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43-

Warning trigger : Je vous rappelle que cette histoire est inscrite avec un contenu mature.

Je préviens donc que ce chapitre, ici, aborde des sujets psychologiques qui peuvent être difficile à lire pour certains.

*******

Manger chez Yeri devint une habitude.

Un midi, même Jin hyung vint nous rejoindre.

Il s'extasia autant que moi devant la déco et monopolisa la parole durant tout le repas pour se plaindre de son stage.

Yeri et lui avaient discuté avec animation du secteur de la psychiatrie. Mais derrière ses revendications et ses plaintes Jin hyung semblait, étonnamment, content.

En fait il se plaignait pour se plaindre et pour qu'on le plaigne, je ne connaissais pas cette partie de sa personnalité. Mais dans le fond, là-bas, il avait l'air de se plaire.

Trois semaines après le début de nos stages, il semblait avoir réussi à s'adapter au rythme.

Jungkook m'avait prêté son téléphone et ses réseaux sociaux pour que je puisse lire les commentaires sur le groupe créé par notre promotion. C'était étonnant qu'après tout ce temps je n'entende parler de ce groupe que maintenant. Si Yeri ne m'en avait pas parlé, ça ne m'aurait pas rendu curieux.

Après tout c'était aussi un peu ma faute de m'exclure de tout ça, je n'utilisais pas ces applications.

En tout cas, dans ce groupe de discussion, tout le monde échangeait des idées, se plaignait, s'entraidait. Moi, je suivais ça en visiteur caché sans y prendre part.

Force était de constater que tout le monde commençait à s'y faire.

Enfin, une très grande majorité.

L'un d'entre nous, dont je ne me rappelais pas du nom, avait abandonné. Burn out. Enfin, c'était le diagnostic qui avait été lancé.

Je ne voulais pas être le prochain.

Jungkook, lui, avait tenu parole, on avait passé ma journée du vendredi ensemble. Tant bien même que j'avais beaucoup dormi.

Dormi et pleuré.

Je m'en voulais, je me flagellais mentalement de lui infliger ça. Je profitais beaucoup trop de sa gentillesse pour me comporter comme un bébé. J'avais l'impression de me mettre en position d'enfant et j'attendais de lui qu'il me câline et qu'il me berce à longueur de temps.

Ce qu'il faisait bien entendu, mais quand même, dans le principe ça me dérangeait.

Il avait été adorable et serviable, tentant tant bien que mal de me rassurer.

Il s'assurait que je mange bien, que les courses soient faites, le linge lavé, l'appartement propre et pas trop en désordre pour éviter de m'angoisser. Il était vraiment prévenant mais je voyais bien qu'il le faisait car il ne savait pas quoi faire d'autre.

Parce que, par-dessus tout, je n'avais rien pu lui dire.

J'étais encore bloqué.

Alors je lui disais des choses bateau. Il voyait bien que ce n'était pas l'entière vérité mais il attendait patiemment que je m'ouvre à lui.

Mais j'avais peur que ces images sortent de ma tête, qu'elles deviennent dures et encore plus horribles dites à haute voix.

J'avais peur de lui faire porter ce poids-là, de lui donner du souci, de lui jeter cette réalité médicale à la figure alors qu'il ignorait tout de ça.

J'avais peur, en fait.

J'avais surtout peur qu'en lui disant, je comprenne que ce blocage était grave.

Je ne voulais pas que ça le soit, je voulais qu'on me rassure et qu'on me dise que ça allait s'arranger.

Yeri et moi n'avions pas eu d'autres conversations de ce type, mais quand on se retrouvait tous les deux je craignais tout autant que j'espérais qu'elle relance le sujet.

Bref, ça n'allait pas.

Pas du tout.

Mais je me leurrais, j'essayais de me dire que ça allait passer.

Que moi aussi, comme les autres, j'allais finir par m'adapter et m'y mettre.

C'était ce que je croyais.

*******

Ce matin-là, aux alentours de six heures quarante-quatre, je n'arrivais pas à arrêter mes mains de trembler violemment. J'avais agrippé la porte de mon casier marqué à mon nom et qui contenait mes tenues de travail.

Mon estomac se tordait dans tous les sens et mon esprit saturait.

Lentement, alors que je ne l'avais pas entendue arriver, la main de Yeri vint se poser sur mon épaule avec douceur et je pivotai vers elle dans un sursaut :

— Hé, calme-toi, ça va aller. C'était prenant cette nuit mais ces gens vont s'en sortir...

Aujourd'hui avait été une sale nuit.

On avait eu une femme qui était arrivée entre la vie et la mort après avoir reçu des coups violents. À l'examen il s'était avéré qu'il y avait eu agression sexuelle. Son mari qui attendait dans la salle d'attente avait littéralement pété un câble quand on l'avait informé qu'on ne pouvait pas le laisser voir son épouse. Le type avait agressé une infirmière et blessé un médecin avant que la police n'arrive.

Ensuite, une heure plus tard, une enfant de deux ans avait été hospitalisée en urgence, après une chute du quatrième étage alors que la babysitteur était au téléphone. Encore en vie, il avait fallu agir le plus rapidement possible tant bien même que son corps entier était complètement déformé, sa boîte crânienne enfoncée.

— Taehyung ?

J'essayai de respirer normalement.

Pourquoi ce monde était-il aussi pourri ?

Pourquoi ?

— Viens, m'indiqua-t-elle en me tirant doucement. Tu as besoin d'un bon café.

— Je ne bois pas de café...

— Je te ferai du chocolat chaud, s'il le faut.

Yeri me parla de tout et de rien dans le bus, même de choses drôles, mais je n'arrivais pas à desserrer les dents.

J'aurais pu refuser de la suivre, mais dans le fond je ne voulais pas être tout seul.

