10-
— Parce que je l'ai stalké.
Il y eut un silence avant que la voix de Jimin, un peu plus aiguë qu'à l'ordinaire, ne réponde :
« Pardon ? »
Alors je lui racontai tout, en mangeant un peu en même temps et cela me fit un bien fou. J'avais l'impression que quelque chose se libérait, de la colère, de la honte et un peu tout à la fois...
Après mon histoire, Jimin resta silencieux au point où je crus qu'il avait raccroché mais les minutes continuaient de défiler sur le cadran de mon téléphone.
Puis il se mit à rire, nerveusement, jusqu'à finir par dire :
"Alors là, Kim Taehyung, tu me surprends ! "
— Pourquoi tu dis ça ? M'inquiétai-je.
« Sérieusement ? Tu l'as observé pendant tout ce temps... je n'y crois pas... »
Il riait toujours et le sentiment de soulagement que j'avais éprouvé se faisait de nouveau bouffer par l'inquiétude.
— Écoute, je sais que c'est immoral mais...
« Tu rigoles ! Tu sais, je pense que tout le monde à ta place aurait fait probablement la même chose. Moi le premier. »
— Hein ?
Comment ça ? Sa réponse paraissait tellement surprenante que je me sentais littéralement perdu.
Jimin rit encore :
« Je suis déjà venu chez toi, je sais comment est le vis-à-vis avec le balcon d'en face et si en plus un mec canon comme Jungkook se baladait à poil devant moi et baisait sur son canapé évidemment que j'aurais regardé... »
— Mais...
« Tu sais, tout le monde est plus ou moins voyeur... Je suppose que la nature humaine est comme ça. C'est de la curiosité mal placée si tu veux, mais tout le monde le fait. Et le fait que tu en aies fait toute une histoire me prouve bien que tu n'es pas un stalker... Mais au fait, Tae ? »
— Quoi ?
« Quand tu le voyais coucher avec ces filles... ça t'excitait ? »
Le rouge me monta aux joues et je me mis à hurler :
— Non mais t'es pas bien !
Le rire de Jimin se décupla et je me mis à l'insulter de tous les noms avant qu'il ne se calme.
« Bon sérieusement... J'avoue que tu es peut-être allé un peu loin et que clairement Jungkook n'apprécierait certainement pas de le savoir...Oh, beurk... »
— Pourquoi tu fais « beurk » comme ça ?
« Je viens de m'imaginer si la voisine de cinquante ans en face de ma chambre m'espionnait et ça m'a donné la gerbe... »
Il paraissait encore hilare.
Mon meilleur ami était cinglé. Complètement cinglé, mais je me sentais, étrangement, beaucoup mieux.
« N'empêche que passer tes nerfs sur lui c'est clairement une mauvaise chose. »
Je retire ce que je venais de dire.
— Mais...
« Je comprends que tu ne voulais pas qu'il débarque dans ta routine, parce que tu te sentais coupable, mais là tu as abusé ! »
— Je n'ai pas abusé ! Me défendis-je. Il ne comprend pas que...
« Non, Tae, il ne peut pas comprendre. Comment le pourrait-il ? »
Cette phrase me fit taire et je me recroquevillai sur moi-même.
« Moi je comprends, mais je doute qu'à part moi quelqu'un sache vraiment comment tu fonctionnes. Il a voulu t'aider, tu sais. Il m'a même appelé pour ça. Tu connais beaucoup de voisins qui feraient ce genre de trucs pour des personnes qu'ils connaissent à peine ? Pas moi. C'est un bon garçon ».
— Il les a vues, Jimin.
Le silence me répondit avant que mon meilleur ami ne reprenne, sans hilarité dans la voix cette fois-ci :
« Oui, plus ou moins. Il ne m'a pas posé de questions, il l'a seulement évoqué et je ne lui ai rien dit, rassure-toi. Mais tu sais, il n'est pas bête. Franchement Tae, s'il n'avait pas été là comment aurais-tu fait ? Tu serais allé à l'hôpital. »
— Non !
