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ACTE II - Scène 13

Samedi 17 Octobre, 22 : 43

<Kiwi ~ Harry Styles>

Quelques minutes plus tard, la soirée démarre doucement mais sûrement. Tout en me servant un verre de bière au bar – je ne commence pas les alcools forts avant au moins une heure de passée à une soirée, c'est une règle que je me suis mise à moi-même pour ne pas finir bourrée dès dix-neuf heures – j'avise Iris qui va voir chacun des membres de la troupe pour les remercier et les embrasser sur les deux joues, radieuse. Elle a l'air véritablement heureux de la surprise, et la voir ainsi réchauffe mon cœur. Tout en sirotant ma bière, je passe également voir tout le monde pour les féliciter sur la décoration du bar et toute l'organisation, et presque tous me complimentent sur ma tenue. Entendre ces paroles renforce ma confiance en moi, et bientôt je me sens mieux que jamais, sûre de moi et confortable dans cette jupe que j'ai tant hésité à enfiler. Lorsque je m'approche d'Edward, je vois qu'il observe mes vêtements avec un étonnement teinté de fierté.

« Woaw, t'es canon. Tu devrais mettre ce genre de choses plus souvent. »

Un sourire amusé s'esquisse sur mes lèvres tandis que mon visage rosit légèrement. Je bois une gorgée de bière sans le quitter des yeux.

« Tu n'es pas mal non plus, » Je déclare en désignant sa chemise blanche rentrée dans son jean où il a déboutonné les trois premiers boutons.

Depuis un an maintenant, Edward fait pas mal de sport. Il dit que ça lui permet d'oublier ses problèmes de la vie, les cons qui l'insultent ou sa dysphorie. Même si c'est initialement une activité conseillée par sa psychologue pour évacuer ses soucis, le sport a aussi l'avantage de lui construire des épaules plus larges et des muscles plus dessinés, ce qui rend Edward mieux dans sa peau et réduit sa dysphorie lorsqu'il se croise dans un miroir. Aujourd'hui, il se sent plus sûr de lui que jamais, et je le vois bien avec la tenue qu'il a choisi pour ce soir : six mois plus tôt, jamais il n'aurait osé la mettre, et je suis fière de constater cette évolution.

« Sérieux, si je ne préférerais pas les mecs, je te draguerais direct. Attend, fais voir ? »

Il m'attrape la main pour me faire tourner sur moi-même. J'éclate d'un rire léger, mais finit par m'exécuter, ravie. Après quelques autres compliments échangés d'un ton taquin, nous finissons par simplement discuter de la vie, rire et blaguer. A un moment, il cite Rachel, la jolie livreuse que j'ai dû draguer la semaine dernière, et je me mords la lèvre, toujours embarrassée par cet épisode : je n'ai absolument pas rappelé Rachel et j'ai à peine pensé à elle ces derniers jours. J'espère qu'elle n'espérait pas trop un appel de ma part et qu'à présent, elle est heureuse et que tout va bien dans son école d'ingénieur.

J'aime la relation que je partage avec Edward : nous sommes toujours là l'un pour l'autre pour parler des choses sérieuses, mais nous pouvons aussi bavarder, se plaindre de nos vies ensemble et s'amuser comme des ados normaux. A ce moment là, à simplement échanger avec lui, j'oublie les problèmes qui me pèsent sur l'esprit et ne songe qu'à passer un bon moment, mes amis – et sûrement la bière que je tiens dans mes mains – m'aidant à me changer les idées. Edward et le genre de personne à qui on peut livrer tout ce qu'on a sur le cœur comme on peut rire et ne rien prendre sérieusement. C'est pour ça que je l'aime autant, et c'est pour ça qu'il restera toujours l'un de mes meilleurs amis.

La soirée évolue, continue doucement dans une ambiance fraternelle et chaleureuse. Je termine doucement ma bière et papillonne dans l'espace, allant visiter toute la troupe, pour plaisanter avec Lilly et Léo, se remémorer des souvenirs ensemble avec Yun et Edward ou taquiner Fatouma et Willow pour savoir qui a été le meilleur à l'audition d'hier. Nous mangeons, buvons, discutons sans se presser. Je me sens détendue, sirotant mon verre d'alcool, passant du bon temps avec mes amis, sans pression, sans soucis. La soirée continue dans cette dimension jusqu'à ce que Léo se glisse derrière le bar et brandisse fièrement les bouteilles de soda et d'alcool, attirant notre attention.

« Cocktail time ! » Il hurle à travers la pièce.

J'éclate de rire. Nous l'acclamons et le sifflons tous, enthousiastes.

« Qui veux commencer ? Lance t-il en secouant une bouteille d'alcool tel un professionnel.

- Moi ! S'écrie Willow en levant la main.

- Génial, se réjouit le petit brun. J'ai préparé plusieurs petits modes de préparation de cocktails. Par exemple, si tu veux être ennuyeux, tu peux composer toi-même ton propre mélange. Tu peux avoir le choix entre quelque chose de doux, avec beaucoup d'un seul soda par rapport à un petit taux d'un seul alcool, ou bien un cocktail uniquement composé d'alcool (Je grimace, me disant que ça ne doit vraiment pas être bon, ni en goût ni pour la santé), ou bien un mélangeant plusieurs alcools et plusieurs sodas.

- Je n'arrive pas à croire que je laisse des enfants faire ça, marmonne Yun dans sa barbe.

