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42-

Ça allait dans tous les sens, les pompiers étaient là et poussaient des brancards. On en manquait d'ailleurs, des brancards.

Les infirmières couraient, il y avait des bruits de partout. Des gens attendaient assis, blessés, endormis ou même morts. Les lustres crachaient leur lumière pâle, artificielle et grise, rendant l'endroit lugubre où seules les tenues du personnel d'un bleu reconnaissable ressortaient dans la pâleur de l'endroit. Des appareils bipaient, des gens geignaient, pleuraient, criaient...

Et puis il y avait moi.

Moi, au milieu de tout ça, ma blouse blanche de médecin stagiaire sur le dos.

Qu'est-ce que je foutais là ?

— Kim.

Je repris contact avec la réalité d'un coup, j'avais sûrement « bugué » à nouveau, comme le disait souvent Jungkook. Mon médecin référent m'appelait de l'autre côté de la pièce et j'arrivai rapidement vers lui.

— On a quoi ? demanda-t-il aux pompiers.

— Accident de moto.

— Kim, tu te charges de l'auscultation.

J'obtempérai, regardai l'homme qui portait un immobilisateur de tête et vérifiai ses signes vitaux.

J'étais sous pression, je sentais la panique dans tout mon corps et j'étais difficilement capable de garder mon calme.

— Kim ! m'interpella encore le médecin urgentiste pour me presser.

— Je... Le patient n'a pas perdu connaissance, les pupilles réagissent, tension artérielle à vingt et pouls à 120 irrégulier. Il faut l'envoyer faire une radio, à première vue je dirais le bassin de déplacé et des fractures multiples aux jambes.

— L'épaule ?

— Ah...

Comment j'avais pu passer à côté de ça ?

Je tâchai, en vain, de garder un professionnalisme bancal. Mon manque de confiance en moi était un gouffre qui avalait tout.

— On stoppe l'hémorragie et on l'envoie passer une radio, prévenez la chirurgie, ordonna l'urgentiste.

Deux heures plus tard, alors que le patient accidenté se faisait opérer, j'étais de retour dans la salle des urgences.

Mon médecin référent nous guida jusqu'à un brancard où un enfant pleurait à s'en déchirer les cordes vocales. Je m'avançai timidement et lorsque je fus suffisamment près je ne réussis pas à m'empêcher de la fixer avec horreur.

Elle était brûlée sur tout le corps.

— Kim.

Je m'employai alors à l'auscultation :

— Il faut enlever les vêtements et voir l'étendue des dégâts pour mesurer la gravité de la brûlure. Qu'est-ce qui s'est passé ?

Mes mains tremblaient mais il fallait que je reste calme même si je n'y arrivais pas.

— Accident domestique, répondit l'infirmière, la bouilloire se serait renversée sur la petite, qui se serait pris le pied dans le fil.

Le bébé pleurait, s'agitait, incapable de s'arrêter alors que je tentais de lui parler. Je fis reculer les infirmières et me mis à la hauteur de l'enfant.

— Tu as été très courageuse ma chérie, je suis là, pour t'aider. Ta maman attend dans l'autre pièce...

Il me fallut de longues minutes jusqu'à ce qu'elle se calme, mon référent en profita pour l'ausculter davantage et donner ses directives aux infirmières présentes autour. Une fois cela fait, il me demanda de le suivre jusqu'à la salle d'attente où la mère, jeune, deux enfants dans les bras, l'un étant un nourrisson et l'autre dans sa poussette, était au bord de la crise de nerf.

Elle ne parlait pas bien coréen mais l'urgentiste lui réexpliqua plusieurs fois la situation. Notamment le fait que sa fille pouvait potentiellement être transférée du secteur pédiatrique à une clinique dermatologique.

Moi, je me concentrais sur les deux enfants qui pleuraient. Vu l'heure tardive de la nuit, ils auraient dû dormir mais semblaient contaminés par la situation et le stress de leur mère.

Pauvres gosses.

— Kim, reste concentré, insista mon référent dix minutes plus tard.

— Oui, pardon, Dr Anh.

La nuit ne faisait que commencer, mon service aussi et pourtant je n'en pouvais déjà plus.

Le prochain patient fut un homme, transporté par le service du samu :

— Probable tentative de suicide, section des avant-bras, pouls irrégulier...

Je regardai, effaré et avec horreur, l'état des poignets du patient.

— Mettez-le sous oxygène, transportez-le au bloc C, il faut arrêter l'hémorragie et fermer les plaies...

Qu'est-ce que je foutais là ?

— Kim !

— Oui... pardon, balbutiai-je, je... m'en occupe... j'y vais...

Mais ma course fut arrêtée par un homme se tenant la main dans un bandage.

— Ça fait trois heures que je suis là ! beugla-t-il.

— Nous sommes désolés monsieur, le coupai-je d'une voix tremblante, nous faisons de notre mieux.

Enfin surtout moi, en fait.

— Occupez-vous de moi, bordel, je me suis coupé !

J'avisai avec soulagement une infirmière qui venait à mon secours.

— Rasseyez-vous s'il vous plait, monsieur, lança-t-elle.

— J'ai mal à ma main, putain !

— Vous avez été ausculté, nous avons des urgences à régler avant de revenir vers vous, nous sommes désolés mais...

