Toujours dans la maison du Mensonge.

Tout est toujours blanc.

 Debout au milieu de la scène, Monna attend.

Sennar entre en scène.

Ses cheveux sont comme une tâche qui perce l'absence de couleur. Il est entièrement vêtu de blanc, il se fond dans le décor. 

Sennar - Tu es contente ? 

Monna - Oui. 

Sennar - Et maintenant ? 

Monna - Quoi maintenant ? 

Sennar - Et maintenant, on peut parler de la vie ? 

Silence. Monna regarde Sennar. Sennar regarde devant lui. 

Monna - Pourquoi tiens-tu tant à parler de la vie ? 

Sennar - Je ne sais pas. C'est important, la vie. Tu ne crois pas ? 

Monna - Je ne sais pas. 

Sennar - Moi non plus. 

Silence. Sennar regarde Monna. Monna regarde devant elle. 

Monna - La vie ? Mais quelle vie ? 

Sennar - La tienne. 

Monna - Je n'ai pas envie de parler de ma vie. Elle est trop simple. Elle est ennuyeuse, faite de silence.

Silence. Monna ferme les yeux.

Sennar - Pas si tu parles. 

Monna - De quoi ? 

Sennar - De ta vie. 

Monna - Ma vie ? C'est une roue qui ne s'arrête plus, qui tourne, tourne en rond sa jamais s'arrêter. C'est un moulin, un avion qui n'a plus d'hélice, qui ne fait plus de grain, qui ne vol plus. Ma vie ? C'est une routine morne et sereine qui s'amuse à m'inonder de peines ou de bonheurs. Ma vie ? Ce n'est qu'absence de vie. Le vide absolu de relations. Pas de chaleur humaine. Juste celle du feu qui me consume lentement. Ma vie ? C'est un océan de doute, et de choix à faire, de chemin que l'on prend et que l'on parcours à l'envers. Ma vie ? C'est l'infiniment grand, coincé dans l'infiniment petit. Ma vie ? C'est un mensonge. Un perpétuel mensonge qui me protège de la vérité, qui me fait croire aux contes de fées, qui me berce au soir de ma mort, pour me montrer que la cruauté ne vient pas du sort, mais de moi même. Voilà ma vie.

Silence. Monna rouvre les yeux.

Monna - Et toi, quelle est ta vie ?  

Sennar - Ma vie ? C'est cette roue. C'est ce moulin, cet avion. Ma vie ? C'est cette routine. Ma vie ? C'est cette absence de vie, ce vide absolue, ce manque de chaleur et ce feu, qui te consume. Ma vie ? C'est cet océan, ce chemin. Ma vie ? C'est le grand et le petit. Ma vie ? C 'est ton mensonge. Ma vie, c'est la tienne. 

Monna - Tu m'as écouté alors. 

Sennar - J'écoute, tu parles. Tu écris, je lis. 

Monna - C'est ce qu'on s'était dit. 

Sennar - Ce que tu as décidé plutôt. 

Monna - Arrête de bougonner ! Tu n'aimes pas écouter ? 

Sennar - Si, si...

Monna - Ben alors, qu'est-ce que tu voudrais dire ? 

Sennar - Je ne sais pas. 

Monna - Alors tais-toi.