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CHAPITRE 2 - Loyauté



J-90

Jeon Jungkook

Loyauté



J'ai des moments sombres où les pensées positives s'effacent, remplacées par le doute constant. Ces instants sont opprimants parce que le monde s'évapore et il ne reste plus que l'angoisse. L'angoisse de vivre, l'angoisse de mourir, l'angoisse d'échouer, l'angoisse de ne pas être assez pour qui que ce soit. Même pour moi. Alors je ne peux plus que me laisser envahir et ressentir ma poitrine se serrer d'une douleur que j'ai appris à identifier avec le temps. Le manque d'amour. De moi, envers moi-même.



La situation est pathétique.

Le noir m'entoure, plonge mes sentiments dans un tourbillon ravageur, s'élançant à la vitesse d'un train qui ne peut que terminer sa course dans un précipice.

Les pieds et les mains liés, littéralement, je subis l'instant comme s'il était une éternité, une boucle infinie, qui se revit sans cesse.

Que l'on m'enlève ce bandeau que je puisse au moins évaluer dans quel pétrin je me trouve. Mes doigts tapent la mesure sur les accoudoirs de la chaise sur laquelle je suis assis, cherchant un moyen de me raccrocher à quelque chose.

Soudain, des pas résonnent dans cette pièce qui me paraît exigüe d'après le son qu'ils émettent. Ils se rapprochent, au point qu'une senteur de fraise des bois envahie mes narines, venant titiller mes sens. Mon dragon se met à gesticuler dans ma poitrine, et j'ignore si c'est un bon ou un mauvais présage.

— On dirait que tu te trouves dans une sale position, chantonne une voix rauque, pleine d'une rudesse chaude et dangereuse.

Mes lèvres s'entrouvrent d'elles-mêmes, prêtes à répliquer, mais mon instinct m'intime d'être prudent, de mesurer mes propos.

Je ne sais pas à qui j'ai affaire et ce qu'il me veut.

— Tu as perdu ta langue ? me demande cet homme alors qu'il marque un arrêt derrière moi.

Là encore, je réfrène mes pulsions, celles qui m'intiment de répondre avec virulence, de l'envoyer sur les roses. J'ai besoin de jauger la situation avant de m'emballer.

Pour une fois, je décide d'agir avec recul.

— Le silence est parfois une réponse en soi, Jungkook-a*, dit-il en chuchotant à mon oreille.

Son souffle s'abat contre ma joue et une pellicule de frissons cascade ma peau, dévalant jusqu'à mon cou. Je ne m'attendais pas à ce qu'il se déplace, qu'il envahisse mon espace personnel ainsi.

Je reste stoïque, ne penchant même pas la tête pour m'éloigner de sa présence écrasante. Cette dernière est si lourde qu'elle prend toute la place. Elle me fait l'effet d'un prédateur qui attendrait un unique mouvement de sa proie.

Je n'ai jamais été la proie de quiconque.

Habitué à être celui qui part en chasse, à terroriser par la simple citation de mon nom. Cette position que j'occupe ne me plaît pas, loin de là.

— L'avantage du silence, c'est que tu peux l'interpréter à ta façon, mais ça ne veut pas dire que j'accepte de me soumettre à ta compréhension erronée.

Son ricanement hérisse mes poils et, même si je souhaite replier mes doigts en des poings, la corde retenant mes poignets est bien trop serrée pour me laisser esquisser le moindre déplacement.

Ses mains viennent appuyer sur mes épaules et y exercent une légère pression, cela m'apparaît être une mise en garde concernant mon comportement. Je me sens comme un enfant que l'on réprimande pour son insolence, dans une version bien moins conventionnelle.

— Comment suis-je censé l'interpréter alors ?

Son toucher pourrait ressembler à une caresse dans d'autres circonstances. Il dévie ses paumes vers l'intérieur de mes clavicules, s'appliquant à titiller la base de mon cou en le pinçant doucement. Par ce simple geste, il me rappelle que je suis à sa merci, que la rébellion aura des conséquences.

