant que nos mains étaient cachées par son manteau et qu'il ne me regardait pas, comme si tout était parfaitement normal aux yeux des autres.
Un sourire barra mes lèvres.
Il avait choisi la place du fond où on était plutôt bien cachés.
Avait-il ce plan en tête depuis le début de notre voyage ?
Je fermai les yeux en souriant, serrant sa main dans la mienne.
Je me réveillai en sursaut plusieurs dizaines de minutes plus tard.
— On est arrivés, m'informa-t-il en remettant son manteau, me faisant quitter sa chaleur réconfortante.
Je me redressai, ensommeillé, la bouche pâteuse en m'essuyant les lèvres d'un revers de poignet.
Oh mon dieu, est-ce que j'avais bavé dans mon sommeil ?
Oh la honte.
Je me sentis rougir de gêne et me raclai la gorge en frissonnant. En marchant le long de l'allée du véhicule, je sortis mon téléphone, jusque-là resté inactif pour regarder mon reflet.
J'avais un épi.
Est-ce que je l'avais depuis le début de cette journée ? Ou est-ce qu'il venait d'apparaître soudainement ?
Je l'aplatis furieusement et lâchai un soupir de surprise en sentant la température extérieure.
La soirée avait commencé, le soleil était couché et il commençait à faire vraiment très froid.
Mais surtout, une file de personnes remontait l'allée d'un gigantesque parc.
— Oh mon dieu, m'exclamai-je.
— Il faut qu'on se presse, lança Jungkook, on va être en retard et je n'ai pas eu de coupe-file pour ça...
— Mais... mais...
Mais je n'eus pas le temps de formuler mon idée, qu'il me tira par la manche et qu'on se mit à dépasser toutes les personnes devant nous.
On était au Namyangju Park. À l'extérieur de la capitale.
Jungkook ne lâcha pas ma manche une seconde, et c'est essoufflé (alors que lui se portait comme un charme) qu'on arriva à l'entrée du parc pour prendre place dans la file d'attente.
Je repris ma respiration, avec la sensation de cracher mes poumons, un point de côté douloureux, sous le regard amusé de Monsieur-le-voisin-d'en-face-je-fais-du-sport-professionnel.
Il me fallut un moment pour parler mais je mourais d'envie de mettre au clair un certain point.
— Tu veux qu'on se promène dans un parc, la nuit ?
— Oui.
Attendez.
Il ne s'agissait quand même pas de ces promenades nocturnes et hantées faites pour effrayer les promeneurs, hein ?
Hein ?
Non, je ne flippais pas...
Pas du tout.
Pas vraiment...
— Mais... c'est pas un peu effrayant... la nuit ?
Il ricana avant de lever un sourcil inquisiteur :
— Trouillard.
— Je ne vois pas du tout de quoi tu parles.
Cela le fit rire mais il conserva son léger sourire :
— Tu vas voir.
On avança jusqu'au guichet et Jungkook prononça :
— Je vais réserver deux places adultes pour les illuminations nocturnes.
— Vous voulez prendre le forfait spectacle uniquement ou le forfait spectacle plus balade nocturne ?
— Le spectacle plus la balade.
Ma bouche s'ouvrit, oui, encore.
Décidément, cette journée m'avait fait décrocher la mâchoire.
— Illuminations nocturnes ?
— Tu adores les parcs, me répondit-il, et ma mère et mon beau-père m'ont parlé du spectacle, il paraît que c'est incroyable.
J'avais envie de l'embrasser.
Là, devant tout le monde. C'était une telle envie, une telle pulsion que l'idée que je ne pouvais pas le faire fut une douloureuse frustration.
On prit notre temps avant d'arriver sur une scène au milieu d'une clairière et de prendre place sur les estrades en bois.
Il faisait horriblement froid et je craquai les chaufferettes restantes pour nous réchauffer ; des vendeurs passaient entre les rangées pour distribuer des bols de ramens et des soupes et malgré les protestations de Jungkook, je me décidai à les payer moi-même.
— C'est ton anniversaire ! C'est moi qui offre !
— Tu as déjà tout payé aujourd'hui, le réprimandai-je.
Il râla un moment mais la soupe nous réchauffa jusqu'à ce que les lumières s'éteignent et alors devant mes yeux déjà émerveillés par cette journée, entre les peintures d'art et l'aquarium, je me retrouvai sidéré. Transporté dans un monde entre les deux.
À travers les arbres, les projections de lumières rendaient, à taille géante, la construction imagée d'un conte. Celui de la création du monde, de l'amour entre le soleil et la lune, et les pleurs d'une princesse creusant la rivière Han.