Je pouvais rentrer, sachant que Jungkook était sûrement en train de se lever, mais je culpabilisais déjà tellement de lui infliger mes humeurs que je n'avais pas envie qu'il s'inquiète plus qu'il ne s'inquiétait déjà.

L'appartement de ma collègue m'accueillit avec tout autant de couleurs qu'habituellement et d'une certaine façon je trouvais ça un peu réconfortant.

— Tiens, ton chocolat chaud.

— Merci.

Je voyais bien qu'elle était fatiguée et je me mis à culpabiliser.

— Je ne vais pas tarder, tu dois dormir, je ne veux pas déranger plus que...

— Tu ne déranges pas, me coupa-t-elle. C'est moi qui me sentirais coupable de te laisser rentrer tout seul chez toi alors que tu tires cette tête-là...

Elle se mit à me sourire en se calant dans son gros fauteuil :

— Tu as été très bien avec la famille de la petite qui est tombée du quatrième étage, vraiment.

— Je... je l'ai fait parce que je... ne voulais pas voir l'enfant... ni m'en occuper, avouai-je honteusement.

Elle me jeta un regard compatissant :

— Je comprends, c'était vraiment dur à regarder.

Elle bougea et ouvrit une petite boite en métal sur sa table basse.

— Ça te dérange si je fume ?

— Euh non...

Mais son regard fut insistant et je jetai un coup d'œil plus long à la boîte en question :

— Ah. Euh non... Je t'en prie, tu es chez toi.

Elle roula son joint sous mes yeux un peu éberlués. En fait je n'avais jamais vu personne faire ça juste sous mon nez.

— Tu es sûr de ne pas en vouloir ? Ça te détendrait.

— Ça ira, merci... Je ne fume pas et je n'en ai pas envie et je... ne pense pas que je sois du genre à bien réagir aux drogues, même douces...

Elle sembla comprendre. Je me demandai si c'était son moyen à elle de décompresser. L'idée même que cette nuit avait été aussi éprouvante pour elle que pour moi me rassurait un peu.

On resta un moment silencieux, elle dans son fauteuil, fumant doucement, moi calé dans le canapé, mon chocolat entre les mains qui avait refroidi.

— Dis, Yeri.

— Hum ? répondit-elle en pivotant vers moi.

— Pourquoi tu m'as dit, la dernière fois, « tu dois peut-être parler à l'enfant de quinze ans que tu étais » ? Je ne comprends toujours pas cette phrase.

Ça tournait en boucle dans ma tête depuis la semaine dernière.

Je n'arrivais pas à me sortir cette phrase du crâne et encore moins à contrôler ce que je ressentais à chaque fois que j'y pensais.

Ma camarade fronça les sourcils et tira une bouffée de son joint avant de dire :

— Eh bien... tu sais... C'est plutôt une technique que j'utilise sur moi-même.

— C'est à dire ?

— Quand je fais face à un patient qui s'est pendu ou a voulu mettre fin à ses jours de la sorte, inconsciemment je redeviens la même gamine qui a trouvé son père comme ça. Comme si mon esprit rejouait la scène sans jamais réussir à l'effacer. Alors je fais en sorte que la moi, adulte actuelle, communique avec cette partie de moi, adolescente de seize ans, bloquée sur ce moment-là pour qu'elle ne parasite pas mes pensées. Ainsi je m'efforce d'agir en tant que Yeri adulte, médecin stagiaire, et non en tant que Yeri de seize ans, traumatisée par la mort de son père.

Ma bouche s'ouvrit et mes mains s'accrochèrent brutalement à mes genoux. Dans ma tête, ça devint une cacophonie de pensées qui s'écrasaient les unes contre les autres dans un carambolage qui me donna la migraine.

— Je vois.

Ce fut tout ce que je trouvai à répondre.

— Et ça marche ?

— Assez, répondit-elle. Ce n'est pas toujours facile. Quand je t'ai dit ça, j'avais cette idée en tête comme si on se ressemblait. Mais est-ce que tu as déjà parlé au toi de quinze ans ?

Cette question n'arrangea pas le chaos dans ma tête, au contraire. Ce fut pire. C'était comme si rien qu'avec cette idée mon cerveau avait activé des neurones qui jusque-là étaient restés en sommeil. Des tas d'images, de pensées, d'impressions me vinrent, des idées aussi rapides que folles.

Une phrase me revint d'un coup : « Monsieur Kim, vous devez régler ce traumatisme, sinon il ressurgira. »

Je me levai d'un coup, paniqué, renversant le reste de chocolat sur le sol. La voix de mon ancien psychiatre résonnait encore dans ma tête. Ce souvenir datait d'il y a un moment et je n'y avais plus repensé depuis.

— Je... Il faut que je rentre.

L'angoisse monta d'un coup une fois debout et je chancelai subitement alors que Yeri réagit rapidement par réflexe, comme voulant me retenir de tomber. On fut interrompus par la porte d'entrée qui s'ouvrit sur Sehun, habillé comme s'il avait passé la nuit dans un club extrêmement riche.

Il s'arrêta en enlevant ses chaussures, puis il fronça les sourcils :

— Vous êtes encore debout ?

Je fis un pas, cherchant à prendre congé. La fatigue me sciait les épaules qui étaient contractées douloureusement. Je dormais trop mal pour me reposer complètement.

Je sentis ma poitrine me faire atrocement mal et je vis avec horreur arriver le début d'une crise.

Pourquoi venait-elle maintenant, celle-là ?

Sehun me fixait, les sourcils froncés comme s'il voyait que quelque chose clochait. J'essayai de mettre mon manteau mais sans réussir à me calmer, ma tentative fut misérable. La main de Yeri sur mon avant-bras m'interrompit.

— Taehyung. Tout va bien ?

Je la fixai.

Voyait-elle mon désarroi ?

Voyait-elle ma panique ?

Comprenait-elle ?

