27-
La deuxième partie de mon plan s'intitulait : Jin Hyung.
Bon, ça c'était l'idée.
Mais ça me paraissait quand même une sacrée mauvaise idée, tout de même. Jimin c'était une chose, c'était mon meilleur ami, je le connaissais, mais Jin hyung c'était différent. Déjà, parce que je le connaissais moins bien. Ensuite, parce que clairement je nageais en eaux troubles et que non seulement je ne connaissais rien à sa vie privée mais encore moins à comment être amené à ce qu'il m'en parle.
J'étais emmerdé, c'était peu dire.
J'avais passé la journée du lundi et du mardi à me triturer l'esprit organisant détail par détail tout mon plan. Mais voilà, je ne savais pas quand ni comment le mettre en place.
— J'y vais.
Je relevai la tête de mes pensées déboussolées et de mes notes en regardant Bambam qui évita soigneusement mon regard, encore une fois. Nous étions dans une salle de travail fermée de la bibliothèque, il devait être aux alentours de dix-neuf heures.
— À demain, fit Tête Rouge alors que mon hyung le saluait.
J'avais donc une opportunité. La question était de savoir si j'allais saisir cette occasion ou non. J'avais vraiment envie de dire non.
Vraiment.
Je me raclai la gorge, maladroitement :
— Hyung ?
— Oui ?
Il releva la tête de ses notes, de belles lunettes aux montures marrons sur le nez lui donnait un air plus âgé et sérieux. Clairement peu avenant, en cet instant.
—Hyung, il faut que tu parles à Jungkook.
Ma phrase avait résonné dans la pièce aux murs pourtant épais, aussi clair que si je l'avais dit dans une cathédrale. Je me rendais compte pour la première fois que, jusqu'alors, jamais je ne lui avais parlé de la sorte.
Jamais je n'avais émis un impératif à son encontre.
Mais surtout, je ne comptais pas du tout mais alors pas du tout, lui dire ça comme ça. J'avais merdé. Mais qu'est ce qui m'avait pris ? Ce n'était pas du tout la phrase que j'avais répétée dans ma tête !
Les yeux de Jin hyung s'écarquillèrent derrière ses lunettes avant que ses sourcils ne se froncent :
— Je te demande pardon ? Cingla-t-il sèchement.
Mayday, mayday, avortez la mission. Je répète : avortez la mission !
— Je... Bafouillai-je soudain en rougissant, je voulais te dire, que je souhaiterais que toi et Jungkook puissiez avoir une discussion.
Voilà, c'était comme ça que je voulais le dire, à la base.
J'avais envie de me mettre une baffe, j'avais carrément manqué de tact sur ce coup.
— Je ne vois pas pourquoi je lui parlerais, rétorqua mon aîné.
— Il ne va pas bien et...
— Ce n'est pas parce qu'il se murge la gueule tous les soirs de la sainte semaine que je dois avoir pitié de son cas !
Oula. Jamais Jin hyung n'avait parlé aussi méchamment et vulgairement depuis que je le connaissais.
— Hyung, soufflai-je, toi non plus tu ne vas pas bien. Il y a clairement un problème depuis cette soirée...
Il eut un grognement agacé et commença à ranger ses affaires. Mayday, mayday ! Le sujet prend la fuite, je répète : le sujet prend la fuite !
— Hyung, Jungkook ignorait complètement que tu sortais avec son ex.
Le regard sombre de mon ainé me transperça mais je ne me dégonflai pas, trop paniqué à l'idée d'avoir fait plus de mal que de bien en débutant cette conversation et qu'il m'en veuille ensuite.
— Et je suppose que tu ignorais aussi qu'il était l'ex petit ami de ta copine, poursuivis-je.
— Et ?
Jin avait arrêté de bouger, il était toujours visiblement très agacé mais semblait un tantinet plus réceptif que quelques minutes plus tôt.
— En plus vous vous entendiez bien jusqu'alors, ce serait dommage de...
—Je t'arrête tout de suite Taehyung, ce n'est pas parce qu'il est ton ami qu'il est le mien aussi. Je n'avais rien contre Jungkook Jusque-là mais après tout ce...
— Elle le trompait.
Je sursautai moi-même face à cette révélation et me plaquai les mains sur la bouche. Là clairement je savais que j'avais fait une connerie.
Une énorme boulette.
Que je puisse dévoiler mes propres secrets c'était une chose, forte désagréable certes, mais celui des autres ? Notamment de Jungkook. Oh mon dieu, s'il l'apprenait j'allais...me faire tuer. Jamais il ne me pardonnerait ! Et cette idée m'était insupportable.