Je continuai ma route, essoufflé. Le Dr Anh me tendit une blouse et des gants.

— On reste concentré, Kim.

— Oui, pardon, monsieur.

J'avais envie de pleurer.

Le patient qui avait essayé de se suicider n'avait pas sectionné de veines importantes, il n'allait pas perdre l'usage de sa main. Mes mains à moi, par contre, tremblaient un peu en recousant la plaie.

Dix minutes plus tard, le Dr Anh me fixait d'un air attentif et je me tournai vers les infirmiers :

— Informez le secteur psychiatrique, s'ils ont de la place envoyez-le directement là-bas, sinon il restera en salle de réveil. Si à son réveil il s'agite ou devient agressif, contactez-nous.

— Très bien.

Ça ne m'allait pas du tout de donner des ordres.

L'accueil des urgences vomissait un lot impressionnant de brancards, de patients, de professionnels de santé, de pompiers, d'infirmiers et même des enfants.

Tout arrivait parfois en masse et repartait au compte-goutte quand on pouvait s'occuper d'eux.

Et moi j'étais là et incapable de gérer la demande.

Incapable de quoi que ce soit.

Je ne savais vraiment pas ce que je foutais là.

On nous appela car un patient s'était agité en salle d'attente. En arrivant sur les lieux, les infirmières et infirmiers s'étaient mis à plusieurs pour l'arrêter. L'homme tenait une paire de ciseaux et semblait complètement alcoolisé et en proie à des hallucinations visuelles de types psychotiques. Un des pompiers qui nous vint en aide parvint à le maîtriser, on le mit sur un brancard et on n'eut pas d'autre choix que de l'attacher. L'homme avait un discours incohérent. Le Dr Anh me regarda attentivement et ma voix eut du mal à porter, au début.

— On contacte le service d'urgence psychiatrique pour savoir s'ils ont de la place en urgence.... Gardez-le maintenu dans le brancard et on fait une prise de sang et un test d'alcoolémie.

Je crois que je savais dans le fond pourquoi Mr Do m'avait foutu dans ce stage-là.

Neuf heures plus tard, je pouvais enfin m'en aller.

Les urgences de l'hôpital de Séoul étaient redevenues à peu près calmes. Le samedi soir était passé, pire jour de la semaine.

Aux vestiaires, je me retrouvai encore à buguer devant mon casier et Yeri me tapota l'épaule.

— Ça va aller, on prend le petit dej' ensemble ?

— Oui....

Elle me fixa, un peu peinée, et je lui fis un sourire que je voulais positif.

En vain.

— J'ai horriblement faim.

— Moi aussi.

— Taehyung ?

Je me reconnectai quand elle me héla et je tournai la tête vers elle. On était bien en train de prendre le petit déjeuner, dans un restaurant familial dont on devait être les premiers clients. Il était huit heures du matin après tout. Yeri me jeta un drôle de regard.

— Tu étais encore parti loin...

— Désolé.

— Tu es sûr que ça va ?

— Ça va.

Elle sirota son café avant de soupirer :

— Tu n'as pas l'air réellement d'aller bien.

Je fermai les yeux avant de sortir mon portefeuille pour payer ma part :

— Je suis fatigué, on est de service cette nuit, repose-toi bien.

Elle m'arrêta :

— Tu as fait du bon boulot, Taehyung, vraiment.

J'essayai de lui sourire mais je ne réussis pas.

— Si tu le dis...

— Tu t'en sors, il faut juste que tu gères encore la pression des urgences et le rythme.

— Je sais.

Je sais mais je n'y arrivais pas.

Je la quittai et m'engouffrai dans le bus.

On était fin novembre et il faisait vraiment froid, j'enfonçai mon bonnet sur ma tête et mes doigts gantés dans mes poches.

Cela faisait deux semaines que j'avais commencé le stage obligatoire de cette année.

Deux petites semaines au service des urgences de l'hôpital général de Séoul.

Je n'y arrivais pas.

Pas du tout même.

Et le pire, c'est que je ne pouvais pas faire autrement.

En arrivant chez moi, frigorifié, je tombai sur Jungkook qui venait de se lever. Il sortait de la salle de bain, sa brosse à dents dans la bouche, ses cheveux ébouriffés, habillé uniquement d'un caleçon. Un léger sourire vint barrer mon visage.

C'était toujours agréable une si belle vue de si bon matin.

Il retourna se rincer la bouche avant de revenir vers moi pour m'embrasser légèrement.

— Bonjour, hyung.

— Tu es en retard, non ? demandai-je, un peu amusé.

— Je ne vois pas de quoi tu parles...

Je pouffai et il caressa ma nuque :

— Ça a été ?

— Si on veut...

— Repose-toi. Tu es de service cette nuit ?

— Oui...

Il bouda un peu et m'embrassa encore avant de me laisser la salle de bain.

Depuis qu'il avait été pris dans l'équipe de baseball, quelques semaines plus tôt, il rayonnait.

Son emploi du temps s'était aussi considérablement allégé. Il s'entraînait beaucoup mais j'avais moins l'impression qu'il courait partout à la fois. Le voir se concentrer que sur une seule chose lui faisait du bien. Il s'investissait beaucoup. Il faisait aussi beaucoup plus de musculation, ses abdos étaient de plus en plus marqués à mon plus grand bonheur.

