« Ce sera une enfant du feu »

La sage femme avait dit,

Le jour de sa naissance.

C'était une après-midi brûlante,

De l'été le plus chaud des mémoires,

Le mois où un incendie avait ravagé les récoltes.

Une enfant du feu, c'était dans l'ordre des choses.

Mais la sage-femme s'était trompée,

Sa science ne pouvant prévoir le destin.

Car l'incendie qui avait présidé sa naissance,

Était fruit d'une tempête :

Allumé par la foudre, nourri par le vent et tué par la pluie.

Elle était donc fille des tempêtes ;

Rare et puissante, née du mariage des éléments,

Un cœur libre et insoumis.

Par temps d'orage, lorsque tous se terrent,

Elle jubile, seule au bord du lac,

Maîtresse du monde.

Face aux vagues déchainées,

Au vent furieux et à la pluie,

Elle hurle avec les éléments.

Le pied sûr, sur la berge détrempée,

Elle danse et saute avec le vent,

Court après l'écume et les gerbes d'eau.

Au bord du monde, minuscule et invincible,

Elle s'envole, elle se noie,

Elle est libre.

« Ce sera une enfant du feu »

Jamais prophétie ne fut plus erronée,

Car le feu détruit sans pitié, semant la stérilité.

Les tempêtes, elles, sont puissantes,

Indomptables et dangereuses,

Laissant la dévastation derrière elles.

Mais de la terre retournée, de la boue grasse,

Et des arbres déracinés,

La vie explose, exubérante.

Le vent arrache l'arbre malade,

Pour laisser la place aux pousses,

Qui bourgeonnent dans son ombre.

La pluie arrose les arbrisseaux,

Et fait pourrir la vieille souche,

Refuge de mille insectes et champignons.

Dans l'immobilité étouffante,

Qui précède les orages d'été,

La terre se prépare à revivre.

Dans ciel écrasant,

Les nuages s'amoncellent, noirs,

Promesse d'une pluie régénérante.

Et de nature assoiffée monte un cri,

Audible pour la fille des tempêtes :

« Nous t'attendons, viens vite ! »

Alors elle obéit, et,

D'un geste de la main,

Elle déchaîne les éléments.

Elle commande aux bourrasques,

Qui déplacent les nuages,

Elle ordonne aux cieux de se déverser.

Et, au milieu de la tourmente,

Insaisissable comme le vent,

Implacable comme la pluie,

La fille des tempêtes est reine.