- Des enfants ? Ce n'est pas parce que tu es né quelques mois avant moi que tu es plus mature et responsable, s'offusque Willow. Ca va, c'est juste de l'alcool. »

Yun lève les yeux au ciel, mais n'ajoute rien. Je sais qu'il laisserait boire Edward, Fatouma et Willow sans problème, car après tout leur différence d'âge mais pas si grande. Néanmoins, pour moi, Lilly, Iris et Léo, qui avons tous quinze et seize ans, il risque de tiquer plus facilement si nous nous approchons des alcools forts. Je sais qu'il n'as pas tort de réagir comme ça, et que le plus vieux du club se préoccupe uniquement de notre santé (et à ne pas avoir à nous traîner dans nos lits ce soir, lorsque nous serons tous déchirés et affalés aux quatre coins de la pièce, à demi endormis). Mais aujourd'hui, je n'ai pas la tête à m'inquiéter de cela, je veux simplement profiter un maximum.

« Ou, continue Léo, si tu veux être amusant et super-cool, tu peux choisir de prendre un cocktail surprise. Je te prépare le pire ou le meilleur cocktail du monde dont tu ne connaîtras aucun des ingrédients, et que tu seras forcé à boire. »

Ca, s'est plus intéressant. L'Espagnol poursuit.

« Ou alors tu peux préparer un cocktail que tu seras forcé à partager avec quelqu'un, ou...

- Option deux ! » Le coupe brusquement Willow, nous faisant applaudir et siffler à nouveau.

En charmeur.se qu'iel est, Willow se penche vers le barman sans lâcher son regard, jusqu'à ce que leurs deux visages ne soit qu'à une poignée de centimètres l'un de l'autre.

« Surprends-moi, » Murmure le.a brun.e dans un souffle, ses iris brunes ancrés dans celles de Léo et un rictus charismatique incurvant la ligne ses lèvres.

J'éclate de rire. Même si Willow est habituellement le genre de personne qui adore faire du charme, on voit facilement qu'iel n'est pas à un verre près. Pourtant, Léo ne semble pas dérangé le moins du monde : lui aussi, c'est un dragueur de première, même si ses techniques sont souvent moins fines et subtiles que celles de son.sa camarade de théâtre. Avec un sourire entendu, le petit bouclé se met aussitôt au travail derrière le bar, mélangeant alcools, sodas, jus et même d'autres choses trouvées dans les placards, comme des fruits, du miel ou de la crème Chantilly.

« On a le droit de se servir dans le bar ? Questionne Edward à voix haute.

- Si on s'aperçoit que des trucs ont disparu, je paierais, rétorque Léo, toujours concentré dans la fabrication du cocktail de Willow. Mais j'en doute. C'est quoi, deux-trois fruits en moins ? »

Personne ne conteste, même pas Yun qui se contente d'une grimace qui en dit long sur son avis sur la chose. Une minute plus tard, Léo sort fièrement le résultat de derrière le bar, présenté dans un verre à la structure élégante agrémenté de sucre sur le rebord. Je constate un liquide d'une couleur orangée où semble flotter de petits bouts de fruits que je n'arrive pas à distinguer de là où je suis.

« Je l'ai appelé « Merveille des Caraïbes », affirme l'Espagnol.

- Est-ce que tu connais les cocktails qu'on fait aux Caraïbes, au moins ? » Lance Iris.

Léo la foudroie du regard sans répliquer.

« Bref, elle est toute à toi, Willow. »

Sans manifester le moindre signe d'inquiétude, le.a séducteur.rice attrape le verre et boit une gorgée avec bravoure. Iel grimace presque aussitôt, répugné.e.

« Qu'est ce que t'as mis dedans ? C'est totalement écœurant...

- Ca, je ne sais pas, affirme mystérieusement Léo. A toi de deviner.

- Si j'ai tous les ingrédients justes, qu'est ce que je gagne ? »

Le bouclé prend quelques instants pour réfléchir.

« Si tu devines tous les ingrédients, je quitte la compétition pour le rôle de « Juliette » dans la pièce, » Finit-il par déclarer, l'air sûr de lui.

Voilà qui est intéressant. A vrai dire, Léo n'était pas l'un des compétiteurs dont je m'inquiétais le plus, mais il est tout de même très bon comédien, et avoir quelqu'un en moins à battre dans l'affrontement est toujours positif. Willow semble penser la même chose que moi, car son expression est piquée de curiosité, un rictus se dessinant sur ses lèvres.

« Hum... Jus de mangue, pour sûr, affirme t-iel. Et des morceaux de fruit de la passion. »

Léo hoche la tête. Willow trempe à nouveau ses lèvres dans la boisson.

« Il y a aussi de la tequila... Et tu as rajouté du sucre.

- Correct, mais il manque un ingrédient.

- Heeeeu... (Iel reboit une gorgée du mélange.) De l'Orangina ? J'ai l'impression que ça pétille.

- Faux, s'exclame Léo d'un ton triomphant. De l'Oasis mélangé à de l'eau gazeuse. T'as perdu ! »

Willow repose brutalement son verre, l'air indigné.

« Tu avais dit qu'il restait un ingrédient, pas deux. J'ai gagné !

- Je n'ai jamais avancé que je ne pouvais pas mentir. »

Le.a concerné.e soupire exagérément tandis que nous rions en chœur.

« A qui le tour ? Lance l'Espagnol, fier de sa blague.

- Moi ! Je m'écrie en levant la main. Je veux préparer des cocktails pour Edward et moi.

- Le bar est tout à toi, chérie, » Fait le bouclé en m'attribuant un clin d'œil appuyé.

Je lève les yeux au ciel, habitué par les gamineries de Léo, et me glisse derrière le bar. Edward me dévisage d'un air curieux. Une idée en tête, je prépare deux verres et concocte ma recette un peu au hasard, n'y connaissant pas grand-chose en mélanges. Finalement, je mixe une base de vodka avec du concentré de fruits rouges et du Coca. Je saisis quelques framboises et les coince sur les rebords des verres, avant d'appliquer de la crème Chantilly sur le reste de la bordure, qui étonnement tient assez bien, puis je dévoile avec crânerie les deux verres que je pose sur le bar.

