ACTE II - Scène 10
Lundi 12 Octobre, 12 : 20
<Why's You Always Call Me When You're High? ~ Arctic Monkeys>
Galérant pour faire tenir mon plateau d'une seule main, je me risque, non sans difficulté, à prendre un des yaourts à la fraise exposés avec les autres laitages sur le système de self-service de notre cafétéria. Alors que je le saisis enfin avec un soupir de soulagement, mon plateau repas m'échappe des mains, et je réussis à le rattraper au dernier moment sans renverser mon plat... Mais en faisant tomber mon yaourt. J'observe avec désespoir le laitage fruité s'écraser sur le carrelage de la cafète avec plop qui n'a rien de très charismatique.
« Tu te grouilles, oui, bouclette ? T'es pas la seule à vouloir bouffer ! » Me crache la fille placée derrière moi dans la queue.
Je lui lance un regard noir. De quoi elle se mêle, celle-là ? Je suis sûre qu'elle boucle ses cheveux plats dès qu'elle en a l'occasion, alors elle ferait mieux d'arrêter de se moquer des miens. Et elle ne devrait pas me reprocher ma lenteur dans la queue du self : après tout, tous les demi-pensionnaires sont des victimes de ce fichu système de la cantine qui semble être persuadé que les élèves de ce lycée possèdent tous huit bras chacun en mode poulpe, et sont capables de tenir leurs plateaux repas tout en attrapant plats et couverts. Mais, au lieu de se soutenir entre eux, de monter une organisation de protestation contre ce self-service merdique et de distribuer des tracts, les élèves préfèrent se moquer des autres alors qu'ils galèrent autant qu'eux. Mais pourquoi tant de haine ?
Remarque, tous les adolescents derrière cette fille ont l'air de s'impatienter pas mal aussi, et je n'ai aucune envie de me retrouver avec la moitié de la cafète sur le dos, alors j'abandonne l'idée de démarrer un discours sur le soutien entre élèves et la paix dans le monde. Regardant à droite et à gauche pour vérifier qu'aucun membre du personnel de la cantine ne m'a vu, je m'approche du cadavre de yaourt traînant au sol et l'expédie sous la table de présentation des laitages d'un coup de pied. Ni vu ni connu.
Ca de fait, je tourne le dos à la fille qui me regarde toujours d'un œil noir et part docilement vers les tables de la cantine. La matinée s'est passée plutôt lentement, entre les cours interminables aussi ennuyants que leurs profs et la récréation qui m'a semblé durer une poignée de secondes. Heureusement que les vacances de la Toussaint arrivent bientôt, car j'ai juste envie de péter un câble. Spécialement ce matin, car je n'ai pas Zoé pour me remonter le moral, me faire sourire et oublier les cours. Enfin si, plutôt, je l'ai, mais je ne dois pas aller la voir. Parfois, j'ai juste envie d'ignorer les commentaires d'Edward à propos de ma relation avec Zoé et me comporter à nouveau normalement avec elle. Mais je commence aussi à voir pourquoi il m'a demandé de faire cela : aujourd'hui, j'ai parlé avec des personnes avec qui je n'aurais jamais imaginé discuter auparavant. En cours d'allemand, j'ai discuté pas mal avec ma voisine de table et nous nous sommes plaintes ensemble de cette matière (d'ailleurs, je ne comprends toujours pas pourquoi j'ai choisi cette langue en cinquième), alors que je ne lui avais jamais adressé la parole. Et puis il y a Mark, bien sûr, qui s'est révélé être quelqu'un de plutôt sympa. D'ailleurs, c'est avec lui et son pote Simon, un blond assez discret de notre classe, que j'ai passé toutes mes pauses ce matin, et je me suis surprise à les apprécier. Bien sûr, Mark continuait de faire des blagues de merde et de m'envoyer des piques, mais j'admets qu'il a certaines qualités. Par exemple, il arrive que ces blagues me fassent rire (oui, je sais, incroyable) et puis, il est plutôt bon en géo. Et, depuis que je dois faire un exposé avec lui dans cette matière, j'apprécie cet atout.
