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30-

Il faisait chaud, atrocement chaud.

Je détestais le mois de juillet.

Je fixai ma liste et zieutai sur ma valise alors que mes yeux descendaient sur chaque mot. J'avais la totalité de mes affaires.

J'étais prêt.

Presque prêt, il me manquait un élément crucial : Monsieur-le-voisin-d'en-face.

Mais qu'est-ce qu'il fichait bon sang ? À ce rythme-là on allait louper notre train ! Mon téléphone sonna et je décrochai, le collant à mon oreille avec mon épaule pour pouvoir dégager mes mains et fermer mon sac.

— Jimin, je prends mon train dans cinquante minutes, faut que je file.

« Je ne te dérange pas plus longtemps. Juste pour te dire que je pense être à Busan à la fin de la semaine. Même si tu es encore sur Daegu, on essayera de se voir ? »

— Si tu veux.

Je traversai mon salon et ouvris ma baie vitrée, cherchant la présence du gamin dans son appartement.

Pas là.

Mais où est-ce qu'il était ?

« J'arrive pas à croire que tu emmènes Jungkook à Daegu. »

— Oui, à qui le dis-tu.

« Tu lui as dit, au moins, pour tes parents ? »

— Pas encore.

« Tae ». La voix de mon meilleur ami avait pris un ton sérieux, « Vaudrait mieux le prévenir avant d'y aller, quand même. »

— T'es marrant toi, je ne sais pas comment lui parler de ça.

« Dis-l-—lui simplement. »

Je m'arrêtai en vérifiant si j'avais bien mon portefeuille et mon billet :

— Pourquoi tu ne pars qu'en fin de semaine, je croyais que tu voulais nous rejoindre à Daegu demain ?

« Oh euh... eh bien les gars du crew veulent qu'on aille à Disneyland et puis...j'ai quelqu'un à voir. »

Je m'arrêtai en essayant de mettre mes chaussures et relevai la tête en grognant :

— Si c'est Yoongi hyung je te jure que...

« Non non, ce n'est pas lui. » Paniqua Jimin, « Je...enfin... Namjoonie Hyung m'a envoyé un message pour qu'on se voie ».

— Oh.

La sonnette de ma porte d'entrée me fit relever la tête alors que je laçais ma dernière chaussure et le gamin eut le culot de dire :

— Qu'est-ce tu fiches ? Je t'attends en bas de l'immeuble depuis vingt minutes ! On va être en retard !

— Jimin je te laisse, faut que je file.

« Ok, on se tient au courant, bon séjour et salue tes grands parents pour moi. »

Je raccrochai et me relevai, furibond :

— Tu te fous de moi, c'est moi qui t'attends !

— On avait convenu de se rejoindre devant le supermarché !

— Mais non !

— Mais si !

Je pris une grande inspiration, attrapai mon sac et pinçai les lèvres :

— Bon peu importe, bouge on va être en retard.

On se chamailla sur tout le trajet en bus et je regardai les minutes défiler sur l'aiguille de ma montre avec inquiétude.

— Déstresse, on va l'avoir.

Mais en voyant la foule à la gare de Séoul, on échangea un regard nerveux qui se passait de commentaire. Soudain Jungkook attrapa mon sac qu'il cala sous son bras et lança :

— Cours.

On se faufila à travers les files d'attente, il courait plus vite que moi-même en étant doublement chargé et je regardai sur le panneau géant le numéro de la voie.

Plus que trois minutes.

Jungkook fit un sprint alors qu'on entendait clairement la sonnerie distincte de fermeture des portes, il balança nos sacs dans l'embrasure, bloquant les battants. Il grimpa avec souplesse sur le marchepied et poussa les portes entrouvertes, je me faufilai sous son bras tendu et les portes se refermèrent subitement derrière nous. Essoufflés, on se laissa glisser contre les parois de plastique alors que le train s'ébranlait.

— Je t'avais dit qu'on l'aurait. Viens, faut qu'on trouve nos sièges.

— Attends... laisse...moi... respirer...

Il eut un petit rire amusé avant de prendre nos billets et de chercher nos places.

— On a carrément dix voitures à remonter, t'es prêt ?

— Allons-y.

Au bout d'un long quart d'heure, on réussit enfin à s'asseoir. Transpirant, je savourai la légère clim au-dessus de mon siège. Je récupérai mon sac et envoyai un message à ma grand-mère.

Bon gré, mal gré, nous étions en chemin.

Nous étions le 6 Juillet. Les examens étaient finis depuis une semaine pour être exact. J'avais passé trois jours à dormir, tel un zombie, puis je m'étais rendu au secrétariat pour les documents de mon stage. J'avais rejoint Jin hyung et Doona hier au parc, rencontrant la maman de la petite. Aujourd'hui c'était le jour où je rentrais à Daegu voir mes grands-parents et ce toujours en attente de mes résultats d'examens, incertain quant à la garde de mon appartement.

Sauf que cette fois, contrairement à l'année dernière, j'étais accompagné. Si on m'avait dit que ce jour arriverait, j'aurais ricané vraiment fort.

Sauf que c'était arrivé.

Le gamin, aka Monsieur-le-voisin-d'en-face, emmerdeur de première et grand perturbateur de la vie de Kim Taehyung, j'avais nommé Jeon Jungkook, se tenait assis à côté de moi, cherchant désespérément ses écouteurs dans son sac.

Ma grand-mère avait été enchantée de savoir que je ramenais un ami, et avait été surprise que ce ne soit pas Jimin. Quand elle allait le voir, elle allait être encore plus sidérée de voir à quel point il ne ressemblait pas du tout à Jimin.

Je ne pouvais m'empêcher d'être nerveux.

Là, je ne pouvais plus reculer du tout, les cartes étaient tirées. Je supposais que le gamin ne comprenait pas l'importance de cette situation. Pour lui ça avait l'air d'être un voyage scolaire. Mais pour moi, il était évident que ce n'était pas le cas.

— Hyung, je n'ai pas mes écouteurs ! S'exclama-t-il en panique.

— Tant pis pour toi.