« Prêt ? » Je lance en direction d'Edward.

L'ado aux cheveux blancs acquiesce, intrigué, et saisit un contenant tandis que je prends l'autre. Nous nous emboitons les coudes et ancrons nos regards l'un dans l'autre.

« Trois... deux... un ! » J'élucide.

En même temps, nous portons les verres à nos lèvres et avalons une grosse gorgée. Le liquide contraste entre les bulles du Coca, le côté fruité et sucré des fruits rouges et le goût alcoolisé de la vodka, ainsi que celui plus léger de la crème Chantilly qui est restée sur mes lèvres. Ma langue palpite sous les différentes saveurs, ma gorge brûle, et le goût général du cocktail est assez disparate, mais, au final, je ne trouve pas ça mauvais. La bouche d'Edward, elle, se tord de dégoût.

« C'est super sucré !

- J'ai mis du Coca Light ! » Je proteste, faussement offusquée.

Edward finit par rire, mais repose sa boisson, alors que je garde mon propre cocktail en main pour le terminer. C'est au tour de Lilly de se précipiter pour son propre cocktail surprise, joueuse, puis, petit à petit, presque tous les membres de la troupe se laissent tenter, à l'exception de Fatouma qui ne boit pas et se contente de mélanges sans alcool. Lentement mais sûrement, sous les effets de l'alcool et de l'excitation générale, l'ambiance de la soirée prend un tout autre virage, oubliant la partie détente. Après encore quelques cocktails et défis lancés à droite à gauche, Willow s'empare de son portable reliée à la stéréo du pub où se joue la playlist qu'il a méticuleusement préparé durant la journée. La musique de fond change brusquement pour une beaucoup plus entraînante et dansante qui explose à travers les enceintes de la stéréo. De l'alcool dans le sang, tous mes amis se mettent à rire, applaudir et danser avec enthousiasme. Éclatant de rire, je pose mon cocktail non achevé sur le bar et présente ma main à Edward qui se trouvait devant moi, lui proposant implicitement une danse. Ses lèvres se courbent dans un sourire amusé reflétant le mien. Sans qu'aucun mot ne soit échangé, Edward attrape mes doigts et je l'entraîne sur la piste, entre tous mes amis, pour une danse endiablée sans queue ni tête dont le ridicule nous désopile tout les deux.

***

<Cliffs Edge ~ Hayley Kiyoko>

Nous nous bidonnons, nous dansons, nous buvons. Les chansons s'enchaînent sur la playlist entraînante de Willow, et les verres également, se vidant aussi rapidement qu'ils se sont remplis. Les discussions deviennent de plus en plus légères, perdant en sérieux et gagnant en grands éclats de rire à des moments aléatoires. Les danses se multiplient : à présent, presque tout le monde est au centre de la pièce, à se trémousser, inventer des mouvements plus ou moins sensuels, joyeux ou ridicules. Avec un rire trop exagérément fort pour être sincère, j'attrape la main d'Edward et l'entraîne dans quelques pas d'un rock endiablé.

Je ne connais pas vraiment le rock, mais je me souviens qu'une fois, Zoé, toute fière, m'avait indiqué quelques pas. Nous devions avoir aux alentours de treize ans et elle venait de rentrer d'un voyage aux États-Unis avec ses parents. A l'époque, je l'avais envié, mais, plus tard, j'ai compris que c'était le seul et unique voyage en dehors de la France qu'elle avait fait avec sa famille. Ses parents n'avaient pas l'argent de l'emmener prendre l'avion une fois tous les deux ans comme les miens le faisaient, et ils avaient passé des années à économiser pour cette odyssée. Je me suis donc sentie horriblement mal d'avoir été si jalouse. Zoé, toute excitée, m'avait expliqué tout ce qu'elle avait fait là-bas, et en particulier danser le rock. Dans ma chambre, lors d'une de nos soirées pyjama, elle s'était soudainement levée de mon lit et m'avait attrapé les mains, pour me montrer avec fierté les pas qu'elle connaissait. En même temps, elle fredonnait – de façon très fausse – un morceau de vieux rock que ses parents écoutaient énormément et qu'elle connaissait par cœur. Au début, j'ai tiré une drôle de tête, mais après dix minutes de supplications et d'yeux doux de sa part, j'ai accepté de me mouver avec elle. J'étais d'abord maladroite et peu à l'aise, mais le rire de Zoé m'a aidé à oublier le ridicule et nous avons continué de danser ainsi, elle m'enseignant les pas et moi apprenant tant bien que mal, en chantonnant une musique rock. Une heure plus tard, nous nous sommes effondrés sur mon lit double, épuisées et mortes de rire. C'est pourquoi j'ai gardé en tête quelques uns des mouvements qu'elle m'avait appris et qu'à présent, je maîtrise – à peu près – cette danse.

Je ferme les yeux un bref instant pour chasser ces pensées. Même bourrée, je m'efforce à ne pas laisser Zoé traverser mon esprit, à l'oublier comme je dois oublier mes soucis... En tout cas pour ce soir. Je me laisse donc emporter dans le balancement de la danse, tenant fermement les mains d'Edward dans les miennes, faisant un pas en avant, un pas en arrière, tournant et le faisant tourner, riant et le faisant rire. Sur une bande-son n'ayant rien à voir avec la danse, je me concentre uniquement sur le tempo rythmé de la musique et continue de me mouver comme s'il n'y avait qu'Edward et moi au monde. Malheureusement, deux ou trois chansons plus tard, mon ami se sépare de moi.

