11-
— L'épreuve est terminée, posez vos crayons, je vais ramasser les copies.
Il y eut des bruits de bruissement de feuilles nombreuses tandis que je me dépêchais de terminer ce que j'écrivais.
Mes derniers mots me parurent un peu brouillon sous le coup de la précipitation mais tant pis. Je poussai un soupir bruyant avant de poser mon stylo et de rassembler les feuilles puis de les tendre au professeur.
Une fois débarrassé, je me retournai pour regarder Jin hyung à quelques tables au-dessus de moi dans le gigantesque amphithéâtre. Il semblait tout aussi exténué que je l'étais mais m'accorda un sourire que je lui rendis.
Enfin on nous autorisa à sortir et je me levai en m'étirant. Tout autour de moi les élèves chuchotaient de manière plus ou moins forte, chacun ramassant ses affaires. Je jetai maladroitement mes brouillons et mes crayons dans mon sac avant de rejoindre mon hyung qui échangeait avec d'autres élèves de notre promotion.
Ces mêmes élèves qui, une fois qu'ils me virent arriver, s'éloignèrent. Mon aîné me sourit avant de lâcher :
— Alors ?
Je haussai les épaules, plutôt douloureuses, et lui retournai la question. Il fit de même et sur ce constat silencieux mais équitable, on quitta la salle.
Hyung savait que je détestais parler des examens après les avoir terminés. Les autres commentaient leurs propres réponses et leurs brouillons et je m'efforçais de ne rien entendre de compromettant.
Il n'y avait rien de pire que de prendre conscience d'une erreur, trente secondes après avoir rendu sa copie et de rester dans cette attente fatidique pendant des jours et des jours jusqu'au résultat d'une note qui pouvait changer du tout au tout à cause de cette fichue erreur.
Je préférais ne rien savoir du tout.
Je bâillai, les cervicales toujours aussi douloureuses. Il me manquait de très nombreuses heures de sommeil. Je n'avais pas pu fermer l'œil, pris d'angoisses, et d'une sorte de boulimie d'apprentissage qui m'avait tenu éveillé, écœuré jusqu'au petit matin où il avait fallu me rendre aux examens. Pendant trois jours de suite.
Et le voisin me direz-vous ?
Monsieur n'avait des examens qu'aujourd'hui. Seulement. Je crois que j'aurais pu le tuer pour cette injustice.
Néanmoins ce matin il ne faisait pas le malin et c'était bien fait pour lui. Tout fanfaron qu'il était ces deux derniers jours, il avait vraiment la mine déconfite quand on avait pris le bus. Et malgré tout, bien que j'en étais à ma troisième nuit blanche, je me suis surpris à trouver ça étonnant. Il paraissait si arrogant et détaché, mais je voyais chez lui une certaine nervosité à l'idée d'échouer aux examens.
Jin et moi avions continué à marcher jusqu'au réfectoire où nous méritions un en-cas copieux bien qu'il soit encore tôt. Hyung avait été rejoint par des gens de notre promotion qui s'étaient enquis de notre « réussite » mais ils n'étaient pas restés longtemps à discuter.
Parfois je me demandais pourquoi ils m'ignoraient.
À part le fait que je devais être « bizarre », chose habituelle, je n'en étais pas moins poli. Bien sûr j'aurais mal supporté qu'ils me parlent des examens que nous venions de faire mais de là à me regarder furtivement et de s'éloigner sans un regard, non.
J'étais vraiment fatigué, parce que je commençais à me prendre la tête sur une chose pareille alors que quatre-vingt-quinze pour cent de mon temps ça me passait clairement au-dessus.
— Hey !
Je fermai les yeux subitement, serrant fermement mon plateau entre mes doigts. Non, j'avais seulement des hallucinations, rien de plus.
Choses qui pouvaient arriver après trois nuits blanches...
J'ouvris un œil, courageusement, et aperçus le visage du voisin d'en face qui se dessinait dans mon champ de vision. Toujours en jogging, son fameux sourire collé aux lèvres.
Merde.