— Tu rigoles ou quoi, geignit-il, c'est vital !

— Une liste, scandai-je, fais une liste, je te l'ai dit mille fois ! Sans ça, tu es sûr d'oublier un truc !

— Une liste ? Non mais tu rigoles ! Est-ce que j'ai une gueule à faire des listes ?

— Quel rapport avec ta tête ? Demandai-je.

— Hyung, tu fais carrément trop de listes. Que tu sois maniaque ça d'accord, je m'y suis habitué, mais il y a quarante milles listes sur le frigo et dans la salle de bain... la salle de bain !

— Il faut que je fasse des courses, Rétorquai-je. Quand je pense à quelque chose je le note pour être sûr de ne pas l'oublier, ça s'appelle l'organisation !

— Ça fait flipper !

— Peut-être mais moi, au moins, je n'ai rien oublié !

— File moi tes écouteurs.

— Je n'ai pas d'écouteurs.

Il me regarda, abasourdi, ses épaules lui en tombèrent.

— Non mais sur quelle planète tu vis pour ne pas écouter de la musique sur ton téléphone ?

— Planète Terre, Ville Séoul, appartement en face du tien.

— Qu'est-ce que je vais faire sans musique, pendant tout le trajet ? Se plaignit-il.

— Tu lis.

— Lire quoi ?

— Bah un bouquin.

— J'ai pas emmené de bouquin !

— Je commence sérieusement à me dire que je n'aurais jamais dû t'emmener...

Il me fit un grand sourire insolent et je soupirai avant de lui sortir le second roman que j'avais emmené. Oui, un roman. C'était une chose nouvelle que je ne m'accordais qu'en vacances, en fait. Le reste de l'année je me concentrais uniquement sur mes études, mais en vacances il m'arrivait de savourer de la lecture plutôt fantastique.

— T'aurais pas des mangas plutôt ? Grogna Jungkook en regardant le livre comme s'il ne savait pas ce que c'était.

— Et puis quoi encore ?

— Oh, attends j'ai emmené ma console de jeux.

Irrécupérable.

— Arrête de m'insulter mentalement, je t'entends.

— Ce n'est techniquement pas possible, sifflai-je.

— Tu penses trop fort.

On finit par se calmer qu'à demi fâchés, chacun de notre côté du siège, et je commençai la lecture de la Fabrique des miracles, de James R.Doty.

Jimin m'avait recommandé ce bouquin. Et si j'avais bien tout suivi, il lui avait été recommandé par Namjoon hyung.

Je m'assoupis pendant une petite heure ; en me réveillant, Jungkook mangeait des M&M's en écoutant de la musique. Je fronçai les sourcils et plissai les yeux, il retira un de ses écouteurs et lâcha :

— Ils étaient tout au fond de mon sac en fait, je les avais pas vus.

— C'était bien la peine de te plaindre.

Il rigola et me tendit le paquet de M&M's et je piochai dedans.

— On a encore une heure quinze de trajet, m'informa-t-il. Il est bien ton bouquin ?

— Oui, tu devrais le lire.

— J'aime pas lire.

— J'avais cru remarquer.

— Tu commences à me chercher hyung, me fit-il remarquer avec un sourire en coin.

— C'est toi qui m'embêtes en premier. Pure légitime défense.

Il se mit à rire.

À nous voir comme ça, j'avais l'impression que la tension entre nous n'avait jamais existé et pourtant dès que je repensais à ce moment, quelque chose m'empoignait le cœur.

Ça devenait difficile.

Difficile de faire semblant.

Est-ce qu'il ressentait cela aussi ?

Je craignais d'aborder le sujet, de peur qu'il ne se braque. C'était toujours comme ça avec lui, je marchais sur des œufs pour éviter de le blesser. Mais dans le fond, est ce que ce n'était pas moi que ça blessait ?

Je secouai la tête pour chasser toutes ces pensées et il fronça les sourcils :

— Quoi ?

— Rien, le rassurai-je.

Je pensai à ce que Jimin m'avait dit avant de prendre le train, mais en le voyant bouger la tête sous l'effet de la musique dans ses écouteurs rouges, jouer à la Nintendo et manger des M&M's, je n'avais pas envie de briser l'ambiance.

C'était déjà suffisamment compliqué de se parler sérieusement, de jour, sans alcool pour lui, à la lumière pour moi, alors lui dire là, maintenant, tout de suite, c'était impossible.

Au fait Jungkook, mes parents sont morts. Non, très mauvaise idée.

Je retournai plutôt à la lecture de mon roman jusqu'à ce que quelque chose me démange l'oreille. Jungkook me tendait un de ses écouteurs et, après une seconde de réflexion, je refermai mon livre pour écouter le son qu'il voulait que j'écoute.

C'était quoi cette musique ?

— C'est du rap, t'en écoutes jamais ? S'étonna-t-il.

— Non.

— Tu aimes quoi comme musique ?

— Du jazz, qui passe à la radio.

— T'es bizarre.

J'eus un sourire ironique :

— Tiens, ça faisait longtemps que tu ne m'avais pas dit ça.

J'écoutai la voix qui sortait de l'écouteur en plissant les yeux.

— J'ai l'impression de reconnaître le rappeur...

— C'est normal, pouffa-t-il, c'est Yoongi hyung.

Pardon ?

Je me tournai, surpris, et réécoutai la chanson.

— Il fait de la musique, tu te souviens ? Il veut être producteur. Mais ça lui arrive de rapper, de composer et d'écrire.

— Tu veux dire qu'il a fait cette chanson de A à Z, tout seul ?

Jungkook acquiesça :

— Il est fort hein ?

Eh bien oui, ça m'arrachait la bouche de l'avouer, mais en effet.

Le ton de voix de Yoongi avait quelque chose de particulier et de vraiment harmonieux, la façon dont il prononçait ses syllabes, comment ses notes glissaient des mots.

— Ça a l'air de te plaire, attends j'en ai d'autres, celle-là c'est ma préférée.

Des notes de piano se firent entendre et je demandai :

— Comment elle s'appelle cette piste ?

First Love.

