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ACTE III - Scène 21

Samedi 28 Novembre, 10 : 34

<exile ~ Taylor Swift ft. Bon Iver>

« Ça va aller ? Je questionne, inquiète.

- Ça va aller, » M'assure Edward.

Il me sourit tranquillement. Je prends sa main dans la mienne et la serre très fort, entrelaçant nos doigts. Nous sommes assis côte à côte dans une des salles d'attente de l'hôpital Saint-Valère. Presque tous les membres de notre groupe de théâtre sont là, assis à nos côtés : seuls sont absents Lilly, Yun et Léo qui arriveront dans la voiture du Coréen d'une minute à l'autre. Les parents d'Edward sont également présents, assis à gauche de leur fils alors que j'occupe le siège à sa droite, ainsi que deux amis du lycée de l'adolescent aux cheveux de neige. A nous tous, nous occupons presque l'entièreté la pièce, heureusement, comme nous sommes encore le matin, l'hôpital est moins rempli que d'habitude.

La porte de la salle s'ouvre brusquement. Tous les yeux se tournent vers cette dernière, et Edward fait un mouvement pour se lever, attendant de voir le médecin responsable de l'opération pénétrer dans la pièce. Mais non, c'est Lilly, suivie de Yun et de Léo, qui font apparition et fouillent le lieu du regard avant de repérer Edward et de se précipiter vers lui en courant.

« Tu es là ! S'exclame Yun, le soulagement se lisant dans ses yeux bruns.

- On avait peur que tu sois embarqué en salle d'opération avant qu'on ait eu le temps de te voir, explique Léo, le souffle court. Ca va ?

- Tout va bien, » Réponds sincèrement le concerné.

Lilly fond dans ses bras. Surpris, Edward se fige un instant avant de répondre à l'étreinte, hésitant. Il n'est pas du genre câlin, d'habitude, mais ce matin, il comprend la panique et la nervosité qui nous habitent tous. En contraste, lui semble parfaitement calme, presque détendu. Un sourire constant flotte sur ses lèvres et il n'a jamais paru plus tranquille alors que nous stressons tous à côté. Il nous rassure davantage que nous ne le faisons pour lui.

Lilly se sépare finalement de lui, conservant néanmoins ses mains sur ses épaules. Des larmes se rassemblent dans ses yeux noisette, troublant ses iris. Edward lui offre un sourire simple pour la calmer et la convaincre qu'il se porte bien. Ça n'a pas l'air de rassurer la rouquine, qui lâche un lourd sanglot, venant presser ses paumes contre les joues du garçon.

« Tu vas bien ? Tu es sûr que c'est ce que tu veux faire ? Tu sais, il est encore temps de changer d'avis, panique t-elle. Tu ne penses pas que vouloir faire ça uniquement parce que c'est une norme de la société pour les personnes trans de se faire opérer ? Parce que tu sais, fuck la société !

- Je vais bien, Lilly, lui répond doucement Edward en détachant les mains de la jeune rousse de son visage. Je suis sûr de moi. Je l'étais déjà il y a un mois et je ne le suis que davantage à présent. En fait, je n'ai jamais été aussi déterminé de faire quelque chose qu'aujourd'hui. »

Les larmes dévalent les joues de Lilly. Finalement, elle souffle un « Oh, Edward » du bout des lèvres et le prend à nouveau dans ses bras. Étonné, il lâche un petit rire, puis grimace face à la force dont notre camarade de théâtre peut faire preuve, même dans une simple embrassade. Je suis surprise que Lilly, parmi toutes les personnes présentes, se montre la plus émotionnelle quant à l'opération d'Edward. Elle est proche de lui, bien sûr, nous le sommes tous, mais d'habitude, elle est plutôt du genre à ne montrer que peu d'émotions, restant drôle, forte et courageuse peu importe les circonstances. Mais j'imagine que tout le monde réagit différemment à ce genre de situation... Après tout, Edward a toujours été une sorte de modèle pour elle. Lorsqu'il a fait son coming-out auprès de nous, cela constituait l'acte le plus brave que Lilly ait jamais vu de toute sa vie – et croyez moi, elle s'y connaît, en bravoure ! Encouragée par son coming-out, Lilly nous a fait part à son tour du fait qu'elle était pan, et sans Edward pour nous avouer son genre et sa sexualité en premier, peut-être qu'elle n'aurait jamais osé le faire. Lilly peut vous citer des centaines des plus grands athlètes et aventuriers au monde, elle connaît tout du courage et de la force, mais à ses yeux, Edward bat tous les records dans ces domaines. Il est son modèle, son inspiration constante... Et tout l'amour et l'admiration qu'elle lui porte se retranscrit dans son émotion à cet instant.

Nous sommes le samedi 28 novembre. Le jour de l'opération d'Edward pour qu'il se fasse enlever les seins et subisse une chirurgie du haut du corps, appelée une « mammectomie ». Je ne pourrais pas être plus fière de lui, mais à la fois, je suis terrifiée. Terrifiée que l'opération se passe mal, terrifiée qu'il le regrette après, terrifiée de la haine qu'il pourrait recevoir... Néanmoins, j'ai conscience que ce n'est pas mon rôle aujourd'hui. Auprès d'Edward, je dois simplement être présente pour lui et le soutenir le plus possible, gardant mes inquiétudes pour moi.

Après quelques minutes d'attente, une femme en blouse blanche, ses cheveux crépus attachés en un chignon bas, pénètre dans la pièce. Nous nous levons tous aussitôt de nos chaises, bien trop survoltés pour rester impassibles. Elle nous administre un sourire rassurant et se présente en tant que Docteur Scott, le médecin en charge de l'opération. Elle va emmener Edward et ses parents dans son bureau pour vérifier si tout va bien chez lui et si l'opération peut se dérouler, puis elle conduira Edward en salle d'opération. Nerveuse, je suis près de me ronger les ongles en écoutant son discours.

« Vous êtes tous venus pour Edward ? » Demande t-elle, sourcil levé, en nous désignant tous les neuf – tout le groupe de théâtre plus les deux amis de son lycée.