Je cherche d'ailleurs le rouquin dans la foule d'élèves déjeunant et le trouve attablé avec Simon à une table de dix. Alors que j'allais les rejoindre, je vois Théo et Oliver, son meilleur pote, arriver avec leurs plateaux et s'installer avec eux, suivis de Zoé, Emily et Clara. Je grimace. Putain, j'avais presque oublié que Mark et Simon étaient potes avec Oliver, qui est le meilleur pote de Théo, qui déjeune tous les jours avec Zoé depuis qu'ils se plaisent mutuellement, flirtent tous les jours, s'envoient des messages, s'appellent et se sont même organisés un rendez-vous au cinéma samedi prochain... En repensant à ça, les nausées reviennent. Impossible de manger avec Mark, ce serait être à la même table Zoé et donc mission impossible pour l'ignorer. Avec qui, donc ? Je sonde la cafétéria du regard pour trouver des visages amis, en vain. Je réalise alors tristement qu'à part Zoé, Emily, Clara et maintenant Mark, je n'ai quasiment aucun ami au lycée.
« Beth ? Tu manges avec nous où tu comptes t'esquiver encore une fois ? »
Je tressaillis. Je n'avais pas réalisé que Zoé s'était levée de sa table pour aller me parler.
« Bah, en fait... Je balbutie. J'ai prévu de manger avec quelqu'un d'autre.
- Vraiment ? Qui ? »
Bonne question, songé-je. Au hasard, je désigne du doigt deux personnes au fond de la cantine qui mangent seuls sur une table.
« Eux. Et je ne m'esquive pas. »
Zoé pousse un long soupir exaspéré.
« De un, bien sûr que si, tu t'esquives. Ou tu me fais la gueule, je sais pas... N'essaye même pas de le nier ! Me coupe t-elle alors que j'ouvre la bouche pour me défendre. Depuis ce matin, t'es hyper bizarre, tu m'ignores complètement, tu parles avec Mark, tu nous fuis, Emily, Clara et moi. Et puis de deux, sérieusement ? Une Dark Lolita et un intello ? Putain, Beth, t'aurais pu au moins choisir des personnes réalistes. »
Je plisse les yeux pour mieux percevoir les élèves que j'ai montrés à Zoé. Effectivement, les deux adolescents déjeunant seuls sont une fille au look gothique habillée d'une robe de poupée noire, et un mec à l'apparence amérindienne plongé dans son bouquin. Le yin et le yang, quoi, leur seul point commun apparent étant qu'aucun des deux n'a l'air très bavard.
« N'importe quoi ! Je proteste mollement. Je vais vers les autres, c'est tout.
- Ouais, bah t'aurais très bien pu faire ça tout en continuant de me calculer. Beth, qu'est ce qui ne va pas, chez toi ? J'ignore ce que je t'ai fait, mais si je t'ai blessée, je m'excuse.
- T'as rien fait, je réponds (Et le pire, c'est que c'est la vérité).
- Très bien ! S'exclame Zoé en jetant ses bras vers le ciel. Alors arrêtes d'agir comme si je n'existais pas, viens t'asseoir avec nous et oublions toute cette histoire ! Et arrêtes de t'inventer des amis !
- Je ne m'invente pas des amis ! Je m'écrie à mon tour, commençant à m'énerver.
- Ne me dis pas que tu les connais vraiment !
- Je les connais vraiment, » Je réplique avec un air de défi (Mensonge).
Notre dispute commence à attirer les regards curieux des élèves et du personnel de la cantine. En s'en rendant compte, Zoé lève les yeux au ciel, courroucée, puis déclare d'un ton plus calme :
« Bon, je vais pas insister plus longtemps, Beth. Si tu veux continuer à agir bizarrement, je ne vais pas t'en empêcher. Et si tu connais ces gens, vas donc manger avec eux ! »
Elle finit sa phrase en montrant du doigt la table de Poupée Gothique et du lecteur amérindien.
« Très bien ! » Je rétorque, les dents serrées.
Et, sans vraiment savoir pourquoi, sans doute plus par fierté qu'autre chose, je marche d'un pas ferme jusqu'à la table des deux élèves, mon plateau repas dans les mains. Je sens le regard noisette de Zoé me brûler le dos tandis qu'elle m'observe faire, les bras croisés. Une fois arrivée, je pose brutalement mon plateau et tire une chaise pour m'installer sans un mot.
« Salut, » Je grogne, encore irritée.