Je haussai les sourcils mais Jungkook fit, très sérieusement :

— Écoute bien les paroles.

Je fixai le paysage qui défilait à vive allure par la fenêtre et m'imprégnai de la chanson, qui commençait calmement. Ça me surprenait. Il y avait seulement du piano et la voix de Yoongi, calme, grave, presque douce.

Puis la chanson accéléra, le ton montait, les émotions aussi. Ça m'envahissait, les paroles, les notes, la musique. Puis, essoufflée, la voix grave reprenait calmement comme au début. Comme une mélodie qui se répète et tourne en rond, entre la joie, la souffrance, la douleur, le bonheur. La musique s'arrêta et je me tournai vers Jungkook. Son sourire était différent, on ne prononça rien comme si on avait dit des milliers de choses juste avant. Comme si la voix de Yoongi avait arraché à mon cœur des choses que je n'aurais su dire de cette manière. Il ne lança pas de nouveau morceau et mes yeux se détournèrent alors que le train continuait toujours de filer dans la campagne coréenne.

Je refermai les yeux, comme si je voulais avaler cette chanson, m'en imprégner encore un peu. J'avais envie de pleurer terriblement. Jungkook le sentait-il ? Était-elle là, la raison pour laquelle il lançait une nouvelle chanson beaucoup plus joyeuse et colorée ? Il ne prononça pourtant rien, se mettant à rejouer sur sa petite console et je me perdis au fond de mes pensées, de mes questions, de ce qui les composait maintenant et que je n'arrivais plus à classer. Et le paysage, dehors, continua de filer.

*******


La vieille camionnette de mon grand-père brinquebalait sur les routes un peu moins entretenues de la campagne de Daegu. Mais je me tendis d'un coup en apercevant la maison. Ma grand-mère attendait sur le perron, nettoyant ses légumes. Dans un crachotement, le vieux moteur rouillé finit par s'éteindre et je me glissai en dehors du siège.

Ma grand-mère m'accueillit avec son grand sourire et toutes ses rides et je me précipitai dans ses bras. Elle retira ses gants et caressa ma nuque. Je me retournai en apercevant Jungkook arriver, un peu plus timidement que je ne l'avais imaginé.

— Halmeoni, je te présente Jeon Jungkook.

Il s'inclina respectueusement mais elle se montra affectueuse en le prenant dans ses bras et en lui caressant la nuque à son tour, alors il se laissa aller à cette informalité.

— Rentrez, j'ai préparé le déjeuner.

Je grimpai sur le perron et défis mes chaussures avant de passer la porte, Jungkook sur mes talons.

— J'ai cuisiné diverses choses, murmura-t-elle, je ne savais pas ce que ton ami aimait.

— Ne vous inquiétez pas Halmeoni, je mange de tout, assura Jungkook.

Elle lui fit un grand sourire et je m'assis à table en écarquillant les yeux :

— Mais c'est un festin ! Tu as mis les petits plats dans les grands !

— C'est aussi ce que je lui ai dit, grogna mon grand-père en s'installant après s'être lavé les mains.

Ma grand-mère secoua la tête, agacée :

— Je voulais leur faire plaisir.

— Merci beaucoup, souffla Jungkook, les yeux grands ouverts devant toute la nourriture.

Le déjeuner se passa tranquillement. Bien sûr mon grand-père parlait peu mais il écoutait attentivement, je le savais. Ma grand-mère était intenable, tout d'un coup trop heureuse d'avoir un invité alors elle posait toutes sortes de questions. Jungkook se pliait à cette interview très facilement.

— Combien de temps restez-vous ? Demanda mon grand-père alors qu'il buvait son thé après le repas.

—Moins d'une semaine, tout dépendra de nos résultats, l'informai-je en le resservant. Mais je pense que nous partirons jeudi ou vendredi.

— Je vois.

— Tu veux qu'on t'aide ?

Il ne répondit pas tout de suite avant de se tourner vers Jungkook :

— Tu as l'air mieux bâti que mon petit-fils.

Jungkook me lança un coup d'œil amusé :

— Je fais plus de sport.

— J'ai un apprenti mais des mains supplémentaires ne seraient pas de refus.

— Je souhaite vous aider, assura Jungkook.

— Mon petit, ça ne va pas être de tout repos, tu sais.

— Peu m'importe. Je vous aiderai.

— Ma force de crevette aussi, ajoutai-je encore vexé.

J'entendis ma grand-mère rire depuis la cuisine puis elle revint vers moi, sa main glissa sur ma nuque.

— Tes cheveux sont de nouveau noirs.

— Oui...

— Ce n'est pas faute d'essayer de lui faire changer de couleur pourtant, soupira Jungkook.

— Mais ils sont un peu longs, souffla-t-elle, tu devrais les faire recouper.

Je me retournai vers elle, surpris, mais elle haussa les épaules :

— Ça t'allait vraiment bien, la dernière fois.

— Ah ah, tu vois.

Pourquoi avais-je voulu emmener ce gamin, déjà ?

— Demain nous irons au marché, m'annonça mon grand-père, il faudra se réveiller tôt.

— D'accord, admis-je alors que Jungkook acquiesçait.

Il termina son thé et s'en alla, attrapant une serviette qu'il mit autour de son cou. Jungkook se leva et me suivit.

— Je suis désolé mais il va faire chaud, on n'a pas la clim dans la maison.

— Ça ira, insista-t-il, tes grands-parents sont cool.

Je lui indiquai ma chambre où il déposa son sac et ma grand-mère arriva avec un futon propre qu'elle rangea dans le grand placard coulissant.

— Taehyung, si tu veux des fleurs il faudra me le rappeler histoire que j'aille les chercher chez...

— Après-demain, éludai-je, ils ont annoncé beau temps, je pensais y aller à pied.

— D'accord.

Jungkook s'assit sur mon lit alors que je sortais ma peluche Tata de mon sac, ce fut lui qui la cala dans un coin du lit.

— Des fleurs ? Demanda-t-il.

— Oui, après-demain on ira voir mes parents, l'informai-je.

— Ils habitent loin de là ?

