Scène de retrouvailles
Minuit. Je voulais changer mes idées et mon humeur un peu, car j'étais encore troublé par mes souvenirs. Je ne pouvais pas rester seul au bungalow, et Agathe, ma meilleure amie, n'était pas là pour prendre soin de moi. Bon, je devrais cesser d'être un gamin aussi.
Je me dirigeai à l'abri de Zéra, la petite magicienne de la colonie, pour voir si elle était encore en train de jouer avec ses sortilèges. Je l'appelai derrière l'abri sans avoir de réponse. Je décidai d'entrer alors. Le sol était jonché de récipients et de feuilles. La fillette était allongée par terre. Je vins me pencher sur elle. Elle était endormie. Son visage était détendu. Elle n'avait plus les sourcils froncés ni ce rictus qu'elle portait toujours. Un petit sourire tirait ses lèvres. Là, je pouvais dire que j'avais sous les yeux cette innocence de neuf ans. Je n'avais même pas de portable pour lui prendre une photo. Photo pour figer l'un de ses moments les plus mignons.
Je cherchai un drap dans le placard puis la couvris.
Je sortis enfin, et tandis que la légère brise frappait mon visage encore une fois, je remarquai sur la falaise deux jeunes femmes brillantes. L'une avait de longs cheveux bruns clairs et mettait une simple robe courte d'un jaune pâle. Elle souriait et brossait les cheveux de la femme d'à côté, femme aux cheveux ébènes, dissimulant son corps dans une grande robe noire. Elle avait une expression carrément blasée, comme si elle laissait l'autre femme lui brosser les cheveux à contrecœur. Quand elles me repérèrent, la femme aux cheveux clairs me sourit, d'un sourire aussi doux qu'apaisant :
– Salut, mon petit prince.
J'écarquillai les yeux, alors que mon coeur loupa immédiatement un battement. Ce n'était pas possible.
Impossible.
– Il a les mêmes cheveux que toi, Spes.
Spes ? Spes ? Je me mordis par tic la lèvre inférieure. Je ne croyais pas mes yeux, mes oreilles, je devais être sous l'effet de l'alcool.
– Mais bien sûr. Il a hérité les plus beaux cheveux au monde.
Elle poussa ses cheveux en arrière de manière théâtrale puis ricana :
– Petite blague divine. Il y a Athéna avec ses cheveux noirs étincelants !
Je ne savais pas combien de temps je restai immobile devant les deux femmes. Elles bavardaient comme si je n'étais pas là. Mais en ce moment, je me sentais bien. Extrêmement bien. Alors, je suis enfin arrivé à articuler :
– Spes ?
– Oui ? fit la femme lumineuse.
J'avançai à tâtons comme si j'étais devenu aveugle. Mes yeux étaient posés sur la déesse, durant mon trajet, jusqu'à ce que l'autre femme commente :
– Pourtant, il a de très beaux yeux. Ce ne sont pas les tiens, Spes.
– Non. Ce sont les iris de son père.
La déesse me sourit tendrement. Après, je ne me rappelle plus quels étaient mes sentiments, ni ce qui m'avait poussé à faire ce que j'avais fait, mais je me suis jeté sur la femme et commençai à pleurer tel un enfant perdu, effrayé, qui avait retrouvé enfin sa mère.
– Allez, mon petit. Pleurer ne te va pas du tout. Personne ne te l'avait jamais dit auparavant ?
– Ce sont des larmes de joie, m'man... C'est la première fois que je pleure depuis des années.
Je m'écartai d'elle. J'étais si heureux de l'avoir rencontrée, enfin. J'attendais ce moment depuis ma tendre enfance, depuis un temps qui me semblait une éternité. Et pourtant, les Dieux n'étaient pas censés visiter leurs enfants, ils n'étaient pas censés les connaître, et surtout, ils n'étaient pas censés les prendre dans leurs bras humains.
Elle me sembla chagrinée. Je la regardai minutieusement, détaillant chaque partie, chaque trait de son visage divinement délicat, même sous sa forme humaine, tandis qu'un tonnerre se faisait entendre de loin.
Elle me sourit et passa sa main sur mon visage :
– Zeus appelle. Il ne tolère pas les retards.
Elle me donna sa bénédiction en m'embrassant le front avant de s'éteindre avec Hécate.
C'était survenu si brusquement, si subitement, que mon coeur s'en déchira.
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