Jungkook était heureux, vraiment heureux. Il n'arrêtait pas de parler de ses « techniques » et de ses « records de course » et d'autres « home run ». Il s'y mettait à fond. Pas de nuage à l'horizon, car Jungkook n'en avait pas informé son père. Pour l'instant.

Sa relation avec l'entraîneur, elle, n'était toujours pas très bonne mais il se donnait au maximum pour le satisfaire.

— Tu seras fier de moi, un jour je serai une putain de star de baseball ! m'avait-il dit.

J'étais déjà fier de lui, de toute façon.

De ce fait, je n'avais pas envie de plomber l'ambiance en me plaignant de mon stage. Je ne voulais pas lui miner le moral.

Après ma douche, je me calai dans mon lit, le jour passait déjà à travers les rideaux opaques.

Je n'arrivais pas à dormir.

Je n'y arrivais plus depuis quinze jours.

Sans que je ne réussisse à me contrôler, les larmes vinrent dégouliner sur mon visage et je fis taire mes sanglots dans l'oreiller.

Les urgences me donnaient tellement de pression et d'angoisse que je ne parvenais pas à éteindre mon cerveau.

Je revoyais tout dans ma tête et je repassais en boucle les choses que j'avais faites et surtout celles que je n'avais pas faites.

Il y avait un énorme fossé entre la théorie et la pratique.

Pourtant mes précédents stages avaient essayé de m'y préparer mais ça n'avait pas été suffisant parce dès que j'avais mis un pied dans le service des urgences, c'était comme si je m'étais pris une claque.

J'étais si mauvais, comment pouvais-je me dire que dans un peu plus d'un an je serais interne ?

Impossible.

Je me tournai et me retournai. Je parvins à m'assoupir quelques heures mais pas assez. C'est un cauchemar qui me réveilla et je mis longtemps à me calmer. J'avais encore l'impression de passer mon temps à pleurer.

Quelques minutes plus tard, en faisant réchauffer les restes de poulets braisés dans le micro-ondes, j'échangeai quelques messages avec Jin hyung.

Mon aîné était en psychiatrie, ses horreurs étaient différentes des miennes. Mais le choc de la pratique et la violence des faits que la réalité nous infligeait étaient du même ordre. Je ne savais pas ce qui était le pire entre les deux. Dans le fond, je ne me sentais pas à ma place ni dans l'un ou l'autre secteur.

Jin hyung était difficile à contacter, il n'avait pas les mêmes horaires que moi et il y avait presque six ou sept heures de délai entre chaque réponse entre nos messages.

N'empêche, Mr Do avait gagné.

Si son but était de nous emmerder au maximum, bien sûr.

Si son objectif était de nous faire sortir de notre zone de confort et pointer nos faiblesses, il avait réussi son coup.

Bienvenue dans la fosse aux lions et maintenant démerdez-vous.

Le service des urgences était mon fléau. Je n'étais pas fait pour faire face à une pression pareille et encore moins à une prise de décision aussi rapide. En pédiatrie il y avait des urgences mais ce n'était pas du tout la même chose.

Là, c'était juste l'enfer.

Dans le fond, je n'étais pas préparé à la réalité.

Je réussis à joindre Jimin dans le bus, avant de partir pour ma nouvelle nuit.

Nous n'arrivions pas à nous voir depuis que j'avais commencé le stage, à mon plus grand regret.

« Et tu ne peux pas démissionner ? »

— Non.

« Franchement Tae... je m'inquiète pour toi, rien qu'à ta voix on sent que ça ne va pas... »

— Je ne pourrai pas te voir demain, je bosse cette nuit, désolé...

« Ce n'est rien. »

— L'ambiance dans ton dortoir s'est améliorée depuis qu'il est parti ?

« Oui et non... »

Ça faisait deux mois maintenant que je n'avais plus vu Bambam. D'une certaine manière je ne m'étais plus occupé de lui, mais parfois j'y pensais. Je pensais à lui avec regret, comme on pense à un vieil ami et dont on culpabilisait de ne plus jamais avoir de nouvelles.

— Pourquoi oui et non ?

« Jackson mettait l'ambiance, c'est un peu vide sans lui... »

— Il est allé vivre où, au fait ?

« Dans un autre dortoir, avec des amis chinois à lui, je ne les connais pas tous... Il y a un type qui s'appelle Kris, Luhan, Jun et The8 je crois... Pour les autres, je ne sais pas leurs noms. »

— The8 ?

« Ne me demande pas, je ne sais pas. »

— Comment tu connais les autres ?

Il y eut un silence et je fronçai les sourcils.

— Jimin ?

« Eh bien, il est possible que je sorte avec l'un d'eux et donc que je sache où est l'appartement... » éluda-t-il d'une voix légère comme s'il parlait de sa liste de courses de la semaine.

— Oh.

Je relevai la tête.

— Tu es allé rendre visite à Jackson et tu as craqué sur un de ses colocs ?

« Si on veut... »

— Comment ça, si on veut ?

« Disons que je le connaissais avant, du coup depuis qu'il a déménagé j'y suis allé mais Jackson passe en second plan, en fait... c'est tout. »

— Donc tu sors avec lequel ?

« Jun. »

— Je vois...

« Jackson est toujours aussi con » soupira-t-il. « Mais il a arrêté de jouer l'homophobe de service et c'est mieux. »

Tant mieux. Enfin, je supposais.