Je me levai d'un coup alors que Jin avait écarquillé les yeux :
— Oublie ce que je viens de dire !
— Répète ce que tu as dit ! M'ordonna-t-il.
— Non non, m'étranglai-je. Je...
Soudain, contre toute attente, Jin se rassit d'un coup comme si son corps se laissait tomber.
— Minjee le trompait ?
Je me rassis aussi, en proie à un stress beaucoup trop incontrôlable.
— Ne lui dis jamais que je t'ai dit ça...
Il me regarda, sa mine s'était détendue pour afficher clairement une sidération totale.
— Elle n'a rien voulu me dire quand on est partis de chez lui, déjà elle ne voulait pas venir et encore moins dans cet appartement. Je ne comprenais pas, on s'est même disputés devant la porte de l'immeuble... Minjee était en couple avec Jungkook, quand ?
— Je ne sais pas... pas trop.
— Est-ce qu'elle le trompait, avec moi ? Lâcha-t-il en écarquillant les yeux d'appréhension.
— Je ne sais pas, repris-je précipitamment. C'est pour ça qu'il faut que vous en parliez, ensemble. Tout ce que je sais c'est que Jungkook est, lui aussi, effrayé à cette idée qu'elle pouvait être avec lui en même temps...
— Qu...qu'avec moi ?
Je merdais en beauté là, non ? J'aurais dû préparer mon testament et mon cercueil avant de m'embarquer de cette histoire... Mais qu'est-ce qui m'avait pris de dire ça ?
Soudain Jin se releva comme réveillé de ce soudain moment de faiblesse.
— Hors de question qu'on aborde ce sujet ensemble ! Tu as vu comment il m'a mal parlé la dernière fois, comment il s'est déchaîné ? Je suis son aîné. Comment peut-il autant manquer de respect à...
— Hyung, commençai-je.
— Je suis sûr que c'est faux ! S'écria-t-il tout d'un coup en se levant. Ce n'est pas possible ! Je connais Minjee, il doit faire une erreur ! Ce n'est pas plutôt lui qui passe son temps à sauter d'une fille à l'autre ?
— Il l'a aimée.
Je baissai les bras, soupirant contre ma propre stupidité mais j'étais agacé que mon aîné puisse douter de la véracité de l'histoire de Jungkook.
— Il l'aimait, je peux te l'assurer. Elle venait souvent chez lui, je les voyais de chez moi, à l'époque où elle avait les cheveux roses...
Il sursauta, une expression fugace passa sur son visage et je fronçai les sourcils.
— Hyung quand tu l'as connue, elle avait les cheveux roses ?
Il ne répondit pas et ce manque de réponse était significatif.
Il sembla se reprendre en secouant la tête :
— Non. Pas question Taehyung, c'est trop... compliqué, ce n'est pas une bonne idée !
— C'est une bonne idée, il faut percer cet abcès. Si tu ne peux pas obtenir de réponse d'elle, vois avec lui. Jungkook n'a aucune raison de te mentir.
— À moins qu'il veuille la récupérer ! Siffla-t-il.
— Après avoir vu sa réaction sur le balcon, tu crois vraiment qu'il en a envie ?
Il ne répondit pas néanmoins il réfuta encore toutes mes propositions.
— Pourquoi je ferais ça, hein ? Cracha-t-il. Pourquoi c'est moi qui devrais aller voir ce gamin arrogant, hein ?
— Parce que c'est toi le hyung.
Il écarquilla les yeux et je poursuivis, doucement :
— C'est toi le plus mature de vous deux, tu es sage et réfléchi, Hyung, tu sais que c'est la meilleure solution. Jungkook lui... il est trop...immature et têtu pour ça.
Jin hyung finit par soupirer et on resta là, silencieux, la salle étroitement chargée d'une atmosphère lourde et désagréable.
— Je vais l'appeler.
Je secouai la tête :
— Il a ton numéro, s'il voit que tu l'appelles je doute qu'il te réponde.
— Alors quoi ? Fit-il, irrité.
— J'ai un plan.
Jin hyung fronça les sourcils avant de soupirer :
— Très bien, Taehyung, Quel est ce plan ?
— Viens chez moi.
— Pardon ?
— Viens chez moi, répétai-je calmement.
Il eut l'air si choqué que ses épaules en tombèrent :
— C'est ça ton plan ? M'inviter dans ton appartement ? Qu'est-ce que ça va faire ?
— Hyung, tu veux venir dîner chez moi ? Demandai-je.
— Maintenant ? S'exclama-t-il.
— Maintenant.
Il avait l'air d'avoir du mal à reprendre ses esprits mais il finit par acquiescer :
— Très bien, je te suis.
