Hakyeon m'emmena dans une fête étudiante, et me guida vers le bar. Il voulait croiser quelques amis, et avait tenu à préciser qu'un seul mot de ma part, et nous sortirions de la salle.

Il y avait du monde, mais on pouvait encore facilement circuler en évitant la piste de dance. La musique était aussi forte que je l'avais imaginée, et mon voisin devait me parler à l'oreille pour se faire entendre sans avoir à crier.

— Hakyeon !

L'intéressé se tourna aussitôt vers la voix masculine en me prenant le poignet et en me tirant derrière lui vers un coin aménagé d'une table et de banquettes contre un mur de la salle. Un homme brun aux cheveux mi-longs et bouclés s'était levé pour nous approcher. Mon voisin me lâcha pour lui serrer la main.

— Enchanté mademoiselle, dit-il en me tendant la main à mon tour.

Hésitante, je lui pris la main et il me tira à lui pour m'embrasser les deux joues. Je me raidis légèrement – je déteste faire la bise- mais décidais de passer outre. Après tout, c'était simplement être sociable que de saluer quelqu'un comme ça, n'est-ce pas ?

— Eric.

— Alessia.

— Venez donc vous assoir avec nous. Tu veux quelque chose Louise ? On a quelques pintes d'avance sur la table, me sourit-il.

J'hésitais une seconde. Je sentais le regard de mon voisin sur mon visage. Et décidais de me laisser porter par le courant. Je souris aussi.

— Ça me va.

En plus d'Eric et Hakyeon, il y avait Jeanne, Nathan et Alexis à la table. Un peu tendue au départ, après une demie pinte, je pourrais presque penser que je suis sur un nuage.

— Alors comment vous vous connaissez Hakyeon et toi ?

Hakyeon repose bruyamment son verre vide et pose les coudes sur la table en nous regardant tour à tour.

— Il est l'inattendu voisin du dessus, dis-je après avoir avalé une gorgée supplémentaire de mon verre. Comme il est arrivé après la rentrée, je pensais que le studio resterait vide pour l'année.

— Stage pendant les vacances, donc rentrée tardive chez nous. Et toi, tu fais quoi ?

— Ingénieure généraliste. Polytech.

Eric siffle légèrement.

— Tu veux travailler dans quel domaine ?

— Aucune idée. Ce n'est pas pour rien que je suis dans une filière généraliste, ris-je. C'est le cas de la majeure partie des gens que je connais aussi. Et dans ton cas, tu sais ce que tu veux ?

— Toi ?

Je me figeais tandis que Hakyeon se redressait en prenant une pinte sur la table. Il en avala une longue gorgée avant de la reposer entre nous deux. Eric partit d'un grand rire, qui fit sursauter Nathan, relativement amorphe à côté de lui. Je simulais l'amusement du mieux que je pus en tâtonnant à la recherche de mon verre, sans le trouver. Je baissais les yeux vers la table en fronçant les sourcils : il n'y avait qu'un seul verre qui pouvait être le mien, celui entre Hakyeon et moi. Mais mon voisin ne venait-il pas d'y boire ? Je fermais les yeux une seconde, pour combattre mon agitation.

J'ai dû rêver...

J'attrapais le verre et le finis dans les deux minutes qui suivirent. La tête me tournait légèrement, mais la sensation était plutôt grisante. Je riais et souriais encore plus facilement.

— Je paye une tournée, dit soudainement Hakyeon en se levant. Une pinte pour tout le monde ?

Oh que non, je n'allais pas rester toute seule avec Eric...

— Je viens, dis-je en me levant à mon tour pour le laisser passer.

— J'y compte bien, me sourit-il en coin.

Eric se mit à rire de nouveau et se pencha pour attraper le verre de Hakyeon et en vider une partie dans sa choppe.

— Au grand Hakyeon Cha !, dit-il en levant son verre.

Mon voisin s'inclina d'un air joueur, et se retourna en m'attrapant le poignet avec douceur. Mes doigts me démangèrent, demandant à en croiser d'autres, et je me mordis la lèvre.

— Voulez-vous boire du soft, mademoiselle ? Faire une pause ?

— Les deux, grimaçais-je. J'aimerais un verre d'eau.

Hakyeon me fit un clin d'œil, et nous guida vers le bar.

— Quatre pintes de bière et deux verres d'eau, s'il te plaît Eddie ?, dit-il en s'asseyant sur un tabouret.

Je m'assis à ses côtés en attendant notre commande que mon voisin paya. Nous bûmes tranquillement nos verres d'eau sans un mot.

— Je vous trouve très raisonnable ce soir.

— Je vous l'avais dit. Je n'ai pas envie que vous me portiez sur le chemin du retour, vous n'auriez pas assez de mains pour tenir le GPS.

Je ris et un sourire ne quitta pas mes lèvres tandis que je finissais mon verre.

— Et sinon, cette soirée ?

— C'est étrange. Je n'en ai vraiment pas l'habitude, mai ça doit être sympa de temps en temps.

— Et vous n'avez pas encore dansé, Mademoiselle ! Venez, on va leur déposer ça, et remédier au problème.

— Non, je ne sais pas danser..., dis-je faiblement.

— Nous avions convenu d'une soirée chez les loups. Et à Rome, fais comme les Romains, rit-il en me tendant deux des boissons. Je vous protégerai, me murmure-t-il à l'oreille.

