Prologue
Le chaos.
Notre monde, tout ce que l'être humain a toujours connu et aimé, se résume à cette Terre sombrant de plus en plus dans l'obscurité et le chaos. Après tous ces millénaires à tourner sans relâche, offrir des ressources et la vie elle-même, il aura fallut qu'une espèce pointe le bout de son nez, qu'elle évolue et se développe jusqu'à l'excès, pour que la fin arrive. Enfin, presque la fin.
Il en a fallut, du temps, à nos ancêtres: des siècles pour réaliser que ce qu'ils désiraient de ce monde allait nous être un jour fatal. Il en a fallut encore plus pour agir.
Malheureusement, à l'époque à laquelle je vis... il est déjà trop tard, bien trop tard. Un moment est arrivé où le rêve ne pouvait durer plus longtemps, recycler, moins consommer ne suffisait plus. Peut-être bien que si les Hommes d'antan avaient opéré ainsi, à toutes ces petites actions, et si le monde avait prit conscience de cette décadence... disons cinquante ans plus tôt, peut-être, peut-être que tout aurai continué normalement et qu'il y aurai eu moins de problèmes et plus d'espoirs pour l'avenir.
Aujourd'hui, difficile d'imaginer la Terre telle qu'elle était auparavant, de se dire que notre espèce n'est pas vouée à l'échec: c'est comme si elle était en train de disparaître inexorablement... et ce depuis longtemps. Nous n'avons plus les armes nécessaires pour nous défendre et nous sentons chaque jour plus vulnérables. N'ayant plus les moyens pour progresser, nous sommes coincés dans une vie de danger, de restrictions et de difficultés, suivant notre destin implacable.
Car avant d'en arriver là, le monde avait déjà commencé à sombrer peu à peu. Des histoires racontées me l'ont appris. Seulement des histoires de bouche à oreille, car l'Histoire n'existe pas, ne peut plus exister: tellement de civilisations ont été détruites avant ma naissance. Comment se rappeler d'un temps qui serait comme... parti en fumée? Dans ce cas, on doit faire confiance aux récits que nous racontent les anciens, qu'eux-mêmes ont appris par leurs parents et grands parents, survivants miraculeux de la catastrophe, et que nous raconterons à notre tour au plus jeunes. Tant qu'il y en aura. Peut-être ont-elles même été un peu déformées, mais comment le vérifier? Je pense qu'il est tout de même important de connaître le passé. Je ne sais pas ce que cette connaissance apporte à notre situation, mais autant savoir pourquoi nous vivons ainsi.
Le début de cette histoire m'a déjà donné des frissons: couche d'ozone, pollution, réchauffement climatique, inondations... la nature a été mise à rude épreuve, et nos ancêtres ne l'ont pas aidée, au contraire. Mais les conséquences de leurs actes les ont vite rattrapés: au début des années 2040, peut-être, ou même un peu avant, avec ces températures infernales, la fonte des glaciers a fini par devenir totale, si bien que tout d'abord des pays, et puis un continent entier a vu sa fin: l'Europe n'existe presque plus, mis à part quelques bouts de terre ridicules émergeants de l'eau. La vie a continué quand même, pourtant, même si elle fut difficile.