« Tu me diras, il peut moins la ramener maintenant qu'il s'est tapé un mec... mais... je le trouve un peu déprimé, quand même... »

— J'ai du mal à l'imaginer déprimé...

Cette histoire entre Bambam et Jackson avait empiré et duré presqu'un mois avant que le chinois ne décide de déménager.

« Jaebum hyung et lui se voient toujours aussi souvent, c'est cool... mais quand même, l'ambiance dans le dortoir n'est pas pareille. Je ne sais pas comment ce sera si on a un nouveau colocataire. »

— Financièrement vous allez bien être obligés de prendre quelqu'un d'autre, non ?

« Oui, enfin on a encore un mois... Et sinon, Bambam n'est pas revenu te parler ? »

— Non.

J'entendis Jimin soupirer bruyamment dans le combiné :

« Quel abruti... Tu sais qu'il s'en veut à mort et qu'il ne me parle que de toi tout le temps ? »

Je ne répondis pas.

Si Bambam revenait, qu'est-ce qu'il se passerait ?

Il y a deux mois, j'aurais accepté sans rien dire, pardonné aussi. Mais là, maintenant ?

J'étais confus.

« Je dois sortir, j'ai une soirée, on essaye de se voir dans la semaine ? »

— Si tu veux. À moins que tu ne veuilles voir ce... Jun ?

« Non ! »

J'entendis Jimin pouffer :

« Ne t'inquiète pas pour ça. Il n'est pas important. »

— Tu veux dire que ce n'est pas un petit ami officiel ?

« Pas vraiment. »

— Mais Jimin, avec combien de types est-ce que tu...

« À plus tard, Tae ! Bon courage pour cette nuit. »

Il raccrocha sur cette dernière phrase.

Qu'est-ce que Jimin fichait, bon sang ?

*******

Que ce soit la nuit suivante ou la journée d'après, que ce soit le service des urgences de jour ou de nuit, ça ne changeait pas grand-chose.

Je n'y arrivais pas.

Certes, la journée c'était moins stressant. Le Dr Anh et moi-même nous passions dans les chambres, nous recevions les patients, nous complétions les suivis, nous orientions ceux qui avaient besoin d'aller dans un autre service.

D'accord, admettons que pendant ces moments j'étais à peu près utile.

Mais le service de nuit, notamment des week-ends, me rendait malade. J'avais une boule au ventre et un début de crise de panique dès que j'approchais du bâtiment. Je n'y arrivais tout simplement pas et je ne savais pas ce qui me bloquait. Peut-être que tout était exacerbé, les comportements, les gens, les accidents.

Tout était grave, dans le fond, sauf pour les personnes qui utilisaient le service d'urgence pour des bobos insignifiants. Je voyais bien que le Dr Anh me poussait en avant, que le personnel, les équipes attendaient de moi un comportement professionnel, mais j'avais l'impression d'être en enfant perdu dans un supermarché, effrayé par l'immensité des rayons, traumatisé par les caissières et persuadé que jamais personne n'allait me retrouver.

Le pire était de constater que Yeri, bien que le secteur des urgences n'était pas non plus son premier choix, s'en sortait mieux que moi.

Alors, qu'est-ce qui clochait chez moi ?

*******

En rentrant ce matin-là, aux alentours de sept heures, je me dirigeai immédiatement vers la salle de bain.

L'eau brûlante me fit du bien, chassant la tension qui s'accumulait sur mes épaules et dans mon cou.

J'avais tout le temps envie de pleurer.

J'avais l'impression de faire une overdose d'images écœurantes, gores et trash. De ne pouvoir en supporter davantage.

Je me savonnai rapidement et le bruit de la porte de la salle de bain me sortit de mes pensées.

Combien de temps avais-je bugué, encore ?

Des lèvres se posèrent sur ma nuque et un corps brûlant mais sec se colla à mon dos.

— Bonjour, hyung.

Une tension se retira d'un coup de mes épaules et je pivotai la tête quelque peu.

— Bonjour, Jungkook.

L'eau commençait à le tremper et je l'embrassai chastement.

Je me sentais mal aussi par rapport à lui, à cause de ce stage on ne se voyait quasiment pas. Autant avant j'avais des horaires de jour mais maintenant que je travaillais la nuit, on ne faisait que de se croiser. Ses lèvres descendirent le long de ma colonne vertébrale alors que sa main glissait sur mon ventre de plus en plus bas.

Je me mordis la lèvre, mon corps parcouru de frissons.

Je collai mon dos à son torse, laissant ma tête quelque peu partir en arrière alors que je sentais le pouvoir que ses caresses avaient sur moi.

Mon visage pivota un peu pour attraper ses lèvres avant qu'il ne se mette à jouer avec ses dents et sa langue contre mon lobe d'oreille gauche.

Mon corps manquait de lui.

Mais soudain, derrière mes yeux clos pour davantage ressentir les sensations de mon corps, mon esprit s'égara vers les images que j'accumulais.

Les patients, les plaies, le sang, ...

Je secouai la tête pour chasser tout ça.

Pourquoi je pensais à ça à ce moment-là ?

Pourtant les images n'arrivaient pas à s'effacer, je revoyais mes patients, la petite fille brulée, les cris, les lamentions, l'agressivité, les odeurs...