« Je suis crevé, je vais boire un verre d'eau au bar, » Me lance t-il.

L'instant d'après, il disparaît dans la foule des corps de mes camarades du théâtre. Je fais la moue, mais ne réplique rien. Ma déception est de toute manière de courte durée : quinze secondes plus tard, Edward a complètement quitté mes pensées et je danse comme une folle parmi mes amis, sans me préoccuper de rien. Le temps me paraît comme en expansion, ou en contraction, je ne sais plus. J'ignore quelle heure il est et depuis combien de temps je danse ainsi. Et je crois que je m'en fiche. J'apprécie simplement bouger et me mouver sur des musiques dont j'ai oublié les paroles, les yeux fermés m'empêchant de voir les corps de mes amis autour de moi, le lieu où je me trouve et les lumières rouge-orangées qui semblent bouger sur le même rythme que nous. La musique est trop forte, elle pulse dans mes oreilles à m'abîmer l'ouïe, et j'ai mal à la plante de mes pieds à force de sauter contre le sol avec mes bottines à talons, mais je m'en fiche. Ou plutôt non, j'ai trop mal aux pieds. Je saisis mes deux chaussures et les ôte rapidement pour les balancer plus loin dans la salle avant de recommencer à danser en chaussettes.

Soudain, je repère Iris à l'autre bout du pub. Je ne l'ai pas vraiment vu depuis le début de la soirée, après que je l'ai accompagnée au bar. C'est comme si je l'avais évitée inconsciemment depuis le début de la nuit d'intégration. Je ne sais même pas pourquoi, tout ce dont je suis persuadée, c'est que là, maintenant, j'ai envie d'aller vers elle. Alors, vu que je suis déchirée et que je fais les choses spontanément et sans réfléchir, c'est ce que je fais : je m'approche d'Iris et me mets à danser plus près d'elle.

Au début, elle ne me remarque pas, alors je l'observe discrètement. Elle danse aux côtés de Willow, se mouvant et balançant ses hanches en rythme de la musique. Je me perds un instant dans sa contemplation. Ses longues jambes serrées dans un slim noir se confondant avec la masse de corps dansants, son top bordeaux moulant son corps fin assorti à la couleur de ses lèvres pleines qui semblent briller dans l'obscurité, m'appeler presque... Ses tresses écarlates se dodelinent elles aussi de gauche à droite au niveau de son bassin, suivant le mouvement de son corps athlétique avec le léger retard que demande le poids de sa chevelure pour le suivre. De temps à autres, sa tête se renverse en arrière lorsqu'elle éclate de rire. Alors, ses tresses ondulent derrière elle, ses dents blanches tranchent l'ébène de sa peau et un son merveilleux emplit l'air et envahit la pièce, faisant battre mon cœur à la chamade.

C'est sûrement l'alcool dans mon sang qui augmente mon courage. Ou, plutôt, il altère mes inquiétudes : grâce à lui, je ne me prends plus la tête, j'arrête de réfléchir et j'agis à l'instinct. Alors je m'approche un peu plus d'Iris et me mets à danser à ses côtés. En me voyant, Willow esquisse un sourire entendu avant de s'esquiver. Bien vite, Iris me repère et, si elle est surprise de me voir apparaître, ça ne se voit pas. Peut-être qu'elle se sent comme moi, trop bourrée pour être étonnée. Elle se contente de sourire grandement et de se retourner complètement vers moi pour que l'ont soit face à face, et elle continue de danser, bougeant son bassin sans cesser de sourire. Un sourire naît aussi sur mon visage et je l'imite, me mouvant moi aussi en rythme avec la musique entraînante pulsant dans nos oreilles, bougeant n'importe comment, tournant sur moi-même et sautant en chaussettes contre le parquet, faisant rire Iris. Nous ne nous disons rien, nous n'en avons pas besoin. Je pense même qu'à cet instant, la parole serait de trop. Alors nous nous taisons, nous contentant de nous regarder. Parmi les corps de nos amis se déhanchant sur la piste de danse, nous dansons l'une en face de l'autre comme si nous étions les deux seules personnes vivantes au monde.

Soudain, la bande-son change. Le registre de la nouvelle musique est assez différent des anciennes chansons jouées sur la playlist de Willow, qui étaient jusqu'à maintenant entraînantes et dansantes. Au contraire, celle-ci est plus sensuelle, dansante également... Mais d'une autre manière. La mélodie est rythmée et lente, et les paroles sont chantées par une voix délicieusement sensuelle, aiguë, sexy et douce à la fois. Je vois Iris écarquiller légèrement les yeux avant qu'elle ne se penche vers moi. Pétrifiée pour une raison inconnue, je la laisse approcher ses lèvres rouge foncé de mon oreille pour me glisser, son souffle irrégulier s'échappant de sa bouche pour s'abattre sur mon cou :

« J'adore cette musique !

- Ah ouais ? » Je réponds bêtement.

Elle hoche la tête en souriant. Puis, soudain, la courbe de ses lèvres retombe et son regard se fait plus profond. Elle ancre ses yeux sombres dans les miens, et il semblerait que je pourrais me perdre dans les nuances de noir, de brun et de gris qui se mêlent dans la peinture de ses iris.