Vingt minutes plus tard, Jin hyung arrivait chez moi pour la première fois. Il était déjà venu me chercher au rez-de-chaussée mais jamais il n'était entré jusqu'alors. Il observa tout cet environnement nouveau avec curiosité mais surtout nervosité.
— Je vais commander à manger.
— Parce que me nourrir fait partie de ton plan ? Taehyung, je ne vois pas où tu veux en venir...
— Je sais simplement que tu aimes manger, hyung.
Il s'arracha un demi sourire un peu crispé, et s'installa dans le canapé. De mon côté, je ne cessais de regarder l'heure sur mon téléphone.
Je me sentais nerveux et bizarre. Déjà parce que mon cafouillage avec mon aîné quelques minutes plus tôt n'était pas du tout prévu et que clairement je ne maîtrisais pas du tout la situation. Mais surtout parce que si jusqu'alors Jungkook avait minaudé et joué la comédie pour m'entraîner dans ses galères, c'était mon tour.
Ce petit côté manipulateur ne m'allait pas du tout.
J'avais envoyé un message dans la journée à mon voisin d'en face. Mais il avait fallu que j'y réfléchisse sérieusement. Je craignais que Jungkook m'ignore ou trouve des excuses pour ne pas venir, craignant sûrement d'avoir une discussion avec moi, par rapport à la dernière fois.
À savoir, l'épisode vomi du week-end dernier.
Beurk, je ne préférais même pas y repenser.
Au contraire, je lui avais fait sous-entendre que j'avais besoin de son aide, que quelque chose n'allait pas. Dans le fond je me doutais qu'une part de lui se sentait coupable du calvaire qu'il m'avait fait subir. Alors il ne m'ignorerait pas, sur ce coup-là.
Bingo.
Il m'avait harcelé de messages pendant deux heures et m'avait ensuite dit qu'il arriverait après son entraînement, vers vingt heures.
J'essayai de détendre et de garder mon hyung en lui parlant des révisions. Il me confia qu'il avait pris du retard car il n'avait pas énormément la tête à travailler et je voulais bien le croire. Dans le fond, je crois que ce plan était uniquement conçu pour débarrasser mon esprit de toutes les intrusions qui me déconcentraient. Enfin, j'entendis la sonnette retentir puis le boîtier de sécurité de la porte se déverrouiller et quelqu'un entrer. Jin releva la tête alors que nous venions de recevoir nos pizzas et je me levai d'un coup. Jungkook entra et lorsque ses yeux s'arrêtèrent sur Jin hyung, son visage pâlit. Il tourna soudainement la tête vers moi, d'abord surpris puis peu à peu son expression se transformera en colère au fur et à mesure qu'il comprenait ce que j'avais fait.
Ça ne lui plaisait pas du tout de se faire piéger ainsi.
— Il y a de la pizza, indiquai-je. Je...je vais faire un tour.
— Que... quoi ? Bredouilla Jin.
— Où est-ce que tu vas ? Demanda sèchement Jungkook.
— Au supermarché en bas, je vais acheter quelque chose pour le petit déjeuner demain, je n'ai plus rien dans les placards...
On devrait ajouter menteur à ma liste, tiens. Voyeur, manipulateur, menteur... Que du beau monde tout ça.
Mes propres pensées me faisaient soupirer.
Je les laissai là, mis mes chaussures et sortis en refermant doucement la porte. J'espérais, pire, je priais pour qu'aucun des deux ne tape sur l'autre ou qu'ils ne cassent quelque chose chez moi. Pourvu qu'ils se comportent comme des hommes matures, des adultes. Surtout Jungkook, en fait. Une fois dehors, je fis quand même un tour au supermarché et achetai quelques trucs. Enfin, ne sachant pas où aller, je finis par déambuler dans le quartier comme une âme en peine.
C'était bien la première fois que je ne pouvais pas rentrer chez moi.
Je repensai à la fois où Jimin m'avait fait le coup, pour nous réconcilier Jungkook et moi. Il avait dû se retrouver aussi démuni que moi, dehors à marcher. Tiens, je n'avais jamais remarqué qu'un pressing avait ouvert à deux rues de mon immeuble
Comme quoi...
J'appelai ma grand-mère un peu puis continuai à marcher, en espérant qu'ils n'en auraient pas pour toute la nuit, histoire quand même que j'aille me coucher.
Ce quartier manquait définitivement d'un parc.
Malgré tout, je ne pouvais pas m'empêcher de me mordiller l'ongle du pouce, inquiet. Dans le fond je voulais me convaincre que j'avais fait une bonne chose.
