Chapitre 17
Des perles de sueur coulent le long de mon visage. Les mèches de ma frange sont rassemblées en paquet sur mon front, je les sens coller à ma peau. Ma tête doit être horrible, j'ai besoin d'une douche au plus vite. J'abandonne mon vélo sous le porche de la maison et m'arrête quelques instants pour observer la balancelle sur laquelle Theodore et moi, nous nous étions assis. J'étais si à l'aise en sa présence que j'ai fini par me blottir contre son corps qui était bien plus chaud que le mien. C'était un moment agréable. En vivrons-nous d'autres ? Après ma fugue, je ne suis pas certaine.
Je soupire et rentre à l'intérieur. Personne n'est présent, mes parents doivent profiter de la Fête des couleurs en amoureux. Cela fait deux années de suite que mon père était en mission durant cette semaine particulière. Du coup, ma mère n'y a pas mis les pieds. J'ai eu beau lui sortir tous les arguments possibles et imaginables, elle ne voulait pas y aller sans lui. Apparemment, ce festival n'avait pas la même saveur sans la personne que nous aimions. Selon ma mère, l'automne est la saison des amoureux. Avec des arbres ornés de rouge comme le cœur, un temps qui donne envie de se lover dans les bras d'un autre, et des films terrifiants propices aux rapprochements, elle n'a pas tout à fait tort.
— Il y a quelqu'un ? demandé-je tout de même.
Le silence confirme mes pensées, je suis seule dans la maison. J'enlève donc mon manteau, ainsi que mon chapeau, et gagne ma salle de bain au deuxième étage. Le sol en parquet grince sous chacun de mes pas, le bruit du vent sur la charpente venant s'y ajouter. J'ai toujours vécu dans cette vieille bâtisse victorienne. Je la connais par cœur, un peu comme si elle était un membre de ma famille. Je l'aime, mais m'y retrouver seule me met mal à l'aise. Elle est beaucoup trop grande pour une jeune fille telle que moi. Sans une autre présence, elle semble bien vide.
J'en profite pour m'enfermer dans la salle de bain. Je laisse l'eau chaude couler dans la baignoire aux pieds en « griffes de lion » et allume quelques bougies parfumées. L'odeur sucrée de la pomme enrobe mes narines. C'est avec le sourire aux lèvres que je plonge dans mon bain. Durant une heure et demie, j'oublie Theodore, mes parents ou encore mon manque d'assurance. Je laisse mon corps, ainsi que mon esprit, se détendre sous la vapeur d'eau.
— We're all in this together, once we know, that we are, chanté-je alors que mon téléphone passe ma playlist des films High School Musical.
Lorsque je quitte la salle de bain, l'orage menace de tomber. Le ciel est tellement noir à l'extérieur qu'il est difficile de croire qu'il n'est que quatorze heures. Une goutte de pluie vient mourir sur la fenêtre de ma chambre, puis deux, trois, et enfin des cordes. Le tonnerre illumine brièvement le ciel avant de gronder telle une bête féroce. Par réflexe, je passe mon plaid au-dessus de mes épaules et m'enroule à l'intérieur. C'est un temps parfait pour aller peindre dans mon atelier. Je dévale les marches, sifflotant d'enthousiasme, quand la cloche de l'entrée retentit. Stoppée dans ma course, je râle tout en me dirigeant vers la porte. Qui peut bien trainer dans la rue sous un temps pareil ? Il n'y a que les fous qui sont capables d'une telle chose alors je vérifie dans l'œillet avant d'ouvrir à cet inconnu.
À peine ai-je jeté un coup d'œil que je m'écarte violemment de la porte et manque de tomber à la renverse. Ce que je viens d'y voir m'a glacé le sang. Devant chez moi se trouve un inconnu déguisé en ce qui semble être un vampire. Que suis-je censée faire ? Qui est-ce ? Pourquoi sonne-t-il chez moi ? Tout à coup, l'orage me fait peur. Je ne suis plus du tout inspirée pour peindre, j'ai envie d'appeler mes parents pour qu'ils rentrent immédiatement à la maison. Le téléphone entre les mains, je cherche désespérément le numéro de ma mère, mais je le laisse m'échapper des mains lorsque l'inconnu frappe sur le bois de la porte. Il ne va quand même pas entrer de force ? Complètement paniquée, je récupère mon portable et file m'enfermer dans ma chambre où à nouveau, je tente de joindre mes parents. Mais encore une fois, je n'ai pas le temps de trouver leur numéro, car on cherche à me joindre.