Aucune réponse. Poupée Gothique lève son regard vers moi, me reluque de haut en bas d'un air supérieur, puis retourne à son assiette, tripotant sa salade avec sa fourchette sans y toucher pour autant. J'en profite pour les observer. La Dark Lolita a une robe courte ressemblant à celles des poupées dans les films d'horreur, entièrement noire, à part de la dentelle blanche sur le col et les extrémités, et porte de longues chaussettes blanches avec de petites chaussures à boucle, noires et vernies. Ses cheveux brun foncé mi-longs sont relevés en queue-de-cheval grâce à un ruban noir gracieusement noué en un nœud papillon. C'est difficile de voir son visage, puisqu'elle est penchée sous la table pour mater son portable, mais je distingue une peau très pâle, des yeux bleu clair entourés d'eyeliner et des lèvres maquillées de noir. L'intello amérindien, lui, a un look plus simple, jean et T-shirt vert foncé. Il a des yeux sombres en amande, des pommettes hautes et des cheveux noirs qui lui tombent devant les yeux.
Je les regarde l'un après l'autre, hésitant entre la colère et la gêne. Tant pis pour eux, ils m'ignorent, je les ignore (Ca peut certes sonner immature, mais je l'assume, je peux être très immature quand je suis agacée). Sans me préoccuper d'eux, je pioche dans mon assiette et commence à manger les pâtes sans goût de la cafétéria. Je suis la seule à toucher mon plat, puisque les deux autres élèves présents sont plongés soit dans leur livre, soit dans leur téléphone. Le silence brisé par mes bruits de mastication n'en est donc que plus embarrassant. Je repose ma fourchette.
Je me demande s'ils font exprès de m'ignorer superbement ou s'ils sont juste particulièrement introvertis. Peu importe, c'est trop malaisant, je dois tenter une approche.
« Mmmh... C'est bien, ce que tu lis ? » Je lance d'un ton détaché vers l'intello, qui est face à moi.
Il daigne enfin lever son regard noir vers moi, et je ne peux pas m'empêcher d'éprouver du soulagement. S'il m'avait de nouveau ignoré, je pense que j'aurais sincèrement envisagé m'être assis à la table des sourds.
« Oui. » Il dit simplement avant de se replonger dedans.
Le malotru. A côté de moi, Poupée Gothique lève ses yeux bleu clair de son Smartphone pour me regarder galérer. Avec son sourire en coin, elle a l'air amusée par la situation. Connasse.
« Ca parle de quoi ? Je retente vaillamment.
- Un truc de philo. Tu ne comprendrais pas, » Élucide t-il, cette fois sans même prendre la peine de lever son nez de son bouquin.
Sans pouvoir m'en empêcher, je m'offusque. C'est qui, sérieux, ce mec ? Et qu'est ce qu'il sait de moi ? On ne se connait – enfin, connaître est un bien grand mot – que depuis cinq minutes et il s'est déjà fait des préjugés à mon propos. Comment peut-il savoir que je ne comprends pas ses trucs de philosophie ? Bon, d'accord, il a raison. Je ne pige rien à la philo. Mais quand même !
A côté de moi, la dark lolita glousse. Au début, je crois que c'est par rapport à quelque chose qu'elle regarde, mais non, elle m'observe bien moi. Je la foudroie du regard. De quoi elle se mêle, celle-là ? Parce que j'ai bien l'impression qu'elle se fout de ma gueule.
« T'inquiètes, il est toujours comme ça, elle me lance alors à ma plus grande surprise. Mais ne te vexe pas quand il te dit que tu ne comprendrais pas ce qu'il lit. C'est la vérité. Personne ne comprend. Pas même moi, c'est dire ! Elle ajoute sarcastiquement.
- Bien sûr que si, répond tranquillement le concerné, toujours sans lever les yeux. Il y a des tas de gens qui comprennent. Tu n'as juste pas le niveau, Louise. Comme tous les élèves de ce lycée. »
La dénommée Louise pose la main sur son cœur, faussement choquée.
« Comment tu me parles ! Aucun respect. Qu'est ce que diraient les philosophiens de la lumière à propos des gens qui insultent leurs amis, hein, Dan ?
- C'est les philosophes des Lumières, réplique ledit Dan, agacé – et c'est bien la première fois que je le vois exprimer autre chose que du désintérêt. Les Lumières, c'est une période de l'Histoire de France, située au dix-huitième siècle, juste avant la Révolution française. Et les philosophes...
- Bla, bla, bla, » Le coupe Louise en faisant semblant de bailler.