Comment pouvais-je être là à prendre du plaisir alors que des gens souffraient et mouraient en cet instant ?

C'était surtout les odeurs qui me revenaient, couplées aux images.

Un combo destructeur.

L'amertume du sang, du fer, de la douleur, des produits hospitaliers, du désinfectant.

L'odeur de la mort.

— Arrête ! Arrête !

Je me détachai de lui, reculai au fond de la douche en me débattant.

— Hyung ?

— Ne... ne...Je ne veux pas... plus...

Je me mis à pleurer pour de bon.

Je me sentais horriblement coupable.

Coupable d'être là, de ne rien pouvoir faire pour eux, d'être incapable de les sauver.

— Hyung, s'inquiéta soudainement Jungkook en me prenant dans ses bras. Qu'est-ce qu'il y a ?

Mais je n'arrivais pas à prononcer un mot, ne cessant de répéter que j'étais désolé.

Il me réconforta et contre toute attente, me fit sortir de la cabine, coupant l'eau qui coulait toujours et m'enveloppa dans une serviette avant de me porter jusqu'au lit.

Je me recroquevillai alors qu'il se séchait sommairement, une expression soucieuse et tourmentée sur le visage.

— Hyung, souffla-t-il. Qu'est-ce qu'il y a ? Je t'ai fait mal ?

— Non. Je suis désolé, je suis désolé... je... bégayai-je.

— Qu'est ce qui ne va pas ?

Je ne réussis pas à répondre.

— Viens, m'intima-t-il dans un murmure.

Il m'aida à m'allonger et chercha rapidement la peluche Tata que j'enfermai dans mes bras.

Sa main caressa ma joue et mes cheveux trempés.

— Hyung, qu'est-ce qui se passe ? Parle-moi.

J'aurais voulu lui dire, mais ma voix resta désespérément silencieuse tant bien même que ma bouche souhaitait formuler des mots.

J'étais bloqué.

Cela le tracassa davantage et je me remis à pleurer.

Il me câlina longtemps, parlant doucement et je finis par renifler :

— Tu dois aller en cours et ton entraînement de...

— J'ai encore du temps, je vais rester là.

— Tu peux rester jusqu'à ce que je m'endorme ? demandai-je d'une petite voix.

— Oui, assura-t-il.

Je me calai contre lui et sa chaleur me fit du bien.

— Hyung, murmura-t-il, j'ai fait quelque chose de mal ?

— Non... Non ! Tu n'as rien fait. C'est moi... c'est ma faute... Je suis tellement désolé... j'ai tout gâché...

— Calme-toi, murmura-t-il. Tout va bien. Ne t'excuse pas pour ça, tu n'as rien fait, d'accord ?

On resta silencieux puis il chuchota :

— Vendredi, c'est bien ta journée de repos ?

— Oui...

— Je vais me débrouiller pour sécher les cours inutiles et passer du temps avec toi, le plus possible, d'accord ?

J'acquiesçai et il déposa un baiser sur mes tempes.

— Repose-toi.

J'aurais voulu m'endormir paisiblement dans ses bras, ne plus penser à rien. Mais mes cauchemars ne me laissèrent pas une minute de répit.

*******

En me réveillant, j'étais seul.

Un sentiment écrasant vint me prendre à la poitrine et je sentis mes yeux me piquer.

Je n'avais pas beaucoup dormi et en mettant un pied dans le salon, je m'aperçus que Jungkook avait fait des courses. Je me mis de nouveau à culpabiliser. Depuis le début du stage il s'occupait vraiment de tout dans l'appartement.

Il avait laissé sur la table des bols de ramens et des boissons à base de plantes pour éviter que je m'enrhume.

En effet, je sentais mon nez me démanger, j'avais dû dormir trempé.

Je me rappelais, embrouillé, que j'avais interrompu notre moment intime à tous les deux parce que j'étais troublé et incapable de faire la part des choses. Quand je pense qu'on n'avait pas fait l'amour depuis longtemps et qu'en plus j'avais tout gâché.

Pourquoi je gâchais toujours tout ?

Mon téléphone vibra et je me demandai si ce n'était pas un message de Jin hyung.

Lui et moi désespérions de se trouver du temps pour un déjeuner, en vain.

Je clignai des yeux plusieurs fois, hébété, en voyant que Yeri m'appelait.

Timidement, je décrochai mon téléphone et sa voix enthousiaste résonna dans le combiné :

« Taehyung, tu es réveillé ? »

— Euh oui...

« J'avais peur d'appeler trop tôt. »

— Non... Non. Tu as besoin de quelque chose ?

« Eh bien... j'ai fait moitié trop de kimchi et buchimgae (galettes coréennes aux légumes), tu veux venir en manger ? »

— Oh...

Elle avait dit buchimgae et kimchi ?

— Oui.

Je l'entendis sourire et elle souffla :

« Je t'envoie l'adresse de notre appart'. »

— Je... dois venir quand ?

« Quand tu es prêt. »

C'est ainsi que vingt minutes plus tard je me retrouvai face à sa porte d'entrée.

En réalité l'appartement de Yeri n'était pas bien loin de chez moi. Alors qu'elle tardait à venir m'ouvrir, je fus pris d'un doute.

Est-ce que j'avais vraiment le droit d'être là ?