Poétique, mélancolique et esthétiquement beau, les images glissaient dans la forêt sur la cime des arbres centenaires nous entourant sous le son de l'orchestre qui jouait la musique. Je fus si pris par le spectacle que j'attrapai la main de Jungkook pour la serrer dans la mienne.
Il avait la bouche tout aussi entrebâillée que la mienne et cela me fit pouffer.
C'était tout ce que j'aimais, tout ce que je trouvais magnifique. Cette journée avait été l'une des plus belles et des plus incroyables de ma vie.
Jamais personne ne m'avait fait autant plaisir, ni donné autant de choses que j'appréciais.
En réponse, sa main brûlante serra la mienne et on resta ainsi à regarder le spectacle jusqu'à la fin.
Un tonnerre d'applaudissements marqua le chapitre final et je me levai d'un bond pour applaudir de toutes mes forces.
Beaucoup de personnes pleuraient et j'en faisais partie, Jungkook sortit de sa poche un mouchoir pour m'essuyer les yeux.
Puis, peu de temps après nous quittâmes l'estrade pour se diriger vers l'autre partie de l'attraction alors que la neige commençait à tomber.
Il s'agissait d'une balade nocturne, quelque peu éclairée de lanternes et de lampions au cœur de la forêt. Par endroits, des animations lumineuses ressemblant fortement au conte que nous venions de voir, prenaient vie.
On prenait notre temps, Jungkook et moi, silencieux dans ce magnifique décor.
En arrivant à une clairière, si joliment décorée qu'on la pensait magique et éclairée par des lucioles artificielles, je me tournai vers lui et il me souriait.
Je voyais dans ses yeux bruns une affection si grande que je me remis à avoir envie de pleurer.
Décidément.
— Ta capacité à t'émerveiller de tout m'impressionne toujours, hyung.
— Ah... ah bon ? balbutiai-je.
— Oui, tu regardes les choses de manière si pure et si nette que parfois je t'envie.
Je ne voyais pas trop où il voulait en venir.
— Tu m'as vraiment gâté, aujourd'hui. Je regrette amèrement de ne t'avoir offert qu'un pull pour ton anniversaire...
Ça avait l'air d'un cadeau merdique, maintenant.
Il gloussa alors qu'on continuait notre route parmi les lampions colorés et la légère musique qui sortait des enceintes.
— Ne t'inquiète pas, j'adore ce pull et ça m'a rendu vraiment heureux.
— Mais tu as mis la barre trop haute, geignis-je. Comment je vais faire l'année prochaine pour que ton anniversaire égale le mien ?
— Ce n'est pas une compétition, me répondit-il.
C'était marrant que ce soit lui qui dise ça, alors que justement il était un compétiteur né.
Une famille de grands-parents et leurs petits-enfants nous dépassèrent et on s'arrêta un peu pour leur laisser le passage, jusqu'à ce qu'ils disparaissent au détour du chemin.
J'aurais voulu vivre dans cette forêt toute ma vie, tellement la beauté de cet endroit était magnifique. À côté, la réalité avait l'air si rude, si dénuée de magie.
— Hyung.
Je me tournai vers lui en souriant et il souffla :
— Je t'aime.
Mon cœur s'arrêta subitement avant de redémarrer au quart de tour, me faisant rougir d'un coup. Mes yeux s'ouvrirent en grand, encore une fois.
Jimin avait raison, toutes les preuves d'amour ne valaient pas le pouvoir de ces trois petits mots. Mes yeux se remplirent de larmes à nouveau et il se mit à sourire avant de regarder tout autour de nous et de m'embrasser rapidement.
Pourtant, je m'accrochai à son étreinte désespérément mais on se détacha en entendant d'autres personnes arriver. Il me fit avancer, glissant son bras au-dessus de mes épaules et on marcha ainsi, alors que j'essuyais mes larmes mélangées aux flocons de neige qui tombaient sur mon visage.
Plus loin, je profitai de l'obscurité baignée dans une féerique magie pour chuchoter :
— Redis-le encore.
— C'était une édition limitée.
— Jungkook, geignis-je en le frappant au torse alors qu'il riait.
Il se retourna, crânant devant mon désarroi pour continuer sa route, et je me mis presque à m'insurger avant qu'il ne pivote soudainement, me faisant sursauter.
— Je t'aime, hyung.
Mes joues s'empourprèrent et mes lèvres s'étirèrent.
J'avais atteint l'extase.
Accroché à un bonheur que je croyais trop beau pour moi.
On s'aimait.
On s'aimerait.
Quoi qu'il arrive...
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