— Non, on ira à pied, poursuivis-je en sortant le reste de mes affaires que je rangeai. Ça fait une dizaine de kilomètres, on partira le matin et Halmeoni nous préparera un pique-nique pour le midi.

— On ne mange pas chez eux ?

Je m'arrêtai puis secouai négativement la tête. Il fallait que je dise autre chose mais avant d'avoir pu placer un mot, le téléphone de Jungkook sonna. Il sortit dehors pour avoir une meilleure réception. Je me laissai tomber sur mon lit. La sueur me dégoulinait le long du dos.

Je détestais la mousson.

Jungkook revint cinq minutes plus tard, il avait l'air contrarié et s'assit sur le lit avant de dire, le nez en l'air :

— Ta chambre n'est pas décorée du tout.

— Elle a toujours été comme ça.

— C'est bizarre.

Je m'arrachai un petit sourire avant de me relever.

— On va faire un tour ?

Durant les deux jours qui suivirent, je fus plus ou moins impressionné par Jungkook.

Déjà parce qu'il s'adaptait très bien à la maison, ne se plaignait de rien, ne rechignait pas devant le travail que lui donnait mon grand-père. Quand je pensais que moi, je devais me le coltiner grognon, immature et toujours en train de geindre à longueur de journée, je trouvais ça quand même injuste.

Le premier jour, nous nous étions rendus au marché pour vendre les légumes et la volaille. Le voir galérer à attraper des poulets me fit beaucoup rire, ce qui le vexa, bien évidemment. Il s'avéra qu'avec sa belle gueule, comme l'avait dit mon grand-père, on avait réussi à attirer une clientèle féminine plus importante ce jour-là. Visiblement Jungkook plaisait aux femmes d'âge mûr et il avait un tel sourire et une telle tchatche qu'il se montrait comme un poisson dans l'eau.

Jungkook était doué pour tout faire, et ça m'impressionnait.

Il était bon vendeur, marchandait très correctement et je le soupçonnais de légèrement draguer les clientes pour réussir à tout vendre, tant bien même qu'il n'avait aucune connaissance dans le métier de la terre.

Le lendemain nous étions restés à la ferme à nous occuper des animaux et le gamin avait eu de bons liens avec eux, sans la moindre crainte. Le pire c'était que je me rendais compte à présent, en le voyant bécher et soulever de lourds objets toute la journée, à quel point il était musclé.

Clairement je ne faisais pas du tout le poids.

— Des gamins comme ça, j'aimerais en avoir plus souvent pour travailler avec moi, me confia mon grand-père à la fin de la journée.

Je le comprenais sur ce point.

Exténués, le soir on prenait un bain chacun notre tour avant de nous asseoir sur le perron devant ma fenêtre et de savourer l'air un peu plus frais de la soirée, on grignotait des glaces ou des fruits que ma grand-mère avait préparés. On parlait longtemps et de temps en temps, je lui demandais de me faire écouter de la musique.

La chanson de Yoongi revenait parfois et je la savourais à nouveau.

Il dormait sur le futon et moi sur mon lit et dans le noir on continuait de parler. J'avais parfois l'impression de me revoir avec Jimin, quand ce dernier venait me rejoindre pendant les vacances scolaires où on discutait en chuchotant jusqu'à tard dans la nuit.

Pourtant avec Jungkook, c'était différent, mais je ne savais pas comment l'expliquer.

*******


Le matin du troisième jour, je fus le premier à me lever, l'air étouffant et chaud avait empli la pièce et je grimaçai, me sentant collant de transpiration.

Je sortis sans un bruit et rejoignis ma grand-mère qui préparait le petit déjeuner.

Le bouquet de fleurs des champs était posé près de la table et je le fixai, un peu nerveux.

— Tu ne lui as pas dit, hein ?

Je me mordis les lèvres et lui jetai un petit regard en coin de l'œil. Elle mit le riz dans mon bol et soupira :

— Ce n'est pas bien, Taehyung, il va se sentir mal.

— Je ne savais pas comment lui dire.

— C'est un bon garçon. Il a reçu une bonne éducation, il réagira bien mais il sera un peu pris sur le fait, tu ne crois pas ?

J'attrapai mes baguettes alors qu'elle s'installait près de moi :

— Halabeoji est déjà parti, me fit-elle remarquer. Tu sais comment il est dans ces jours-là. Je crois qu'il s'inquiète à chaque fois que tu vas là-bas.

— J'y vais rarement sans vous.

— Mais aujourd'hui c'est important parce que tu veux y aller seul avec Jungkook, je me trompe ?

Je hochai la tête et elle me caressa la nuque alors que je commençais à manger :

— Il est important, ce garçon, hein ?

Je m'arrêtai et avalai ce que contenait ma bouche.

— Tu l'aimes bien ? L'interrogeai-je.

— Bien sûr, qui ne peut pas aimer un garçon pareil ? Il est poli, gentil, il sait tout faire et il est très beau. Il connaît Jimin ?

— Oui, ils s'entendent bien.

— Ce n'est pas étonnant, ils ont des choses en commun.

— Comme quoi ?

— Ils prennent soin de toi, me murmura-t-elle.

Je fronçai les sourcils, peu convaincu. Ils étaient tous les deux très différents.

— Halameoni, j'ai un peu... peur.

— C'est normal, souffla-t-elle.

— Tu es sûre que c'est normal ? Est-ce que je ne m'emporte pas pour rien ? Je veux dire, je ne le connais pas depuis très longtemps et je ne suis pas très fier de comment je l'ai rencontré...et...

— Taehyung, chuchota-t-elle. Tout va bien se passer. Si tu l'as emmené jusqu'ici c'est que tu as toutes les réponses à ces questions. Aie confiance en toi.

Je pris une grande inspiration pour calmer les battements paniqués de mon cœur, ce fut à ce moment-là que Jungkook sortit de la chambre, les cheveux en vrac, et salua poliment ma grand-mère qui se leva pour lui laisser la place et lui servir le petit déjeuner.

— Nous nous excusons Jungkook, balbutia-t-elle. Nous n'avons pas de climatisation comme dans les maisons modernes. Tu dormirais sûrement mieux si c'était le cas.