Enfin, après ce qui m'avait paru une éternité, je reçus un message de Jin.
« Je rentre chez moi, à demain Taehyung. »
Je voulus le questionner mais me retins. Je fis demi-tour et retrouvai avec joie mon ascenseur et enfin la porte de mon appartement. J'entrai timidement et en passant la tête, j'aperçus que Jungkook était toujours là. Il était assis par terre devant la table basse, le dos contre le bas du canapé.
Embarrassé, j'approchai et il tourna la tête vers moi. Son expression m'arrêta et je me mis à déglutir difficilement.
Il avait l'air peiné.
Pour le coup, j'aurais préféré qu'il soit en colère et qu'il s'énerve contre moi. Lentement, je déposai le sac de course et m'assis à côté de lui dans la même position mais je préférai ne rien dire.
Que devrais-je dire ?
Clairement je pouvais comprendre qu'il m'en veuille, vu que j'avais tout organisé pour le piéger dans mon salon avec Jin hyung. Mais je ne m'attendais pas à ce qu'il soit si attristé. Après un long moment de silence, il finit par souffler :
— Elle me trompait vraiment avec lui.
Je tournai la tête, mal à l'aise, et il ferma les yeux.
— Ce n'est pas une nouvelle, je m'y attendais, mais lui, ça lui a fait un choc de l'apprendre...
— Co... comment il allait en partant ?
— Pas très bien.
— Et toi comment tu vas ? M'enquis-je.
— Pas bien non plus.
Mais il ne bougea pas, telle une statue, figée, le regard perdu, fixe.
— Il y a possibilité qu'elle le trompe, lui aussi. En tout cas, ils ont fait un break depuis ma soirée... Je doute vraiment qu'il lui pardonne. Je ne l'espère pas, pour lui, elle ne le mérite pas.
— Elle ne mérite aucun d'entre vous.
Il prit une grande inspiration en levant la tête vers le plafond :
— C'était mon premier amour, avoua-t-il. Ma première vraie copine, ma première relation sérieuse. Ça a été un fiasco, total.
— Je suis désolé pour toi.
J'avais presque l'impression que sa voix tremblait et je me retrouvais encore démuni face à sa fragilité. Quelque chose me poussait à vouloir le choyer, m'occuper de lui dans ce genre de moments. Il était si vulnérable que c'était rare qu'il se montre ainsi. Ça m'agrippait le cœur tout entier. Inconsciemment, je mis ma main sur sa nuque et la glissai dans ses cheveux. Il eut comme un léger frisson, lentement je caressai sa tête, noyant mes doigts dans ses mèches brunes.
Son visage se détendit et il ferma les yeux.
On resta ainsi un petit moment jusqu'à ce que je me rende compte de ce que je faisais. Je balbutiai en enlevant ma main :
— Désolé, ma grand-mère fait toujours ça quand elle veut me réconforter alors...
— Ne t'arrête pas.
Je repris ma tâche et lentement il laissa tomber sa tête sur mon épaule, sans ouvrir les yeux. On resta ainsi encore un moment, je n'avais plus la perception du temps, j'aurais pu continuer à faire ça pour toujours. Mais ce fut mon ventre, mécontent d'avoir été interrompu pendant son repas, qui détruisit tout l'instant. Jungkook retira sa tête de mon épaule et j'enlevai ma main de ses cheveux. Dans un silence un peu gênant, on bougea et je détendis mes muscles et mon dos endoloris par cette position pour attraper ce qui restait de la pizza.
Mais avant que je n'aie eu le temps de me relever, Jungkook m'arrêta. Je me tournai vers lui, surpris, et il me regarda dans les yeux d'un coup :
— Merci, hyung.
Mon cœur rata un paquet de battements et je sentis mes joues chauffer avant de tourner la tête.
— De... de rien.
Son regard avait été si intense d'un coup que ça m'avait bousculé intérieurement.
Et puis dans le fond j'étais un peu content.
Je crois bien que j'avais réussi et que je m'améliorais dans ma gestion des relations humaines et amicales.
Où est-ce que je récupérais mon prix ?
Plan, terminé. Résultat : Succès.
*******
Examens, J-10.
État de stress : Élevé mais tolérable.
Niveau de révision : 70%.
— Hyung, détends-toi.
— Que je me détende, m'énervai-je, comment veux-tu que je me détende ? Tu vas m'enlever tout ton bordel de mon salon. MAINTENANT !
Rectification, état de stress : Non toléré.
— D'accord, concéda Jungkook, mais calme-toi.
— JE SUIS PARFAITEMENT CALME !