Nous confirmons. Docteur Scott a une expression amusée.

« Et bien, je vois que tu es soutenu par tous tes amis ! Tu as de la chance. Par contre, reprends-t-elle en s'adressant à nous, je crains que vous devriez rester en salle d'attente toute la journée. Seuls les parents et la famille sont autorisés à accompagner Edward. »

Elle désigne Paul et Sarah Bonnet, le père et la mère d'Edward qui se lèvent aussitôt, mains sur les épaules de leur fils. Je m'affaisse, déçue : à vrai dire, je m'attendais à ce que ça se passe comme ça, mais j'avais toujours une lueur d'espoir que les amis soient autorisés à escorter le patient jusqu'en salle d'opération.

« Quand pourra t-on le voir? Interroge Willow.

- Et bien, l'opération durera entre une heure et demie et trois heures si tout se passe bien, explique le Docteur Scott. Mais après, Edward aura besoin de repos. Je pense que ce soir, vers dix-neuf heures, vous pourrez venir le visiter dans sa chambre d'hôpital. »

Je lance un regard désespéré à mes amis. A dix-neuf heures ! C'est dans genre... plus de huit heures ! Je ne pourrais jamais attendre toute la journée avant de le voir.

« Mais le plus simple serait de le voir demain matin, où Edward sera complètement réveillé.

- Non ! Je m'écrie aussitôt. Dix-neuf heures, c'est très bien. »

Elle hoche la tête, l'air satisfaite, puis demande à Edward et à ses parents de la suivre. Avant cela, nous nous levons tous d'un seul mouvement et nous précipitons vers notre ami pour le prendre une dernière fois dans nos bras. Chacun à notre tour, nous l'étreignons en lui souhaitant bonne chance. Quand c'est mon tour de le câliner, je lui saute presque dessus, le serrant avec fougue et désespoir. Je sais que je n'étais censée montrer ni émotion ni crainte, me contentant d'être là pour lui, mais à présent je m'en fous. En arrière-plan, j'entends le Docteur Scott m'avertir : « Attention, il ne faut pas qu'il se casse quelque chose avant l'opération ! ». Ca aussi, je m'en fous. Je veux juste le sentir dans mes bras. D'abord déconcerté par la force avec laquelle je l'étreins, Edward vacille légèrement, puis reprends pied et répond à mon câlin.

« Tu es la personne la plus courageuse que j'ai jamais rencontré, je murmure contre son épaule, des larmes tièdes s'échouant sur son T-shirt. Je t'aime, Eddie. »

Pour une fois, Edward ne reprends pas son surnom et se contente d'esquisser un sourire.

« Je t'aime aussi, Beth... Mais tu dois me lâcher maintenant, où je vais sérieusement étouffer. »

Je pouffe légèrement à travers mes larmes, et me sépare de mon meilleur ami sous les regards attendris de tous nos camarades, contrastant avec celui impatient du médecin. Je dépose un baiser sur la joue de mon meilleur ami, émue. Edward me lance un dernier regard bleu électrique, puis se retourne et se laisse entraîner hors de la salle d'attente par ses parents et le Docteur Scott. Je prends une grande inspiration, la respiration tremblante par les sanglots, et regarde, debout au centre de la pièce, mes yeux verts brouillés par les pleurs, les quatre personnages disparaître dans un couloir. Derrière moi, Yun pose une main sur mon épaule, comme pour me retenir de piquer un sprint pour les rattraper – chose que j'aurais été capable de faire si le grand Coréen ne m'en avait pas empêché. Un milk-shake d'émotions secoue mon cœur et mon cerveau, la peur, la fierté, la nervosité.

« Hey, intervient Yun. Ne t'en fais pas. Tout va bien se passer pour lui.

- L'opération peut toujours mal se dérouler...

- Je crois que t'as lu un peu trop de romans dramatiques, rigole Yun en me faisant tourner vers lui. Ou vu trop d'épisodes de Grey's Anatomy. Ce n'est pas une opération risquée, d'accord, Beth ? Si il y a un problème, il n'y a aucun risque qu'Edward meurt, ou soit fortement blessé... Dans le pire des cas, il devra rester quelques jours de plus à l'hôpital. Bien sûr, il y a toujours des risques de saignements abondants, hématomes, peau qui refuse de se tendre ou problèmes d'esthétique, mais rien de très grave. En plus, cet hôpital est réputé pour ce genre d'opérations. Tout va bien se passer.

- Sûr ? Demandé-je, inquiète.

- Sûr. J'ai un pote en école de médecine, je sais de quoi je parle. »

Je soupire, soulagée, et lui souris timidement. Si j'avais été dans mon état normal, j'aurais probablement répondu à Yun un truc du genre pff, bien sûr que je suis au courant de ces choses, qu'est ce que tu crois ! Mais, trop inquiète pour faire part au monde de mes incroyables talents de comédienne, je lui aie épargné mon discours. La vérité ? Le week-end dernier, lorsque je me suis rappelée de la mammectomie d'Edward, je me suis précipitée sur Internet pour faire des recherches. N'y ayant pas trouvé grand-chose, mis à par quelques témoignages, je me suis inquiétée pour rien... et me suis imaginé des centaines de scénarios, totalement ridicules pour certains, dignes des plus grands films d'horreur pour d'autres. Le théâtre me rend vraiment trop dramatique.

Finalement, nous rejoignons nos chaises de la salle d'attente pour... attendre, je suppose. Plus loin, Léo et Iris entament une conversation avec les deux amis du lycée d'Edward, mais, bien trop stressée pour participer, j'enfonce mes écouteurs dans mes oreilles et reste seule avec mes pensées. Comme dans un réflexe, je recherche la chanson « Mars » de Yungblud sur Deezer. La voix de mon chanteur préféré résonne aussitôt dans mes tympans, et, emportée dès les premières notes de la mélodie, je ferme les yeux et laisse ma tête reposer contre le dossier du siège.