— Ne vous inquiétez pas, la rassura-t-il en s'asseyant, j'ai quand même dormi.

Mais ça se voyait que ce n'était pas tout à fait le cas. En effet, je le trouvais fatigué depuis son arrivée et d'autant plus qu'il travaillait très dur avec mon grand-père. Moi j'avais l'habitude, mais je supposais que Jungkook avait toujours vécu dans un environnement plus riche que le mien, où sa chambre devait avoir un climatiseur.

Après tout, même nos appartements en avaient.

On déjeuna dans le silence et je gardais les yeux fixés sur le bouquet en face de moi.

— On part bientôt ? Me demanda le voisin.

— Oui, dès que tu es prêt.

Je fis une rapide toilette, et constatai que ma peau avait déjà bronzé plus que de raison. Je pensai subitement à ce double rencard improvisé, datant de l'année dernière, où on m'avait reproché la couleur foncée de ma peau.

Ce détail me fit à moitié rire et à moitié soupirer.

En sortant, je pris le sac de pique-nique et attendis que Jungkook arrive. Il avait pris une casquette pour aujourd'hui et portait un de ses éternels tee-shirts blancs.

Je ne lui avais jamais demandé pourquoi il avait une obsession avec ça.

On marcha longtemps et à bonne allure, il faisait déjà très chaud et humide. On écoutait de la musique entraînante qui sortait du téléphone de Jungkook. A vrai dire, j'avais la gorge nouée et je ne participais pas vraiment à la conversation qu'il essayait de lancer.

Au bout de deux bonnes heures, après quelques haltes pour se désaltérer, on arriva enfin au pied de la montagne et quand j'indiquai le chemin, Jungkook fronça les sourcils :

— Tu aurais dû me dire que c'était une randonnée ton expédition, j'aurais mis d'autres chaussures.

On se mit à grimper l'escalier, moi devant pour ouvrir la route. Ma poitrine me faisait de plus en plus mal à mesure qu'on se rapprochait. J'avais essayé de le lui dire, durant deux heures, en vain. Au final je crois que je ne voulais pas, comme si je voulais tester sa réaction.

C'était bête, c'était même sacrément stupide, mais je me sentais craintif sur ce sujet.

Après tout, je ne l'avais jamais dit à personne.

Jimin l'avait su, bien sûr, puisqu'il avait toujours été dans ma vie. Mais pour les autres, j'avais toujours évité le sujet.

On arriva au sommet, un peu essoufflé pour moi et parfaitement en forme pour lui, il contempla la vue avec admiration :

— Wahou !

Je tournai la tête vers le cimetière et m'avançai entre les rangées. Il y avait un couple au loin devant une tombe mais je ne m'intéressais pas à eux.

Jungkook se retourna vers moi et son sourire diminua alors qu'il prenait conscience d'où il se trouvait.

C'était toujours comme ça quand les gens venaient la première fois ici. Ils étaient captivés par la vue, l'escalier débouchait juste devant. De la hauteur on embrassait tout Daegu. Mais quand ils se retournaient la surprise marquait leur traits.

Jungkook avait ce visage-là, entre la joie et l'horreur, la surprise et la peine et tout un tas d'autres émotions.

Ses pupilles cherchèrent les miennes, essayant d'obtenir des explications et puis peu à peu il comprit. Ses yeux s'écarquillèrent, ahuris, sa bouche s'ouvrit légèrement avant que ses épaules ne s'abaissent et que son visage ne se ferme.

Je m'en voulais de ne pas lui avoir dit plus tôt mais ses émotions me firent du bien. Elles étaient vraies, pures et le regard qu'il me jeta m'emprisonna dans une douce chaleur.

Il n'y avait pas de pitié, seulement de la douceur.

Je me retournai, et marchai jusqu'à leur tombe, elle était encore propre. J'allumai l'encens et déposai les fleurs. Jungkook me rejoignit.

Il pressa ses mains l'une contre l'autre pour faire une prière solennelle et je portai mon attention sur les mots gravés dans la pierre.

Ce jour était arrivé.

J'avais envie de pleurer.

On resta là un moment puis je me reculai, le laissant devant la tombe de mes parents. Je retournai vers le point de vue, embrassant la ville de Daegu sous un gros nuage de pollution. Jungkook me rejoignit peu après.

— Je suis désolé, hyung, je n'avais pas compris.

— Non, c'est ma faute, je suis désolé de ne pas t'en avoir parlé.

— Ce n'est rien, je comprends que ce n'était pas évident à dire.

On resta silencieux face à la vue jusqu'à ce que son estomac vienne nous rappeler l'heure, il se mit à rougir alors que je lui faisais un franc sourire.

— Viens, je connais un coin avec cette vue, plus loin, pour déjeuner.

On redescendit l'escalier puis j'obliquai vers un chemin de terre, m'engouffrant dans la verdure, m'accrochant aux arbres pour éviter de glisser. Au bout d'un moment, je retrouvai le coin dans lequel je me cachais auparavant.

On s'assit sur des pierres et je déballai ce qu'il y avait dans le sac.

— C'est vraiment un bel endroit pour un cimetière.

J'acquiesçai silencieusement.

— Ma mère était de Daegu.

— Ce sont tes grands-parents maternels, alors ?

— Oui.

— Et les autres ?

— Ils sont morts avant ma naissance, mais ils étaient de Busan, comme mon père.

Jungkook acquiesça et s'assit à côté de moi, je lui tendis les petits bols, la carafe de thé, les légumes et le riz.

— Ta grand-mère est un véritable cordon bleu, non mais tu as vu la beauté de ce plat ? Ce kimchi est une merveille.

Je pouffai de rire, conscient qu'il essayait de détendre l'atmosphère. On mangea plus ou moins silencieusement, je fixais le paysage, abrité par les arbres, un léger vent chaud arrivait jusqu'ici. Je me sentais étrange.

Vraiment étrange.