— Comme de la prudence, répliqué-je sincèrement.

— Est-ce une manière de me tester ?

Sa question me prend par surprise, sa répartie est plus élaborée que je ne l'aurais imaginé. Ainsi, privé de ma vue, j'ai le sentiment de parler à ma propre conscience.

— Ça m'a permis de savoir que tu n'es pas pressé, que tu aimes prendre ton temps, déclaré-je avec calme, d'une voix mesurée et confiante.

Il pourrait même prendre plaisir à faire durer le moment, et je ne suis pas sûr que ça soit à mon avantage.

— Tu es perspicace, s'amuse-t-il alors qu'il quitte mes épaules. J'aime connaître mes captifs, nul besoin de se précipiter pour ça. J'apprécie le travail bien fait, finit-il en se plaçant devant moi.

Je pourrais respirer à nouveau maintenant que son contact sur ma peau n'est plus, sauf que je sens encore son épiderme sur le mien, comme une brûlure qui ne voudrait pas partir.

Une marque indélébile.

Permanente.

Mon pouls se fait plus pressant, adoptant un rythme irrépressible qui me fait tourner la tête. J'ignore pourquoi tous ces sentiments se mélangent. Est-ce la perte d'un sens qui démultiplie les sensations ?

— Qu'espères-tu obtenir de moi ? l'interrogé-je, souhaitant reprendre le contrôle sur la conversation.

J'ai une conscience accrue de sa présence, à tel point qu'il me semble être à chaque angle, formant un cercle autour de ma chaise. On dirait une ombre me suivant à la trace, étant ici et là au même moment, c'est étrange.

— Ce que j'espère ? dit-il dans un souffle alors que cet être qui m'est invisible se penche en avant, enveloppant maintenant mon assise. Le rôle que tu occupes dans cette société t'apporte toutes sortes de privilèges, pas vrai ?

Il ne peut pas le voir à cause du bandeau, mais je fronce les sourcils, ne m'étant aucunement préparé à cette approche.

Je ne sais pas s'il s'amuse à tourner autour du pot ou bien s'il est tout simplement imprévisible.

— Des privilèges ? rétorqué-je, cherchant à comprendre où il veut en venir.

— Oui, des privilèges, confirme-t-il. L'opulence, l'inspiration de la crainte, une destinée brillante sans la sueur qui lui est liée. Une vie extraordinaire menée par un homme ordinaire.

Ma mâchoire se contracte un peu plus à chacun de ses mots tandis que la salive a du mal à dévaler l'intérieur de ma gorge, se bloquant par réflexe. Je ne suis pas sans savoir que les bourreaux se servent de tous les leviers accessibles, faciles, pour faire craquer leurs victimes. User de ce type de stratagèmes est seulement fait pour que je dérive en me laissant aller à une colère démesurée, mais surtout irréfléchie. Je comprends qu'il est en train de caresser de sa langue rugueuse mon dragon, cherchant probablement à réveiller ses instincts de défense.

Il vient de l'offenser, lui qui a pour mission première la protection des siens. Son chemin ne peut pas être « ordinaire ».

— Encore une fois, il s'agit d'une interprétation qui t'est toute personnelle. Si tu souhaites parler à mon dragon, il va falloir que tu trouves autre chose, conclus-je avec suffisance.

Je suis persuadé qu'il n'aimera pas mon audace.

— On peut être deux à jouer. Ça risque de rendre la partie plus... stimulante.

Ses genoux butent contre les miens et mes épaules se tendent, je ne dois pas oublier qu'il est en position de force. Cette corde qui me maintient dans une sage posture ne peut être qu'ensorcelée. J'ai beau vouloir m'en défaire, je n'y parviens pas. A chaque mouvement, elle me brûle l'épiderme.

— Ces privilèges..., reprend-il, la voix paresseuse. Ils viennent avec leur lot de danger et de surprises, et font aussi de toi une personne attrayante.

Est-ce qu'il est venu se venger ?

