Elle - Chapitre 9
Une fois en haut, je résistais à l'urgente envie de me plier en deux dans une vaine tentative de retrouver mon souffle.
— Ça fait beaucoup d'étages, hein ?
— Je ne vois pas de quoi tu parles, mentis-je. Un de plus, un de moins, quelle différence ?
Hakyeon ouvrit sa porte avec un sourire en coin, attrapa une hanse de mon sac plastique et me tira doucement chez lui.
— Je vous souhaite la bienvenue dans mon humble demeure, Mademoiselle Martin. C'est sensiblement la même chose que chez toi, ajouta-t-il en souriant.
Je hochais la tête en enlevant mon manteau, et il déposa notre repas sur la table de son studio. Prise soudainement d'un accès de timidité, je restais immobile dans l'entrée, en chaussettes : j'étais chez un homme. Je regrettais de ne pas avoir eu plus d'amis masculins, j'aurais peut-être été un peu plus à l'aise.
— Tu veux boire quelque chose ?, me demanda-t-il. Je vais me prendre une bière.
— Je veux bien la même chose s'il te plaît, dis-je d'une petite voix.
Il sortit deux bouteilles de Heineken, les décapsula et les ajouta sur la table. En ouvrant le sac plastique, il s'immobilisa.
— Nouilles sautées, c'est vague en fait... Est-ce que je ne me suis pas fait avoir ?
— Les goûts sont écrits sur les boîtes, il faut sûrement les réchauffer un peu...
— Je ne vois pas d'écriture...
Je fis un pas, puis deux et arrivais enfin à la table.
— Ah si ! Bœuf gingembre et Sukiyaki. Parfait ! Assieds-toi, je vais mettre ça quelques secondes au micro-ondes.
Tendue, je m'exécutais.
— Baguettes ou fourchette ?
— Baguettes, répondis-je automatiquement.
Oups... Pas la manière la plus propre de manger. Je soufflais et pris ma bouteille pour occuper mes mains. Okay, ça allait. Je voulais lui demander, je n'allais pas regretter maintenant. Surtout que je ne regrettais pas ! J'étais juste tendue...
— Alessia ?
Je sursautais.
— Que dirais-tu de me montrer ce que tu fais de tes soirées dans ton existence protégée ?
— Je veux bien, mais ça inclut du streaming illégal.
— Ouh... Si je m'attendais à ça... Et moi qui te voyait comme une innocente princesse, tu ressembles plutôt une voleuse de grand chemin...
— Un quart du temps, grand maximum, me défendis-je tant bien que mal en rougissant d'embarras. Le reste du temps, c'est juste que je ne peux pas trouver tout ce que je cherche en France.
— Et que cherches tu ?
— Principalement des dramas coréens sous-titrés en anglais.
— C'est précis, rit-il tandis que la sonnette du micro-ondes retentissait.
— C'est un bon moyen d'allier le travail à l'agréable.
— Et le quart du temps que tu passes en véritable hors-la-loi ?
— Ce sont des séries que j'ai ratées à la télé. Je les regarde en VO dans la mesure du possible, celles-là...
— Et que veux-tu regarder ce soir ?, dit-il en ramenant les deux boîtes sur la table avec deux assiettes, et deux petits bols en équilibre.
Je me levais pour l'aider, jugeant la superposition instable. Et puis, je ne restais pas chez lui pour qu'il prenne soin de moi, il fallait que je participe un peu ! Il renversa le contenu de la première boîte dans une assiette, et fit de même avec la deuxième.
— Sherlock.
— Direction Netflix après manger, alors, dit-il en ouvrant son ordinateur. Quel épisode ?
Je ne l'avais pas remarqué, posé sur la table juste à côté de nous.
— J'adore les deux premiers de la troisième saison, mais si tu ne les as pas vu...
— J'adore Sherlock, je les ai déjà tous vus au moins deux fois.
— Ça ne te dérange pas de les regarder encore ? Je ne veux pas m'imposer...
— Nope. Le premier épisode de la saison 3 donc, dit-il en me tendant des baguettes.
Je le remerciais et il s'installa à côté de moi. Je l'observais se servir des nouilles dans son bol et les manger. Je hochais la tête et croisais son regard rieur.
— Quoi ?,dis-je en rougissant à nouveau, légèrement boudeuse malgré moi.