Avec ce désastre, les représentants de l'espèce humaine se sont faits de plus en plus rares, après une croissance phénoménale, période durant laquelle les gens consommaient, achetaient, puis jetaient sans réfléchir, les effectifs ont commencé à diminuer... le temps à continué à passer, mais mon espèce suffoquait. À cause de la pollution, d'abord: rien que pour sortir de chez soi il fallait porter un masque, comme pour cacher son identité, personne ne parlait à personne, partout la peur était palpable, irrémédiablement présente... l'être humain avait déjà perdu un peu de son humanité, la vie commençait déjà à se transformer en survie. Et pourtant il y eut encore et encore de ces survivants, dont la Terre semblait vouloir se débarrasser au plus vite comme de vulgaires insectes parasites, la nature semblait leur rendre la pareille, leur présence était un crime au destin du monde. Il y a eu des maladies: ça a commencé doucement, avec de petites grippes, certaines formes de coronavirus, comptant quand même leurs poids effrayant de morts. Beaucoup d'espèces animales et végétales s'étaient déjà éteintes, conséquence de cette folie. Aujourd'hui, seulement quelques rats ou des vautours sont parvenus à subsister, vestige de l'ancien règne animal. La nature que je connais m'a toujours semblé morte, rabougrie: quand j'étais plus jeune, j'écoutais en rêvant ceux ayant un jour connu les arbres, les plantes... tout s'est dégradé tellement vite. Tout est devenu pire encore.
Des températures de plus en plus insupportables, l'épuisement des richesses et leur répartition toujours si inégale... seuls les plus forts pouvaient subsister, la vie devenait un droit qui leur était réservé. Les Hommes ont bien sû faire le reste entre eux: au lieu d'être solidaires les uns envers les autres, tout portait à croire que la situation avait fait changer leur nature la plus profonde pour leur conférer l'instinct de survie le plus effroyable et inhumain qui n'aie jamais existé, se répandant comme un poison, dans tous les cœurs. Tous n'hésitaient pas à voler leur prochain, certains allaient jusqu'à tuer pour s'accaparer quelque précieux biens, en ne pensant qu'à leur propre personne.
Mais malgré les catastrophes que le monde leur faisait subir, eh bien il en restait, résistants contre l'ordre des choses, accrochés à cette planète tels des punaises à leur cible.
On aurai pu penser tout autrement sur la décadence de notre espèce à l'époque. Par exemple, que les robots, machines construites par les humains afin de les servir, toujours plus performantes, allaient finir par prendre le contrôle, un pouvoir illimité, jusqu'à asservir l'Homme. Encore une chose que je n'ai jamais connue, pour une seule bonne raison: un beau jour, toute sorte de technologie cessa de fonctionner, ou du moins commença. D'abord les grandes villes: plus d'internet, (ce qui était loin de réjouir tout le monde, à ce que j'ai compris) et puis ce problème en entraîna d'autres: la fin des avancées scientifiques, pratiquement dans tous les domaines à vrai dire. Jusqu'à la défaillance totale de toutes sortes de technologies déjà existantes.
Et puis parfois, dans le ciel, on pouvait voir d'immenses créatures ailées se découper dans la lumière du soir, comme si satan lui-même se réjouissait du spectacle...
Des humains comme moi, à vrai dire, il en reste encore. Mais si peu! Il fut un temps où nous étions des milliards, désormais nous ne sommes que quelques milliers, ou même un millier sans doutes. Difficile de savoir, j'ai toujours vécu avec une centaine d'individu. Mais je sais qu'il en existe d'autres, quelque part, j'aimerai tellement les rencontrer.
Plus qu'un millier dans le monde donc, contraints de vivre en petites sociétés nomades, se déplaçant de jour en jour en espérant survivre face à ce destin fatal. Moi, Karim, c'est celui-ci, le monde que j'ai toujours connu. Je ne peux pas m'imaginer ce qu'ont vécu d'autres sociétés, je n'ai pas connu leurs peurs, leurs peines... je ne peux que supposer. Le ressentaient ils déjà? Tout est allé tellement vite. Parfois, je me prend à penser que si j'avais vécu ne serait-ce qu'il y a une centaine d'année, mon existence aurait été toute autre!
Ma vie se résume à des errances perpétuelles, des restrictions, à vivre en communauté. C'est tout ce que j'ai, ce que j'ai toujours connu depuis ma naissance et maintenant que je suis là, je fais avec.
Bien que je m'y soit habitué, je pense que s'ils avaient su à quoi notre vie ressemble... ils auraient eus de quoi être effrayés.
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