« Tu vois, c'est quand même moins pire. Il m'a dit avoir réussi à contacter Jin hyung via ton portable pour avoir des médicaments supplémentaires parce que ta température ne baissait pas et que tu délirais dans ton sommeil... »
Une culpabilité commençait doucement à poindre le bout de son nez, mais Jimin reprit sans me laisser le temps de parler, enfonçant le clou :
« Il ne te connaît pas plus que ça mais il a quand même essayé de te rendre service. Comment aurait-il pu savoir qu'un simple bazar dans ton appartement pouvait te faire sortir de tes gonds ? Tout comme les cicatrices que tu as sur le corps... Il devait être soulagé quand tu t'es réveillé et tu l'as incendié et traité comme un moins que rien ! »
— Je...
« Tu vas aller t'excuser auprès de lui ! »
— Je ne veux pas qu'il rentre dans ma vie... Marmonnais-je comme dernier argument.
« Pourquoi ? Parce que tu l'as observé ? Passe à autre chose et accepte simplement ça. Franchement je ne vois pas ce que tu as fait de mal. »
— Mais Jimin... Ce gosse je ne l'aime pas, j'ai l'impression qu'il fout le bordel dans ma vie.
Jimin sembla bouger parce que j'entendis du bruit en fond sonore et sa voix se fit claire :
« Tae. Je ne sais pas si être ami avec Jungkook peut être une bonne ou une mauvaise chose pour toi mais je te connais, je sais à quel point tu as peur de la nouveauté. »
— Alors ne me dis pas d'aller...
« Mais je pense que ce gamin peut être bon pour toi. »
— Quoi ?
Que quelqu'un se dévoue pour tuer Park Jimin, s'il vous plaît.
« Regarde-toi. Depuis combien de temps n'avais-tu pas été en colère ? »
Cette question me fit refermer la bouche et je soupirai :
— Tu vois bien qu'il me fait sortir de mes gonds, je n'aime pas sa personnalité, son visage, je...
« Ne te trouve pas d'excuses ! »
Un volontaire ? Non, personne. Merde.
Foutu Park Jimin à avoir toujours raison.
« Je ne te demande pas de devenir ami avec lui, par contre je t'oblige à aller t'excuser. »
— Non.
« Tae ! »
Non je ne voulais pas. J'imaginais déjà devoir affronter de nouveau ses yeux sombres et sa colère. Il me faisait flipper dans cet état-là.
Non, pas question.
Une heure plus tard, j'étais devant la porte de son appartement.
Foutu Park Jimin.
*******
Jungkook ouvrit le battant d'un mouvement sec et violent et son visage contrarié m'accueillit avec froideur.
— Quoi ?
Il avait clairement un ton agressif et moi j'étais clairement mal à l'aise.
Après une demi-heure à batailler avec Jimin au téléphone, j'avais fini par capituler, comme d'habitude. En rangeant mon appartement puis en prenant ma douche, je m'étais mis à repenser à tout ça, à la fois soulagé de n'avoir plus ce secret du voyeurisme à porter et angoissé à l'idée de devoir m'excuser.
Ce qui m'avait fait sortir de mes gonds c'était que ce gamin avait pénétré dans mon intimité sacrée. Qu'il m'avait vu dans un moment de faiblesse, qu'il m'avait pris en pitié, avait vu mon corps abominable et m'avait entendu le supplier.
Il était un raz-de-marée et moi je n'arrivais pas à faire face.
Le pire, c'était que tout avait commencé à cause de moi mais que ça ne se terminait pas selon ma volonté. Mon monde entier s'était fracassé contre lui quand, de spectacle imaginaire, il était devenu réel. Sa personnalité m'avait éclaboussé et il ne cessait d'aller et venir dans ma routine, la déroutant, sans que je ne m'y attende.
Et ma routine était sacrée, contenante, créée telle quelle pour que mon existence soit la plus calme possible. Et il avait tout fait trembler et foutu en l'air en étant carrément venu chez moi et en ayant même appelé mes amis...
J'avais peur de lui.
Je ne contrôlais rien et il semblait me jeter à la figure tout ce que je refusais d'admettre. Que j'étais un type bizarre avec des habitudes rigides conçues pour que je me sente le mieux possible. Lui il ne pouvait pas me comprendre, il était trop imprudent, trop parfait pour ça. Sa vie et la mienne n'avaient rien à voir.