— Ah bon ? Ironisa-t-il avec son sourire espiègle. Je suis sûr que les voisins du dessus ne t'ont pas encore entendu.
J'allais le buter.
Il profita de cet instant où je regardais dans tous les coins de la pièce à la recherche d'une arme pour passer un bras sur mon épaule. Je ne savais pas trop pourquoi il faisait ça, depuis quelques jours. Je crois que ça avait commencé le lendemain de sa conversation avec Jin hyung. Il était comme soudainement devenu plus tactile avec moi, certes il l'était déjà et beaucoup trop mais c'était surtout quand il avait bu. En revanche, en cet instant il était parfaitement sobre. Je repoussais les trois quarts de ses tentatives mais parfois, aussi surprenant soit-il, je ne réagissais pas.
Quoi qu'il en soit, en cet instant précis ça m'énervait surtout.
— Bouge-toi ! Lui ordonnai-je en me dégageant. Où est-ce que tu l'as mis hein ?
— Pourquoi ce serait forcément moi qui aurais volé un de tes livres, hein ? Soupira-t-il. Qu'est-ce que j'en ferais ?
Mais voyant que j'allais m'agacer il essaya de temporiser mon humeur :
— Hyung. Calme-toi. Je range et je me mets dans un coin, tu me verras plus de la soirée.
— Va chez toi ! M'agaçai-je.
— Mais... je révise beaucoup mieux quand tu es avec moi, geignit-il.
— Je m'en fous ! Je...
— Hyung, ton téléphone sonne...
Je m'interrompis brusquement en soufflant par la bouche.
Devant mes yeux meurtriers, mon salon ressemblait à une décharge publique.
Les affaires de Jungkook traînaient partout. Mais qui jetait ses tee-shirts sales sur le canapé en rentrant, hein ? Qui ? Bah oui : lui.
Pourquoi avait-il fallu qu'il soit bordélique, hein ?
Agacé, je sortis mon téléphone et décrochai sèchement :
— Quoi ?
« Hyung ? »
Je fronçai les sourcils d'un coup alors que le gamin avait commencé à ramasser ce qui traînait avec lenteur et pénibilité comme si c'était un calvaire. J'allais lui botter les fesses, il allait voir ce que c'était un vrai calvaire.
— Bambam ?
Ça me surprenait qu'il m'appelle.
Parce que depuis, notre relation n'avait pas évolué, il continuait d'être étrangement distant avec moi.
C'était bizarre.
Mais je ne l'avais pas compté dans mon plan en trois étapes : Jimin, Jin hyung, Jungkook.
Et parmi ces trois-là, tous allaient un peu mieux. Jungkook avait repris son comportement habituel et sortait bien moins. Jin hyung s'était finalement séparé définitivement de sa copine. Il me l'avait annoncé deux jours après être venu chez moi. Certes ça n'avait pas l'air de le rendre vraiment heureux, mais à présent je le trouvais bien plus concentré sur ses révisons. Jimin allait un peu mieux, il devait beaucoup danser pour son spectacle de fin d'année, donc nous n'échangions que par téléphone. Il parlait encore beaucoup de Namjoon hyung.
Moi, mon esprit était redevenu aussi vide et clair que d'habitude et j'avais enfin tous mes neurones concentrés sur une seule mission : mes examens.
— Qu'est-ce qu'il y a ? M'inquiétai-je.
« Je...je crois que tout à l'heure j'ai embarqué ton manuel sur l'immunologie par erreur. Je suis désolé. »
— Ah ! M'écriai-je. C'est toi qui l'as ? Je le cherche partout depuis tout à l'heure !
— Donc je peux m'arrêter, fit Jungkook avec espoir.
— Toi tu ranges et tu te tais !
Il ronchonna mais abdiqua.
De l'autre côté du combiné, Bambam avait l'air mal à l'aise.
« Je suis désolé, hyung, j'ai cru que c'était le mien. »
— Ce n'est pas grave, éludai-je, tu me le rendras demain.
« Oui... demain si tu veux... »
Tout d'un coup il y eut un bruit froissé dans l'appareil, une autre voix qui chuchotait et un « Aïe » distinctif de la part de Tête Rouge.
— Bambam, est-ce que Jimin est avec toi ?
Maintenant que je me le disais, je me demandais bien pourquoi il m'appelait. Si c'était pour me dire que c'était lui qui avait mon livre, il aurait pu seulement m'envoyer un message.
Enfin, la voix de mon meilleur ami sortit du téléphone :
« Bambam appelait pour savoir si tu avais mangé .»
— Euh... non, pas encore. Je cherchais mon livre.
Et forçais le gamin à nettoyer son bordel, entre autres.