Je venais dans cet endroit, avant. Mes grands-parents montaient sur la colline toutes les semaines nettoyer la tombe et ramener des fleurs mais je n'aimais pas y aller, alors je me cachais là, attendant qu'on m'appelle pour en sortir. C'était comme un endroit secret que j'avais un peu oublié, et dont je n'aurais jamais imaginé y emmener quelqu'un, un jour.

Je m'arrêtai dans mes pensées et me retournai un peu, Jungkook sembla sursauter d'être ainsi pris en train de me regarder et il baissa les yeux pour continuer à manger. Il voulut parler plusieurs fois mais n'y parvenait pas alors il m'envoyait des coups d'œil insistants comme pour me demander silencieusement de l'aider.

Mais je me sentais étrangement bizarre, alors je ne fis rien.

Il finit par lâcher :

— Je... enfin... ils sont morts dans l'accident de voiture dont tu m'as parlé, n'est-ce pas ?

J'acquiesçai et il hésita plusieurs fois avant de dire :

— Je suis désolé hyung, je ne sais pas comment te demander ça, mais est-ce que... tu pourrais m'en parler ?

— Je ne sais pas trop comment te parler de ça, à vrai dire, je n'en ai jamais parlé à personne.

— Même pas à Jimin ?

— Jimin est avec moi depuis l'enfance, je n'ai pas eu besoin de lui dire.

Il hocha la tête et je bougeai, mal à l'aise :

— Qu'est-ce que tu veux savoir ?

Il parut surpris que je lui demande ça mais il prit une bouchée de riz avant de dire :

— Ce que tu veux bien me dire.

Je tapotai mes doigts nerveusement sur mon bol.

— Eh bien...on a eu un accident de voiture.

L'image me revint d'un coup et je me tendis.

— On a pris la voiture pour aller de Busan à Daegu pour des vacances, c'était en juillet de ma première année de lycée, on a pris des petites routes, des « raccourcis ». Mon père utilisait toujours cette route et ça évitait les embouteillages. C'était montagneux alors quand la roue a éclaté on a perdu le contrôle de la voiture et on est tombés dans le ravin.

Je chassai les images en fourrant la nourriture dans ma bouche.

— D'accord, souffla Jungkook.

Mais avaler du riz n'était pas une bonne idée, je sentis presque ma gorge refuser de déglutir, comme si j'avais la nausée tout d'un coup. J'avalai pourtant difficilement puis, dans un geste brusque, reposai le bol que je tenais sur le bout de rocher devant moi.

J'avais envie de me débarrasser de cette histoire, de la lâcher alors qu'elle était aux prises avec mon esprit depuis si longtemps.

— Hyung, tu sais, tu n'es pas ob...

— Les arbres ont arrêté la chute de la voiture dans le ravin, mais les branches sont rentrées partout dans l'habitacle, dans nos corps, dans tout l'espace. Et on est restés là, inconscients, pendant des heures. Mais j'ai fini par me réveiller. J'avais horriblement mal, je voyais ces branches partout en moi, je ne pouvais pas bouger, je souffrais horriblement et du sang coulait partout sur le siège.

"Mon père était déjà mort, je ne pouvais pas le voir parce que j'étais derrière son siège mais je voyais les branches qui avaient traversé le fauteuil. Ma mère ne me l'a pas dit. Elle le voyait, elle savait qu'il était mort mais elle ne me l'a pas dit, elle a continué de me parler, de me rassurer, de chantonner. Elle a continué à me dire à quel point elle m'aimait, qu'elle avait été heureuse de m'avoir. On a attendu les secours, on a entendu les hélicoptères, les pompiers sont descendus en rappel constater les dégâts. Mais ils ne pouvaient pas sortir la voiture du ravin. Car les branches maintenaient le véhicule et surtout, s'ils retiraient les branches, on courait droit à l'hémorragie. Ils ont essayé plusieurs choses, ils nous l'expliquaient, ils essayaient de nous rassurer. "

"Au final, ils n'avaient pas le choix. Ils ont coupé certaines branches, mais la voiture a été trop déséquilibrée et a commencé à basculer. Sentir les branches bouger dans mon corps a été un supplice abominable. Alors ma mère les a suppliés de me sauver moi. Ils ont dû prendre une décision pénible, ça faisait déjà cinq heures qu'on était dans la voiture. On allait mourir, je le savais."

"Ils ont réussi à passer un câble et couper la partie de l'habitacle où je me trouvais. Je ne me souviens pas de la suite. Je me suis réveillé à l'hôpital, je ne pouvais plus me servir de mes membres. Mes parents étaient morts tous les deux, avec moi dans la voiture. Il m'a fallu des mois de rééducation, de soutien, de rendez-vous chez le psy. J'ai eu des opérations minimes. On parlait d'un « miracle », mais je n'étais rien qu'un zombie. On... on m'a envoyé à Daegu vivre chez mes grands-parents. Et j'ai terminé mes deux dernières années de lycée ici."

"Je suis mort, Jungkook. Je me suis toujours senti mort depuis ce jour et rien n'a plus jamais été pareil. Tout est resté dérangé dans ma tête, dans mon corps. Chaque fois que je regarde mon corps et mes cicatrices, je me rappelle que je dois vivre avec ça, avec ce souvenir, avec ces images..."

Le flot discontinu de mes souvenirs fut arrêté par un torse et des mains brûlantes encerclant mon corps. J'eus un sanglot, comme soulagé d'être interrompu, et je m'accrochai à son tee-shirt désespérément. L'émotion me prit à la gorge, remontant douloureusement de mon cœur et je me mis à pleurer.

Ma gorge avait du mal à contrôler les sanglots douloureux qui en sortaient. Les images allaient et venaient dans ma tête, repartaient, se rembobinaient tant bien même que j'avais voulu ne jamais y repenser. Mais plus les caresses dans ma nuque, de mes cheveux au bas de mon dos, augmentaient, plus je finissais par me calmer.

Au bout d'un moment sur lequel je n'avais pas de prise, ni de sensation, je me reculai légèrement. Je sentais le tiraillement de la peau de mon visage probablement ravagé par des larmes plus ou moins sèches. Jungkook les effaça avec douceur et je fermai les yeux à ce contact, il chuchota :

— Merci de me l'avoir dit, je sais que ça a dû être pénible de me raconter ça, je suis désolé.