« Ouais. « Cliff's Edge », de Hayley Kiyoko. Tu danses ? »

Je suis trop perdue dans l'intensité de son regard pour répondre. Alors je me contente d'acquiescer prudemment. J'ai l'impression que tout alcool a quitté mes veines : alors que je me sentais pleine de confidence quelques minutes plus tôt, sous les yeux d'Iris, je redeviens vulnérable. En constatant mon incapacité à répondre, ses lèvres pulpeuses s'étirent dans un rictus qui accélère les battements de mon cœur. Puis elle recommence à danser. Elle se mouve de façon lente et sensorielle, comme le veux le tempo de la musique. Ses hanches se balancent doucement de gauche à droite, ses bras bougent en rythme, elle ne fait pas grand-chose mais je suis absorbée par chacun de ses mouvements. Les lumières rouges-orangées tranchent la peau sombre d'Iris et se jouent sur chaque parcelle de sa peau, se pourchassent sur son visage, dans ses cheveux, sur ses yeux, ses lèvres. Je veux que cet instant ne cesse jamais.

Iris m'adresse un regard interrogateur sans cesser de bouger. Je comprends une invitation silencieuse à danser avec elle. C'est vrai que ça fait une bonne minute que je me tiens là, les bras ballants, à la regarder sans bouger. Alors j'imite Iris et me mets à danser face à elle. Reproduisant ses mouvements, je me déhanche lentement, mes yeux verts toujours ancrés dans les siens. L'intensité du regard d'Iris sur moi créé une boule de chaleur dans mon ventre qui se diffuse dans tout mon corps, et je n'arrive pas à me décider si c'est agréable ou non. Mais je fais abstraction de mon trouble pour continuer à me mouver, ses yeux posés sur moi embrasant ma peau. J'ai l'étrange désir de déclencher le même frisson chez elle qu'elle provoque chez moi. J'ai envie qu'elle me regarde, j'ai envie de lui plaire, j'ai envie de son regard intense posé sur mon corps. J'ai l'impression que la musique me souffle à l'oreille, se faufile dans mon ouïe et envahit mon cerveau, que la voix sensuelle de Hayley Kiyoko ondule dans tous mon corps, m'électrisant et m'insufflant suffisamment de courage pour me rapprocher davantage d'Iris. Je réduis l'espace entre nous sans la lâcher du regard ni arrêter de danser. Mon bassin se mouve avec plus de lenteur et de sensualité, mes bras remontent le long de mon corps jusqu'à mes cheveux, je glisse mes doigts entre mes boucles, je fixe Iris avec dessein.

Tout est confus dans ma tête, j'ignore ce qui se passe et ce que je ressens. La seule certitude que j'ai à cet instant, c'est que je souhaite que ce moment se poursuive à jamais.

Puis soudain, tout s'arrête, tout se stoppe, le moment est brisé. Je cesse de danser brusquement, trop brusquement. Quand a été le déclic ? Je ne sais pas. La seule question qui accapare mon esprit, c'est : Qu'est ce qu'il se passe ? Qu'est ce que je suis en train de faire ? Qu'est ce que je suis en train de ressentir ? J'ai peur. J'ai peur des sentiments qui se bousculent dans mon cœur et des pensées qui se bousculent dans ma tête. J'ai peur comme je désire ce regard noir tellement intense, qui se teinte à présent de tourment lorsqu'Iris cesse à son tour de danser, étonnée de mon soudain arrêt.

« Ca va ? » Elle questionne, inquiète.

Je ne prends même pas la peine de répondre. Effrayée par mes propres émotions, je fuis. Je me mets à courir, bousculant les corps de mes camarades du théâtre. J'entends les cris d'Iris derrière moi, me demandant où je vais à maintes reprises. Je ne lui réponds pas. Je chasse les larmes s'écoulant de mes yeux d'un geste rapide de la main et ouvre la première porte sur laquelle je tombe. Coup de bol, elle mène sur un escalier. Sans réfléchir, je dévale les marches jusqu'à la trappe finale, que je pousse avec une force insoupçonnée. L'air frais de la nuit d'automne me fouette en plein visage et renforce mes pleurs. Je suis sur le toit dont Willow avait parlé lors de l'organisation de cette nuit d'intégration. Sans savoir ce que je fais, je me glisse hors de la cage d'escalier et rejoins le toit. Je me gèle dans mon pull bleu-vert trop fin, mais je m'en fiche. Les questions se pressant dans mon cerveau prennent trop de place pour que je me préoccupe du froid à cet instant. Alors, je m'effondre à même le sol, je prends mes genoux dans mes bras et je laisse les larmes dévaler mes joues.

***

<ocean eyes ~ Billie Eilish>

J'ignore combien de temps je suis restée là, mais au bout d'un moment, j'ai cessé de pleurer. Je ne sais même pas pourquoi j'ai éclaté en sanglots. J'imagine que c'était trop. Un surplus d'émotions, positives comme négatives, m'envahissait, et j'ai craqué. Surtout que la plupart de ces sentiments m'effrayaient moi-même. Je n'ai pas envie de réfléchir à ce qui vient de se passer avec Iris, aux frissons qui ont parcouru mon corps, aux sensations qui se sont mêlées dans mon esprit. Y penser serait bien trop douloureux, et me terrorise. J'ai comme un trou noir devant moi. Un trou noir dont je sais que je ne me sentirais soulagée qu'une fois après avoir plongé dedans, mais sauter me fait peur. Je ne sais rien de ce trou noir : tout ce que je vois depuis là-haut, c'est un monde dont j'ignore tout ensevelit par l'obscurité. Et des fois, j'essaie de sauter le pas, j'essaie de vaincre mes peurs qui me nouent le ventre et me serrent le cœur, j'essaie de plonger dans l'inconnu : mais l'explosion de questions et de réponses qui m'assaillent le cerveau me causent une souffrance que je n'ai aucune envie d'affronter. Alors je m'assois au bord du trou noir et je l'ignore superbement. Je l'ignore et j'attends. Quoi exactement ? Je n'en ai aucune idée, mais rester là à ne rien faire est bien plus confortable que confronter mes sentiments et sauter, pour sûr.