Le battant s'ouvrit sur ma collègue et je levai les sourcils d'un coup. Elle avait teint ses cheveux en brun.

— Et ta couleur blonde ?

— Mes racines commençaient à se voir... éluda-t-elle. Vas-y rentre, fais comme chez toi.

Timidement, je passai le seuil et écarquillai les yeux.

L'appartement n'était pas extraordinairement grand, bien que plus large que mon studio, mais il était incroyablement bien décoré.

Je fixai tous les objets de style ethnique, les plantes, les affiches, les instruments de musique, les piles de vieux livres...

Tout semblait posé là, à la va vite et pourtant la décoration était incroyablement riche et choisie avec soin.

— C'est... vraiment super beau chez toi !

— Merci, me sourit-elle amusée, c'est Sehun qui choisit la déco.

— Ah bon ?

Pourquoi ça ne collait pas du tout à son image ?

Elle pouffa en voyant mon expression et me recommanda de m'asseoir sur la petite table de jardin au beau milieu d'une forêt de plantes, de cactus et de piles de livres entassés. Au-dessus, le lustre était suspendu, fait d'ampoules tombantes et de fils colorés avec des images ou des objets aux bouts.

J'adorais cet endroit.

Mes yeux s'écarquillèrent en grand quand elle posa les plats sur la table et je m'exclamai :

— Mais comment tu as fait pour cuisiner tout ça ?

— Oh, gloussa-t-elle, j'ai la main lourde et vu qu'il y a toujours du monde chez nous... je cuisine pour plusieurs.

— Comment ça, toujours du monde chez vous ?

— On a toujours des amis qui passent boire un verre, trainer dans le salon, ma sœur aussi et... enfin... y a toujours du passage.

Sauf que là il n'y avait personne.

— On est en journée, poursuivit-elle comme si elle avait suivi le cours de mes pensées, à l'heure où on partira pour le stage ils arriveront...

— Ah.

Je goûtai une bouchée et hochai vivement la tête. C'était délicieux.

— Tu ne cuisines pas, toi ?

— Heureusement que non, ma cuisine finit toujours dans un sale état dès que j'essaye...

Elle se mit à rire et me conta la fois catastrophique où Sehun avait voulu faire un gâteau au chocolat.

— Sehun et toi vivez ici depuis longtemps ?

— Hum... depuis la fin du lycée je suppose.

Je fronçai les sourcils :

— Au fait, je ne t'ai jamais demandé mais Sehun est dans quel département à l'université ?

— Il n'est pas à l'université, m'informa-t-elle. Il travaille.

— Ah bon ?

Bah tiens, grande nouvelle.

Comment ça se fait que je ne m'en étais pas rendu compte, avant ?

Yeri poursuivit :

— Il veut être tatoueur, il est stagiaire pour l'instant et vu que ça ne rapporte pas d'argent, il est vendeur dans un magasin de haute couture.

— De haute couture ?

— Oui... il a suffi qu'il se présente et il a été pris.

Elle semblait très fière de ce détail.

— Eh bah... tant mieux pour lui.

Je penchai la tête alors qu'on débarrassait une fois le repas terminé :

— Je... je ne t'ai jamais demandé mais vous êtes ensemble depuis longtemps ?

En fait, je ne connaissais pas beaucoup de détails de la vie de Yeri, Jusque-là ce n'était que ma camarade de promotion. Si nous n'étions pas ensemble en stage, les choses auraient pu rester ainsi. Mais au bout de presque trois semaines j'avais senti naître une bonne entente entre nous. Nous n'avions pas encore dépassé le stade de simples collègues mais vu ma pauvre capacité de sociabilisation ce n'était pas étonnant.

Je savais qu'elle était enthousiaste, très sympa, sociable et une sacrée fêtarde.

Ah et qu'elle se droguait, mais nous passerons sur ce détail.

— Depuis le primaire.

Je sursautai et pivotai alors que j'avais commencé à prendre l'éponge et le liquide vaisselle.

— Tu ne vas pas faire la vaisselle ! m'arrêta-t-elle.

— Depuis le primaire ?

Elle m'enleva l'éponge des mains avant de dire :

— Sehun et moi nous nous sommes rencontrés quand on avait huit ans et ça a été le coup de foudre.

C'était réel ce genre d'histoire ?

Yeri me sourit en m'incitant à quitter la cuisine pour le salon.

— Je sais que ça paraît fou mais... c'est vraiment arrivé. Je l'ai vu et j'ai su que c'était l'homme de ma vie et que j'allais passer le restant de mes jours avec lui.

— Et vous... ne vous êtes jamais séparés ?

— On a eu des hauts et des bas comme pour tous mais non... jamais.

Ma bouche s'ouvrit et mes sourcils se froncèrent.

Attendez, lors de la dernière soirée, je ne l'avais pas vue embrasser quelqu'un d'autre ?

Ça ne collait pas avec ce qu'elle me disait.

— Je... suis content pour vous deux, répondis-je poliment.

— Merci. La plupart des gens ont du mal à y croire...

Tu m'étonnes.

— Quand on rencontre quelqu'un qu'on aime à un point de non-retour, on a l'impression que l'autre fait partie de nous, qu'on le connaît depuis toujours, qu'on se complète, qu'on se fond avec lui, c'est presque de la télépathie. On a une compréhension proche de la symbiose, reprit-elle.

Mes yeux se perdirent dans le vide.

