Acte I, Scène 7
Monna et Sennar sont tous les deux debout de chaque côté de la scène.
Lui à droite. Elle à gauche.
Monna tient un pinceau dans la main.
Sennar tient un sceau en fer.
Monna - Et pour les personnages ?
Sennar - Je te laisse faire.
Monna - Merci.
Silence.
Monna fait un pas un avant.
Sennar l'imite avec un temps de retard.
Monna - J'écris ... J'écris un homme. Jeune. Pas trop, mais assez.
Sennar - Un homme. Pourquoi ?
Monna - Toutes les femmes rêvent d'être un homme, sans doutes une fois dans leur triste quotidien. Je le crois. Du moins, moi, j'en ai rêvé. Des centaines de fois.
Silence.
Une silhouette masculine apparaît au centre de la scène.
Monna - Je ne sais pas vraiment ce qu'ils ressentent, eux. Mais je connais la vie d'une femme. Les douleurs habituelles, les regards que l'on porte sur elles, les petites gênes chaque mois, le ventre qui s'arrondit, toutes ces attentes qui pèsent sur leur épaules pourtant si frêles. Souvent j'ai envie de pleurer. Je ne suis pas assez forte pour supporter la Nature. Toutes ces épreuves, ces soi-disant "cadeaux" de notre Mère, je n'en veux pas.
Silence.
Monna fait un autre pas.
Sennar reste immobile, il la fixe du regard.
Monna - En plus, j'aime les hommes. Car ils sont libres d'esprit et de corps. Car ils sont ce que je ne suis pas.
Nouveau silence.
Monna - Oui. J'aime les hommes. Je les adore. Ils me fascinent, me troublent, me réconfortent. J'aime les sentir autour de moi, les voir vivre comme si de rien n'était. Comme si eux, ils n'avaient aucunes contraintes. Je sais que c'est faux. Et je les aimes encore plus. C'est drôle, cette facilité qu'ils ont pour faire semblant. C'est triste.
Elle fait un pas, puis deux et se tourne vers le publique.
Monna - Je suis une femme. J'ai toujours rêvé d'être un homme. Mais en les voyant agir, dépourvus de cœur et d'esprit, tels des marionnettes désarticulées, je ne veux être ni l'un, ni l'autre.
Silence.
Très long silence.
Monna se retourne, fait deux pas de plus. Sennar l'imite.
Sennar - Donc ce sera un homme.
Monna - Un garçon, oui.
Sennar - Blond ?
Monna - Brun ou bien aux cheveux noirs. Personne n'aime les blonds.
Sennar - C'est triste !
Monna - C'est comme ça. Les jugements sur les apparences sont sévères de nos jours.
Silence.
Ils font un pas, dans un même élan.
Monna - Il sera brun.
Sennar - Aux cheveux lisses ?
Monna - Bouclés, frisés ou juste ondulés.
Sennar - Et ses yeux ?
Monna - Bruns aussi, légèrement dorés mais opaques, comme une grotte dans laquelle on s'enfonce. Je veux pouvoir me perdre dans son regard.
Sennar - Il sera grand ?
Monna - Pas trop. Juste assez.
Sennar - Et mince ?
Monna - Sans excès. Juste comme il faut, avec quelques rondeurs qui lui vont bien.
Sennar - Et sa peau ?
Monna - Mâte. Ni blanche, ni noire. Ni jaune, ni rouge. Elle n'a pas de couleur tranchée, elle est le mélange de l'ombre et de la lumière, le mélange d'une multitude de cultures semblables que l'on a bêtement séparées.
Monna et Sennar atteignent le centre de la scène.
La silhouette esquisse un mouvement d'épaule. Puis elle fait un pas dans la lumière.
C'est un homme brun, aux yeux d'un marron doré, à la peau mâte, de taille et de poids normaux. Il est entièrement vêtu de blanc.
Monna et Sennar l'observent. Il regarde devant lui.
Sennar tend le sceau à Monna qui y plonge son pinceau. D'un geste souple, elle dessine une lettre japonaise sur le devant de son tee-shirt. La peinture est d'un bleu clair apaisant.
La lettre japonaise "AME" signifie Pluie.
Sennar - Comment s'appelle-t-il ?
Monna - Ame.
Sennar - Pourquoi ?
Monna - Parce qu'il est la pluie qui se déverse avec calme sur ces vies et sur ce monde de silence. Parce qu'il est les larmes du ciel honteux. Parce qu'il est l'eau qui fait renaître la terre. Parce qu'il est l'eau qui brûle les colères. Parce qu'il est l'eau. Celle qui offre la vie, ou la retire. Celle qui offre la mort, ou la retire. Celle qui choisi de garder, ou de prendre. Parce qu'il est. Comme la pluie. Qu'il existe, tout simplement.
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