Je suis installée donc sur le toit, mes genoux ramenés contre ma poitrine, mon visage aux yeux trempés renversé vers les étoiles. Enfin, les étoiles : je vous rappelle qu'on est en ville, et que même si la nuit est plutôt dégagée, les astres ressemblent davantage à une poignée de points brillants, comme tracés négligemment au stylo argenté sur l'immense feuille gris-noir que constitue le ciel. Je réalise que mon téléphone est placé dans la poche de ma jupe, avec mes écouteurs. Dans un réflexe, j'enfonce ces derniers dans mes oreilles et lance ma playlist Deezer en mode aléatoire. Coup de bol, une chanson plutôt calme se met à vibrer dans mes ouïes, contrastant avec les sons puissants et entraînants de Willow. Une voix aiguë d'une infinie douceur harmonise avant de se mettre à chanter. Je reconnais rapidement « Ocean Eyes » de Billie Eilish. Même si j'adore les musiques très rythmées, punk-rock, comme celles de Fall out Boy ou Yungblud, je sais également apprécier les chansons plus douces, calmes, qui me bercent et laissent rouler les larmes le long de mon visage. No fair / You really know how to make me cry / When you give me those ocean eyes... Ma vue se brouille, l'eau envahit mes yeux verts feuille. D'un geste brusque, d'une violence contrastant avec la sérénité du son, je chasse les larmes s'en échappant. Je renverse la tête vers le ciel et fixe les quelques points étincelants qui constituent les étoiles, perdue dans l'infinité de la nuit, engloutie dans l'océan sombre de l'espace. Je suis seule et pourtant plus vulnérable que jamais. I'm scared / I've never fallen from quite this high / Falling into your ocean eyes / Those ocean eyes...

Je sors de ma contemplation immobile lorsque je perçois un mouvement derrière moi. Prudemment, je retire mes écouteurs et détourne mes yeux du vague de la nuit pour les river vers l'origine du bruit. Il vient de la trappe du toit qui se déplace. J'observe sans émotion un corps se hisser sur la plateforme du toit. La personne remet en place la trappe de bois, puis se relève pour s'avancer vers moi et s'asseoir à mes côtés. Je le dévisage un instant. Edward lève ses yeux vers le ciel, passe une main dans sa chevelure blanc neige, se mords la lèvre. Je vois qu'il hésite à m'adresser la parole. Mais je n'ai pas l'énergie de l'aider. Alors, de façon la plus neutre possible, je détourne mon regard de lui et remets en place mes écouteurs.

« Tu m'en prête un ? » Il finit par demander au bout d'une quinzaine de secondes.

Je ne réponds rien. Je retire un écouteur et le lui tends sans un mot. Son regard bleu électrique toujours fixé dans le ciel qui nous englobe, il attrape l'objet et l'introduit dans son oreille au moment où la chanson se termine. « Those ocean eyes... » Résonne une ultime fois, puis le silence retombe sur nous. Un trop-plein d'émotions peut être effrayant, mais le vide aussi, ça fait peur. L'infinité obscure de la nuit qui nous engloutit. Le silence dans lequel nous sommes plongés. Je ne saurais dire s'il est agréable ou terrifiant. Nous restons ainsi, assis côte à côte sans se regarder, encore quelques minutes. J'attends qu'il parle. Je sais qu'il finira bien par le faire. Il n'est pas venu ici pour rien : comme les autres, ils m'a vu fuir la fête et me réfugier sur le toit. Iris lui a probablement expliqué la situation d'un air paniqué. Même si elle était aux premières loges pour la démonstration de ma mémorable lâcheté, je doute qu'elle soit au courant du méli-mélo de mes pensées et émotions... Personne à part moi n'est au courant. Mais Edward me connaît trop bien, cela fait des années que nous sommes amis et que nous nous confions l'un à l'autre. Même s'il n'est pas dans mon cerveau, il a certainement une idée de la raison pour mon comportement cette nuit. C'est pourquoi je crains sa réaction plus que celles de tous les autres membres de la troupe.

« Ce n'est pas cool de partir comme ça lors de la nuit d'intégration d'Iris. »

OK, génial. On part sur les reproches. J'ignorais s'il allait me consoler ou m'engueuler, j'imagine que j'ai ma réponse à présent. Mon cœur se serre et je sens les larmes ré envahir mes yeux lorsque je réalise qu'il a raison : je suis une vraie connasse. Ce soir est la soirée d'intégration d'Iris à la troupe de théâtre, c'est censé être SA nuit. J'ai tout gâché. En fuyant la fête comme une gamine incapable d'assumer mes sentiments, j'ai ramené l'attention sur moi et ait ruiné la soirée d'Iris. Je suis putain d'égoïste. En me voyant commencer à sangloter silencieusement, les yeux d'Edward s'écarquillent et il se tourne vers moi, l'air affolé.

« Merde, Beth ! Ce n'était pas super sympa, certes, mais je ne voulais pas te faire pleurer. »

Je me recroqueville sur moi-même. Je suis une boule de honte et d'égocentrisme.

« Écoute, même si t'as gâché la fête, je t'aime, OK ? Tu es l'une de mes meilleures amies. Même si tu deviens une serial killeuse, je serais toujours là pour toi, à te soutenir et à tenir une pancarte « Bien joué ! » en arrière-plan après chacun de tes meurtres. »

Gagné. Sa remarque me fait misérablement rire à travers mes larmes. Peu importe la situation, Edward parvient toujours à me faire sourire.