Est-ce un ennemi venu me punir pour un conflit passé ?

Je ne reconnais ni cette voix, ni cette aura et ne me rappelle d'aucune menace proférée à mon intention ou à celle de l'un des membres de ma gyebo.

Les temps sont plutôt calmes depuis une bonne quarantaine d'années, il fait presque bon vivre pour notre espèce. Nous avons même réussi à trouver un terrain d'entente avec bon nombre de races, même s'il reste toujours les Descelleurs* . Ce sont des êtres qui n'ont pas su résister à leur animal totem et, en y cédant, ils ont perdu leurs ailes et sont devenus fous, incontrôlables, prêts à tout ravager sur leur passage.

Ils sont revendicateurs et pourraient très bien s'en prendre à ceux qu'ils considèrent comme responsables de leur condition. Je fais partie de ceux qu'ils imaginent coupables parce qu'en représentant l'une des trois familles fondatrices, — les dragons, les loups blancs et les corbeaux —. Ils me pensent à la tête de la création de nos lois et donc de leur rejet de notre société.

Ce qui est faux, bien évidemment.

Je n'ai conçu aucune règle, j'ai même du mal à les appliquer moi-même.

Pourrait-il être une forme de Descelleur ? Dépourvu de son animal totem, mais ayant cédé à sa part sombre.

Il me semble bien trop mesuré pour cela.

— Et pour toi, pourquoi suis-je une personne attrayante ?

— Pour moi, commence-t-il et je sens le bandeau glisser sur mon nez pour atterrir autour de mon cou. Tu es le talon d'Achille du général parce que, en tant que fils, tu es celui qui détient les informations les plus compromettantes.

Mes yeux mettent un certain temps à s'habituer au retour de la vue. Je cligne des paupières, chassant les ténèbres pour retrouver la clarté du monde, puis tombe sur un visage se trouvant non loin du mien.

Penché comme je l'avais imaginé, son regard est intense, tel une lame aiguisée pour frapper là où ça fait mal. Je mets une infinité de secondes à quitter la profondeur de son âme et revenir à la couleur de ses iris. D'un chocolat dégageant une certaine ardeur, ses pupilles m'envoient des décharges électriques venant réveiller mon dragon qui commence à s'agiter.

Mon regard dérive ensuite sur le grain de beauté qui a élu domicile dans son œil, ainsi que sur celui qui s'est logé juste en dessous, au-dessus de sa pommette. Ces deux marques attirent mon attention et, malgré la situation, ils aspirent ma concentration.

— Les oreilles innocentes d'un enfant sont les plus préjudiciables pour un homme, m'explique-t-il, laissant son souffle s'abattre contre ma bouche.

Son commentaire me ramène dans le présent.

Je pourrais rire à sa déduction ; je ne suis pas exactement un fils à son papa. Je dirais même que je suis tout le contraire, il n'aura jamais assez confiance en moi pour me confier quoi que ce soit.

Encore moins s'il s'agit d'une information capitale et compromettante à son égard.

— Je ne dois pas être n'importe quel enfant.

Il se redresse pour croiser les bras sur sa poitrine. Son éloignement soudain me permet d'observer sa silhouette élancée. Elle n'a rien d'extravagante, elle n'est pas proéminente, mais sa musculature semble dessinée sous son costume d'un blanc immaculé. Il est davantage fait pour les stratégies politiques que pour les combats à mains nues, cela me semble évident.

C'est la première affirmation qui me vient en tête. Pourtant, je ne suis pas sans savoir que la qualité d'un guerrier ne se mesure pas à son allure ou à sa masse musculaire. Au contraire, la force d'un homme s'évalue à la hauteur de son courage et de sa capacité à élaborer des tactiques.

Un bon défenseur cherchera toujours à éviter les conflits inutiles.

Les traits de son visage se plissent et il ne paraît pas surpris, il semble simplement intrigué.