« Viens dîner au dortoir ! Tu peux ramener Jungkookie s'il est avec toi ! »
— Hein ?
« Je sais ! »
Pourquoi il était aussi enthousiaste, lui, tout d'un coup ?
Soudain le téléphone de Jungkook sonna succinctement et alors qu'il paressait à ranger ses affaires, il regarda son écran avant de dire :
— Oh hyung ! Jimin hyung nous invite à manger au dortoir !
— Hein ?
Je soupirai :
— Jimin j'ai un programme de révision à mainte...
« La mère de Mark a cuisiné aujourd'hui. C'est un vrai cordon bleu ! Il y a beaucoup à manger. »
— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, il est déjà tard et mon programme de rév...
« Elle a cuisiné, entres autres, de l'omelette, du kimchi, et surtout, de la viande. »
Ah.
— On arrive.
« A toute. »
Je raccrochai et me tournai vers mon homme de ménage pas très efficace.
— On va dîner chez Jimin, ne me demande pas pourquoi, c'est comme ça.
Ce n'était absolument pas à cause du mot viande.
Il releva la tête et fit un sourire :
— Pas de problème. On y va ?
— Non, tu ranges quand même et on part après.
— Hyung, t'es pire que ma mère !
Quinze minutes plus tard, mon appartement enfin rangé, au détail près, nous avions pris le bus.
Au point d'arrivée et dès que Jimin avait ouvert la porte, une odeur délicieuse avait titillé mes narines et Jungkook avait souri face à ma figure.
— Des fois t'es un vrai estomac ambulant.
— Je ne vois pas de quoi tu parles.
— Donc pourquoi on vient dîner là, déjà ?
— Je viens récupérer mon manuel !
Il se mit à rire et Jimin nous fit rentrer alors que tout le monde préparait le salon pour faire de la place pour le service.
— La chambre de Bambam est au fond, me fit Jimin avec un sourire que je qualifierais d'étrange sur le moment, on en a encore pour un quart d'heure avant de passer à table. Jungkookie, petite bière ?
— Avec plaisir.
Je me dirigeai donc seul vers la chambre de mon collègue de promotion. La porte était entrouverte et je toquai doucement. La pièce était très bien aménagée, mais surtout très chargée. Le placard vomissait des tas de fringues, autour du lit étaient éparpillés sur des étagères des tas d'objets, des figurines, des bijoux, des parfums de toutes sortes. Même du maquillage. Il y avait des chaussures dans tous les coins. Bambam était là, devant sa petite télévision en train de jouer à un jeu vidéo. Je n'entendais que les bruits de la manette qu'il maltraitait férocement alors qu'il avait les yeux fixes et les lèvres repliées dans la bouche.
— Euh...
Il s'interrompit et écarquilla les yeux en me voyant. Je pris ça pour une incitation à entrer. Il mit sa partie sur pause et se leva, maladroitement.
— Hyung tu... enfin, tu es déjà arrivé ?
— Oui, à l'instant. Tu as mon livre ?
Il hocha vigoureusement la tête et le prit sur sa pile de manuel qui manquait à tout moment de tomber. Son bureau était probablement le meuble le plus chargé de l'endroit. Et dire que j'avais accusé injustement Jungkook de l'avoir perdu.
Pauvre de lui.
Ou pas.
Un silence gênant resta en suspens et Bambam se mordit la lèvre sans savoir où regarder mais surtout pas dans ma direction. J'étais parti pour faire demi-tour et quitter cette atmosphère, avant de regarder l'écran et de dire :
— Est-ce que c'est une vieille PlayStation ?
— Oui... Admit Tête Rouge.
— Ça fait longtemps que je n'en ai pas vu une, les pixels piquent les yeux. Et à quoi est-ce que tu joues ?
— Tekken.
J'ouvris grand les yeux et étonnamment ma tête sembla le faire à demi sourire.
— Trop bien ! Le premier jeu ?
— Oui. Tu...tu veux jouer, hyung ?
— Je peux ?
— Bien... bien sûr ! S'écria-t-il. Attends je vais te chercher une autre manette !
Je m'installai au sol alors qu'il me tendait une manette, son visage affichait une expression vraiment heureuse.
C'était moi qui l'étais.
Je me souvenais encore avoir pleuré quand ma première PlayStation avait lâché. C'était la seule et unique console de jeu vidéo que j'avais. Ça remontait si loin que j'avais l'impression que ça appartenait à une autre vie. Depuis, je n'avais plus vraiment joué aux jeux vidéo, dépassé par toutes les consoles et tous les jeux sortis.
Et puis je n'avais plus eu la tête à ça. Jusqu'à maintenant.