Jungkook et moi n'étions pas en symbiose mais je voyais où elle voulait en venir.

Je trouvais ce mot un tantinet exagéré.

Mais parfois quand lui et moi nous nous regardions intensément, j'arrivais presque à lire en lui. Plusieurs fois j'avais eu le sentiment qu'on se mélangeait, que mon cœur battait au rythme du sien comme si nous partagions le même cœur. Jusque-là, je pensais que tout était dans ma tête mais le fait qu'elle en parle me rassura.

— On a encore du temps avant de partir travailler, une partie ?

Je pivotai vers elle, j'avais encore bugué et elle me montrait les manettes de sa Xbox360.

— Carrément.

Parler avec Yeri m'était incroyablement facile. Parfois je n'en revenais pas d'être aussi à l'aise avec elle. D'une certaine façon j'étais reconnaissant envers Mr Do de l'avoir mise avec moi en stage au service des urgences. J'avais l'impression d'avoir une alliée, bien que je me comparais souvent à elle et l'enviais car elle était comme un poisson dans l'eau face à l'horreur et au sang.

À cette idée, un frisson de malaise me secoua et elle fit mine de ne pas s'en apercevoir. Je lui en étais reconnaissant, j'aurais eu bien du mal à me justifier vis-à-vis de ça.

Quatre parties de Mario Kart plus tard, Yeri me proposa une tasse de thé :

— C'est une infusion de plantes naturelles contre le stress.

Je fronçai les sourcils :

— Tu ne me donnes pas ça par hasard, hein ?

Elle me fit un sourire :

— Non. Je t'avoue que je te sens un peu à cran.

Je sirotai la boisson, c'était amer. Je n'étais pas vraiment friand des infusions aux plantes.

— J'avais envie qu'on échange nos impressions par rapport au stage.

Je lui renvoyai un regard en coin avant de hausser les épaules :

— Si tu veux mais il n'y a rien que tu ne saches pas déjà, vu qu'on en discute pendant les pauses.

— Taehyung, insista-t-elle. Je sais qu'on parle aux pauses mais là on n'est pas à l'hôpital alors peut-être que ça te ferait du bien de me dire ce qui te stresse. Peut-être que je peux faire quelque chose par rapport à ça ?

— Ça, ça me paraît un peu difficile...

— Tu sais, je te le répète mais tu t'en sors vraiment bien, n'en doute pas.

J'eus un ricanement désabusé :

— Je t'en prie. Je suis totalement inutile...

— Ce n'est pas le cas ! Tu es bon, tu es le meilleur élève de notre promotion !

— Ce n'est pas la même chose ! Il y a une différence entre la théorie et la pratique !

Pourquoi je m'énervais soudainement ? Pourquoi je me mettais sur la défensive comme ça ?

— Tu te mets trop la pression, ajouta-t-elle.

Je ne préférai rien ajouter, le goût amer de la boisson me restait dans la gorge.

— On peut s'entraider, c'est l'avantage de faire le même stage.

— Tu ne peux pas m'aider. Tu t'en sors à merveille, je n'ai pas la même force mentale que toi...

— Tu te dévalorises ! me coupa-t-elle d'un coup. Tu manques de confiance en toi !

Je me mordis la lèvre avant de soupirer.

— Je ne suis pas fait pour les urgences... C'est d'autant plus frustrant que ce stage va durer longtemps et que...je ne peux pas faire autrement...

— Au moins c'est formateur. Tu sais, je doute qu'à part nous dans la promotion les autres soient autant formés à la rapidité de décision, aux premiers soins et à la médecine pure et dure.

Tu parles.

C'était les autres que j'enviais, oui.

— C'est peut-être ça qui ne me convient pas, justement.

— Il faut que tu te protèges, que tu mettes de la distance avec la pratique. Tu prends les choses trop à cœur, je crois.

— Comment faire autrement ?

Je m'emportais encore.

Pourquoi je m'emportais ?

— Ces gens sont en danger de mort et c'est notre responsabilité de les aider. De les sauver.

— C'est ça qui te fait flipper, la responsabilité ?

Je ne répondis pas.

Yeri bougea un peu, reposant sa tasse sur sa table basse.

— Je peux te poser une question ?

Je haussai les épaules, un peu méfiant tout de même.

— Est-ce que tu as déjà mis les pieds dans des urgences en tant que patient je veux dire ?

Mes sourcils se froncèrent immédiatement et je répondis un peu sèchement :

— Pourquoi tu me demandes ça ?

Elle sembla peser le pour et le contre et je voyais à son expression qu'elle essayait de formuler sa question d'une certaine manière, comme si elle ne savait pas quelle serait ma réaction.

— Je me demandais si, peut-être... tu avais vécu quelque chose qui justifierait ta réaction et ton rejet du service.

Sa question me coupa le souffle et mes yeux se relevèrent d'un coup. Mon corps réagit instinctivement, comme un réflexe, une technique de défense.

— Je vais rentrer chez moi.

Les épaules de Yeri s'affaissèrent et elle souffla précipitamment :

— Désolée. Ne te braque pas, je me devais de poser la question. Je ne savais pas comment tourner ma phrase. Ne te sens pas attaqué par ce que je dis.

Je la fixai, sur le qui-vive. Elle prit une voix plus calme, plus douce, plus maternelle en quelque sorte.