J'étais aussi bien trop fatigué pour le supporter rayonnant et impétueux comme il était.
— Quoi ? Aboyai-je.
Il fit mine de prendre peur ce qui fit pouffer Jin hyung puis le gamin agrandit son sourire mutin avant de me dire :
— Tu t'es foiré hyung ou quoi ?
Je posai brutalement mon plateau sur la table sans lui accorder un regard mais il poursuivit :
— Je voulais juste te dire que j'ai probablement réussi mes examens haut la main. Après tout je n'ai jamais autant révisé...
— Tant mieux, lui accorda Jin Hyung.
— Donc, merci hyung !
Il me tapa l'épaule comme si nous étions de bons vieux copains, étant bras dessus l'un de l'autre à longueur de journée. Ce contact me fit sursauter et ça le fit rire mais il enchaîna rapidement :
— Soirée ce soir ! Hoseok hyung doit me tenir au jus mais ça va être grandiose !
Je décrochai rapidement, mordant férocement dans un beignet, le goût du sucre me fit du bien et je poussai un soupir de plénitude.
Trois jours de stress, d'insomnie, de boulimie révisionnelle sans appétit...
Là, je me sentais revivre.
— Du coup hyung, je passe te chercher ?
Hein ?
Je fronçai les sourcils et Jin hyung me vint en aide :
— Jungkook nous invite à une soirée de fin d'examens, à Itaewon, ce soir...
— Non.
Le gamin leva les yeux au ciel mais ne sembla pas se dégonfler, je le voyais déjà revenir à la charge mais je préférai le couper :
— Faut que je dorme, allez-y sans moi.
— Hyung tu dormiras demain ! On est en vacances !
— On est en attente de résultats, c'est différent.
— Pourquoi tu fais ton rabat-joie, grogna Jungkook, cette soirée s'annonce géniale... Tu sais quoi ? Je fais une pré-soirée chez moi, t'es en face tu n'as pas d'excuses pour...
— J'ai dit non merci. C'est quel mot que tu n'as pas compris Jusque-là ?
Mais alors que Jungkook allait, plus durement, essayer de me convaincre, Jin hyung l'interrompit doucement :
— Nos examens ont été rudes tu sais, on est exténués. Et puis des soirées pendant la phase « d'attente » comme dit Taehyung, il va y en avoir presque tous les soirs sur le campus pendant presque une semaine et demie.
Le maknae fronça les sourcils mais contrairement au comportement qu'il pouvait avoir avec moi, il se contenta d'acquiescer comme si la parole de mon hyung avait bien plus de valeur que la mienne.
Sale gosse.
— Bon... admettons. Mais hyung si ce soir tu ne sais pas où manger, mon appartement est...
— Toujours en face du mien, je suis au courant, tranchai-je d'une voix qui me parut bien méchante sur le moment.
Je ne savais pas vraiment pourquoi j'étais si irrité mais je savais par contre qu'il fallait clairement que je dorme. Mon téléphone vibra dans mon sac accompagné d'une petite sonnerie aiguë, courte et claire.
Je le sortis alors que Jin dégustait son propre beignet et j'aperçus un message venant de Jimin.
« Comment ça a été ? T'es encore vivant ? J'ai appelé les différentes administrations, les réponses pour les auditions tomberont dans huit jours. Je n'en peux plus d'attendre ! ».
Je verrouillai mon écran avant de relever le regard vers mon hyung. Des cernes s'étalaient sous ses yeux, jurant un peu avec l'harmonie habituelle de son visage.
— On essaye de se voir demain ou après-demain si tu n'es pas occupé, me proposa-t-il.
— Si tu veux.
— Je te laisse, je dois filer, va te reposer Taehyung, j'ai l'impression que tu vas t'écrouler...
— Toi aussi tu es fatigué, Hyung.
— Pas autant que toi.
— Je dois passer au secrétariat avant qu'il ne ferme. Tu veux m'accompagner ?
— J'irai demain, m'informa Jin, j'ai quelqu'un à voir avant ce soir.