— On fait une partie ?
— D'accord, M'exclamai-je.
Bambam me fixa comme s'il me voyait à nouveau et je clignai des yeux. Il rougit et bafouilla quelque chose que je ne compris pas. J'avais choisi mon joueur sans hésitation, trop heureux de me rappeler de certains personnages. Clairement j'avais perdu la main mais ça ne me dérangea pas. Au contraire. J'avais l'impression de revenir à l'école primaire tout d'un coup.
— À table ! Hurla quelqu'un dans l'appartement.
On grappilla quelques minutes pour continuer la partie jusqu'au bout et sur une victoire pour moi.
Je me permis un léger « Yeah » victorieux qui le fit rire. Enfin, je repoussai la manette et le remerciai.
— Non non, balbutia-t-il, c'est normal, ça m'a fait plaisir que tu y joues avec moi.
—Moi aussi.
Son sourire s'affaissa et il se gratta la nuque :
— Hyung, je voulais te dire que j'étais désolé... Ces derniers temps je n'ai pas été très sympa avec toi.
— J'ai bien vu que ton comportement avait changé. Écoute, si tu m'en veux de quelque chose tu peux me le...
Est-ce que j'avais fait quelque chose de mal et que je ne m'en étais pas rendu compte ?
— Est-ce que tu sors avec le type aux cheveux blonds ? Lança-t-il brusquement.
— Hein ?
Pardon ?
J'écarquillai les yeux de surprise avant de répondre avec virulence :
— Non !
Bambam referma la bouche et hocha la tête.
— Je ne sors pas avec lui !
— Ah ah, riait-il nerveusement, c'est juste qu'enfin vu que... vous vous embrassiez j'ai cru et ça... Enfin c'était bizarre, non ?
— Je ne sors pas avec ! Répétai-je encore. Surtout pas ! Je... non ce n'est pas du tout ce que tu crois...ce type m'a embrassé mais je ne voulais pas !
— Oh ?
Il eut l'air vraiment choqué avant que son visage tout entier ne se détende.
— Donc il n'y a rien entre vous ?
— Bien sûr que non !
Je fis une grimace rien qu'à cette idée.
— Tant mieux, soupira Tête Rouge.
— Tu te comportais froidement avec moi à cause de ça ? Demandai-je sans comprendre.
— Oui...enfin non ! S'écria-t-il. C'est qu'enfin...
Il commença à rougir sérieusement et ça jurait avec ses cheveux qui commençaient à noircir aux racines.
— Parce que c'était un garçon ? Questionnai-je.
— Non ! S'écria-t-il. Je m'en fiche de ça ! C'est que... que...
Soudain il prit une grande inspiration alors que la voix de Jaebum hurlait dans l'appartement :
— A table bordel de merde !
— Hyung, commença Bambam soudain droit comme un i. Il faut que je te dise quelque chose.
Je le refixai, un peu interloqué par son changement de comportement.
— Je.. tu... Recommença-t-il à bafouiller. Tu sais, tu me...
— Faut qu'on aille manger.
La voix de Jackson interrompit l'échange et je me retournai en sursautant. Il se tenait nonchalamment dans l'encadrement de la porte avec un air peu aimable, son tee-shirt était suffisamment moulant pour montrer sa carrure et ses muscles saillants.
— Sors de ma chambre ! Cria Bambam d'un coup, le rouge lui remontant aux joues.
— Je n'y suis même pas entré, rétorqua le chinois. On va manger, tu te déclareras plus tard !
Déclarera ?
Les yeux de Bambam s'ouvrirent en grand et il commença à hurler dans l'appartement, me faisant sursauter une nouvelle fois. Visiblement il parlait dans sa langue parce que je ne comprenais pas un mot. Jackson s'arracha un ricanement sous un rictus absolument détestable et ses yeux froids fusillaient Tête Rouge.
— Il se passe quoi ? Demanda Jungkook en arrivant derrière lui. Qui hurle comme ça ?
— Disons que le petit prince de Thaïlande faisait sa déclaration d'amour à la con au coincé que tu te trimballes sans cesse. Je les ai interrompus pour leur dire qu'on allait bouffer... Lâcha Jackson.
— Il se passe quoi ? S'inquiéta Jimin en arrivant à son tour. Bambam, Qu'est-ce que tu as ?
Puis mon meilleur ami se tourna d'un coup vers le chinois :
— Qu'est-ce que tu as encore fait, toi !
— Rien, je les prévenais qu'on allait manger !
— Sortez de là, sortez tous de là ! Hurla Tête Rouge.
