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Chapitre 2 - Le Rêve

La vue d'Astorg était brouillée. Il avait les yeux clos et ne cherchait pas à les ouvrir... Il souriait. Il avait rêvé d'une dame blanche comme glace, qu'il avait emportée sur son vaillant palefroi, comme on le fait pour prendre épouse. Il l'avait arrachée à son père et l'avait menée au sien, Astorg le Vieux à la barbe de neige, et les amants avaient connu la volupté des premières amours. C'était un beau rêve. Si seulement tout s'était ainsi passé ! À mesure qu'Astorg le Jeune revenait à lui, il se rappelait bien que son père n'était plus qu'un corps raide dans une boîte. À mesure qu'il reprenait conscience du monde qui l'entourait, il entendait murmurer et s'agiter à ses côtés. Il n'aurait su dire s'il avait chaud ou froid, et hormis les murmures et le crépitement d'un feu, il n'entendait rien ; il guettait, pourtant, paupières closes, ouïe alerte, le bruit du vent.

Rien. Le vent était tombé et il était vivant. Il n'avait plus grand souvenir de la fin de son périple, mais ainsi est la tourmente : elle confine à l'ivresse, elle vous laisse avec une affreuse gueule de bois et l'impression d'un grand vide. Le Baron ne parvenait pas encore à bouger. Il sentait son corps pris entre un édredon et une pile de couvertures et fourrures. Il inspira à pleines narines, d'un air frais et sec, chargé de fumées de simples, que l'on brûlait pour assainir la pièce. En vain cherchait-il à recouvrer la mémoire des dernières heures – ou derniers jours ? Pour mettre fin à son doute, il ouvrit les yeux. Son regard rencontra les solives de châtaignier sculptés et les pierres crémeuses de la Tour Nelle.

« Nom d'une Picte ! » souffla-t-il, moins vaillant qu'il n'aurait cru. Ses yeux se refermèrent. Il était chez lui. À peine eut-il le temps de sentir une main fraîche sur son front, avant de replonger dans le sommeil.

Dans son rêve, la main était celle de la blanche dame : elle serrait cette fois sa tête avec une incroyable force. Elle avait un regard et des canines de louve, et maudissait sa lignée. Il avait beau se débattre, son épée se brisait, il avait beau hurler, nul ne l'entendait. Il était au sommet du Finièls et embrassait de son regard le Pays des Gabales. Il tendait la main pour le posséder entier, mais la blanche dame l'oppressait toujours, et les saisons défilaient sous ses yeux, les saisons déchiraient sous ses yeux cette terre chérie, si cruelle mais si belle. Le Baron, contraint, presque brisé, observait impuissant le temps filer. Un enfant avançait lentement vers lui, entre les roches, dans le paysage aride du mont Lesura. À chaque pas il grandissait, à chaque pas il vieillissait. Avec terreur, Astorg crut voir son propre visage mûrir puis faner sous les rides. Le vieil homme qui s'arrêta face à lui tendit sa main à la blanche dame. Elle libéra la tête d'Astorg de son étau, arrachant dans le mouvement son tortil de baron. Elle lui parla d'une voix dure, et ce fut encore pour maudire sa lignée :

« J'emporte ton fils. Vous ne connaîtrez plus vos ancêtres. La Tour Nelle n'aura plus de Seigneur, et l'on bâtira de ses pierres les nouveaux bourgs arvernes. Adieu, Astorg ! »

Elle offrit le tortil au vent, qui l'emporta au loin, et partit avec le vieil homme, dont les traits rajeunissaient à mesure qu'il reculait. Astorg hurla comme un dément ; il voulait les rattraper, ses membres étaient figés. Il voulait appeler son fils, les mots ne venaient pas. Seul son cri déchirait le paysage désolé.

Il ouvrit les yeux.

Un visage était penché sur lui, encadré d'une coiffe blanche.

« Sieur, vous tremblez ! Calmez-vous...

–Mon fils, elle prend mon fils...

–Sieur, sieur... Vous n'avez pas de fils. Il faudrait jà avoir une épouse en croupe !

Astorg ferma les yeux, et les rouvrit. Bien sûr qu'il n'avait pas de fils, ni d'épouse. Il sentait ses membres plus souples qu'à son premier réveil. Ils étaient libres également de l'emprise de la dame blanche de ses songes.

-Flore, aide-moi à me lever. »

La femme écarta quelques-unes des fourrures sous lesquelles, désormais, Astorg étouffait. Libéré d'un poids, soutenu par la matrone, il se mit sur pieds. Ce fut à ce moment seulement qu'il remarqua qu'une autre personne reposait dans le lit, profondément endormie sous le poids des couvertures. Il ne s'en étonna pas : la coutume voulait que le seigneur, en hiver, partageât son lit avec ses hôtes, car c'était là qu'il faisait le plus chaud de tout le château. Nul n'y voyait aucune atteinte à la pudeur, car les serviteurs dormaient également dans la chambre, au pied du lit.

Cependant, une goutte de sueur perla dans son dos. Dans son lit, c'était la jeune femme qu'il avait arrachée à la tourmente. Elle était céleste, le visage apaisé par le sommeil, constellé de taches de rousseur...