Jimin et Jin hyung étaient des gens doux, compréhensifs, empathiques et même si Jin hyung ne savait rien de moi, il ne me jugeait pas et portait sur moi un regard bienveillant et ouvert.
Jungkook n'était pas de ce genre-là et avec lui tous mes principes, mes règles, mes rituels n'étaient pas respectés et ça me mettait dans des situations je ne connaissais pas.
Oui, il me faisait peur. Je craignais que tout ce que j'avais construit depuis ce jour-là, depuis l'accident, soit détruit par lui.
— Je... suis venu...
Je me raclai la gorge alors qu'il me fixait d'un œil torve, les bras croisés, toujours dans l'embrasure de sa porte sans faire un quelconque geste pour m'inviter à rentrer.
— M'excuser, terminai-je piteusement.
— Ah. Voyez-vous ça...
Il ressemblait à Yoongi hyung comme ça, ou du moins il dégageait la même aura que lui en cet instant, ce côté sarcastique dominant.
Ça ne lui allait pas du tout.
— Voilà, tentai-je encore, je te présente mes excuses pour tout à l'heure. J'ai un peu... surréagi...
— Sans blague.
Mon index grattait nerveusement les coutures de mon pantalon et je sentais encore la désagréable sensation de mes cheveux mouillés dans ma nuque.
— C'est tout ce que je voulais dire...
Je ne m'attendais pas à ce qu'il me pardonne mais je ne m'attendais pas à ce qu'il se montre si glacial.
Je ne savais pas comment me comporter avec lui et ça m'angoissait.
En soupirant bruyamment, je fermai les yeux et fis volte-face.
Peut-être que tout se terminait ainsi, justement. Des excuses et puis on allait faire comme si on ne s'était jamais vus.
Alors pourquoi cette fin ne me convenait pas ?
— T'es vraiment un type bizarre, hyung.
Ma main resta en suspens à quelques centimètres du bouton d'appel de l'ascenseur, je pivotai un peu. Jungkook avait décroisé les bras sur son torse, même son expression paraissait moins rigide.
— Oui. Je le suis. Tu n'as pas idée. Mais je n'aime pas qu'on me le dise.
— Tu m'en dois une.
— Hein ?
Je relevai brusquement la tête et, pour mon plus grand malheur, il avait repris son petit air suffisant qui me fit immédiatement regretter tout ce que je venais de dire plus tôt.
— Je veux que tu me rendes un service.
— Comment ça ? Demandai-je, méfiant.
Il s'écarta et m'invita à rentrer, au moment même où le bruit de l'ascenseur m'indiqua que les portes s'ouvraient.
J'avais un choix à faire. Accepter de le suivre et continuer cette histoire étrange ou tout faire ressauter, quitte à me mettre Jimin à dos, mais terminer cette incessante situation bancale.
C'était pourtant un choix facile.
Il fronça imperceptiblement les sourcils, comme s'il comprenait mon hésitation et ce que ça impliquait. J'attendais presque que quelqu'un me vienne en aide, mais personne ne vint. Il ne me restait plus qu'à prendre une décision et assumer les conséquences par la suite.
Merde.
Jungkook referma sa porte derrière moi et je me mis à m'insulter mentalement. Faible, j'étais très faible.
— Tu as mangé ?
— Un peu...
— Ma mère m'a envoyé des trucs, du kimchi notamment, tu en veux ? Demanda-t-il en désignant une boite posée sur sa table basse.
— Tu veux dire du vrai kimchi ? Du kimchi maison ?
Il acquiesça et je zieutai la boîte en plastique avec envie, ce qui le fit sourire.
— Sers-toi.
Il me tendit des baguettes que je pris un peu sur la défensive. Ses yeux me scannaient et je lui renvoyai un regard froid.
Rien ne changeait, je ne l'appréciais toujours pas.
Alors qu'on mangeait tous les deux sur sa table basse à bonne distance, je me raclai la gorge :
— Merci... pour...enfin, ce que tu as fait.
Son sourire était moqueur et il ricana :
— Mais de rien. Tu n'as pas l'air de remercier souvent les gens, hyung.
Je n'aimais pas son ton et le fusillai du regard. Il haussa les épaules :
— L'avantage d'habiter en face c'est que je pouvais surveiller s'il se passait quelque chose... Franchement je ne pensais pas qu'on voyait si bien de chez toi à chez moi.