Je hochai la tête mais alors qu'il s'éloignait légèrement j'accrochai sa main et la pressai contre ma joue, me recroquevillant dessus. Je ne savais pas quoi dire, ni comment faire, mais il ne bougea pas. Son autre main continuait de me caresser les cheveux tant bien même que je devais ressembler à un enfant dans cette position.

— Et cette peluche alors ? Chuchota-t-il.

— Ma mère me l'a faite avant qu'on parte en vacances, elle semblait vouloir coudre ou tricoter, c'était sa nouvelle lubie, je ne sais plus, marmonnai-je. Je lui ai dit qu'elle était moche, et qu'à quinze ans je n'avais pas envie d'avoir une peluche mais une console de jeux.

— Mais aujourd'hui tu ne peux pas te séparer d'elle.

— C'est tout ce qu'il me reste, reniflai-je.

J'ouvris les yeux et me reculai enfin de cette étreinte brûlante. Ses mains retombèrent le long de son corps alors que je déglutissais, mal à l'aise :

— Désolé de te faire subir ça, je...

— Ne t'excuse pas.

Son ton me rassura. Il ramassa les restes de notre pique-nique à peine entamé et je me levai.

— Rentrons, il va pleuvoir je crois.

Sur le trajet du retour, je me remis à pleurer sans réussir à me contrôler et il me garda près de lui, son bras autour de mes épaules sans vraiment raconter quoi que ce soit. Il restait gentiment silencieux, comme s'il ne voulait pas dire de choses qu'il regretterait. Je le remerciai de ne pas m'accorder des phrases bateaux, vides et sans consistance. Je finis par me détendre alors que le jour diminuait. Il réussit même à me faire rire en marchant sur les bordures des rizières et en se débattant contre les moustiques.

Jeon Jungkook, vingt-et-un an, effrayé par des insectes.

Cela me fit du bien de rire un peu et je me sentais mieux, mais j'avais toujours ce sentiment bizarre en moi et je ne savais pas ce que c'était.

On arriva une heure plus tard et Jungkook aida ma grand-mère à préparer le dîner alors que je demeurais assis sur le perron, les jambes dans le vide à battre l'air. Les chats du voisinage vinrent quémander leur repas en se frottant à moi.

Il n'avait pas plu au final, et le ciel se dégageait pour la nuit. J'espérais qu'on puisse voir les étoiles pour cette fois.

— Ce sera prêt dans vingt minutes, m'informa Jungkook en s'asseyant et en me tendant un verre d'eau glacée.

Je le bus goulûment avec cette sensation de ne pas réussir à me réhydrater, comme si mes larmes m'avaient asséché plus que de raison.

— Tu te sens comment ?

— Mieux.

Bizarre.

C'est ce que j'aurais voulu répondre mais je ne voulais pas qu'il s'inquiète encore plus pour moi.

— Je voulais te demander..., commença-t-il, si tu voulais venir avec moi à Busan après-demain.

Je me tournai vers lui, surpris :

—A Busan ? Mais après-demain on ne devait pas rentrer à Séoul ? Tu veux y aller pour la journée ?

— Non, pour le week-end.

Il semblait tendu avant de dire :

— Faut que je vois mon père.

— Oh.

— Est-ce que tu veux venir avec moi ? On fait juste un détour pour le week-end et on rentre à Séoul lundi ?

— On peut décaler nos billets ? L'interrogeai-je.

— Oui, j'ai déjà regardé.

— Eh bien ça dépendra de nos résultats...

— Ils tomberont vendredi, assura-t-il. Hoseok me l'a confirmé.

— Demain, répétai-je soudain anxieux.

— Tu n'as pas à t'en faire, soupira Jungkook avec son sourire en coin, je suis sûr que tu as tout donné et que tu vas encore finir major de promo.

— Mon but n'est pas de finir major de promo, Rétorquai-je. C'est de garder l'appartement.

— Hyung, m'informa-t-ild'un ton de voix blasé, si tu descendais jusqu'à la cinquième place sur le classement tu garderais l'appartement, détends-toi.

Je n'étais pas convaincu.

— Tu es buté quand tu t'y mets.

— Je ne vois pas de quoi tu parles.

Ma grand-mère nous appela alors que mon grand-père sortait de la salle de bain, propre. Il était l'heure de passer à table. Personne ne demanda comment s'était passée notre journée et je supposais qu'il suffisait de voir mes yeux pour s'en douter. Jungkook mobilisa la conversation en parlant de Busan, de son lycée et des clubs de sport qu'il faisait et je le remerciais de mettre de la légèreté dans ce repas.

Après mon bain, alors que Jungkook allait lui-même se laver, je me traînai en pyjama jusqu'à la balançoire. Je me balançai lentement en regardant le ciel, il faisait enfin suffisamment bon pour rester dehors. Des étoiles étaient visibles et j'observais ce spectacle, admiratif. Les chats miaulaient dans le coin et le bruit des insectes nocturnes ne se taisait pas, mais c'était reposant. En fermant les yeux, je savourais cette légèreté, celle de mes pensées et de mon corps. Le grincement de la seconde balançoire que je n'utilisais jamais me parvint et j'ouvris les yeux alors que Jungkook m'avait rejoint, fraîchement lavé en se balançant. Sa balançoire grinçait et je le suivis, on essaya de se balancer le plus haut possible en riant comme des enfants jusqu'à ce que je m'inquiète que la balançoire ne sorte de terre. Il se mit à rire plus fort, me traitant de peureux.

— Chut, tais-toi, mes grands-parents sont couchés !

Il pouffa silencieusement et on resta assis à se balancer lentement en regardant le ciel.

— Tu es sûr d'avoir besoin de moi pour aller chez ton père ? Je n'ai pas besoin que tu te sentes obligé de me protéger ou je ne sais quoi... Tentai-je.

— Je ne le fais pas pour ça, je voulais te le demander depuis qu'on est arrivés ici, mais je ne savais pas comment.