— Taehyung, j'ai un peu peur pour toi. Je vois bien que quelque chose t'envahit et je pense qu'il faut prendre le problème au sérieux maintenant, avant que ça n'empire.

— Qu'est-ce que tu en sais ? crachai-je sèchement.

Pourquoi je lui parlais comme ça ?

Jamais je ne parlais comme ça.

Le pire c'était que je connaissais la réponse à ma propre question.

Franchement le karma ne m'avait pas à la bonne, après tout Yeri voulait devenir psychiatre.

Je regardai la porte d'entrée, puis elle, puis la porte à nouveau.

Mes mains s'étaient remises à trembler et je me sentais nerveux.

Ciblé, cerné.

Mis à nu.

En danger.

Peut-être que j'avais laissé trop d'ouverture, que j'avais été trop à l'aise avec elle et qu'ainsi elle avait pu lire en moi.

— Je ne suis pas ton ennemie, je ne dis pas ça pour te faire du tort, poursuivit-elle.
En effet, je ne sentais pas le danger venir d'elle. Elle avait juste posé le doigt en plein dessus et c'était tout le reste qui m'envahissait.

— Tu sais, souffla-t-elle en se calant dans son fauteuil, mon père s'est suicidé quand j'avais seize ans.

Mon souffle se figea et je me tournai vers elle. Yeri poursuivit, toujours avec douceur :

— Il s'est pendu. Ce sont des choses de la vie qui marquent. Peut-être même que c'est ce qui a influencé mon choix vers la psychiatrie.

Elle me regarda et je me mis à triturer mes doigts.

— Et toi Taehyung, pourquoi as-tu voulu être pédiatre ?

Je ne répondis pas, gêné.

— Tu n'as pas choisi de devenir pédiatre, par hasard, non ?

— Non, avouai-je.

— Tu avais quel âge quand tu as choisi cette carrière-là ?

J'hésitai longuement en la regardant.

— Quinze ans, capitulai-je.

Elle acquiesça sans chercher à aller plus loin. J'avais l'impression de n'avoir rien dit tout en ayant déjà la sensation d'en avoir trop dit. Je me rassis sur le canapé sans trop savoir quoi faire d'autre. Dans le fond, j'étais effrayé de lui parler et j'en avais désespérément besoin.

Peut-être qu'ainsi j'arriverais à m'exprimer et à expliquer à Jungkook.

Lui, il méritait une vraie explication.

On resta ainsi silencieux, elle dans son gros fauteuil molletonné et moi dans le canapé bicolore, entouré de tout un tas de coussins aux divers motifs.

— Taehyung, lança-t-elle en me faisant presque sursauter. Je crois que toi plus que quiconque est fait pour être médecin, tu as les connaissances, le savoir, l'intelligence, la sensibilité et l'empathie d'un bon spécialiste.

Mais ?

Parce qu'il y avait un mais, non ?

— Mais, il faut que tu mettes à distance la profession de ta vie privée.

— Je sais.

Je savais mais c'était loin d'être facile.

— Il faut peut-être que tu parles à l'enfant de quinze que tu étais.

Je fronçai d'un coup les sourcils, j'eus comme la sensation d'être frappé. Mon esprit tiqua à cette phrase et je la fixai sans comprendre.

— Pardon ?

Mais elle ne répéta pas, continuant de me fixer.

Soudain du bruit vint de la porte d'entrée et Yeri se tourna quelque peu avant de regarder sa montre.

— Oh... on ne va pas tarder, c'est l'heure.

La porte s'ouvrit sur Sehun, il sembla vraiment surpris de me voir là et sa tête pivota immédiatement en direction de sa petite amie qui se leva pour l'embrasser sur la joue.

Il me fixa pendant ce court laps de temps et je détournai les yeux, gêné.

Alors, certes, la dernière fois il était défoncé et je l'avais trouvé complètement anormal, voire presque sympathique et un tantinet plus accessible, mais là son ton froid et ses yeux perçants me mettaient de nouveau mal à l'aise.

— Bonsoir Taehyung, prononça-t-il.

Je le saluai en retour.

— On va y aller, annonça Yeri, on est de service ce soir. J'ai tout laissé dans le frigo.

Sehun acquiesça, ne cessant de me fixer comme s'il n'arrivait pas à croire que je puisse être physiquement là, dans son appartement.

— Tu veux bien nous excuser un moment ? demanda-t-il.

J'acquiesçai et me levai pour enfiler mon manteau, les laissant discuter tous les deux dans la pièce adjacente.

Je répondis aux messages de Jungkook et de Jimin avant de voir revenir Yeri, elle enfila sa grosse doudoune et son bonnet et salua son petit ami.

Dans le bus, elle parla de complètement autre chose et je participai doucement à la conversation. Rien n'avait changé, j'étais toujours aussi à l'aise à parler avec elle.

« Il faut peut-être que tu parles à l'enfant de quinze ans que tu étais. »

Pourquoi cette phrase me faisait cet effet-là ?

Pourquoi mon cœur battait-il si vite, rien qu'à l'écoute de cette phrase ?

Pourquoi je sentais une boule d'angoisse naître dans ma poitrine ?

Pourquoi mes mains tremblaient sans s'arrêter ?

Pourquoi ?

Pourquoi j'avais si peur tout d'un coup ?

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