Les dernières semaines ont été plutôt calmes, en comparaison avec tous les évènements qui ont secoué mon mois d'octobre. J'ai repris mes cours plus sérieusement, remontant ma moyenne générale qui avait un peu baissé ces derniers temps. J'ai passé davantage de temps avec ma famille, car, après mon aveu, nous étions plus proches que jamais. J'ai évité Zoé... tout en essayant d'être là pour elle, ce qui n'était pas si facile. Lorsque nous sommes revenues au lycée le lundi après notre réconciliation, tout le monde est venu complimenter nos coiffures, surtout celle de Zoé. Je craignais que Théo ne l'apprécie pas, mais comme toujours, il a agi en mec parfait et a déclaré que Zoé était absolument splendide. A son regard qui rivalisait le mien lorsque j'ai découvert la nouvelle coupe de ma meilleure amie, il était sincère. Sinon, malgré ma discussion avec lui, Clara et Emily le vendredi d'avant, je ne traînais pas beaucoup avec cette bande. Les trois me lançaient souvent des regards en coin, mais notre relation n'allait pas plus loin... Tout comme avec Zoé avec qui je ne parlais presque plus. Je passais mes cours avec Mark et Simon et mes pauses avec Iris, Dan et Louise, un peu comme la première fois où j'ai ignoré Zoé. La différence était qu'aujourd'hui, elle savait pourquoi et ne m'en voulait pas. A un moment donné, Emily et Clara m'ont confronté pour savoir ce qu'il s'était passé entre Zoé et moi pour que nous ne parlions plus, et je leur ai simplement répondu que rien de grave n'était arrivé et que Zoé et moi n'étions pas fâchées, ce qui est vrai. Après cela, nous n'avions pas tellement reparlé, puisqu'elles restaient toujours collées à ma meilleure amie...

Meilleure amie qui elle aussi, n'arrêtait pas de m'affubler des regards mélancoliques. Je comprenais pourquoi et essayais de les ignorer, mais c'était difficile. Comment me concentrer sur ma tâche d'oublier mes sentiments pour Zoé si elle cherchait sans cesse mon regard, me suppliant silencieusement d'aller la voir et de lui parler ? Il y a maintenant deux semaines, je les ai aidées, elle et sa mère Valérie, à déménager chez les grands-parents de Zoé. Pogno et mes parents étaient également présents, comme je les avais prévenus de l'affaire qui tourmentait la vie de Zoé depuis quelques semaines : ainsi, nos deux familles coopéraient, se passant les cartons et s'aidant à monter les meubles. Nous étions si occupées par nos tâches et épuisées par le relayage de cartons que Zoé et moi n'avions pas vraiment le temps de discuter, ce qui était pour le mieux... Je n'avais aucune envie de la confronter après la confession de mes sentiments à son propos et les longs regards qu'elle m'adressait sans cesse.

Pourtant, à la fin de la journée, lorsque tous les cartons et meubles furent montés et installés dans la maison, mon père Patrick, ma mère Anne, Valérie et les grands-parents de Zoé se sont rassemblés dans la cuisine pour une discussion « entre adultes » (y entendre : mineurs interdits), dans laquelle mes parents allaient sûrement proposer une l'aide financière à la mère de Zoé, à la vue de leurs expressions significatives lorsque je leur ai expliqué la situation. Pogno s'est rapidement esquivée pour retrouver une amie, alors Zoé et moi sommes restées seules. Presque aussitôt, Zoé a commencé à me parler. Elle m'a confié qu'elle ne voulait pas rester chez ses grands-parents pour toujours, qu'elle avait peur qu'ils ne trouvent jamais un appartement, qu'elle détestait son père, qu'elle voudrait embrasser Théo mais est terrifiée de passer à l'acte, en partie car elle avait peur que je me retourne contre elle si elle se mettait en couple avec lui, et des milliers d'autres trucs. En entendant cela, mon crâne a commencé à me faire souffrir, mais je me suis efforcée à ignorer ce sentiment pour me concentrer pleinement sur Zoé. On a discuté pendant des heures. Je l'ai rassuré du mieux que j'ai pu, lui disant que tout irait bien et que mes parents pourraient toujours prêter de l'argent à Valérie, qu'elle n'était pas obligée de confronter son père maintenant, et que je ne lui en voudrais absolument pas si elle se mettait en couple avec Théo. Le pire, c'est que je le pensais : je ne serais pas malheureuse si elle se sortait avec lui, parce que je sais désormais que Théo est un garçon bien et qu'il rendra ma meilleure amie heureuse. Ma jalousie n'était pas totalement partie, car j'éprouvais toujours un pincement au cœur en lui assurant ses mots... Mais elle avait franchement diminué. En faisant cette constatation, je me suis sentie plus légère que jamais. A la fin de notre conversation, Zoé m'a prise dans ses bras, elle m'a dit que je lui manquais mais qu'elle comprenait ma décision, et qu'elle avait hâte que je revienne vers elle. Je n'ai rien répondu, me contentant de l'étreindre en retour.

Ce fut la première – et la dernière fois – que nous avons eu une véritable discussion après mon aveu. La semaine après le déménagement de Zoé, elle m'envoyait toujours des regards en coin, mais ils se sont petit à petit espacés et, de mon côté, je cessais de penser à elle, oubliant peu à peu mes sentiments pour ma meilleure amie. En tout cas, mes conseils ont eu l'air de marcher : Zoé a finalement osé embrasser Théo. Ils sont ensemble depuis quelques jours maintenant, et je suis bien sûr allée les féliciter et serrer chacun d'eux dans mes bras. Étonnement, presque toute ma jalousie a disparu. Je suis si comblée du bonheur de ma meilleure amie que je ne pense plus une seconde à mon amour pour elle... ou presque. Je me contente très bien de traîner seulement avec mes amis du théâtre ainsi que Dan, Louise, Mark et Simon, mais Zoé me manque. Parfois, c'est dur de rester séparée d'elle. Pourtant, je sais qu'elle me manque en temps que meilleure amie, pas en temps que la fille dont je suis éperdument amoureuse. Mes sentiments pour elle s'estompent lentement mais sûrement et je n'en ai jamais été aussi heureuse, je pense que, peut-être, nous pourrions retourner à la normale à la nouvelle année, lorsque tous mes sentiments se seront envolés ? Je l'espère. En attendant, je me contente de l'observer de loin, me réjouissant de son bonheur avec Théo (elle le mérite, surtout après le divorce de ses parents), tandis que je me concentre sur mes propres soucis : mes devoirs, ma famille et le théâtre.