Et soudainement il me poussa puis envoya valser Jackson, Jimin et Jungkook hors de sa chambre avant de claquer la porte à en faire trembler les murs. Le chinois eut un ricanement sonore comme s'il avait obtenu ce qu'il voulait et Jimin serra le poing dans sa direction.
— T'es vraiment qu'un gros con, tu le sais ça ?
— Déjà je suis ton hyung, siffla ce dernier, tu me parles autrement espèce de sale tafiole.
Jungkook s'interposa alors pour éviter à mon meilleur ami de lui coller son poing dans la figure. D'un coup, la voix de Jaebum fut si sombre et si proche de nous que tout le monde sursauta furieusement :
— Ça fait une heure que je m'égosille alors venez à table maintenant ou je vous arrache les couilles et je vous les fais manger, bordel de merde !
Ce qu'il était vulgaire, leur hyung.
Tout le monde obtempéra.
Visiblement, leur leader était vraiment intimidant quand il avait l'estomac vide. Néanmoins je m'inquiétais pour Bambam mais Jimin, une fois calmé, me rassura.
— Il va finir par sortir de toute façon, on va lui en garder un peu.
J'acquiesçai, conscient de préférer grandement la nourriture délicieuse aux tourments de mon collègue de promotion. Vers la fin du repas, alors que tout le monde commençait à caler, Tête Rouge finit par venir nous rejoindre. Jackson s'apprêtait à dire quelque chose de méchant mais Jaebum le menaça très sérieusement et ça l'arrêta. Bambam évita mon regard, il semblait avoir pleuré et je le fixai, un peu inquiet pour lui.
Visiblement il y avait un problème avec Jackson mais au moment où j'allais poser la question, Jimin secoua la tête pour me dire de ne pas m'en mêler. Il mangea silencieusement alors que les conversations allaient de bon train, comme si c'était quelque chose d'habituel. Je continuai de grignoter, conscient que j'allais exploser à ce rythme-là et lui tendis les meilleurs morceaux que j'avais gardés. Il eut vraiment l'air touché que je le fasse. Soudain, alors que tout allait bien, au beau milieu des conversations et de l'air de musique que Jinyoung avait mis dans la pièce, les gémissements incongrus et purement sexuels d'une inconnue emplirent le salon.
Jackson avait sorti son téléphone et c'est de là que sortait le son.
Tous les regards convergèrent vers lui alors qu'il nous fixait, Bambam et moi, avec un grand sourire sur le visage. Enfin, il fit le tour de tous les visages dans le salon alors que la fille, dans son téléphone, gémissait de plus en plus fort.
— Donc j'ai gagné le pari. Raboulez la monnaie. Elle faisait semblant, Yugyeom.
Qu'est-ce que...
Il y eut un silence et soudain tout le monde commença à parler en même temps. L'interpellé rougit d'un coup et cria :
— Ce n'est pas une preuve ! Ce n'est clairement pas la même fille !
— Tu veux que je te remette la vidéo au début ? Parce que, oui, je nous ai filmés figure-toi... Plaisanta Jackson avec un air arrogant.
— Merde, désolé vieux, plaisanta Jungkook en lui tapotant l'épaule.
— Clairement, si on se fie aux sons, elle doit plus prendre son pied avec Jackson qu'avec toi, fit Jinyoung.
— Je vous emmerde ! Cria Yugyeom.
— Est-ce que tu peux éteindre ça ? S'agaça Jaebum, ça me coupe l'appétit.
En effet la demoiselle, inconnue au bataillon et probablement inconsciente d'avoir été un pari entre sept mecs, gémissait de plus en plus fort et de plus en plus aiguë au point où ça en devenait vraiment gênant.
Bambam secoua la tête, dégoûté, et continua de manger.
— C'est bien elle, confirma Jungkook en riant, je la reconnais. Mais elle n'avait pas un mec ?
— Elle l'a toujours, il n'était pas avec elle ce jour-là, c'est tout. Se vanta Jackson.
— Elle ne simulait pas ! Se défendit Yugyeom.
— Clairement elle ne gémissait pas pareil du tout quand tu l'as ramenée ici.
— C'est la sonorité de l'appartement qu'est différente !
— Envoyez la monnaie !
Jimin me tapota la cuisse avec un regard désolé mais son sourire était amusé :
— Désolé de ne pas t'épargner ça,
— Pas grave, éludai-je en haussant les épaules.
Clairement je ne comprenais toujours pas pourquoi il faisait ça mais je restais plus ou moins blasé face à ça. Comme si, au fond de moi, je commençais à m'habituer à tout ça.
Je m'habituais.
Et c'était ça le plus étrange d'ailleurs.
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