Dan lui administre un regard noir avant de remettre le nez dans son livre. Louise lui tire la langue. Je suis leurs échanges, amusée, et heureuse qu'ils aient finis par parler.
« Pardon, les mecs, je suis en retard ! »
Cette voix tonitruante et pleine d'entrain me semble étrangement familière. Je lève alors mes yeux vert feuille sur... Iris, qui pose joyeusement son plateau repas en face de Louise, et tire une chaise de sous la table pour s'installer. Elle est splendide, comme toujours, habillée avec une courte veste en cuir noir et des bottes talonnées assorties, cloutées, en cuir noir également. Ses lèvres comme ses cheveux sont toujours colorés par le même rouge vif iconique. Puis je secoue la tête, sortant de ma contemplation, et relève mes yeux vers Iris, les sourcils froncés. Qu'est ce qu'elle fait là ? Je veux dire, je savais qu'elle allait au même lycée que moi, mais ici, à cette table ?
Mes iris verts rencontrent ceux, noirs, d'Iris. Elle écarquille alors les yeux, l'air aussi étonnée que moi – mais son expression surprise est bien vite remplacée par un large sourire.
« Beth ! Oh, mon dieu, qu'est ce que tu fais là ? Vous vous connaissez ? »
***
<Girls Like You ~ Maroon 5>
« Bah, en fait, non, pas trop, » Répond Louise en toute honnêteté.
Iris se tourne vers moi en fronçant les sourcils, et je hausse les épaules, embarrassée.
« Peu importe, se reprend Iris. C'est cool de te voir ici !
- Et vous, vous vous connaissez ? Questionne Dark Lolita en nous désignant l'une après l'autre.
- On fait du théâtre dans la même troupe, confirme t-elle. Dan, Louise, je vous présente Beth. Ses pronoms sont elle, elle est en première ici et elle est super sympa.
- Et bien, salutations, Beth, fait Louise avec un rictus amusé.
- Ouais, salut, marmonne Dan dans sa barbe.
- Salut à vous, » Je pouffe en retour.
Le visage d'Iris se tranche d'un énorme sourire. On dirait qu'elle ne sait pas faire une expression neutre, mais alors que ce comportement m'exaspérerait ou me mettrait mal à l'aise chez certains, avec Iris, ça ne me dérange étrangement pas. Au contraire, lorsqu'elle me sourit, je sens le rythme de mon cœur s'accélérer et une douce chaleur plutôt agréable se diffuser dans tout mon corps, et je pique un fard en mode Emily. Ma camarade de théâtre poursuit :
« Beth, je te présente Dan et Louise. Ils sont dans ma classe. Et ils ont l'air peut-être de cas sociaux comme ça, mais en vrai, ils sont sympas.
- Hey ! protestent Louise et Dan en chœur.
- Bref, les pronoms de Dan sont il et lui, et il est tout le temps plongé dans un bouquin. T'inquiètes, parfois, on peut quand même parler avec lui... Par exemple, lorsqu'il finit un livre, il y a quelques jours où tu peux discuter et faire des trucs avec lui comme une personne normale, puis il se replonge dans un autre pavé et tu le perds à nouveau pendant une semaine. »
Je ris. Dan lance un regard noir à Iris par-dessus son livre de philo.
« Et quand à Louise, même si elle fait un peu flipper avec ses fringues bizarres et sombres de poupée, iel est grave cool. Iel est une demi-girl, donc iel utilise les pronoms elle et iel, ou même ael si tu veux. Elle s'en fiche des pronoms que tu utilises tant que ce n'est pas il, en fait.
- Oh, d'accord, je réponds simplement tandis que la concernée acquiesce pour confirmer les propos de son amie. Et je suis désolé, je m'excuse sincèrement en direction de Louise, j'ai juste assumé que tu étais une fille.