— Les informations les plus importantes ne sont pas forcément celles qui sont formulées. Des détails primordiaux peuvent être racontés par un geste ou même être dévoilés dans une intonation, précise-t-il en penchant sa tête sur le côté, permettant à l'une de ses mèches rebelles de se balader librement sur son front.

Cette posture lui confère une autorité naturelle. J'imagine qu'il doit avoir l'habitude qu'on lui obéisse, que ses ordres ne soient jamais discutés.

— Il s'agit à nouveau d'interprétation, ris-je. Seul l'émetteur d'un message sait ce qu'il souhaite transmettre. Le receveur ne peut qu'espérer être dans le vrai.

Un rictus le prend, le rendant plus doux.

Ses cheveux d'un noir de jais forment un nuage désordonné autour de sa tête, un coiffé décoiffé qui détonne avec sa tenue. Il paraît soigné, propre sur lui, mais il dégage également cette énergie dangereuse, comme une tendre morsure dont on ne se remet jamais vraiment.

Je ne sais pas pourquoi je philosophe avec cet homme, pourquoi il m'inspire de tels sentiments contradictoires ?

— D'après toi, quelles sont mes intentions selon ton interprétation ?

Son buste se penche légèrement vers l'arrière. C'est subtil, mais je remarque que cette attitude pourrait signifier qu'il n'est pas aussi confiant qu'il le laisse paraître. Le fait qu'il incline à nouveau la tête sur le côté me donne l'impression qu'il m'étudie, qu'il me teste, qu'il n'est pas pressé de me tirer les vers du nez. C'est cette dernière partie qui me rend perplexe ; avec un tel comportement, je ne sais pas à quoi m'attendre de sa part.

Il brouille les pistes, les floutant pour m'abandonner dans le vague, perdu dans cette spirale.

— Sois honnête, je le saurais si tu me mens, rajoute-t-il en relevant un sourcil, provocateur.

— Allons droit au but, veux-tu ?

Je tente de lui couper l'herbe sous les pieds. Cette discussion me lasse, je comprends que par cette dernière, il souhaite que je l'humanise. Il veut que je me sente à l'aise, que je plie plus facilement, que je me livre à l'homme et non à l'espèce qu'il représente ou à la divergence qui guide sa vengeance.

— Conserve donc tes pensées si cela te chante, je vais te partager mes propres interprétations. Tu es plus effrayé par la situation que tu le prétends avec ta nonchalance. Je t'intrigue, tu ignores ce que je te veux et tu sais que j'en joue.

Son sourire est maintenant plus franc et je me dis alors que j'ai sûrement rêvé le moment de faiblesse qui l'a traversé un peu plus tôt.

— Et si nous arrêtions de jouer ?

Je fais des efforts pour me montrer patient, qualité dont je n'ai jamais pu me vanter. Cette attente, cette incertitude est en train de grignoter mon cerveau et me rend davantage impatient encore.

— Tu n'aimes donc pas les préliminaires ?

Un nouveau sourire vient étirer sa bouche dans un singulier rictus rectangulaire. Cette particularité rajoute de la grandeur à l'aura unique qui l'enveloppe, continuant de faire son travail, m'écrasant de part en part. Mais je tiens bon, refusant de lui céder du terrain en pliant, ne serait-ce que légèrement.

— Il y a des préliminaires plus agréables que d'autres, tranché-je en plissant les yeux.

Je tente plusieurs façon de l'aborder afin de déterminer ses intentions réelles ; et rentrer dans son jeu, même si ça ne me plaît toujours pas, me permettra peut-être d'en découvrir davantage.

— Ah oui ? m'interroge-t-il en desserrant ses bras, les libérant de son empire.

Est-il sensible à ce type d'approche ?

— Dans cette phase, on apprend à connaître l'autre, et on enlève couche..., poursuit-il en adoptant un ton bien plus mielleux, se penchant à nouveau vers moi pour déboutonner le premier bouton de ma chemise. Après couche, finit-il en en défaisant un second.

Mes pupilles ne quittent pas les siennes alors que l'un de ses doigts effleure la peau accessible de mon torse. Mon dragon stoppe immédiatement son agitation, tout aussi perturbé que moi par ce contact, en proie à l'anticipation, la crainte de la suite.