— Rien.
Je détournais les yeux, et bus une gorgée de bière.
— Journée difficile ?
— Plus ou moins... A force de ne pas vouloir penser au lendemain, je nous ai fait rentrer tard hier...
— Je vais m'abstenir de dire que j'ai déjà fait bien pire. Plusieurs fois.
Je riais doucement, et pris une deuxième gorgée, avant de me servir. Je m'apprêtais à manger, mais le vis m'observer du coin de l'œil.
— Ne me regarde pas...
— Je vais essayer. Tu préfères lesquelles ? me demanda-t-il en pointant les nouilles.
— Je n'arrive jamais à choisir. Je prends les deux quand j'y vais seule. Et j'en prends toujours dans la boîte de quelqu'un si on y va à plusieurs.
— Que disais-je ? Ah oui, voleuse de grand chemin.
Je souriais, et me servis dans la deuxième assiette en le regardant fièrement.
— Et toi la journée ?
— Banale. Enfin jusqu'à ce que je tombe sur ma voisine prostrée devant la porte du concierge. Je n'ai pas pu m'empêcher de lui venir en aide. Et me voilà, en piètre compagnie, regrettant presque tous mes choix de vie...
— Je sais... C'est difficile de ne pas se sentir écrasé par ma présence, dis-je avec une assurance feinte.
- Ça doit être ça, oui, sourit-il avec douceur.
Des papillons s'envolèrent dans mon ventre, et je détournais le regard.
— Ne me regarde pas.
Il hocha la tête et se remit à manger. Le silence s'installa, et je me creusais le crâne pour le combler.
— J'ai eu une interrogation aujourd'hui. Je ne sais pas du tout comment je m'en suis tirée...
— C'est toujours mieux que d'être persuadé de l'échec.
— C'est gentil. Mais je n'y crois pas trop... Enfin, je verrais bien... J'ai prévu de travailler vraiment sérieusement cette année, mais ça ne commence pas super bien.
— Ça va aller. Et puis si ça ne va pas, tu sais où me trouver, dit-il en me tournant la tête vers lui.
— Euh... Au quatrième étage, ou dans la centaine de bars et boîtes de la ville ?
— Pas faux, dit-il en grimaçant. Donne-moi ton téléphone.
— Je vais le chercher, dis-je en me levant.
Je revins aussitôt et lui tendis mon téléphone déverrouillé.
— Interdiction d'aller dans la galerie.
— Ça n'en devient que plus intéressant...
— Hakyeon, murmurais-je plaintivement en me penchant par-dessus son épaule pour le surveiller. S'il te plaît...
Ses épaules furent secouées d'un rire silencieux et il se contenta docilement d'enregistrer son numéro de téléphone. Je récupérais mon téléphone en m'asseyant à nouveau, et attrapais mes baguettes pour continuer de manger.
— Tu me diras comment ça s'est passé quand tu auras les résultats.
— D'accord.
Une fois le repas et les bières terminés, Hakyeon se leva.
— Lit de camp, ou mon lit ? Le lit de camp est un peu dur.
— Ça ne me dérange pas du tout, j'aime bien les matelas durs, répondis-je aussitôt.
Hakyeon plissa les yeux et me fixa.
— C'est vrai, me défendis-je.
Hakyeon hocha la tête et partit sans un mot dans son placard.
— Est-ce que je peux t'aider ?
— Tu veux te laver ?
Je me lave le soir, c'est une règle de vie profondément ancrée chez moi. Mon hésitation sembla lui suffire et il sortit un tee-shirt et une serviette de son placard.
— La salle de bain est à toi pendant que j'installe le lit. Oh, et il y a des brosses à dents neuves dans le haut du placard de droite.
— Merci, lui répondis-je avec reconnaissance avant de m'y réfugier.
Une fois lavée, j'enfilais le tee-shirt qu'il m'avait donné et remis mon jean. Je le rejoignis sur le lit de camp, où il s'était assis, l'ordinateur sur les genoux. Je m'assis à côté de lui tandis qu'il souriait, et il lança l'épisode après avoir vérifié que j'étais confortablement installée.
— C'est un peu intimidant d'inviter quelqu'un chez soi, dit-il avec une grimace.
— Je comprends. Mais tu t'en tires bien, répondis-je en me calant contre le mur.
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