Je ne savais plus d'un coup si c'était une amie, une alliée ou une ennemie.

— Concentre-toi sur ma voix, respire doucement, cale ton rythme sur le mien.

Sa voix était vraiment douce, apaisante et je me rendis compte que je respirais vraiment très fort. Je me laissai faire alors, abandonnant mon manteau, désespéré et en proie à la panique.

J'allais faire une crise, je le sentais et je n'arrivais pas à réfléchir correctement, je devais sortir pour qu'ils ne me voient pas, ou rester pour qu'ils m'aident ?

Pouvaient-ils m'aider ?

Yeri me parlait, ne fixait que moi, faisant quelques gestes à Sehun à côté de nous pour qu'il ne bouge pas.

Elle me fit asseoir en voyant que ma respiration empirait et que les tremblements de mes membres avaient atteint un nouveau stade mais elle tâchait de me prendre les mains.

J'étais épuisé.

Les sanglots montèrent au point d'être insupportablement douloureux et mon corps se crispa. Ma main tenta de les arrêter en protégeant mes yeux, mais rien n'y faisait.

Ça venait.

Quelque chose clochait chez moi.

Quelque chose d'anormal était là, dans ma tête.

Dans le flou de mes larmes et de mes sanglots, j'aperçus une silhouette qui n'était pas là avant.

Qui ne pouvait pas être réellement là.

— Taehyung, tout va bien. Respire.

Je sentis son étreinte et cela me fit bizarre parce qu'elle était bien plus petite que moi.

Je ne savais pas si je pouvais, si je devais, ou si j'avais le droit de la serrer dans mes bras. Elle caressait mon dos en chuchotant des paroles réconfortantes.

Soudain une étreinte plus grande, plus large que moi, arriva par derrière et je sursautai furieusement mais Yeri chuchota :

— Ne t'inquiète pas, tout va bien, détends-toi, tu es en sécurité. Lâche prise, c'est plus douloureux de tout garder à l'intérieur.

Étais-je vraiment en sécurité comme elle le disait ?

Ou toute ma vie je n'avais fait que courir sur le fil du rasoir entre la démence et la folie ?

Cela prit longtemps pour que le chaos dans ma tête s'enraye. Mes poumons me faisaient atrocement mal et mes larmes continuaient de dégouliner le long de mon visage.

J'avais vraiment un problème.

Je devenais complètement fou.

Mon corps se décrispa au fur et à mesure et je fus heureux de savoir que Sehun me maintenait debout tant mes jambes me lâchaient. Je pleurai longtemps et cette étreinte en duo me donna un sentiment d'inconfort qui se chassa tant il me fit du bien. Il y avait quelque chose de rassurant à être là.

Une fatigue accumulée depuis plusieurs nuits me tomba dessus.

Calmé, j'étais à présent épuisé et je me mis à somnoler lentement.

— Tu peux rester là, me chuchota Yeri, repose-toi Taehyung. Ne t'inquiète pas pour nous, tout va bien. On est là pour toi.

Je pouvais vraiment rester là ?

Dans le fond je m'y sentais bien, j'avais l'impression d'être en sécurité. Est-ce que je n'étais pas vraiment chanceux de tomber ainsi sur des gens réconfortants et rassurants alors que je dansais avec la folie ?

Peut-être que j'avais de nouveaux amis, que je pouvais les considérer comme ça et leur faire confiance ?

Cette idée fut balayée par le visage de Jungkook dans mes pensées.

Je rouvris brutalement les yeux.

— Il faut que j'appelle Jungkook ! Quelle heure il est, je...

— Calme-toi, on va le contacter pour lui dire que tu restes là, si tu veux..., souffla la voix grave de Sehun.

Sa voix était si proche qu'un sentiment de malaise se diffusa dans mon corps. J'étais éreinté et épuisé mais j'avais encore conscience de ce qui m'entourait. Sehun exerçait une pression étrange sur mes épaules, comme un massage. C'était douloureux et en même temps ça me soulageait.

Le couple échangea un regard à travers moi comme s'ils se comprenaient ainsi et je parvins enfin à sortir mon téléphone de la poche de mon pantalon.

— Repose toi, je vais l'appeler, si tu veux, souffla Yeri.

— Envoie-lui un message seulement, inutile de l'appeler, grogna Sehun.

— Non... balbutiai-je. Je... veux...

Qu'est-ce que je voulais au juste ?

Qu'il vienne me chercher ? Je ne savais pas quelle heure il était mais je doutais que Jungkook puisse faire ça et je ne voulais pas qu'il saute encore un entraînement ou des cours pour moi.

Est-ce que je voulais rester là ? Non, mais en même temps je ne me sentais pas capable de m'en aller.

Mais la voix de Jungkook à l'autre bout du fil me sortit de mes pensées, je ne réussis pas à répondre tout de suite, mon souffle reprenant ses irrégularités.

« Hyung ? »

Qu'est-ce que je pouvais faire ? Quoi lui dire ? Je me retrouvais de nouveau bloqué pour lui parler. Et puis, si Jungkook se braquait ? S'il n'appréciait pas que je sois en compagnie de Sehun et Yeri ? Si...

Finalement, Yeri gagna et attrapa mon portable :

— Jungkook ?

« Qui est à l'appareil ? »

— C'est Yeri.

Elle s'éloigna un peu, parlant d'une voix toujours calme et apaisante.

Calé contre le corps de Sehun, j'essayai de garder mon calme, je comptais dans ma tête pour régulariser ma respiration. Mon corps me faisait vraiment mal tant il était lourd. Est-ce que j'étais malade ? Mes paupières tombaient, alors que je voulais vraiment rester éveillé.

Yeri discutait au téléphone devant moi, lorsqu'elle me regarda elle revint prendre ma main et je me concentrai sur ce contact.