Je me tendis de stress d'un coup mais il balaya sa phrase d'un revers de main.
— Je ne pouvais pas te laisser dans cet état... Mais franchement si tu n'avais pas autant insisté et que Jimin hyung ne m'avait pas disputé, je t'aurais envoyé à l'hôpital. T'avais une grippe carabinée.
Je lui jetai un regard en coin et repris à voix basse :
— Merci de ne pas l'avoir fait.
— De rien, tu devrais appeler ton hyung de médecine, il était inquiet.
Ah oui, Jin hyung. Je sortis précipitamment mon téléphone et lui envoyai un message.
— Tu sais que de nos jours, les gens mettent un code de sécurité sur leur téléphone... Lança-t-il.
— Et ?
— Comme ça.
Il paraissait clairement amusé en mangeant son riz, avant de poursuivre :
— Tu sais que de nos jours tout le monde a des tas d'applis, comme Facebook, Twitter, Snapchat, Instagram...
— Et ?
Je savais très bien où il voulait en venir mais son sourire prétentieux me donnait encore envie de lui enfoncer la tête dans le kimchi. Mais par respect pour le kimchi, je ne fis rien.
— Hyung. Ton téléphone est sans cesse déverrouillé, tu as trois contacts et zéro application, ça m'a surpris.
— Tu as pris mon téléphone !
—Fallait bien que je trouve le numéro de Jimin hyung ! Après je me suis rappelé qu'il me l'avait donné...
Imbécile.
— Je suis sûr que tu viens de mentalement m'insulter, là !
— Hein ?
Jungkook éclata de rire avant de dire :
— J'ai de l'entraînement avec Yoongi hyung, je sais retrouver les émotions chez les gens les moins expressifs...
Je soupirai avant de repousser mon bol vide et de me lever.
— Merci pour le repas.
— Il en reste, tu...
— Merci mais il faut que je rentre. J'ai pris énormément de retard dans mes révisions...
— En parlant de ça.
Il posa son bol vide et ses baguettes, en parallèle, sur le dessus.
—J'ai besoin d'un coup de main.
— Comment ça ?
— Tu m'en dois une, Hyung.
Je fronçai les sourcils. Ce gosse jouait clairement avec mes nerfs mais encore plus avec la prononciation du mot « hyung ». En gros, il titillait clairement son respect envers moi.
Imbécile, bis.
— Je hais réviser et je sais qu'il ne reste que dix jours avant les examens...
Au nombre de jours restant, mes intestins se comprimèrent, le stress grimpa et je remuai, mal à l'aise. Il fallait que je rentre et vite.
— Seul j'arriverai à rien et je me suis dit que vu que tu étais une grosse tête...
Je le sentais venir avec une idée à la con.
— J'allais bosser en ta présence pour être sûr de travailler.
Bingo.
Applaudissements messieurs, dames, Jeon Jungkook pense avoir eu l'idée du siècle.
Seigneur, mais pourquoi ça tombait sur moi ?
— Non.
— Je savais que t'allais dire ça, sourit-il.
— Je pense que ta présence serait tout sauf bénéfique pour moi.
C'était une évidence.
— Est-ce que je dois te rappeler que j'ai passé un peu plus de trois jours à m'occuper de toi et que tu m'es clairement redevable ?
Abruti.
— Ne m'insulte pas s'il te plaît, remarqua-t-il avec un sourire suffisant même si je n'avais pas ouvert la bouche.
Je fermai les yeux en soupirant :
— Ça n'empêche que ça reste une mauvaise idée. Mes examens comptent énormément.
— Les miens aussi, moi aussi je veux garder l'appart.
— Mais je ne peux pas me permettre de prendre davantage de retard.
— Je serai sage comme une image...
C'est ça, et mon cul c'est du poulet ?
— Non.
Jungkook croisa les bras et prit une moue boudeuse que je ne lui avais encore jamais vue.
— Bon bah... Je vais appeler Jimin hyung.
Il me fit un sourire si hypocrite, si faux que je me mis soudain à vouloir lui enfoncer la tête dans ma table. Mais par respect pour la table je préférai me contenir.
Ce gamin me mettait hors de moi, me rendait vulgaire. Le pire ?