— Quelle couche doit-on retirer en premier ?

Son souffle s'écrase pour la seconde fois sur mon visage et mes poignets s'activent d'eux-mêmes. Je rêve d'abattre mon poing sur sa joue afin de lui faire ravaler ce sourire suffisant qui ne le quitte jamais.

Il est du genre à prendre ce qu'il veut, quand il le veut, sans demander la permission.

Il pince les lèvres, les mordant légèrement, comme s'il se retenait de prononcer quelque chose. Cependant, ses yeux descendent sur l'une de mes mains emprisonnées, retenue par cette corde qui m'empêche de céder à mes pulsions dévastatrices.

— Quoi ? s'amuse-t-il. Tu n'es pas habitué à recevoir ? Tu es celui qui donne, alors ?

Il ose rire de ses propres commentaires, comme si nous étions autour d'une table, un verre à la main, dans une ambiance chaleureuse et détendue.

— Tu trembles d'impatience ?

Ma mâchoire reste serrée, j'ai l'impression de n'avoir jamais été aussi tendu de toute ma vie. Je fais preuve d'une retenue qui m'impressionnerait presque si je ne consacrais pas toute mon énergie à résister à ses provocations.

Tout à coup, il s'accroupit face à moi et ma tête s'abaisse alors que je suis toujours ses iris, surveillant chacun de ses faits et gestes.

— Peut-être est-ce plutôt la peur qui te fait trembler ?

Sa main se dirige vers la mienne et la recouvre avec une douceur qui contraste avec le tumulte qui reprend subitement en mon sein.

— Jamais, craché-je, ne pouvant me réprimer davantage.

Il ne relève même pas le regard à la brutalité de mes mots, il garde son attention fixé sur notre point de contact.

— Lorsque tu enlèves ces couches, quel doigt utilises-tu ? Quel est ton préféré ? précise-t-il d'une voix qui paraît intéressée.

Il maîtrise l'art de la tromperie, sans aucun doute. Il sait appliquer la crème pour que ça glisse plus facilement.

Lorsqu'il se rend compte que je ne répondrai pas, ses yeux retrouvent les miens et le chocolat de ses iris me percute tant j'y lis une mesquinerie qui n'annonce rien de bon.

Soudain, sans que je ne le vois arriver, un couteau apparaît dans la main qu'il tient au-dessus de la mienne. La lame s'approche dangereusement de l'un de mes doigts, il s'amuse même à la rapper légèrement contre ma peau.

— Si tu ne veux pas me le dire, je vais le découvrir par moi-même, déclare-t-il avec une sérénité déconcertante.

Mon pouls s'emballe sans que je ne puisse en maîtriser les battements, ma cage thoracique se gonflant d'un air saturé, presque toxique. L'odeur de fraise des bois, discrète, qui pouvait apaiser mes sens devient alors venimeuse, attaquant mes parois depuis l'intérieur.

— L'index est celui que l'on utilise pour montrer du doigt quelqu'un, il est quelque peu vulgaire et jugeant, mais ça pourrait être ton mode de vie, après tout.

Le bout tranchant s'incruste doucement dans mon épiderme et, d'un seul geste, une fine blessure vient parfaire la scène. Une goutte de sang s'échappe de cette dernière, coulant le long de mon doigt pour s'échouer sur l'accoudoir.

Ma respiration est si violente qu'elle me broie sur place, me donnant l'impression d'avoir consumé tout l'air existant. La douleur n'est pas intense, elle ne me provoque qu'à peine quelques frissons dans le dos, mais la possibilité qu'il se montre moins conciliant par la suite traverse mon esprit, et cette pensée me contrôle quelques secondes.

Cette impuissance est le sentiment prédominant, celui qui m'envahit et qui amène mon dragon à battre furieusement contre ma poitrine.