Il me fit un sourire avant de reprendre son plateau et son sac et de me laisser. Toujours courbaturé, je quittai le réfectoire pour le grand bâtiment administratif. Je détestais cet endroit. D'autant plus que la secrétaire de l'accueil, une peau de vache, me fit un sourire hypocrite avec ses lèvres pincées avant de dire :
— C'est au secrétariat de l'étage qu'il faut aller. C'est marqué sur le panneau, là. Vous ne savez pas lire !
Son doigt manucuré me montrait une affichette assez longue que je n'avais pas le courage de décrypter. Après un dédale de couloirs, j'arrivai au second secrétariat où la fille, plus jeune, fronça les sourcils avant de dire :
— Euh non, c'est celui du rez-de-chaussée qui s'occupe de ça.
Faudrait savoir !
J'avais envie de me mettre en colère. Ce n'était pourtant pas mon genre et je me fis la réflexion désagréable que depuis que le gamin avait squatté mon appartement, des émotions ressurgissaient, venant empiéter sur mon apathie habituelle.
Et ce n'était pas une bonne chose. Et là j'avais vraiment envie de m'énerver. Heureusement pour moi, la jeune femme soupira avant de dire :
— Je ne vais pas vous renvoyer là-bas, je vais regarder votre dossier. Votre nom ?
Elle tapota sur son ordinateur alors que je résistais à l'envie de fermer les yeux, une envie dont il était de plus en plus difficile de résister.
— Votre demande a été validée ce matin par le Dr Young, directeur du département de médecine.
Soudain j'écarquillai les yeux, toute fatigue ayant disparu.
— Il l'a validée ?
— Oui, admit-elle, votre dossier est complété à cent pour cent. L'hôpital général de Séoul a accepté votre demande sous couvert que vous réussissiez vos examens.
— Oui... bien sûr...c'est...
Les émotions se bataillaient sous ma poitrine pour savoir laquelle allait gagner et je me sentais étourdi.
— Je serai bien en pédiatrie ?
Elle tapota encore sur son ordinateur :
— Oui, dès réception des résultats de vos examens vous pourrez vous présenter au secrétariat de l'hôpital. Je dois vous faire signer la convention, attendez...
Elle partit vers l'imprimante et je m'accrochai au bureau fermement. Un sourire orna mes lèvres qui me firent mal tant elles étaient sèches et j'eus presque envie de sauter de joie comme un enfant si mon corps n'était pas si lourd. Elle me fit signer trois exemplaires de documents dont un que je devais garder.
— Est-ce que j'ai... reçu des courriers de recommandations de la part des professeurs ?
Elle pianota de nouveau et ses sourcils se levèrent un peu avant qu'elle ne me fasse un petit sourire :
— Ne vous inquiétez pas, vous avez obtenu pas moins de cinq lettres de recommandation de vos professeurs.
Cinq ?
J'ouvris la bouche et elle sembla tout d'un coup devenir plus agréable.
— Avez-vous besoin d'encore autre chose ?
— Non...ça ira. Merci.
— De rien, bonne soirée Mr Kim.
Je repartis sans vraiment savoir où aller, trop perturbé et surtout trop impatient de partager cette nouvelle. Je pianotai un message à l'intention de Jin hyung et alors que je répondais à celui de Jimin, hyung m'envoya :
« C'est génial ! Finalement j'aurais dû venir avec toi au secrétariat, j'aurais été fixé là-dessus à mon tour... j'espère vraiment que je serai pris aussi ! Félicitation Taehyung ! »
Je lui répondis vivement qu'il fallait d'abord avoir les résultats des examens et que rien n'était gagné, une notification résonna environ deux minutes après, alors que je traversais le campus en direction de mon arrêt de bus.
« Je ne me fais aucun souci pour tes examens et si cinq de nos professeurs t'ont écrit une lettre de recommandation, c'est qu'ils n'ont aucun doute eux non plus... »
Ce message me fit du bien et m'arracha un sourire avant que je ne le remercie chaudement et lui assure croire aussi en ses résultats à lui.