Le théâtre... en pensant à cet élément majeur de ma vie, mon cœur s'allège. Libérée de tout mensonge ou confusion sur mes sentiments, j'ai pu me concentrer pleinement sur la pièce que nous interpréterons sur scène en fin d'année, un remix écrit par Adam – notre prof de théâtre – de « Roméo et Juliette » de Shakespeare. J'ai appris tout le texte de mon personnage, Gabrielle, qui une des protagonistes de la pièce. C'est elle qui vit une romance cachée avec Naïma, la ravissante voisine dont ses parents se méfient à cause de sa couleur de peau. Naïma, jouée par Iris... Avec qui les occasions de la draguer se multiplient donc. Comme nous avons pris la décision il y a un peu moins d'un mois, nous avançons doucement dans notre relation, passant de plus en plus de temps ensemble et flirtons davantage chaque jour. Au lycée, au théâtre ou même sur scène, dans la peau de nos personnages : l'occasion est toujours bonne pour s'échanger des regards timides, se taquiner l'une l'autre ou se complimenter. Je dois avouer qu'Iris m'aide aussi à passer à autre chose : à chaque fois que je suis avec elle, j'oublie tout de Zoé, bien trop absorbée dans la contemplation de ses grands yeux noirs et l'écoute de sa voix parfaite pour cela. Ce dernier mois, j'ai senti mes sentiments pour Iris grandir en même temps que ceux pour Zoé se fanaient. Iris est une fille absolument géniale, et, même si notre relation est toujours floue, étant de toute façon bien trop timides pour faire un mouvement concret l'une envers l'autre, j'ai hâte de voir ce que nous allons devenir dans le futur...

***

<Habit ~ Louis Tomlinson>

Le pas de quelqu'un s'approchant me sort de ma rêverie. Agacée, je grogne de mécontentement, retire mes écouteurs et lève mon regard vers la personne qui ose venir déranger le courant de mes pensées. C'est adolescent d'un peu près notre âge, à la peau mate et aux cheveux frisés. Il a l'air épuisé, la respiration lourde. Fouillant la pièce du regard, ses yeux finissent par tomber sur les deux amis du lycée d'Edward – Tao et Achille, si j'ai bien entendu leurs prénoms lorsqu'ils se présentaient aux membres de notre troupe de théâtre – et il se précipite vers eux.

Tao jaillit aussitôt de son siège, les yeux écarquillés.

« Hamid ? Qu'est ce que tu fais là ? »

Hamid... Je crois avoir déjà entendu ce prénom. Mon esprit encore ensommeillé a besoin de quelques secondes avant que l'information fasse tilt dans ma tête. Hamid ! Bien sûr ! Le garçon dont Edward nous avait parlé lors de notre expédition dans les montagnes menée par Lilly, il y a un peu plus d'un mois. Selon lui, ils flirtaient légèrement, mais le gars ne savait pas qu'Edward était trans, et Edward était effrayé par l'idée de lui avouer. Immédiatement, mon regard sur lui change, passant de regard-de-personne-normale en un super-regard-de-meilleure-amie-analysant-le-crush-de-son-pote. J'observe Hamid de haut en bas, scrutant et détaillant chaque partie de son corps et de son visage. Il est assez grand et svelte, avec des lunettes posées sur son nez droit. Ses cheveux noirs encore ébouriffés ainsi que ses vêtements simples enfilés à la va-vite (blue-jean, sweat-shirt de travers et baskets aux lacets défaits) m'indiquent qu'il est parti dans la précipitation... ce que je trouve plutôt touchant. Je ne connais toujours pas sa personnalité, mais en tout cas, en apparence, il m'a l'air d'être quelqu'un de bien. Puis soudain, je réalise l'endroit où nous nous trouvons... l'hôpital où se déroule la mammectomie d'Edward ! Mes yeux s'arrondissent comme des boules de bowling. S'il est ici, c'est qu'il est forcément au courant du fait qu'Edward est trans, et donc de son opération...

« Est-ce qu'Edward est là ? Demande Hamid sur un ton paniqué. Oh, mon dieu... Ne me dites pas que l'opération a déjà commencé.

- Si, il vient de partir avec ses parents et le médecin, » L'informe Achille.

Hamid lâche un juron. Yun, choqué, couvre les oreilles de Léo assis à ses côtés. Le petit Espagnol, agacé, se dégage de son camarade et change de place.

Hamid, lui, pousse un long soupir. Épuisé et transpirant, il s'effondre dans une chaise de libre.

« Putain... Souffle t-il.

- Euh, Hamid, intervient Tao. On t'aime bien et tout, mais qu'est ce que tu fais là ? »

Le brun aux cheveux frisés rougit et se redresse sur son siège recouvert de poils bleu foncé de la salle d'attente. Tout à coup, une nouvelle réalisation me monte au cerveau : les potes du lycée d'Edward, Achille et Tao, n'étaient pas au courant qu'il venait. La visite du crush d'Edward à l'hôpital est donc imprévue... et s'il n'était pas censé être au courant pour l'opération ? Je me demande même s'il sait qu'Edward est transgenre. Soudain, je ne sais plus si j'apprécie Hamid ou non. Sa venue dans le but de soutenir Edward avant sa mammectomie est-elle adorable ou totalement creepy ?