Comme si c'était encore la seule chose qui me raccrochait à une situation réelle.

J'avais l'impression qu'elle tentait de donner le plus d'infos à Jungkook tout en étant rassurante pour ne pas m'alarmer.

— Jungkook va arriver d'ici vingt minutes.

— Merci... je... suis désolé...

— Ne t'en fais pas, me rassura-t-elle. Je comprends.

Je rouvris les paupières alors qu'elle me parlait d'aller préparer quelque chose à manger. Sa silhouette s'en alla et étonnamment ce fut celle de son petit ami qui prit sa place.

Mes yeux décrochèrent du visage de mon vis-à-vis à un coin dans la pièce. Un coin où quelqu'un d'autre était là.

Il était encore là.

Irréellement.

Mes paupières se fermèrent pour me protéger de cette vision.

Je les rouvris après ce qui me sembla une seconde mais Jungkook se tenait au-dessus de moi, son visage était figé et son expression sérieuse.

— Hyung.

Mon corps était éreinté et lourd, j'étais avachi sur quelque chose ou quelqu'un du moins. J'étais perdu, un peu déboussolé, j'avais du mal à comprendre la situation dans laquelle je me trouvais.

— Hyung, répéta Jungkook en prenant doucement mon poignet.

La chaleur de sa main me fit comme une décharge et je me relevai. Sans attendre, il pivota, me montra son dos et je grimpai mollement.

— Il peut rester là, prononça la voix grave de Sehun, on a de la place. Inutile de le brusquer davantage, il dormait bien là, non ?

Jungkook fit en sorte que je sois bien calé et ignora superbement Sehun en se tournant plutôt vers ma camarade :

— Merci de m'avoir appelé, je m'en occupe.

Yeri acquiesça avec un faible sourire dans ma direction et derrière mes paupières ensommeillées je voyais l'expression de son petit ami, plutôt effrayante.

— Désolé du dérangement, soufflai-je d'une petite voix.

— Ne t'inquiète pas pour nous, m'assura Yeri. C'est un peu ma faute aussi, je n'aurais pas dû te parler de ça. Prends soin de toi, Taehyung. Repose-toi. Tu devrais prendre ta journée.

— Non, marmonnai-je d'une voix pâteuse, je... je viendrai ce soir.

Je n'entendis pas la suite et continuai de somnoler sur le dos de Jungkook. Je dormis anormalement dans le bus et ne parvins à me réveiller que lorsqu'il me fit asseoir sur mon lit.

Il m'avait porté sur tout le trajet jusqu'à mon appartement.

Je me sentais mal pour lui.

Sa main caressa mon visage et mes larmes revinrent d'un coup, il les essuya doucement :

— Je suis désolé, vraiment désolé... balbutiai-je. Tu vas sécher encore un cours pour moi et..

— Hyung, on s'en fout de ça.

— Je... Je... Tu n'es pas en colère ?

— De quoi ? demanda-t-il en fronçant un peu les sourcils et en m'aidant à enlever mon pull.

— Sehun et Yeri... ils... ont fait de leur mieux pour m'aider, je ne sais pas ce qui m'a pris, j'ai cru que... j'allais avoir une crise...

Il ne répondit pas tout de suite puis s'accroupit devant moi, me fixant avec inquiétude :

— Hyung, dis-moi, parle-moi, qu'est-ce que je dois faire pour t'aider ?

Je ne savais pas.

Je n'arrivais pas à savoir.

Je ne pouvais pas le savoir.

J'avais l'impression d'avoir glissé dans la folie.

Car dans un coin de la chambre, la silhouette était toujours là.

*******

« Ce soir, rendez-vous chez moi ? »

Je répondis à l'affirmative et verrouillai mon téléphone après la lecture du message de Jungkook. Il fallait que je note dans un coin de ma tête de penser à passer chez lui plutôt que chez moi dès la fin de mon service.

Nous étions mercredi, vingt-deux heures quinze.

Deux jours étaient passés depuis mon début de crise chez Sehun et Yeri.

Ces derniers ne m'en avaient absolument pas porté rigueur.

J'avais l'impression que Yeri était devenue un peu plus maternante envers moi, à chaque fois qu'elle me croisait il fallait qu'elle s'assure que j'aille bien.

Ça me mettait mal à l'aise.

Je me sentais honteux d'avoir été si faible et vulnérable devant ces deux-là. Mais d'une certaine façon je leur en étais reconnaissant. J'avais échappé à une crise parce qu'ils avaient été là. Je ne les connaissais qu'à peine mais eux semblaient vraiment faire attention à moi.

Est-ce que je méritais toutes ces attentions ?

Je me mis à prendre une grande inspiration, mon service avait commencé seulement depuis une heure, il fallait que je reste concentré.

Je suivais, comme d'habitude, le Dr Anh.

Je me faisais violence pour garder mon sang froid, ma patience, ma confiance en moi. Dans le fond, cette nuit-là en tout cas, ce n'était pas trop mal parti.

Jusque-là.

Soudain, l'accueil des urgences s'agita alors que les portes automatiques s'ouvrirent sur les pompiers, les gyrophares des ambulances et des camions qui jetaient leurs lumières bleutées contre les murs. Des brancards arrivèrent en nombre et tout le monde accourut à leur rencontre. Par réflexe, je suivis le mouvement.

— Accident sur la rocade sud, six voitures encastrées...

— J'appelle la banque de sang ! s'écria une infirmière.

— On a estimé pour l'instant six blessés graves, trois hommes, deux enfants de moins de dix ans, et une femme dans un état critique.

Tout d'un coup nous venions de basculer en enfer, chacun réceptionnait les brancards des personnes gravement blessées.

D'habitude nous agissions par ordre de priorité, mais là chacun d'entre eux était une priorité à part entière et nous manquions de personnel.