J'annonçai aussi la nouvelle à Jimin qui tarda par contre à répondre et en attendant le bus, je finis par appeler directement ma grand-mère. Elle décrocha alors que je grimpais dans le véhicule en validant ma carte. Je m'efforçai de parler peu fort pour ne pas déranger mes voisins, mais il n'y avait qu'un couple de vieilles personnes et une lycéenne. Ma grand-mère me félicita et ne sembla pas, non plus, s'inquiéter de mes résultats. Ils étaient bien gentils tous autant qu'ils étaient mais moi je n'étais vraiment sûr de rien. Le niveau avait clairement augmenté depuis l'année dernière et cela devenait de plus en plus difficile chaque année.
D'autant que j'avais perdu un temps considérable à cause d'une fichue grippe.
Elle passa le téléphone à mon grand-père et la conversation se poursuivit jusqu'à ce que j'arrive au pied de mon immeuble. En regardant dans ma boîte aux lettres, vide, ma grand-mère reprit la parole :
« Si tu es libre, pourquoi ne pas venir à la maison ? Nous pouvons t'envoyer un peu d'argent pour le billet de train. »
Je refermai la boîte aux lettres et lui répondis :
— Pas besoin de m'envoyer de l'argent, il me reste des économies, je n'ai presque pas dépensé cette année...
Puis j'ajoutai :
— Tu as raison, je vais venir. D'ici samedi ?
« Nous serions très heureux de te voir, halabeoji et moi. Nous avons pensé venir te voir mais avec la ferme nous n'avons pas pu, tu sais. »
— Je sais, ce n'est rien.
Après un rapide échange, je raccrochai. Je vérifiai mon portable en sortant de l'ascenseur, Jimin m'avait répondu avec beaucoup de smileys.
Ce n'est qu'une fois passé le seuil de mon appartement que la fatigue m'accabla. Bien sûr, j'étais toujours heureux, mais l'euphorie était retombée. Je me traînai jusqu'à mes rideaux pour les tirer, puis jusqu'à mon lit sans prendre la peine de me déshabiller et me vautrai dans la couette.
Il m'avait suffi d'une seconde pour que je m'endorme.
*******
La sonnette retentissait dans mon appartement de manière stridente et sans la moindre interruption. Fermement, systématiquement et avec agacement.
Malheureusement, je n'avais aucun doute concernant l'identité de la personne qui appuyait comme un forcené sur l'interrupteur.
Il était treize heures passées, je m'étais levé tard et je sortais de la douche. Deux jours me séparaient des examens et j'avais beaucoup dormi.
La première nuit et la première journée, j'avais déambulé tel un zombie dans mon salon, alternant des moments d'éveils et de siestes comme si je récupérais doucement d'une surcharge du cerveau due à toutes les informations médicales emmagasinées.
Hier j'étais parvenu à sortir pour rejoindre Jin hyung en ville, ce dernier avait réussi à aller au secrétariat à son tour et même s'il n'avait obtenu que deux lettres de recommandation, il m'avait annoncé qu'il débuterait son stage en même temps que moi en cardiologie à l'hôpital général de Séoul.
Deux jours, donc, que je n'avais pas vu le voisin d'en face. Deux minuscules jours de liberté, de joie, et d'indépendance après l'avoir côtoyé non-stop pendant les jours de révisions.
Deux merveilleux jours.
Jusqu'à maintenant.
La colère remonta d'un coup dans ma poitrine, s'allumant comme un brasier, un profond agacement me donna envie de lui crier dessus de manière brutale et incontrôlée et d'un pas ferme, je traversai mon salon en direction de la porte toujours sous la sonnerie stridente de ma sonnette.
J'allais le tuer.
J'ouvris d'un coup sec le battant mais tout mon énervement retomba d'un coup comme un soufflet. Le voisin se tenait là mais il avait l'air mal, ça se voyait sur son visage. Il se tenait à l'embrasure de ma porte, presque avachi sur le mur.
— Hyung, j'ai un problème. Il faut que tu m'aides...
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