Je me sentis aussitôt rougir et me laissais glisser du tabouret en baissant la tête.

Finalement, danser ne fût pas une épreuve si terrible. Ce n'était pas que je n'aimais pas ça, au contraire, mais je me sentais intimidée, et tellement gauche... Je me déhanchais un peu, bougeais les pieds, et ris beaucoup, partagée entre l'amusement et la gêne. Mon voisin avait tellement l'air dans son élément, ne me laissant que l'impression qu'il dansait extrêmement bien sans vraiment savoir ce qu'il faisait.

L'amusement l'emporta, et je me sentis aussitôt plus à l'aise. Nous dansâmes le temps de quelques musiques, puis retournâmes à la table. Première arrivée, je m'assis au fond.

— Alors ? Comment est la piste ?, nous accueillit Eric.

— Je rêve de connaître une danse à deux, mais je me contenterais de ça pour l'instant, dis-je avec un grand sourire. C'est très stimulant.

— Danser à deux ? Ce n'est pas ce que vous venez de faire ?

Je grimaçais. Je n'avais aucune idée de ce que je venais de faire, un peu trop consciente de moi-même et de mon voisin pour vraiment comprendre ce qu'il s'était passé.

— Non, ce n'est pas ce que je veux dire. J'aimerais quelque chose comme... Savoir danser le rock.

— Urgh, pas très actuel...

— Peu importe. Ça fait partie des choses que j'aimerais faire un jour. Apprendre à danser le rock, dis-je en prenant un verre sur la table. Où sont Jeanne et Alexis ?

Eric ricana, et Hakyeon leva les yeux au ciel.

— Ensemble. C'est tout ce que je sais, dit Eric avec un haussement de sourcil suggestif.

— Oh...

— Oh !, répéta-t-il.

Eric m'agaçait. Définitivement...

— Va doucement, mec, tu deviens détestable, fit mon voisin avec un air amusé.

— Je ne suis pas détestable, je suis seul... Ce légume n'est pas vraiment d'incroyable compagnie ce soir, dit-il en désignant Nathan.

Il lui lança un coup de coude, et Nathan ne bougea même pas, se contentant de lâcher un ronflement sonore. Eric rit jaune en avalant une gorgée.

— Effectivement, marmonna Hakyeon.

— Comme tu dis. Je pense que je vais rentrer plus tôt que d'habitude. Il faut bien que quelqu'un prenne soin de cet imbécile.

— Surtout, n'hésite pas à appeler si tu as un problème.

— Je n'hésiterai donc pas, dit-il en finissant sa choppe. Allez petit con, lève-toi, dit-il en lui donnant un léger coup de pied dans les jambes.

— Nathan, lève-toi, fit mon voisin en lui secouant doucement la tête.

Nathan grogna, mais finit par lever la tête.

— Allez, viens, on rentre.

Il se leva machinalement en s'étirant et suivit sans peine Eric à travers la piste, jusqu'à la sortie. Je me rassis contre le dossier de la banquette, mon verre toujours à la main. Et fronçais le nez.

— Ça va être une question tout à fait... random, mais est-ce que ce banc est propre ?

— Aucune idée, me fit mon voisin d'un air moqueur.

— De toute façon, c'est trop tard, dis-je après une seconde de réflexion. Alors ? Qu'allons-nous faire ? Eh, c'est mon verre !

— Premièrement, non, j'ai payé la consigne, donc il est mien. Deuxièmement, non, j'ai aussi acheté son contenu, énonça-t-il avec fierté. Et...

— Ce n'est qu'une façon de parler !, le coupais-je. Et je peux vous le rembourser, si vous voulez.

— J'aime les détails, et je n'accepterai jamais le remboursement de ce verre. Et enfin, troisièmement, non, je suis le premier à avoir bu dedans..., dit-il avec un petit sourire.

Non Alessia, tu n'es pas si niaise que tu imagines un baiser indirect. Non... NON ! Je restais muette comme une carpe pendant une petite minute, fixant le verre avec envie.

— C'est le dernier, dis-je tristement.

— Pauvre chat, dit-il avec un sourire en coin. Tenez... Bon, la question reste entière. Que voulez-vous faire maintenant ?

— Je ne sais pas. Quelle heure est-il ? En fait non, dis-je en récupérant le verre. Je ne veux pas savoir. Je ne veux pas penser à demain... ou aujourd'hui...

Une étrange montée d'angoisse me prit et me tordit le ventre. Je pris plusieurs gorgées de bière et rapidement, ma tête tourna agréablement. Ma panique dissipée, je souris, entraînant mon voisin... dans une grimace.

— Oh non... Ça saigne à nouveau... A ce stade, vous n'arriverez jamais à cicatriser... Et je n'ai rien d'autre que mon baume à lèvres ici...

Je me penchais vers lui pour essayer de distinguer correctement la coupure malgré le manque de luminosité.

— J'ai de la crème à la maison, venez..., dis-je en lui prenant la main et en l'entraînant vers la sortie. Il faut vous soigner une bonne fois pour toutes !

Mon voisin rit et raffermit sa prise sur ma main avant de me tirer doucement vers lui.

— S'il s'agit de sortir d'ici, ce n'est pas la bonne direction. Par ici...

En temps normal, j'aurais rougi de ma maladresse. Mais l'alcool et la joie de la soirée me rendait euphorique et je ris.