« Qui est-elle ?

–Nous l'ignorons encore, sieur. Elle ne s'est pas réveillée. Marta s'occupe de laver ses affaires. Il n'y avait pas de tanaisie dans les ourlets.

–Elle n'est pas du souffle-esprit... Et ses compagnons ?

–À côté. L'un délire et on a dû couper les doigts de l'autre, ils étaient tout morts de gel. Hermin est aussi alité.

Astorg, soutenu, s'approcha de l'âtre où crépitaient les flammes, et s'assit là sur un tabouret. Il ne lui était pas aisé de remettre en ordre ses idées. La tourmente, le sauvetage, le retour... Quelques images confuses lui revenaient. Le bruit du tocsin de la tour, surtout, cinglait encore dans sa tête, à lui donner le tournis.

–Je... Depuis combien de temps ?

–Hier soir. Vous êtes pâle, sieur, tout blanquet.

–Je vais bien, Flore. Le cheval ?

–Selon l'usage, dès ce matin, tout comme les pigeons qu'elle apportait.

–Parfait. Et les gardes, aucun n'a dit d'où ils venaient ?

–Ils ne sont pas encore en état, sieur. J'ai l'impression qu'ils viennent de Mimata, mais ce ne sont peut-être pas des Grèzes, mais plutôt des Sénaret, ou des Chirac.

-Bon. Nous verrons bien. Fais donc venir Clarmonde, qu'elle me lave les pieds et la face et me vête. »

Pour rien au monde, Astorg ne serait retourné dans ce lit où ses rêves étaient bien trop tristes. Auprès du feu, il laissa Clarmonde, une servante parmi les plus débrouillardes, lui masser les pieds avec des huiles médicinales dont l'odeur se mêlait à celle des braseros où des pains de sauge brûlaient. Cette jeune femme occupait souvent son lit, pour le réchauffer, et en certaines occasions, ils avaient partagé une intimité plus grande encore. Astorg la considéra du regard, tentant d'oublier ses préoccupations immédiates. La jeune femme était plus pâle qu'à l'accoutumée, sous ses taches de rousseur, et remarquablement silencieuse.

« Comment vas-tu ?

-Bien, sieur.

-Tu es pensive.

-Vous aussi, sieur.

La réponse était cinglante, comme une porte qu'on referme à grand bruit. Astorg retira ses pieds du linge dans lequel elle les enveloppait.

-Ne joue pas avec moi, Clarmonde. Je sais quand tu as une chose sur le cœur.

-Et je sais quand vous...

-Clarmonde. Tu es encore enceinte ?

Il venait de se rappeler quand il avait déjà vu sa servante aussi distante. Clarmonde leva le visage vers lui. Elle avait une mâchoire carrée et un regard résolu.

-Je l'ai fait passer ce matin, sieur. Je savais que vous le voudriez ainsi.

-Bien. Nous n'avons rien à discuter, alors. Finis ton ouvrage et ensuite, ménage-toi pour reprendre des forces. Dis à Flore que c'est moi qui l'ordonne. »

Astorg ne voulait pas de ces bâtards qui affaiblissent une lignée. C'était pourquoi il appréciait Clarmonde. Cela faisait dix ans qu'elle acceptait sans sourciller d'évacuer par des tisanes de pouliot et d'armoise les fruits indésirables. C'était une femme forte. Elle s'en remettrait.

Astorg replongea dans ses sombres pensées, sur son défunt père et sur cette apparition féminine qui n'était, il en était certain, absolument pas une de ses cousines Sénaret. C'était assurément une noble dame, ses vêtements et son escorte trahissaient ce point ; Astorg s'accommoderait fort que ce fût une fille Chirac. Hélas, il n'était pas d'humeur optimiste. Il augura que l'identité de la rousse lui causerait beaucoup, beaucoup plus de problèmes.

Clarmonde en était à passer sur la cotte du Baron une ceinture à banquelets lorsqu'ils entendirent la dormeuse murmurer :

« Gofroi, Gofroi... Plus haut, là-haut... »

Astorg alla à son chevet et lui prit la main. Ses fines paupières n'étaient plus sereines, quoique toujours closes. Le visage, nettoyé de la graisse de cheval, reluisait du baume que les soigneurs avaient appliqué sur la peau délicate. Une épaisse chevelure rousse semblait nattée dans le dos de la jeune femme – elle avait tout de la jeunesse, sinon une ride de contrariété à la commissure des lèvres. Astorg ne lui donnait pas plus de vingt ans. Lui-même avait vu vingt et neuf printemps, et déjà beaucoup trop de cadavres.

Comme elle s'agitait encore, Astorg serra sa main plus fort et se surprit à la désirer. Il chassa cette idée d'un mouvement de tête. Elle ne parlait plus, sereine à nouveau dans ses songes. Le Baron se leva, jeta une nouvelle bûche dans le feu et s'apprêta à quitter la chambre.

« Veille-la encore, Clarmonde, et remets de la sauge dans les braseros. Fais-moi chercher si elle s'éveille. »

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