« Hum, pour tout vous dire, marmonne le brun en se grattant l'arrière du crâne, l'air embarrassé. J'ai en quelques sortes surpris votre conversation dans le couloir, il y a deux jours, avant notre cours d'italien... Vous parliez de l'opération chirurgicale d'Edward qui se déroulerait dans cet hôpital. Vous étiez assez explicites dans vos propos, alors j'ai rapidement compris de quoi il s'agissait.

- Mais.... (Achille jette un regard étonné à Tao, qui hausse les épaules.) Est-ce qu'Edward t'avait dit que... tu-sais-quoi ? »

Hamid secoue la tête.

« Non. Mais je me doutais qu'il y avait quelque chose... J'avais le sentiment qu'Edward me cachait un truc, car il se montrait distant dès que je me faisais un geste plus concret envers lui. Mais ça ne me dérange absolument pas, assure t-il. Et ça ne change rien à ce que je ressens pour lui. »

Oooh... OK, je le valide finalement. D'accord, venir ici sans y avoir été invité reste assez bizarre, mais comment ne pas le trouver adorable quand il fait des déclarations comme ça, entouré de tous les meilleurs amis d'Edward ? Tout le monde ne semble pourtant pas du même avis. Lilly, par exemple, le juge du regard, les bras croisés sur sa poitrine. Hamid a l'air de comprendre sa réaction, puisqu'il se tourne vers elle et déblatère :

« Je sais que j'aurais dû faire semblant de ne rien savoir et d'attendre qu'il se confie à moi, mais c'était impossible. En sachant que l'opération était ce matin dans cet hôpital, je ne pouvais pas rester chez moi en pensant à ce qu'Edward risquait. C'était plus fort que moi... je devais venir. »

Oooh... Encore plus adorable. Yun jette ses bras au plafond, l'air exaspéré.

« Mais c'est pas possible ! Suis-je le seul à être savoir que cette opération n'a pas de risques graves ou mortels ?

- Je n'ai rien trouvé sur Internet, explique Hamid, gêné. Du coup, j'ai légèrement paniqué...

- Exactement ! Je m'exclame. (Hamid tourne sa tête vers moi comme si c'était la première fois qu'il me remarquait dans la pièce.) Tu vois, Yun, je ne suis pas la seule à avoir eu une réaction démesurée. Fichu Internet !

- En attendant, déclare Willow sans se préoccuper de ma tirade, je suis désolé, Hamid, mais Edward est parti pour de bon. Nous ne sommes pas autorisés à le visiter avant dix-neuf heures ce soir.

- Dix-neuf heures ! S'écrit le concerné, les yeux écarquillés. C'est dans genre... huit heures !

- On est d'accord, grogné-je. Mais malheureusement, c'est le plus tôt qu'on puisse le voir. »

Hamid laisse sa tête tomber sur le dossier de sa chaise, roulant des yeux avec exaspération. Je comprends sa réaction : je ne pense pas pouvoir attendre huit heures à me ronger les ongles et me tourner les pouces sans savoir si Edward va bien ou pas. Même si son opération n'est pas à risques, selon Yun, je suis tout de même terrifiée à l'idée qu'un problème survienne ou qu'un des chirurgiens fasse une erreur. Pourtant, il faut me faire à l'idée que je ne verrais pas mon meilleur ami avant huit heures...

Je ré enfile mes écouteurs et enchaîne les chansons sur Deezer, stressant mentalement, attendant dans l'anxiété et le silence que les heures passent. Et apparemment, c'est le cas de tout le monde : je remarque que chacun est dans sa bulle, certains écoutants comme moi de la musique, d'autres non. Quelques-uns ont le tic nerveux de jeter toutes les cinq minutes un œil aux aiguilles se décalant sur la grande horloge de la salle d'attente. Je repère certains de mes amis s'endormir, comme Léo et Lilly qui tombent ensemble dans les bras de Morphée, la tête du bouclé sur l'épaule de la rouquine – un tableau absolument adorable. Je ne peux pas leur en vouloir : nous nous sommes tous levés assez tôt ce matin et la plupart d'entre nous – dont moi – n'ont pas pu dormir de la nuit tant leur niveau de stress était élevé. Iris peine également à rester éveillée, ses paupières se fermant quelques minutes puis se rouvrant brusquement sur ses grands yeux sombres. Finalement, elle s'endort à son tour, se lovant comme un chat sur son siège aux poils bleus, recroquevillée sur elle-même, yeux fermés, sa respiration se régularisant un peu plus chaque seconde. En l'observant, je souris, attendrie par le spectacle. Puis le sommeil me vient également : je ne peux m'empêcher de bâiller, mes yeux me piquant et tout mon corps s'alourdissant contre la chaise inconfortable de l'hôpital. Finalement, la musique pulsant toujours dans mes oreilles, je finis par m'assoupir.

Lorsque je me réveille, la grande horloge affiche treize heures pétantes, mes écouteurs sont tombés de mes oreilles et tout le monde est réveillé. Je me redresse, baille et m'étire comme un félin. Voyant que plus personne dans mes camarades ne sont sur leurs chaises, je commence à paniquer, me demandant si finalement nous pouvions visiter Edward plus tôt que prévu et s'ils sont tous allés le voir sans moi. Alors que je me créée mille scénarios dans ma tête, mes yeux verts tombent sur Yun, Iris, Léo et Fatouma qui discutent un peu plus loin, et je comprends rapidement la situation : la salle d'attente étant quasiment remplie à présent, mes amis se sont levés pour laisser leur place aux malades, blessés ou personnes âgées : en effet, je repère Tao, Achille et Hamid qui boivent nerveusement leurs canettes de soda près d'un distributeur et Willow et Lilly qui chuchotent avec un grand sérieux dans un coin de la salle. Je me lève pour rejoindre mes amis.

« Ah ! Beth, tu es enfin levée, constate Yun en me voyant arriver.

- Vous auriez dû me réveiller ! Je proteste mollement en me frottant les yeux.

- Tu étais tellement adorable en dormant qu'on ne voulait pas te déranger... »

C'est Iris qui a dit ça, en m'attribuant un clin d'œil taquin. Je pique un fard.