Mais avant que quelqu'un n'ajoute quoi que ce soit, la porte automatique s'ouvrit :

— On a un arrêt cardio-respiratoire !

— Kim.

Mon corps fut secoué d'une fulgurante angoisse, d'une bouffée d'un mauvais pressentiment mais mes jambes s'activèrent rapidement et je quittai l'accueil pour l'extérieur, jusqu'au camion de l'ambulance ouvert. Des personnes étaient déjà penchées sur le corps d'une femme immobilisée dans un brancard en train de faire un massage cardiaque.

— On a une hémorragie à deux endroits, m'annonça l'infirmière, et traumatisme crânien. Arrêt cardio-respiratoire depuis une minute.

— On procède à la réanimation, lâchai-je en grimpant dans le camion, chargez le défibrillateur.

Je pris la place de l'homme, épuisé, et continuai le massage cardiaque jusqu'à ce que l'appareil soit prêt.

On posa un masque à oxygène sur la bouche et le nez de la victime, les patchs furent collés sur la poitrine nue de la femme, le bouton fut actionné et une décharge fit bouger son corps et je consultai le résultat. Pas de reprise du pouls.

— On relance.

La ventilation artificielle était mise en place en alternance avec le massage cardiaque que je poursuivais sans relâche. La victime était une femme d'environ une trentaine d'années tout au plus.

Son corps était atteint à deux endroits et sa tête avait été atrocement touchée.

La charge électrique s'activa à nouveau et je consultai le cardiogramme.

Rien.

La panique et la pression s'insinuèrent dans mes veines au galop et je m'écriai :

— On relance !

Le massage cardiaque m'épuisait tout autant que le stress. Mes mains serrées l'une sur l'autre, aplaties sur la poitrine de la femme, tentaient de faire redémarrer son cœur.

— Reculez, ordonnai-je.

Une nouvelle décharge survint, puis la respiration artificielle et le massage cardiaque se poursuivirent.

Le cœur ne repartait pas.

Je reculai, transpirant à grosses gouttes et l'infirmier à côté de moi annonça :

— Heure de décès : 22h56, 6 Décembre. Nom de la patiente : Kim Hyun Ha, 33 ans.

Un silence tomba. Un silence mortuaire, saisissant, lourd, poisseux, dérangeant.

L'appareil fut rangé, le brancard descendu du camion, on recouvrit la victime d'un drap. Je reculai encore essoufflé, les yeux fixés sur la femme qui disparaissait de ma vue au fur et à mesure que la couverture était déposée sur son corps.

Mon cœur commença à battre à tout rompre de manière désordonnée.

— Kim, on vous attend dans le secteur B.

— Je... J'arrive...

Ma gorge se fit sèche d'un coup et ma poitrine me fit soudain atrocement mal, ma tête pivota lentement, toujours dans cette atmosphère particulière, alors que les gyrophares bleus continuaient de tourner, envoyant leurs rayons sur la façade des urgences dans la nuit froide.

Mes yeux se posèrent sur la silhouette tout près de moi et mon souffle se bloqua.

Il était là.

J'eus du mal à respirer. Une douleur lancinante m'étreignit la poitrine et je réussis, malgré tout, à faire un pas en direction de l'hôpital.

Le bruit à l'intérieur du hall me percuta les tympans avec horreur, alors que tout s'activait dans les couloirs, qu'on courait, que les appareils sonnaient, qu'on cherchait le matériel.

Il fallait que je respire.

Il fallait que je compte.

Un.

Deux.

Trois.

Quatre...

Je bifurquai de ma route, et m'agrippai immédiatement aux rebords de l'évier de la salle de pause désertique.

Le visage de la femme me hanta.

Son cœur n'était pas reparti.

Elle était décédée.

Morte ?

Morte...

Morte.

Ma tête me tourna, le vertige manqua de me mettre à terre, un cri douloureux s'échappa de ma gorge.

L'image de la victime me tourmenta, faisant écho à une autre image que j'avais voulu effacer.

Maman.

Je revoyais le brancard, à peu près identique à celui de la victime d'aujourd'hui, sur lequel on l'avait mise et la couverture blanche avec laquelle on l'avait recouverte.

Pourquoi je me souvenais de ça maintenant ?

« Il faut peut-être que tu parles à l'enfant de quinze que tu étais. »

Mes yeux s'ouvrirent brutalement et lentement, je tournai la tête vers le coin de la pièce.

Il était là.

Il était toujours là.

Il avait toujours été là.

« Monsieur Kim, vous devez régler ce traumatisme sinon ce dernier ressurgira. »

Mes yeux lâchèrent un torrent de larmes et mon esprit lutta pour rester lucide.

Mais c'était trop tard, je sombrais dans la folie.

La démence avait attendu là tout ce temps, revenant par moments pour me rappeler son existence et j'avais fait de mon mieux pour la garder éloignée.

Mais elle avait toujours été là.

Je perdais la raison.

Je n'avais pas pu la sauver.

Je ne pouvais sauver personne.

Elle était morte.

Elle était morte.

Mon corps tomba sur le sol glacial et ma respiration se coupa.

J'hoquetai, m'étouffant dans ma propre divagation.

L'air me manquait.

Il fallait que je respire mais cette fois même pas un halètement désespéré ne s'échappait de ma bouche.

L'air ne rentrait tout simplement plus.

Aucune de mes crises précédentes n'avait eu cette ampleur, je me serais presque gratté la gorge jusqu'au sang pour m'aider à respirer. Mon esprit se déchira, s'arracha à ce qu'il me restait de stable et de rationnel.

— Taehyung !

La voix de Yeri résonna dans cet amas d'images qui me sautaient au visage, noyant mon cerveau.

J'étais là de nouveau, dans la voiture.

J'entendais encore le crissement de la tôle qui semblait se plier de secondes en secondes vers l'horreur.