— Tu as le pouvoir de faire cesser tout ça, m'explique cet homme que j'exècre plus que de raison. A tout moment, tu peux me donner ce que je désire, n'importe quelle information fera l'affaire.

Sa voix est toujours aussi chaude, toujours aussi enveloppante, trompeuse et hypocrite.

Je ferme les paupières, reprenant mon souffle afin de calmer la bête qui sommeille en moi.

— Je n'ai rien à te donner, déclaré-je simplement en rouvrant les yeux, les plantant directement dans les siens.

Ses cils ont une cadence régulière, m'empêchant d'observer ses grains de beauté à un rythme constant, stable.

— Bien, j'imagine donc qu'il n'est pas ton préféré.

Cette remarque hérisse mes poils, les faisant se dresser à une vitesse hallucinante.

— Sais-tu que pour le trancher avec un petit couteau comme celui-ci, je vais devoir m'y reprendre à plusieurs fois ? Il se pourrait que ça soit plutôt pénible, et je m'excuse d'avance de pourrir l'ambiance, ricane-t-il et, sans détour, la lame s'infiltre à nouveau dans ma peau.

Cette fois-ci, il la fait glisser en appuyant bien plus fort. Je mords dans ma lèvre sous l'horrible peine qui me saisit. Je n'arrive même plus à conserver le contact visuel, je ferme les yeux, ne pouvant fuir la souffrance qui s'empare de moi. La douleur est vive, intense, elle semble se nourrir du mal qui m'habite et elle ne perd pas en énergie, ne s'arrêtant pas tant qu'elle ne m'aura pas tout pris.

Lorsque je rouvre les yeux, je constate que l'un de mes doigts a disparu. Je ne peux que suivre sa course quand il tombe de l'accoudoir, mourant un peu plus loin.

Le sang afflue, s'échappant abondamment de ma blessure, mais je ne m'en inquiète pas plus que ça. Je guérirai, je le sais, mais cela n'efface pas la douleur pour autant.

— C'était plus rapide que je ne le pensais, poursuit-il, haussant même une épaule avec nonchalance. On continue ?

Cet air arrogant qui anime chacune de ses cellules m'atteint, il vient attaquer mon épiderme, le lacérant de toutes parts.

— Sois un homme et détache-moi.

La colère transpire dans ma voix, la rendant plus rauque que jamais. Mon dragon retient son souffle, autant que moi, n'attendant que l'explosion, celle qui ravagera tout sur son passage.

— C'est à se demander qui est le plus arrogant de nous deux, reprend-il avec calme, comme si de rien était. Celui qui se plaît à affliger l'autre alors qu'il est retenu prisonnier, ou celui qui pense subir cette situation seulement parce qu'il est enchaîné.

Je jure de le détester jusqu'à la fin de mes jours. Et pour mon espèce, cela risque de durer un moment.

Un petit sourire naît sur ses lèvres. Encore.

Et ce sourire rectangulaire, je rêve de le voir se décrocher. Disparaître. Partir en fumée.

— En parlant d'homme, celui-ci, dit-il en désignant mon annulaire. C'est celui qui est orné par une bague signifiant la fin de l'enfance et le début d'autre chose. Est-il plus important pour toi ? m'interroge-t-il alors qu'il lèche sa lèvre inférieure, dans l'attente de ma réponse. Aimerais-tu te marier un jour, Jungkook-a ?

Je deviens fou parce que l'envie de rire me prend, et cela se prolonge au point que je ne m'imagine plus revenir à mon état normal. J'ignore ce qui est le plus drôle : cette conversation désinvolte avec cet inconnu ou bien la situation en elle-même.

Comment ai-je pu me retrouver ici ?

— S'il s'agit de ton doigt préféré, tu pourrais être le genre de personne à s'engager, à tenir sur la longueur, reprend-il avec la même sérénité qui ne l'a jamais quitté.

Mes pupilles s'ancrent à nouveau dans les siennes alors que mon rire se tasse, il se meurt dans le silence de cette pièce exigüe et sombre. Je suis affalé sur ma chaise, les épaules aussi tendues qu'elles sont relâchées, comme si elles ne savaient plus très bien comment se comporter.