Je me tournai vers lui et il poussa sa joue de sa langue :

— Je craignais que tu me prennes pour un gamin qui ne peut pas voir ses parents seul.

— Je ne penserais jamais ça de toi.

— Tu pourrais, éluda-t-il.

— Ta mère je comprends, c'est à cause de ton beau-père, mais ton père ?

— Il n'aura qu'une heure ou deux à m'accorder, répondit-il en haussant les épaules, je me suis dit que j'allais m'ennuyer le reste du temps.

— D'accord, acquiesçai-je, allons chez ton père !

— Merci hyung.

— Et puis je crois que Jimin arrive aussi à Busan ce week-end, ce sera l'occasion de se voir.

— Parfait alors !

On continua de se balancer sans vraiment dire quoi que ce soit. La maison était baignée dans le noir, l'unique éclairage venait de la lune et donnait au décor une vision féerique presque effrayante.

— On ne va pas se faire attaquer par des bêtes sauvages, hein ? S'inquiéta soudainement Jungkook en entendant un bruit suspect.

— Non, pouffai-je, ce sont les chats qui se battent, rien de grave.

J'arrêtai de me balancer et regardai son profil que les reflets de la lune, presque pleine, éclairaient.

— Merci pour aujourd'hui.

Il s'arrêta à son tour en pivotant vers moi.

— Ne me remercie pas, j'ai été carrément inutile quand j'y pense...

— Non tu as été là, c'était le principal.

— Merci à toi, hyung. Tu n'étais pas obligé de le faire, surtout que je ne suis pas toujours sympa avec toi, mais tu m'as confié des choses importantes...

J'agrippai des deux mains les chaînes de fer de ma balancelle et le fixai :

— Jungkook. Je ne sais pas comment te dire ça mais je voulais te remercier d'être venu jusqu'ici.

Il voulut ouvrir la bouche pour me couper mais je l'interrompis :

— Surtout jusqu'au cimetière. Je... je pense que tu ne comprends pas à quel point c'était important pour moi.

Il renonça à vouloir m'interrompre et se contenta de refermer la bouche et de me fixer.

— À part Jimin, personne d'autre n'a jamais mis les pieds dans ma vie, mais lui c'est différent, il a toujours été là, alors que toi... tu es nouveau. J'avais si peur que tu détruises mon monde. Un monde que j'avais mis des années à construire, un semblant de vie peut-être, mais ça me suffisait. J'avais peur que tu emportes tout comme une vague. Je t'ai tellement détesté au début, je t'en ai tellement voulu d'avoir mis un pied dans mon existence. Mais aujourd'hui, je t'en suis reconnaissant.

Je levai les yeux face aux étoiles en souriant doucement :

— Peut-être que, dans le fond, j'ai toujours attendu quelqu'un comme toi, capable de me sortir de ce cauchemar. Je serai toujours bizarre, mais avec toi j'ai l'impression de réussir à être un peu plus normal pour quelqu'un de mon âge. Comme si j'arrivais davantage à me fondre dans la masse, à être comme tout le monde. Je comprends les choses de travers, je fais beaucoup d'erreurs avec les gens parce que je ne sais pas comment me comporter, je n'arrive pas à suivre tout ce qui se passe mais ça me rassure de me dire que tu seras là. Te faire venir ici était une idée en l'air que j'avais sortie comme ça, mais je crois qu'au moment où je l'ai dit, j'avais pris ma décision.

Je baissai la tête vers mes pieds, tirant doucement sur les chaînes de métal auxquelles j'étais accroché, continuant sur ma lancée. Je me sentais étrangement confiant dans ce que je disais, ce soir.

— Tu vas me trouver embarrassant, mais c'était vraiment important que je te présente mes parents aujourd'hui. J'étais tellement stressé, je voulais te le dire dans le train, Jimin et Halmeoni me disaient que ce n'était pas bien de ne pas t'avoir informé avant. Mais je ne savais pas comment faire. Maintenant je me sens mieux. Mais j'ai toujours une sensation bizarre dans l'estomac. Tu sais, je ne ferais ça avec personne d'autre. Ni avec Jin hyung, ni avec Bambam, ni avec qui que ce soit. Même si je les apprécie, jamais je n'irais jusqu'à les faire venir ici. Tu vas te dire que je suis encore plus bizarre, mais en te faisant venir ici, au cimetière, c'est comme si je faisais une promesse, comme si je te liais à tout jamais à moi, que je m'avouais que je ne voulais plus jamais que tu sortes de ma vie. C'est un risque, et je n'ai pas l'habitude de prendre ce risque car dans le fond j'ai toujours peur de souffrir, que les gens à qui je m'attache me quittent, me laissent.

Je pris une grande inspiration, soudainement conscient que la sensation dans mon estomac diminuait, ronronnait presque en me laissant tranquille. Je me tournai vers lui avec un léger sourire gêné :

— C'est une promesse que je te fais aujourd'hui, Jungkook. Maintenant je ne vais plus jamais te laisser sortir de ma vie.

Soudain, j'entendis plus que je ne vis le bruit de la balançoire comme si elle avait été jetée et en une seconde Jungkook fut devant moi, me surplombant alors que je me tenais encore assis. Surpris, je relevai la tête mais je n'eus pas le temps de formuler une question que ses lèvres fondirent sur les miennes. Ses mains accrochèrent mon visage en coupe, me forçant à me lever pour que nous soyons à la même hauteur. Je fermai les yeux, me faisant emporter par un tourbillon d'émotions désorganisées.

Pourquoi ses baisers me faisaient-ils à chaque fois cet effet-là ?

Jungkook chassa l'unique larme sur mes joues qu'il embrassa, m'agrippant à lui, s'accrochant à moi désespérément. Je lui rendis cette étreinte.

— Je te fais aussi cette promesse hyung, je ne te laisserai pas sortir de ma vie.

Je reculai un peu pour voir son visage alors que mon cœur battait à vive allure et qu'une bouffée d'émotions envahissait mon corps. Mais il ne m'en laissa pas l'occasion, fourrant sa tête dans mon cou :

— Jamais je ne te laisserai, quoi qu'il arrive.

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