Vers la chute ultime, celle qui allait tous nous tuer.

Je voyais encore la poussière, les taches sales sur le siège en face de moi où se trouvait mon père. Je ne le voyais pas lui mais je voyais le sang qui coulait de ce tronc d'arbre encastré en plein milieu du fauteuil.

Autour de nous, on entendait les secours qui étaient descendus du ravin en rappel. Je ne distinguais que les formes et leur nombre à travers la buée qui s'accumulait sur les parois.

On était dans une bulle, dans une faille temporelle, dans un instant coupé, fragile et précaire.

Dans nos derniers instants.

« Tout ira bien, Taehyung. »


Je revoyais ses yeux, son grain de beauté sur le coin gauche de sa paupière, son maquillage qui avait légèrement coulé par le stress, sa peau blanche tachée de sang et ses cheveux noirs désordonnés.

Je revoyais tout, comme si j'y étais encore.

Comme si j'avais de nouveau quinze ans et que j'étais bloqué là.

Dans cette voiture.

« Tu verras mon chéri, on sera toujours avec toi, on veillera sur toi. Promets-moi que tu vas te battre pour vivre. »

J'avais promis, bêtement. J'aurais voulu ne jamais promettre.

— Taehyung !

Mes yeux s'ouvrirent, un peu. Je n'étais plus dans la voiture pourtant j'entendais encore la tôle qui se froissait au fur et à mesure que le véhicule glissait entre les arbres et la falaise.

J'avais encore cette angoisse dans mon corps et cette douleur atroce de toutes ces branches enfoncées dans ma chair, qui tremblaient dès que je bougeais, m'arrachant des cris de douleur.

— Taehyung, regarde-moi ! paniquait Yeri. Concentre-toi sur ma voix !

— Qu'est-ce qu'il a ? demanda une voix.

— Vous avez besoin de quelque chose ? interrogea une autre personne.

— On a assez de patients, si en plus il faut qu'on s'occupe des internes qui ne supportent pas la vue du sang... se plaignait quelqu'un d'autre.

— J'appelle le service de psychiatrie... annonça une autre personne.

— Laissez-le, cria Yeri. Il n'y a rien de grave, il... Il était malade avant d'arriver, rien à voir avec un malaise à la vue du sang ! Je m'en occupe !

— Ce gamin fait une crise d'angoisse carabinée ma petite, faut qu'on l'...

— Je me porte garant du médecin stagiaire Kim, déclara sèchement Yeri. Inutile d'en arriver à ces extrêmes. Il est épuisé et l'internat est difficile. Vous ne pouvez pas comprendre la pression qu'on subit !

Le visage de ma camarade était trouble et je sentis qu'on me levait.

— On n'a plus de lit dispo... fit une voix.

— Si tu ne veux pas qu'on l'hospi', au moins qu'il quitte le service.

— Retournez à vos postes.

C'était la voix du Dr Anh.

Mon cerveau était troublé, confus.

Où est-ce que j'étais vraiment ?

Ici ou dans la voiture ?

Mon état d'agitation sembla empirer.

— Vous pouvez m'expliquer ?

— Je pense qu'il est simplement surmené, répondit Yeri. Une chute de tension, il ne se sentait pas bien avant d'arriver... Avec tous les virus qui se promènent...

Je ne pouvais pas la voir, seules mes oreilles me faisaient parvenir un mélange de voix et de bruits de tôle.

Ma cage thoracique me faisait mal, tout autant que ces branches dans mon corps. J'avais du mal à respirer.

— Surmené ? répondit la voix du Dr Anh alors qu'il n'était pas dupe. Très bien, la nuit est loin d'être terminée, si Kim n'est pas en état qu'il rentre chez lui.

— Je vais le ramener.

— Votre nuit n'est pas terminée.

— Je vais revenir ensuite, je veux m'assurer qu'il arrive chez lui entier et je rattraperai mes heures. Veuillez m'excuser.

— Taehyung, souffla Yeri près de moi, serre ma main si tu m'entends.

Mon geste fut lent et atrocement faible mais elle répondit à ce contact.

— Reprend ta respiration, voilà, cale-la sur la mienne... Inspire et expire.

Je l'entendis respirer et j'essayai de faire pareil.

En vain.

Mon esprit se fissura encore.

J'étais toujours dans la voiture.

« Mon chéri, ne pleure pas, ça ira, tu veux qu'on chante une chanson ensemble ? »

Ne chante plus jamais cette chanson, maman.

C'est ce que j'aurais voulu dire mais sa voix résonnait dans l'habitacle et je plaquai les mains sur mes oreilles.

Je ne pouvais pas la sauver.

Je ne pouvais sauver personne.

— Taehyung !

J'ouvris les yeux à nouveau, je n'étais plus dans la voiture et Yeri se trouvait au-dessus de moi :

— Je vais te sortir de là, accroche-toi à mon bras. On va rentrer !

Mais mon corps ne réagissait pas, c'était qu'une masse percée, de chair et de sang, lourd, faible et douloureux. Mort.

Mort.

J'étais à nouveau dans la voiture.

Celle-ci glissa d'un coup vers l'arrière dans un bruit cacophonique. Le son d'un requiem s'enclencha dans ma tête.

Les mouvements entre les branches m'arrachèrent un hurlement de douleur. Et je me mis à pleurer.

« Taehyung, on va s'en sortir, regarde les secours sont là, ils font de leur mieux. »

Maman, j'ai peur.

« Tu n'as pas à avoir peur mon chéri, un jour tu verras, tout ça ne sera qu'un mauvais souvenir. Tu vas t'en sortir. »


J'ouvris les yeux, alors que Yeri se mettait à paniquer :

— Sehun va venir nous chercher en voiture, essaye de marcher, s'il te plait... Putain Taehyung, reste avec moi, je ne sais pas ce que tu me fais mais reste concentré sur moi...