Il avait compris comment me faire flancher.
Je le sentais mal...
— Après les cours, bibliothèque universitaire, cinquième étage, jusqu'à la fermeture. Mon Hyung de médecine sera avec moi.
— Cool ! On se rejoint demain alors !
Et merde.
*******
Jin hyung m'envoya un regard circonspect au-dessus de ses lunettes de vue aux belles montures marron. Je ne lui répondis pas. Après tout, mon expression amorphe favorite lui plaisait tant.
Sauf qu'à cet instant-là, cela ne lui parut pas suffisant parce qu'il insista par des coups d'œil suggestifs. Je fermai les yeux, reposant mon crayon et poussai un soupir à fendre l'âme avant de me tourner vers le paquet de chips bruyant tenu par nul autre que la main d'un gamin tout aussi bruyant.
J'ai nommé Jeon Jungkook. Vingt ans et des poussières, département de sport, première année, voisin d'en face de chez moi, abruti.
Surtout abruti.
— Tu vas faire du bruit encore pendant combien de temps ? Cinglai-je.
Ce dernier ouvrit la bouche puis la referma, les lèvres saupoudrées de sel et luisantes de gras.
— J'ai besoin de force pour réviser, répondit-il avec un air innocent.
— Tu as déjà mangé un autre paquet y a vingt minutes, lui fis-je remarquer d'une voix agacée.
— J'ai besoin de beaucoup de force, rétorqua-t-il d'un ton égal.
Jin pouffa mais moi ça ne me faisait pas rire.
— Le deal, c'est que nous révisions.
— Je révise là.
— Non, là tu manges, c'est pas pareil !
— Je ne peux pas me concentrer plus de trente minutes.
— Alors sors manger tes chips dehors !
Il fit une moue boudeuse et un brin arrogante que je trouvais encore plus insupportable que toutes ses autres expressions. Il recula sa chaise bruyamment avant de quitter la salle de travail de la bibliothèque universitaire.
Une fois la porte refermée, je replongeai dans mes révisions avant d'entendre de nouveau le rire particulier de Jin hyung.
— Pourquoi tu ris ?
— Parce que tes réactions sont épiques.
— Elles ne le sont pas...
— Oh si. Je ne t'avais jamais vu manquer à ce point de perdre ton calme !
— Hyung, soupirai-je, pourquoi j'ai l'impression que cette situation t'amuse ?
— Parce qu'elle est amusante.
— Tu ne veux pas plutôt me faire réciter ?
Il acquiesça, reprenant soudain son air sérieux et mature et il remonta quelque peu ses lunettes.
Une heure plus tard le voisin n'était pas revenu et nous nous apprêtions à quitter la bibliothèque puisque la fermeture était imminente.
— Demain, je serai là seulement vers dix heures, annonçai-je.
— D'accord, je te rejoindrai alors. Au fait, tu as reçu ta convocation pour l'entretien à l'hôpital ?
— Oui et toi ?
— Moi aussi, c'est après demain à dix-sept heures. Secteur pédiatrique, alors ?
— J'espère, assurai-je alors qu'on prenait la direction de la sortie, nos sacs pesant lourd sur nos épaules. Et toi ?
— J'ai fait plusieurs demandes. On verra bien. Tu as vu avec l'administration pour l'appartement ?
— Oui avant de te rejoindre ce midi, la vielle ahjumma du secrétariat est vraiment infecte...
Jin rit quelque peu mais ne me contredit pas.
— Si mes résultats me permettent de le garder encore un an, je peux y vivre l'été mais il lui faut le justificatif de stage.
— Tant mieux.
— Hey !
Ah oui tiens, je l'avais oublié celui-là.
Il était quelques mètres plus loin en présence de gens que je ne connaissais pas avant de nous rejoindre et il lança :
— Hyung, on rentre ? J'ai la dalle...
Je jetai un regard à Jin qui aurait pu clairement signifier « aide-moi par pitié ». Malheureusement mon aîné trouva de nouveau ça hilarant et me laissa, livré en pâture, avec le gamin détestable. En l'insultant mentalement, le voisin et moi-même avions pris le chemin du retour vers nos appartements. Du trajet en bus jusqu'au supermarché et mes pas me guidèrent automatiquement vers le rayon de ramens, Jungkook me sortit alors :
— Une pizza ça te dirait pas plutôt ? On se fait livrer.