« On pensait aller manger un morceau dans le parc juste à côté de l'hôpital. On a tous super faim, et nous ne pourrons pas voir Edward avant six heures au moins, alors autant aller profiter de ce temps libre pour faire autre chose, » M'explique Fatouma.

Je secoue la tête, catégorique. Hors de question que je sorte de l'hôpital. Et si le Docteur Scott revenait pour nous dire que l'opération s'est mal déroulée ? Ou que finalement elle a été plus rapide que prévu et que nous pouvons visiter Edward dès maintenant ?

« Hors de question, j'élucide. Allez-y si vous voulez, moi, je ne bouge pas de la salle d'attente.

- Sois raisonnable, Beth, me fait doucement Yun. Je suis sûr que tu meurs de faim. »

C'est vrai que je sens mon estomac se tordre désagréablement... Je dois l'avouer, j'ai super faim. Cette nuit, j'ai à peine dormi et ce matin, je n'ai pas pu avaler une seule de mes tartines, bien trop nerveuse. Soudain, j'ai honte. Mon meilleur ami est en train de subir une opération chirurgicale qui va changer sa vie à jamais et moi je pense à manger ? C'est presque égoïste. Heureusement, Iris a l'air de lire dans mes pensées, car elle place ses mains sur mes épaules et plonge ses yeux dans les miens. Je me laisse faire, troublée. Elle me déclare avec gravité :

« Beth, tu dois manger. C'est un besoin naturel, comme boire, dormir ou aller aux toilettes, toi comme Edward n'y peuvent rien. Et puis, nous ne pourrons pas le voir avant six heures ! Tu ne vas quand même pas passer l'après-midi à te tourner les pouces en attendant que les heures filent ?

- D'accord, mais et si...

- ... Si tu ne manges pas ce midi, tu feras très certainement un black-out, affamée, et tu ne pourras pas visiter Edward à dix-neuf heures parce que tu seras évanouie, me coupe Iris, implacable. C'est ce que tu veux ? »

Ma gorge se serre. Non, bien sûr que non, je ne veux pas ça. Iris a raison, je dois déjeuner.

« Non, je soupire. D'accord, je veux bien manger un morceau. »

La jeune fille sourit grandement, lâchant mes épaules. Dommage, j'aimais bien le contact de ses mains sur mon corps. Je sens aussitôt mon visage s'empourprer. Merde, Beth, tu penses à quoi ?

« Super alors ! On a plus qu'à prévenir les autres. »

Elle va aussitôt chercher Achille, Tao et Hamid alors que Léo se charge d'aller voir Willow et Lilly. Bientôt, le petit groupe est rassemblé et nous partons tous en direction de la région de l'hôpital appelée « Cafétéria, restaurants et boutique souvenir ». Nous nous achetons un sandwich chacun et partons nous installer manger notre pique-nique sur la pelouse de l'hôpital. Le décor n'est pas vraiment agréable, avec un immense parking et des bâtiments hospitaliers partout autour de nous, mais heureusement, le soleil brille et le ciel est bleu. Il fait plutôt froid, alors je suis emmitouflée dans la doudoune géante que mes grands-parents m'ont offert à mon anniversaire dernier (je me suis promise à moi-même de ne jamais enfiler ce monstre de ma vie, mais en partant ce matin, ma mère m'a forcé à le mettre, profitant de ma faiblesse physique et mentale pour me manipuler. La traîtresse !). Je mords machinalement dans mon sandwich au poulet. II est caoutchouteux, a peu de goût et manque terriblement de crudités, mais je me force à avaler ma bouchée. Je dois bien manger quelque chose !

La situation n'est pas privilégiée pour un pique-nique entre amis, mais, même si nous sommes tous préoccupés et anxieux par le déroulement de l'opération d'Edward, nous nous forçons à communiquer les uns avec les autres. Et il faut dire que Tao, Hamid et Achille sont plutôt sympas ! Nos conversations sont relativement simples, nous échangeons simplement des anecdotes sur notre lycée ou discutons de films que nous apprécions. Je ne participe pas vraiment, mon regard se dirigeant constamment vers l'hôpital dans un tic nerveux.

Soudain, je sens une main se poser sur la mienne. Surprise par ce contact inattendu, je tourne brusquement la tête vers... Iris, assise à mes côtés. Elle ne me regarde pas, poursuivant sa discussion avec Hamid sans s'interrompre. Je comprends rapidement qu'elle a vu que je n'étais pas très bien et a voulu me réconforter. Je sens mes joues chauffer doucement et j'oublie momentanément Edward en observant le superbe profil d'Iris alors qu'elle rit avec Hamid. Elle est tellement belle...

Finalement, la main d'Iris dans la mienne, l'après-midi passe beaucoup plus vite. Je finis prendre part à la discussion et passe un bon moment à parler avec mes amis, Tao, Achille et Hamid. Ce dernier se montre très gentil, même si son enthousiasme est entravé par le stress de l'opération qui se déroule à l'intérieur de l'hôpital. Au bout d'un moment, Achille, qui a emmené un jeu de cartes et un UNO, propose que nous fassions quelques parties pour alléger l'ambiance. Les jeux de Mistigri, UNO, Loups-garous, Président et autres s'enchaînent et le temps file en un éclair. Je repère du coin de l'œil Fatouma et Tao qui semblent très complices lors d'une partie de Quems où ils sont partenaires, bavardant, riant et se faisant des checks dès qu'ils remportaient un point. Ce spectacle me fait sourire. Nous jouons jusqu'à ce que le ciel commence à s'assombrir, vers dix-sept heures et quelques. Nous rentrons donc dans le bâtiment des opérations chirurgicales et nous réinstallons dans la salle d'attente. Naturellement, la main d'Iris est restée dans la mienne tout du long, et elle y est toujours alors que nous nous asseyons côte à côte. Je vois mes camarades du théâtre s'échanger des regards conspirateurs, mais je m'en fiche, enlaçant nos doigts ensemble. Nous ne nous regardons pas, nous ne parlons pas, mais à cet instant, il y a une connexion inexplicable entre nous qui réchauffe mon cœur et me retourne le ventre de façon agréable.