L'image de ma mère et de cette femme me vint comme un coup de poignard et je me recroquevillai sur moi-même.

« Nous allons procéder à l'ouverture du véhicule. »

C'était la voix d'un des pompiers. Ils avaient coupé à la tronçonneuse toutes les branches nuisibles qui barraient le sauvetage. La voiture tenait dans un équilibre audacieux, dangereux et momentané.

« Prends une grande inspiration, Taehyung, respire. Regarde, on vient nous sauver. »

Le bruit d'une scie, des étincelles, un pan de la voiture ouvert alors que le véhicule penchait dangereusement. Je regardai ma mère qui souriait alors qu'on s'activait à m'attacher avec des sangles.

« Tu es un garçon courageux, mon chéri, je suis très fière de toi. »

La voiture bascula un peu plus et je m'arrachai un cri alors que le pompier donnait un ordre. Les cordes se tendirent et me tirèrent en arrière dans un hurlement de douleur.

Quelqu'un me prit dans ses bras pour me soulever et l'air rentra dans mes poumons, un air pollué de goudron, de voiture, de froid.

Je me mis à paniquer.

Où est-ce que j'étais ?

— Sehun doucement, ne le brusque pas ! s'écria Yeri.

Je ne voyais rien à travers mes larmes, j'avais envie de me flinguer. D'échapper à tout ça.

Je basculais d'un endroit à l'autre.

Je voulais mourir, que quelqu'un m'achève pour que tout s'arrête.

— Taehyung, regarde-moi, reste-là, concentré, concentre-toi sur ma voix...

Un bruit de voiture, un bruit de tôle.

Un bruit d'accélération, un bruit de glissement.

— Va chez Jungkook, ordonna Yeri.

— Pourquoi on ferait ça ? répondit Sehun sèchement. On le ramène chez nous. On peut très bien s'en occuper ! Pourquoi tu veux l'amener à lui ?

— Sehun, je t'en prie, je ne peux pas le calmer, ce n'est pas le même genre de chose que la dernière fois, cette fois c'est grave. Emmène-le chez Jungkook !

— Ce type ne sera d'aucune utilité !

— Ça suffit ! On en a déjà parlé, rugit-elle, ne discute pas. Ce n'est pas de nous qu'il a besoin !

Mon esprit se fissura à nouveau.

J'étais de nouveau dans la voiture, à deux doigts d'être sauvé.

Je criais, entre la douleur et mes larmes, je les suppliais d'aller aider ma mère.

Puis soudain, il y eut un bruit pire que les autres, la voiture piqua du nez alors que j'étais quasiment sorti du véhicule.

Je la voyais encore, nous n'étions pas si loin.

Elle était toujours dans l'habitacle.

Ma mère.

Pourquoi souriait-elle alors qu'elle savait qu'elle allait mourir ?

Pourquoi ?

« Je t'aime, mon chéri. »

« Tu verras, tout ira bien maintenant. »

Elle avait menti.

Elle m'avait menti.

— Taehyung, on est arrivés !

La voix me fit rouvrir les yeux à demi, mais le monde que je voyais n'avait pas de sens, tout était désespérément flou comparé à la netteté des images que je voyais en fermant les yeux.

Je sentis qu'on me soulevait, que quelqu'un grognait de mécontentement et qu'une dispute avait lieu.

— Respire Taehyung, je suis là, serre ma main s'il le faut...

Les portes automatiques d'un ascenseur, de la lumière.

Un endroit clos, petit, étouffant.

Ma panique reprit, mon souffle se coupa encore.

Maman, pourquoi tu m'avais menti ?

On aurait dû mourir ensemble ce jour-là, avec papa.

Je sentais et j'entendais le grincement des câbles qui me remontaient jusqu'aux pompiers fichés dans la falaise. Je criais, je hurlais, le visage de ma mère encore dans la voiture s'éloignait, mais son expression restait la même.

Un sourire éternel sur son visage.

Une sonnette martyrisée, une porte qui s'ouvrait en projetant de la lumière, un moment de latence, puis une étreinte me tirant à d'autres bras qui m'avaient porté jusque-là.

— Hyung.

Sa voix.

Mon esprit tiqua, bascula dans cette réalité-là, mes mains s'accrochant à lui, son odeur emplit mon nez, me sortant une seconde seulement de l'hallucination que je vivais.

Mais ce n'était pas suffisant, je me sentis happé à nouveau.

Je sentais la morsure des liens qui me tiraient vers le haut, la faiblesse de mon corps et le sang qui coulait de mes plaies.

Mais sous mes yeux horrifiés, le visage de ma mère disparut quand la voiture se mit à la verticale, les branches qui la soutenaient craquèrent.

Elles lâchèrent d'un coup sec et le nez du véhicule s'encastra dans le sol, des mètres plus bas.

Le bruit fut retentissant, m'arrachant le cœur, les tripes, mon âme.

— Allongez-le, ordonna une voix. Il fait de l'hyperventilation...

— Est-ce qu'il prend des cachets, des anxiolytiques ou quelque chose ? demanda précipitamment Yeri.

Fichée dans le sol, la voiture bascula dans un grincement désagréable et mortuaire et tomba ainsi comme un cadavre rouillé le long des pentes. Les pompiers s'agitèrent, certains me tombèrent dessus alors que j'avais commencé à enlever les lanières.

Maman.

Maman.

Maman.


— Hyung !

Une douleur à la joue me fit ouvrir les yeux et j'aperçus le visage de Jungkook apparaître, repoussant la présence de quelqu'un d'autre au-dessus de moi.

— Hyung, tu m'entends ? Regarde-moi. Hyung, je suis là !

Maman, où es-tu, toi ?

Morte.

Morte.

Morte.

« Tout ira bien Taehyung, je t'aime mon chéri. »

Menteuse, menteuse, menteuse, menteuse...