« Putain, je te déteste, Eddie.

- Edward, il corrige. Et tu ne me détestes pas, tu m'adores.

- C'est vrai, j'admets en souriant, mon regard brouillé par les larmes. Je t'aime.

- Et je t'aime aussi. »

Avec un soupir, je pose ma tête sur son épaule. Immédiatement, ma sensation de froid s'apaise, mon estomac se dénoue légèrement et les émotions bataillant dans ma tête me font moins souffrir. Parfois, je vois Edward un peu comme un doudou, dont la simple présence me console et me rassure.

« Tu sais, ce n'est pas grave d'aimer les filles, » Il déclare au bout d'un moment.

Je retire immédiatement ma tête de son épaule.

« Je n'aime pas les filles, » Je réponds d'un ton sans appel, glaciale.

Il souffle. Je le scrute. Ses yeux bleu vif sont toujours ancrés dans les étoiles, sans me regarder. Parfois, les conversations se font plus facilement lorsqu'on n'a pas à confronter le regard de l'autre.

« Écoute, Beth, il continue plus lentement, avec prudence. Je sais que c'est difficile à croire au début, qu'on se sent bouleversé et qu'on se pose un milliard de questions. J'ai vécu ça. Mais je peux te confirmer qu'une fois que tu seras sortie de cette phase de confusion extrême et de déni, tu te sentiras mieux que jamais. Regarde moi, par exemple : je suis gay et trans, et je n'ai jamais été aussi heureux qu'à cet instant, où j'accepte et assume qui je suis. Je ne dis pas que ça sera facile, ça ne l'a pas été pour moi. Mais, Beth, n'oublie pas que tu as une famille et des amis géniaux qui te supporteront quoi qu'il arrive. C'est dur, mais on s'en sort.

- Pourquoi tu m'expliques tout ça ? » Je rétorque du tac au tac.

Nouveau soupir. Je le fixe en attendant sa réponse. Je joue certes les je-m'en-foutiste et parle avec froidure, mais au fond de moi, mon cœur bat à la chamade. Edward tourne son visage vers moi.

« Iris te plaît. »

Les battements de mon cœur s'accélèrent, mon souffle se coupe, mes yeux s'arrondissent. J'ai soudain mal de partout, souffrant d'une douleur et d'un trouble intense. En moi, des milliers de voix gueulent les unes par-dessus les autres, se contredisant. Ma tête crie que non. Mon corps et mon cœur hurlent que oui. Au ton d'Edward, son affirmation n'était pas interrogative. Je réponds pourtant aussitôt, me construisant une expression parfaitement neutre :

« Non, elle ne me plaît pas. J'aime les garçons, et uniquement les garçons, alors pourquoi je l'aimerais ? Aux dernières nouvelles, Iris est une fille. »

J'ai lâché ma tirade rapidement, trop rapidement, sans même prendre le temps de reprendre mon souffle.

« Alors explique-moi pourquoi tu as fuis la soirée alors que tu dansais avec elle ? » Il me questionne en retour, plantant ses iris bleu électrique dans les miennes.

Je détourne aussitôt le regard, l'intensité dans les yeux d'Edward me mettant mal à l'aise.

« Je ne me sentais pas bien, c'est tout.

- Bien sûr, » Riposte Edward d'un ton sarcastique, presque méprisant.

Je bouillonne de rage à l'entente de ces simples mots. Parmi les émotions formant un milk-shake dans mon cerveau, la colère dépasse toutes les autres. De quel droit Edward pense me connaître ? Savoir mieux que moi qui je suis et comment je me sens ? De quel droit affirme-t-il d'un air tranquille mes sentiments comme s'il connaissait mieux que moi mes propres émotions ? Folle de colère, des larmes de rage se multipliant dans mes yeux, je bondis sur mes pieds et me lève, le dominant de toute ma taille. Edward lève un regard étonné sur moi. Alors j'explose.

« Putain, combien de fois je vais devoir te le répéter ? JE NE SUIS PAS LESBIENNE ! »

J'ai hurlé. Non loin de là, les oiseaux perchés sur un arbre prennent leur envol. La respiration saccadée, je fixe Edward qui m'observe d'un air effrayé ne m'apportant aucune satisfaction.

« Désolé, il marmonne au bout de quelques secondes. Je ne voulais pas prétendre connaître mieux que toi ta sexualité. Je n'aurais pas dû dire ça. Mais s'il te plaît, écoute ce que j'ai à te dire. »

Je le regarde, sceptique. Il a l'air sincère, ses yeux me fixant avec toute la douceur du monde. Je pousse un soupir, passe mes doigts dans mes boucles sombres, ayant conscience d'être allée trop loin. Il m'a certes énervé, mais je n'aurais pas dû lui gueuler dessus comme ça. Quelque part, peut-être que ce n'était pas à lui que ce cri était adressé, mais à moi-même...

D'un hochement de tête, j'accepte sa supplication et retourne m'asseoir à ses côtés.

« Tu te rappelles de ce que je t'ai dit à notre soirée pizza-sushis, la semaine dernière ? »

Je confirme. Edward prend son temps, semblant choisir ses mots avec précaution.

« Je t'ai conseillé d'arrêter de te prendre la tête. Tu pourrais simplement vivre ta vie comme elle vient, profiter de ton adolescence, vivre un maximum d'expériences sans devoir questionner tout ce que tu vis et ressens. La vie est courte, tu devrais juste penser à t'amuser au lieu de trop réfléchir. »

Je hoche la tête. Malgré le masque indifférent que j'adopte, j'écoute les paroles d'Edward avec attention, me demandant ce qu'il veut dire par là et le lien que ça a avec notre conversation.