J'attrape ma paire d'écouteurs et la connecte à mon téléphone portable. Je remarque Iris qui les scrute sans rien dire. Comprenant sa demande inaudible, je lui tends un des écouteurs, qu'elle attrape alors que j'enfonce l'autre dans mon oreille gauche. Sur Deezer, je lance à nouveau « Mars » de Yungblud et nous fermons les yeux dans un même mouvement, main dans la main, en écoutant la mélodie et les mots bouleversants qui constituent cette œuvre d'art.

Is there any life on Mars?

Les yeux fermés, mes doigts entrelacés avec ceux d'Iris, je suis plongée dans une sorte de transe. Puis, au bout d'un moment, j'entends un pas familier résonner contre le sol en plastique de l'hôpital. C'aurait pu être n'importe qui, bien sûr, un tas de personnes sont entrées et venues dans la salle d'attente depuis que nous sommes ici. Mais j'ai un espace de don bizarre depuis la naissance, assez inutile, qui est de reconnaître les personnes à la manière dont ils marchent (hérité de mon père, il paraît) et là, je suis persuadée qu'il s'agit de la Docteur Scott. Je rouvre brusquement les paupières et constate que j'avais raison : c'est bien le médecin qui s'est occupée d'Edward qui arrive vers nous. Je lâche la main d'Iris pour hors bondir de ma chaise, tout comme Paul et Sarah, les parents d'Edward qui étaient partis déjeuner comme nous mais sont revenus beaucoup plus tôt. La docteur Scott nous adresse un sourire aimable avant de nous annoncer :

« L'opération s'est très bien passée. Edward est réveillé, vous pouvez venir le voir. »

***

<Demons ~ Imagine Dragons>

Sans attendre une seconde de plus, je me précipite derrière le médecin et la suit, accompagnée de tous mes amis, à travers les dédales de l'établissement. Nous arrivons devant la porte de la chambre d'Edward et je pourrais me ronger les ongles, chose que je n'ai pas fait depuis des années, tant je suis nerveuse. Bien sûr, l'infirmière à sa charge nous informe qu'on ne peut pas y aller tous en même temps, le nombre maximum de visiteurs étant limité à trois personnes dans la pièce. Les parents d'Edward ayant évidemment la priorité, ils pénètrent en premier dans la chambre, me laissant apercevoir mon meilleur ami une demi-seconde. J'attends les cinq plus longues minutes de ma vie, mon cœur battant à la chamade, puis Paul et Sarah sortent finalement de la salle, reniflant des larmes de joie et de soulagement. Au comble de la nervosité et de la hâte, je perçois à peine les parents d'Edward échanger quelques mots avec l'infirmière et cette dernière m'autoriser à entrer dans la chambre. Tremblant de toutes parts, j'y pénètre pas à pas et m'accroupis doucement près du lit où Edward est allongé.

Un sourire flotte sur ses lèvres. Il a l'air heureux, vraiment. Un énorme bandage blanc entoure son torse et sa poitrine désormais presque plate, avec un tronc d'apparence plus masculine. Je ne peux défaire mon regard du bandage, émue. Edward rit légèrement.

« Plutôt ridicule, hein ? Normalement, je pourrais l'enlever d'ici quelques jours. »

Sa voix est faible et rauque. Il a l'air épuisé : lorsque je lève le regard sur son visage, je le découvre encore plus pâle que d'habitude, des grandes cernes sous ses yeux. Je suis troublée un instant par les nuances de gris passant dans ses iris : je crois que cela fait plus d'un an que je n'ai pas vu la vraie couleur de ses yeux. Il a dû retirer ses lentilles bleu électrique pour l'opération, et ça fait un choc d'être confronté à ses véritables iris. Mais, quelque part, je crois que j'aime mieux Edward ainsi. Les lentilles rendaient son regard dur et impénétrable, presque impersonnel... Là, je peux être témoin toutes les lueurs grises brillant dans ses yeux, son bonheur et son émotion explosant de couleurs. Cette simple vue me fait sourire, et me rend encore plus émue. Sans pouvoir me retenir plus longtemps, je fonds en larmes aux côtés d'Edward. Ce dernier écarquille les yeux, l'air paniqué.

« Beth, ça va ? Questionne t-il, affolé. Beth !

- Ca va, sangloté-je. Je vais bien. Mais toi (Je me redresse soudainement et pointe un doigt accusateur vers lui sans cesser de renifler), toi, est-ce que tu vas bien ? »

Il fronce les sourcils devant ma petite performance, mais finit par pouffer légèrement.

« Un peu fatigué, mais sinon, je n'ai jamais été plus heureux... Je n'arrive pas à croire que je l'ai fais. »

Je souris à travers les larmes qui me brouillent la vue et saisis la main encore froide d'Edward.

« Moi non plus. Et je suis tellement, tellement fière de toi.

- Je suis fier de moi aussi, avoue t-il avec un timide étirement de lèvres.

- Je l'espère bien, Eddie ! T'as de quoi ! »

Je serre sa main dans la mienne et m'approche un peu plus du lit pour poser ma tête contre la poitrine d'Edward. Son visage se tord de souffrance et il gémit, cette zone encore très douloureuse de par la récente opération. Je me relève aussitôt et m'excuse un milliard de fois, à la limite d'éclater à nouveau en sanglots, ce qui fait rire doucement Edward. Je finis par rire moi aussi et place ma tête sur son ventre. Nous ne disons rien pendant un moment, nos mains liés. Je suis tellement sur les nerfs, fatiguée mentalement comme physiquement, mon cœur et mon esprit remplis de joie et de fierté pour mon meilleur ami, que je sens qu'il suffirait qu'Edward me dise un mot pour que je me remette à pleurer. Même la sensation de sa respiration régulière soulevant et creusant son ventre sous mon crâne m'émeut.