— Je suis seulement le genre d'homme à perdre un doigt pour une raison qu'il ignore, c'est suffisant comme information ?

Je ne me reconnais même pas dans ce sarcasme, j'ai toujours été plutôt froid et cynique dans ma manière d'aborder les autres. Le sang qui se déverse seconde après seconde me rend légèrement pompette, comme si j'étais envoûté par un aphrodisiaque. Pourtant, je suis presque devenu insensible à l'alcool avec les années. Il me faut consommer à outrance pour y trouver une forme de libération.

— Et cet homme ne risquerait-il pas d'en perdre un second à force de se murer dans le silence avec insolence ? rétorque-t-il, essuyant le couteau sur le dos de ma main.

— Cet homme dont tu parles, commencé-je en me redressant jusqu'à ce que nos regards se fassent face. Il s'en fiche de perdre ses doigts, je n'ai rien à te dire de plus.

Un léger changement opère dans ses prunelles chocolats, j'y verrais presque de l'admiration durant un instant, mais cela fut fugace. Cette expression envolée, la lame s'enfonce à nouveau dans ma peau, jusqu'à frôler mon os.

Je grimace, fermant mon autre main en un poing tandis qu'il ne me quitte pas des yeux durant l'opération.

— Si tu n'as pas de doigt préféré, j'imagine alors que tu n'as pas l'habitude de tendre la main aux autres, que tu es un solitaire, conclut-il à mesure qu'il me blesse encore et encore. Et si tu négliges ton apparence, que tu te fiches de certains de tes membres, c'est que tu n'as personne à qui plaire.

Mon dragon devient frénétique, s'affolant tout en suffocant, commençant doucement à prendre possession de mon être.

— Probablement que tu ne te plais même pas à toi-même, achève-t-il et cela sonne un toupet, une déclaration de guerre.

Je ne contrôle plus rien lorsque mon dragon se réveille, qu'il pulse dans mes veines, qu'il m'enveloppe de sa puissance. Je sais alors que mes pupilles prennent une coloration d'un doré tirant sur le caramel, étincelant dans le noir. Je peux voir leur reflet se dessiner sur le visage de cet être abominable et sadique.

La douleur de ce nouveau doigt qui se décroche ne me fait plus rien, je suis anesthésié, agissant par automatisme.

Je ne réalise même pas que la corde ensorcelée a cédé sous la force que j'ai exercée pour me libérer. Je ne me rends toujours pas compte que ma main valide a attrapé avec violence sa gorge, rapprochant le visage de mon ennemi jusqu'à ce que nos nez se frôlent.

— Tu souhaitais parler à mon dragon, le voilà, mais je t'assure qu'il n'a rien à te dire non plus. Son seul désir est de t'anéantir, lancé-je d'une voix lugubre, prise au piège par mon propre animal.

Aucune peur n'anime ses traits, son flegme est impressionnant, à la limite de la folie. Il aime le danger, il s'en amuse.

— J'en doute, mais il ne m'effraie pas.

Son commentaire fait écho à mes pensées, il ne sait pas à quel point je pourrais broyer son cou rien qu'en resserrant mes doigts dessus.

D'ailleurs, ces derniers se replient davantage sur eux-mêmes, comme guidés par leur propre instinct. Celui de la vengeance, d'un besoin brut, sauvage, une envie de le réduire au silence à tout jamais.

Si je suis aussi solitaire, c'est pour une bonne raison.

Personne ne peut maîtriser mon dragon, pas même moi.

— Pourquoi ne le fais-tu pas ? Pourquoi tu ne me tues pas ? demande-t-il, la voix enrouée par la pression que j'exerce sur sa gorge. Regarde-moi dans les yeux et fais-le.

Est-il réellement fou ?

Se pourrait-il qu'il soit finalement un Descelleur ?