« Le rapport ? Je lui lance, bras croisés.

- Et bien..., commence Edward en prenant une grande inspiration. Je pense que c'est pareil pour ta sexualité. Tu te prends la tête et répète que tu n'es pas lesbienne, mais au fond, qui a parlé d'homosexualité ? Ce n'est pas parce que tu es hétéro que tu dois t'empêcher d'expérimenter. »

Ma mâchoire se décroche. Je l'observe, éberluée.

« Mais je n'aime pas... Je ne suis pas...

- Tu n'es pas lesbienne, j'ai compris. Et alors ? Tu sais, je suis gay, mais au fond, les labels, ça me fait chier. Ce n'est pas parce que je préfère les mecs que je dois automatiquement être placé dans une boîte. Le problème, avec les labels, c'est qu'au fur et à mesure d'être enfermés dans des boîtes, on n'est plus vraiment soi-même : on devient des cubes tous lisses et tous carrés construits par la société. Oui, j'aime les mecs. Mais c'est comme aimer une couleur ou un fruit, ça ne définit pas toute ma personnalité. Et comme quelqu'un mangerait une pomme plutôt qu'une poire, je sortirais avec un garçon plutôt qu'avec une fille, mais on ne donnerait pas à ce quelqu'un un label de « mangeur de pommes ». »

Je l'observe encore quelques instants, me demandant s'il plaisante ou s'il est sérieux. Puis je me marre, me foutant ouvertement de sa gueule.

« On devient des cubes ? Des mangeurs de pommes ? Sérieux ? C'est ça tes métaphores ?

- J'ai eu 7 à l'écrit du bac de français... » Se plaint-il avec une mine dépitée.

Malgré son air vexé, je constate tout de même un mince sourire sur ses lèvres, signe qu'il est heureux de m'avoir fait rire. Il reprend quelques instants plus tard :

« Toi, par exemple. Tu es attirée par Iris, non ? »

Mes yeux verts s'écarquillent de surprise quant à la nonchalance de cette question. Je sens mon cœur s'arrêter momentanément de battre et le rouge me monter aux joues, mais je parviens à balbutier :

« Quoi ? Non... Je... »

Il dresse un sourcil face à ma protestation pathétique.

« Tu ne t'es jamais surprise en train de penser qu'elle était la personne la plus magnifique du monde ? Tu n'as jamais voulu que les instants partagés avec elle durent pour toujours, comme lors de votre danse tout à l'heure ? Tu n'as jamais désiré passer des moments seule en sa compagnie, à parler durant des heures, à vous regarder dans les yeux, peut-être même à vous embrasser ? »

Je baisse le regard, presque honteuse. Mes joues sont en feu, mon cœur semble faire des bonds dans ma poitrine. Les phrases d'Edward résonnent étrangement en moi, et toutes les idées, toutes les émotions qui m'ont déjà traversé alors que j'observais Iris reviennent à la surface, comme des bulles d'air enfouies au plus profond de l'océan qui remonteraient pour éclater et se révéler au grand jour. Comme des bulles, mes sentiments les plus dissimulés et les plus vulnérables montent en moi pour se découvrir. Une révélation gargantuesque, trop immense pour que je puisse l'ignorer, s'impose à moi : Iris me plaît bel et bien. Troublée, je ne dis rien, incapable de répondre à Edward. Les yeux perdus dans la vague, je vois à peine mon meilleur ami se radoucir et m'attraper la main :

« Tu sais, on a seize et dix-sept ans, on est bourrés d'hormones, c'est normal qu'on soit attirés par des gens ! Et des fois, ces personnes ne sont pas celles auxquelles on s'attendait. C'est comme ça, c'est la vie. Mais pas besoin de se prendre la tête avec des choses qui n'en valent pas la peine. Iris te plaît, et t'as de la chance, car il semblerait que ce soit réciproque ! T'embête pas avec les labels, Beth, t'as seize ans, t'as toute la vie devant toi pour découvrir qui tu es ! En attendant, amuse-toi un maximum, expérimente des trucs, profite de la vie. On verra le reste plus tard. »

Silence. Je me tais, le regard perdu dans l'infinité obscure du ciel. J'ignore si c'est parce que je ne sais pas quoi dire ou parce que si j'ouvrais la bouche, les mots refuseraient d'en sortir. Edward serre sa main plus fort dans la mienne.

« Mais sache que si tu veux en parler, je serais toujours là pour toi. »

Je me tourne vers lui et lui souris doucement avant de serrer sa main en retour.

« Pour l'instant, je te laisse accepter ton attirance pour Iris, ce sera déjà pas mal pour ce soir, poursuit t-il avec prévenance. Maintenant, je vais redescendre à la soirée et rassurer tout le monde. Tu peux y aller avec moi ou rester encore un peu ici. Je crois que Lilly et Léo ont lancé un jeu de la bouteille, et je dois me dépêcher si je veux choper ma chance de rouler une pelle à Willow ! »

Sa remarque ajoutée sur un ton amusé fonctionne, et j'éclate de rire.

« Va avant qu'ils ne se lassent du jeu, je le somme. J'arrive dans dix minutes. »

Edward m'adresse un sourire rassurant en m'entendant parler et lâche ma main. Je l'observe se lever et partir, un air tranquille affiché sur mon visage pour ne pas qu'il s'inquiète. Puis, seule à nouveau, je retourne à ma contemplation des étoiles. Elles se sont multipliées sur la toile tissée par la nuit, et je distingue à présent quelques constellations tracées dans les airs comme par des coups de crayons des dieux. Face à ce spectacle fascinant, je me demande quelles sont les vies et les histoires qui peuplent ce ciel pour éviter de penser aux miennes.

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