Nous restons ainsi, comme deux pièces d'un puzzle, durant plusieurs minutes. Puis je repère Hamid qui patiente derrière la porte, faisant les cent pas en se rongeant les ongles. J'ai envie de rester ici pour toujours, mon oreille pressée contre le souffle d'Edward, mais je ne peux pas. D'autres personnes attendant de le voir et ce serait égoïste de ma part de le garder seulement pour moi. Hamid est un mec bien et il a attendu autant que nous pour visiter Edward. Je soupire, le cœur serré. Lentement, je me défais de mon meilleur ami, lui tenant toujours la main.

« Edward, prononcé-je dans un murmure. Tu es quelqu'un d'incroyable, d'accord ? Ne l'oublie jamais. Tu es beau, tu es courageux, tu es fort et surtout, tu es aimé. Par ta famille, par tes amis, par moi... Tu es entouré d'amour et je veux que tu te le rappelles à chaque instant de ta vie.

- Beth, ris le concerné en m'interrompant. Je vais bien, OK ? Je n'ai pas de pensées suicidaires...

- Tais-toi, je n'ai pas fini mon discours ! » Je le coupe, implacable, en serrant si fort sa main que ses jointures deviennent aussi blanches que ses cheveux.

Edward grimace. Je prends une grande inspiration et poursuis, les larmes aux yeux :

« Je voulais juste de dire à quel point je t'aime et je suis fière de toi. Putain, Edward, tu es l'une des personnes qui comptent le plus dans mon cœur et... même si tout va bien, c'est important de rappeler cela aux gens qu'on aime, non ? »

L'expression d'Edward s'adoucit. Ses yeux gris brillent légèrement.

« Ouais, confirme t-il. C'est important. »

Il serre ses doigts contre les miens, son regard aux nuances d'orage ancré dans le mien.

« Je dois y aller, murmuré-je. D'autres gens attendent pour te voir. On se voit demain matin ? »

Edward hoche la tête simplement. Je lui fais un dernier signe de la main, puis me faufile hors de la pièce, le cœur gros. L'infirmière donne l'autorisation à Hamid d'entrer, et le pauvre garçon, tout timide et nerveux, pénètre dans la chambre. J'ai à peine le temps de voir les yeux de mon meilleur ami s'écarquiller de surprise avant que la porte ne se referme derrière Hamid. J'expire et inspire profondément. Tout mon corps est tremblant, et même lorsque je ferme les yeux, des larmes se pressent contre mes paupières, suppliant de jaillir. Les sillons de mes pleurs traçant des chemins transparents le long de mes joues, je décide de m'asseoir, sentant mes jambes trop faibles pour tenir plus longtemps. Je me laisse tomber contre le mur du couloir et serre mes genoux contre moi, essuyant mes sanglots avec le revers de ma main.

Ma vue brouillée et mes sens confus par le trop-plein d'émotions, je sens à peine une présence s'installer à côté de moi. Ce n'est que lorsque je relève le regard que je distingue la silhouette floue d'Iris, assise à ma droite contre le mur trop blanc de l'hôpital. Elle me scrute, soucieuse.

« Tu vas bien ? »

Je hoche la tête en chassant les dernières larmes s'échappant de mes yeux verts.

« Ouais, ouais. Je vais bien.

- Sûr ? » Questionne t-elle avec inquiétude.

Je pouffe légèrement, attendrie par sa préoccupation.

« Sûr. (Je prends une grande inspiration, levant mon regard vers le ciel indiscernable depuis le bâtiment.) Je suis juste... tellement heureuse. Et tellement émue, et tellement fière ! Mes émotions sont positives, mais d'une telle puissance que la seule manière de les extérioriser, c'est de chialer comme une gamine. Je ne sais pas si ça fait sens... »

Je laisse ma phrase en suspens, mon regard fixé sur la peinture écaillée du plafond.

« Si, plutôt, répond Iris après quelques secondes de réflexion. Mais c'est aussi une des raisons pour laquelle tu me plais. Tu es quelqu'un de sensible, qui aime profondément ses amis et partage leurs peines comme leurs joies. Tu ressens les choses à 200%, mais c'est ce qui fait de toi qui tu es. »

Je sens mon visage me brûler, mes joues virant rose pivoine. Même si nous nous sommes déjà avoué mutuellement que nous nous plaisions, il y a trois semaines de cela, c'est la première fois depuis qu'une d'entre nous le redit franchement.

« D'ailleurs... hésite Iris. Ce n'est peut-être pas le bon moment, et je sais que tu voulais continuer cette relation pas à pas, prendre ton temps, mais... Je me demandais si tu voudrais aller au cinéma avec moi, samedi prochain ? Il y a le nouveau Star Wars qui sort. Ca pourrait être sympa... Non ? »

Je me fige. Est-ce qu'Iris vient de me proposer un rendez-vous ? Je me tourne lentement vers elle, stupéfaite, le rythme de mon cœur s'accélérant dans un tempo endiablé.

« Après, si tu ne veux pas, il n'y a pas de problème, continue précipitamment la jeune fille, fixant le mur en face d'elle pour ne pas risquer de rencontrer mon regard. On peut...

- Ça me ferait très plaisir, » Je l'interromps doucement.

Abasourdie, c'est au tour d'Iris de se statufier, ses grands yeux noirs écarquillés.

« J'adorerais aller au cinéma avec toi pour voir le prochain Star Wars, clarifié-je. Il sera sûrement nul, mais bon, vu qu'on sera ensemble, ça ne pourra pas être si terrible. Tu m'enverras un message avec l'adresse du cinéma et l'horaire de la séance ? »

Un immense sourire se dessine sur son visage, plissant adorablement sa peau sombre aux coins de ses yeux. Le bonheur éclairant ses traits la rend plus belle de toutes les femmes.

« Super. OK. Merci. Je ferais ça. Super.

- Super, » Confirmé-je doucement, la regardant avec un tendre sourire aux lèvres.

Puis je me relève et va rejoindre Willow et Lilly qui discutent plus loin dans le couloir.

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