— Theodore, m'écrié-je. Il faut que tu viennes, tout de suite !
— Je suis devant chez toi en fait, m'avoue-t-il. J'ai sonné et toqué, mais personne ne répond. Tu n'es pas là ?
« Sonner et toquer ? » me répété-je en boucle, la paume contre ma bouche. Est-ce qu'il est l'inconnu déguisé en vampire qui se tient devant ma porte ? J'essaie de me souvenir s'il avait une canne, mais tout ce qui me revient est ce masque effrayant.
— C'est toi le vampire ? osé-je demander.
— Oui, rit-il. Sur le moment, ça avait l'air d'être une bonne idée. Quand j'ai réalisé que non, c'était trop tard. J'espère que je ne t'ai pas fait trop peur ?
— N-non, mens-je.
— Tu veux bien m'ouvrir du coup ? Avant que je me prenne la foudre.
— J'arrive.
J'ai beau savoir qu'il s'agit de Theodore, mon cœur a du mal à se remettre de cette frayeur. Comment se fait-il qu'il soit dans cet accoutrement ? Halloween n'est qu'à la fin de la semaine, c'est d'ailleurs la grande soirée qui clôture la Fête des couleurs. Il est donc un peu tôt pour sortir le costume et terroriser la ville. Est-ce sa « vengeance » pour mon attitude de tout à l'heure ? Je ne le savais pas rancunier.
D'une main fébrile, je laisse entrer le terrifiant vampire. Au bruit qu'il fait sur le parquet, je constate qu'il a bien une canne. Je ne l'avais juste pas remarqué sous cette imposante cape noire. Il retire son masque plus vrai que nature, avant de passer sa main dans ses cheveux trempés.
— Merci, dehors c'est l'apocalypse.
Je lui réponds par un sourire gêné, je ne pensais pas être confronté à lui si rapidement. Je n'ai pas eu le temps de réfléchir à ce que j'allais pouvoir lui dire. C'est si difficile de trouver les mots justes pour se faire pardonner, surtout quand la personne en question tient un rôle important dans notre cœur. Tout prend alors des proportions impensables. Au point que l'on se retrouve vite débordé par les évènements.
— Excuse-moi, disons-nous en même temps.
— Au moins on est sur la même longueur d'onde, poursuit-il, amusé. Il fallait absolument que je te voie pour discuter, on ne pouvait pas rester là-dessus.
— Du coup tu t'es dit qu'en venant chez moi déguisé en vampire, ce serait plus facile pour parler ?
— Oh, ça, répond-il en regardant son costume. En fait, c'était l'idée de Cade. Il m'a dit que tu aimais les histoires de vampire.
— J'ai encore du mal à voir le rapport.
— Eh bien, j'ai pensé que si je représentais quelque chose que tu aimais, tu serais peut-être plus à même de m'écouter. Mais c'était très stupide, je te l'accorde.
— J'ai eu la peur de ma vie, soupiré-je en posant une main sur mon cœur.
— Ce n'était pas le but.
Ses doigts glacés et humides viennent caresser mes cheveux, l'obligeant à faire quelques pas vers moi. Nous sommes assez près l'un de l'autre pour que nos souffles se mélangent entre nos torses. Les yeux rivés sur les siens, je serre les dents comme pour me retenir de partir en courant. Je ne peux pas lui faire le coup une deuxième fois, pas après qu'il se soit donné du mal pour me faire plaisir.
Theodore a toujours été très attentionné avec moi. Entre ses compliments, ses encouragements, son soutien ou sa patience, il est sans cesse à mon écoute. Me voir prendre mes jambes à mon coup a dû lui faire terriblement mal. Je l'ai blessé, pourtant, il ne se plaint pas. Au contraire, il s'excuse comme s'il était le fautif de cette histoire alors que le problème, c'est moi. C'est toujours moi. Tout le temps.
— Comme ce n'était pas le but de te faire peur avec mes sentiments, reprend-il en déposant un baiser sur mon front. J'ai tourné autour du pot depuis notre rencontre et comptais tout te dire à la fin de la semaine quand on aurait bu un coup pour nos cent lettres. Mais je n'ai pas pu résister. Je ne sais déjà pas comment j'ai pu tenir aussi longtemps.
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