Ses iris ont presque pris la teinte de mes prunelles tant il est proche de moi, et je déteste ce que je vois à travers lui. Je fronce les sourcils, la colère se mêlant à la tristesse profonde qui m'habite en permanence.

Si je le fais, je sais que je le regretterai.

Comme je regrette tout un tas de choses.

Il ne mérite que la mort, mais le fait qu'il m'encourage à l'exécuter me paralyse pour une raison que j'ignore. Ses précédentes paroles me reviennent en tête :

« Probablement que tu ne te plais même pas à toi-même ».

Il m'a drôlement vite cerné.

Et je crois que c'est ce qui me fascine et me répugne chez lui : sa capacité à voir mon âme tapie sous ma haine, cachée derrière mon dragon, mon apparence solide et mes mots intransigeants.

— Je n'ai jamais eu affaire à un homme de ton espèce et je commence à me dire que cela ne sera pas simplement stimulant, ça risque d'être intéressant, lâche-t-il dans un souffle.

Nous gardons le contact visuel durant de longues secondes qui s'étendent vers un infini, une éternité. Le temps s'arrête à nouveau et l'air nous enveloppe de cette toxicité qui n'a jamais vraiment quitté les lieux. Cette odeur de fraise des bois revient en force, elle continue de faire trembler mes membres, mais elle les entrave aussi, les laissant impuissants.

— Réveille-toi, Jungkook-a, chuchote-t-il doucement contre ma bouche.

Mes traits se plissent dans l'incompréhension. Je cligne des paupières et pendant cet instant si court, ma prise sur sa gorge se resserre sur le vide, le néant.

J'ouvre brusquement les yeux, il a disparu. C'est ce que je voulais.

Mais...

Je ne sais pas pourquoi il y a un « mais », pourtant il y en a un.

Je fixe mes doigts, incertain, ayant presque la sensation d'avoir rêvé ce moment, et cela se confirme quand je détourne le regard sur mon autre main, celle qui a été meurtrie. Pourtant elle est là, intacte, mes doigts sont à leur place, comme s'ils y avaient toujours été.

J'observe la corde s'évanouir et la tête en vient à me tourner. Je ne comprends pas ce qui m'arrive, je me sens perdu et totalement déstabilisé.

Je cligne à nouveau des yeux et je les réouvre brusquement, le souffle erratique.

Me redressant sur un lit de fortune, je fais à face à cette grotte qui me retient prisonnier.

Était-ce un simple cauchemar ?

Malgré le faible éclairage, mon attention se porte immédiatement sur mes mains et je soupire en constatant que tous mes doigts sont là.

Lorsque je reviens réellement à moi, je me souviens.

Putain de Trompeur.

Le plus ironique de cette histoire, c'est que je crois à chacune de ses illusions, à chacune des histoires qu'il invente et met dans ma tête.

Quelle était la leçon de cette chimère cette fois ?

Ai-je réussi à passer son test ?

Mon dragon s'est calmé, mais il n'empêche que son sang bouillonne tout autant que le mien, et que nous tombons d'accord sur une chose.

On le déteste.


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NOTE DE L'AUTEURE :

C'est le genre de chapitre où l'on retient son souffle, pas vrai ?

Taehyung n'est pas exactement la personne la plus sympathique qui soit. Il use de toutes les stratégies possibles pour faire céder Jungkook. Il s'amuse avec lui, comme un chat avec une souris, mais on se demande si le chat va finir par apprécier la souris. Mais surtout si la souris pourrait trouver certains attraits au chat...

Qu'avez-vous pensé de l'analogie des doigts ?

Que pensez-vous des réactions de Jungkook ? 

Et celles de son dragon ?

Les animaux totems des Gitpaieos sont des esprits qui font parties des caractères des vampires à plumes. Jungkook ne se transformera pas en dragon, mais il possède quelques-unes de ses caractéristiques. Vous verrez avec le temps.

Avez-vous compris la dynamique entre les illusions et le retour à la réalité dans la grotte ?

Aimez-vous ce début d'histoire ?

Kissouilles, mes Dumiz !

Era xx


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