Mes cris se mélangèrent à mes sanglots. Je voulais qu'ils m'étouffent pour ne plus vivre ça.

— Hyung, je t'en prie ! cria Jungkook, la voix craquée par l'émotion.

— Tae, respire. Respire, il faut que tu comptes, souffla une voix semblable à celle de Jimin.

Je ne voulais pas compter, je ne voulais pas de cette réalité, je voulais retourner là-bas, près de ma mère, dans la voiture.

« Tu vas voir mon chéri, on sera toujours avec toi, on veillera sur toi. Promets-moi que tu vas te battre pour vivre. »

J'avais promis.

Bêtement.

— Hyung, dis-moi que tu m'entends, s'il te plaît...

Je n'arrivais pas à respirer, je l'entendais mais mon esprit tiqua.

J'avais promis.

Il fallait que je reste là. Que je vive là.

Pourquoi tu m'as fait promettre ça maman ? C'est trop dur. C'est trop pénible, de vivre sans toi. Sans papa.

— Hyung.

Son visage m'apparut soudain nettement et l'air rentra un peu dans mes poumons.

Jungkook...

Jungkook.

Jungkook.

Une grande inspiration me vint, son expression changea, passant de l'inquiétude alarmée au soulagement.

Ma main glaciale bougea, s'accrochant à son poignet brûlant.

Maman, je crois...

Je crois que depuis qu'il est là, c'est moins pénible.

Son étreinte me fit trembler et mes yeux me brûlèrent.

Le visage de la femme revint, et je m'accrochai comme un désespéré à la seule personne qui parvenait à me garder dans un équilibre rationnel.

Elle était morte.

Maman était morte.

Pourquoi je ne pouvais sauver personne ?

Plus que la panique, ce furent mes pleurs et le chaos de mes pensées qui enrayèrent mon cerveau.

Les hallucinations revenaient, mon esprit était à deux doigts de basculer.

— Hyung.

Sa voix me raccrocha encore au bord du réel.

— Hyung, aujourd'hui je suis allé acheter des cadeaux de Noël, j'ai fait un effort surhumain, tu aurais été fier de moi, j'ai emmené mon beau père...

Mes paupières clignèrent et mon esprit eut un sursaut de conscience.

Jungkook était si proche mais si je voyais ses lèvres bouger, le son me paraissait décalé.

Je me concentrai sur ce qu'il disait, l'intonation de sa voix, son souffle, le mouvement de ses lèvres et de sa mâchoire.

— On n'avait rien à se dire, tu te rends compte, un vrai malaise. Il a commencé alors à faire des blagues merdiques, il riait à ses propres imbécilités. C'était nul à chier. Mais... d'une certaine façon... j'ai trouvé ça touchant qu'il essaye de détendre l'atmosphère....

Mon souffle sembla moins chaotique et mes pensées tâchèrent de toute leur force de se concentrer sur son discours.

— Il a posé plein de questions, se plaignit-il. Un vrai interrogatoire... Ça m'a soulé mais au final j'ai quand même répondu à ce qu'il me demandait. N'empêche il est carrément plus cool que ma mère et moins stricte. Et puis bon... je me suis dit que tu allais me faire un caca nerveux si tu savais que je m'étais mal comporté avec lui alors j'ai fait un effort et je lui ai fait la putain de conversation ! Bah figure-toi qu'en fait... c'était assez cool comme journée.

Ma main glissa pour s'accrocher à la sienne, le son avait enfin réussi à se recaler à l'image.

Mon souffle était plus régulier et mon esprit se taisait.

J'avais d'horribles douleurs dans le corps qui se réveillaient, par contre.

Mais j'étais là.

— Ils ont un super restaurant de burgers qui vient d'ouvrir, une tuerie, je suis sûr que tu vas adorer, dès que tu as un moment je t'y emmène...

Je le fixai et il chassa mes larmes en essuyant mon visage avec son pouce.

J'étais là.

J'étais là, avec lui.

L'angoisse était presque partie et mon esprit plus clair, moins tourmenté.

— Je vais t'aider à te redresser, hyung, murmura-t-il.

Je me retrouvai assis, presque incapable de bouger mes propres membres. Comme une poupée. Mes yeux ne le quittaient pas.

Il me souriait très légèrement mais je voyais toute son inquiétude, la pâleur de sa peau, la transpiration à ses tempes, ses gestes doux mais pleins de nervosité.

Mais surtout, surtout ses yeux qui ne me quittaient pas une seconde tant bien même qu'il y avait du mouvement autour de nous.

Je me penchai en avant en y mettant toutes mes forces, je ne réussis à faire qu'un faible mouvement mais c'était suffisant pour poser mes lèvres sur les siennes.

Je le sentis se figer, une fraction de seconde que je n'interprétai pas, je n'en étais pas capable car il me répondit doucement. Mon esprit s'apaisa et mes yeux se fermèrent.

Ça ira mieux, maintenant.

Il me souleva avec force pour me transporter jusqu'à la chambre et me déposer sur le lit. Il me retira mes chaussures et m'enroula dans la couette, me donnant ma peluche.

Il me laissa allumer la lampe de chevet et me caressa les cheveux mais je me mis à gémir de panique en voyant qu'il s'éloignait.

Il revint et sans un mot, parce que j'étais incapable de parler, je le tirai pour me retrouver dans ses bras.

Je fermai les yeux, recroquevillé contre lui.

Il m'embrassa doucement, me caressant la nuque et ce geste, si typique entre nous, réussit à chasser les dernières traces de folie dans ma tête.

Le sommeil m'emporta d'un coup, Morphée me réservait encore bien des cauchemars mais une partie de moi, l'adulte que j'étais, était rassuré.

Parce que Jungkook était là.

Même si, dans la pénombre, lui était toujours là.

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