Avais-je mal entendu ?
— Comment ça « on » ?
— Toi et moi.
— Ça, j'avais compris, grimaçai-je.
Il rigola et reprit :
— Tu vas réviser de nouveau je suppose, moi aussi.
— Si tu comptes à nouveau bouger, manger, trépigner, parler, te lever pendant que je bosse, pas question !
— Je serai sage comme une image, répondit-il avec un sourire présomptueux.
— Tu as déjà dit ça et aujourd'hui tu as fait tout l'inverse !
— La bibliothèque ça me stresse...
— Tu ne mettras pas les pieds chez moi !
— Alors viens réviser chez moi, argua-t-il platement.
— Non.
— Je paye la pizza.
— D'accord.
J'étais un être faible.
Mais plus vite ce désagréable moment serait passé plus vite tout reviendrait dans l'ordre. Combien de temps allais-je encore me leurrer sur cette pensée utopique ?
Je concédai finalement à ce que le voisin vienne chez moi. La plupart de mes ouvrages s'y trouvaient. Et vu qu'il payait la pizza, je m'accordais à faire un effort.
Un effort insurmontable, j'aimerais qu'on le note.
C'était avec une certaine grimace que je le laissai s'installer sur mon canapé et décrocher son téléphone pour passer commande.
Ça me faisait toujours aussi étrange de le voir ici, dans mon appartement et c'était désagréable, mais contrairement à la surprise de la première fois, j'arrivais à m'y habituer. Tant qu'il ne dérangeait rien dans mon ordre des choses. Mais alors que son coude cognait dans ma peluche en forme de cœur, je la remis en place correctement en lissant bien les coins.
— T'es un maniaque en fait.
— Ferme-la.
— D'où elle sort cette peluche ? Demanda-t-il d'un air dédaigneux.
— Ça me regarde.
— Je vois.
Et contre toute attente, il la prit entre ses mains et la regarda alors sous toutes les coutures. Je me tendis d'un coup, la lui arrachant et la reposai dans le coin.
— Tu ne touches à rien ! Sinon tu t'en vas !
— T'es vraiment un maniaque...M'enfin...
Il se laissa glisser nonchalamment dans le canapé et commença à geindre sur ses révisions pénibles et le fait que tous ses amis préféraient travailler pour les examens plutôt que de faire des soirées et à quel point c'était horrible.
La pizza mit un quart d'heure à arriver et ensuite nous avions dîné devant la télé. Cette scène me paraissait détonante et étrange.
Qui aurait cru il y a quelques mois, qu'on en serait là ?
Pas moi. Surtout pas moi.
Enfin, après avoir débarrassé, Jungkook s'attabla à la table basse et moi sur le bar et je lui soumis un silence olympien.
Étonnamment, il ne fit pas un bruit et tout se passa pour le mieux.
*******
Quatre jours plus tard, je dus me rendre à l'évidence que mes révisions en présence du gamin me paraissaient presque supportables.
Certes il abandonnait complètement l'idée de réviser à la bibliothèque, préférant, je cite, « faire du sport car c'est ce qu'il y a de mieux au monde ». C'est lui qui le disait.
Par contre je parvenais à m'habituer à le voir venir chez moi, manger ensemble, réviser chacun de notre côté jusqu'à ce qu'il rentre se coucher.
Je ne savais pas si c'était lui qui faisait un effort d'adaptation ou si c'était moi qui m'habituais mais j'entendais la voix de Jimin dans ma tête qui s'extasiait de cette nouvelle « amitié ».
Amitié de quoi ? Je n'étais pas ami avec le gamin !
Pourtant, je devais bien avouer que j'étais sorti de cette affreuse culpabilité de l'avoir observé dans les moments intimes de sa vie, ces derniers mois, et qu'à présent j'arrivais à être à peu près normal. Ou l'étais-je parce que je me sentais redevable à mon tour ?
Difficile de le savoir et je ne voulais pas me prendre la tête sur le sujet.
Enfin, après ce qu'il m'avait paru les jours de révisions les plus intenses de ma vie, les examens eurent enfin lieu.
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