Sennar est assis au bord de la scène. Il regarde devant lui. 

Monna entre en scène. Elle marche de droite à gauche, s'arrête. Puis elle repart dans l'autre sens. 

Monna - Je veux écrire. 

Sennar - Je sais. 

Monna - J'ai besoin de toi, Sennar. 

Sennar - Je sais. 

Monna s'arrête une seconde fois. Elle regarde Sennar qui lui tourne le dos. 

Monna - Et alors ? Tu vas m'aider ? 

Sennar - Je t'aide déjà. Parle, je t'écoute. 

Monna - Très bien ... 

Elle se place derrière lui et écarte les bras d'un geste théâtral. 

Monna - J'écris. 

Sennar - Je lis. 

Monna - J'écris un monde où le jour et la nuit se succèdent sans relâche. J'écris un monde fait de plaines, de collines, de forêts, de lacs et de plages. J'écris un monde où il pleut, où il vente, où il neige, où le soleil brille et où les nuages dansent. J'écris un monde qui garde enfermé dans ses bras des milliers d'âmes. Des milliers de cœurs qui rient, qui pleurent, qui aiment, qui haïssent, qui blessent, qui consolent, qui se déchirent et se rejoignent en une caresse. J'écris un monde en mouvement, détruit et construit par ces âmes qui le compose. 

Sennar - C'est notre monde. Celui dans lequel tu vis. Le monde tel qu'il est aujourd'hui. 

Monna - Non ! Je n'ai pas fini Sennar. 

Sennar - Excuse-moi. 

Silence. 

Sennar a baissé la tête. Monna s'avance et, les bras toujours ouverts, elle pose l'une de ses mains sur le crâne du garçon. 

Monna - J'écris un monde parcourut par les doutes et les mensonges de l'espèce humaine. Un monde qui se désagrège, meurt lentement dans l'indifférence la plus totale. J'écris un monde pourri de l'intérieur, saccagé par ses propres enfants. J'écris un monde où la magie et la beauté d'autrefois se sont envolée. J'écris un monde où les champs ne sont pas fertiles, un monde où la pluie est toxique, un monde où le ciel porte la couleur rouge cendrée de la honte. J'écris un monde qui fut pur, qui fut beau, qui fut, il y a longtemps, vivant. 

Silence. 

Sennar relève la tête. 

Monna le contourne et s'accroupit à côté de lui, les deux mains posées sur ses épaules. 

Le sol, les murs, le plafond se tintent lentement d'un rouge grisâtre. 

Monna - J'écris un monde qui souffre. J'écris un monde qui meurt de ses erreurs. 

Silence. 

Monna - J'écris un monde abandonné par ses enfants.