- Pas de souci, réplique t-iel avec un sourire charmeur. L'important est que tu ne refasses pas l'erreur. Et s'il te plaît, sers-toi de mes deux pronoms, j'en ai assez des gens qui oublient aussitôt que je suis non-binaire et utilisent elle tout le temps. »
Je lui souris en retour et hoche la tête pour accepter sa demande. Pour être tout à fait honnête, je n'ai pas vraiment compris de quoi Iris voulait parler et ce que c'est d'être une demi-girl, mais je n'ai pas posé la question pour ne pas paraître stupide. Cette constatation me rappelle à quel point je suis peu informée sur le sujet des LGBTQ+ et des différents spectres de genre, et je note dans un coin de mon cerveau d'aller me renseigner davantage sur les demi-girls ce soir, sur Internet. Bien sûr, je savais qu'il y avait des personnes non-binaires, comme Willow, qui utilisaient le pronom iel, mais j'ignorais qu'on pouvait utiliser plusieurs pronoms différents. Mais peu importe, même si je ne saisis pas vraiment le cas de Louise, je respecterais ses pronoms et utiliserait elle comme iel. Quelque part, avoir plusieurs pronoms, c'est même plutôt pratique : il y a moins de risques de mégenrer quelqu'un.
« En fait, me demande Iris en démarrant son entrée avec appétit, tu t'es entraînée pour ton audition de vendredi soir, au théâtre ? »
Ah, c'est vrai, j'avais complètement qu'Iris s'était également inscrite pour passer l'audition d'une des deux « Juliette » pour le spectacle de fin d'année. Cela fait donc de nous, quelque part, des rivales. J'attaque mon plat à mon tour et lui arbore un sourire de défi.
« Je ne donne pas d'informations à un de mes rival. »
Iris lève les yeux au ciel, un sourire amusé dansant sur ses lèvres écarlates.
« Sérieux, Beth ! On n'est pas vraiment rivales, puisqu'on est amies. D'accord, on a auditionné pour le même rôle, ou plutôt pour les deux mêmes rôles, mais parler du texte ou de la pièce ne va pas compromettre nos performances. Cela ne changera rien à notre jeu lors de notre audition vendredi.
- Certes... mais ça sonnait bien. »
Iris éclate d'un rire mélodieux qui me fait sourire de façon machinale. Louise, en voyant qu'iel n'est pas vraiment inclus.e dans la conversation puisqu'elle n'est absolument pas concernée par le sujet, retourne à mater son portable. Dan, lui, a à peine levé le visage de son bouquin de philo depuis l'arrivée d'Iris.
« On est peut-être ennemies, mais le combat doit être juste, affirme t-elle en se penchant par-dessus la table pour s'approcher de moi. On va chacune faire de notre mieux à l'audition et on va être toutes les deux absolument géniales. La meilleure sera désignée au vote, et, à ce moment-là, l'autre sera obligée d'être heureuse pour celle qui a gagné. Deal ?
- Deal, je confirme. Mais tu agis comme si l'une d'entre nous allait forcément gagner, alors que si ça se trouve, les deux « Juliette » seront Fatouma, Léo, Lilly ou Willow.
- Vrai ! Pouffe Iris. En plus, ils sont ultra doués eux aussi. On a de la compétition, avec ce genre de personnes contre nous. Le combat sera pour sûr acharné. Mais du coup, tu t'es entraînée ? »
J'acquiesce. En plus d'avoir lu et relu l'extrait de la pièce des dizaines de fois, dimanche, après qu'Edward soit rentré sur lui, j'ai passé l'après-midi à le répéter à voix haute avec différents tons, intonations et émotions, tellement qu'à présent, je le connais quasiment par cœur. Je pense que je vais essayer de passer mon audition sans texte, vendredi soir au théâtre. Peut-être que ça pourra jouer en avantage en ma faveur.
« Moi aussi. Le texte est génial, non ? Je veux dire, Yun m'avait dit qu'Adam était un excellent prof de théâtre, mais j'ignorais qu'il était aussi bon écrivain.
- A vrai dire, moi non plus, j'avoue. C'est la première pièce qu'il a écrit depuis que je fais du théâtre dans son cours. Avant, généralement, nous prenions des pièces toutes faites ou assemblions juste différents textes pour le spectacle de fin d'année.
- Dans tous les cas, il a une sacrée plume. Je sens que ce remix de « Roméo et Juliette » va être absolument génial. »
J'acquiesce, complètement d'accord.
« Pareil. On en a lu qu'un extrait pour l'instant mais déjà, ce simple texte m'a bouleversé. Je veux dire, toutes les émotions et la passion du texte, la façon dont la fille s'adresse à sa mère, le désespoir qu'elle ressent, l'amour qu'elle éprouve pour cette fille... ce ne sont qu'une dizaine de lignes, mais on les perçoit et comprend déjà parfaitement.
- Oui... Elle en a marre de toute cette pression mise sur elle par la société et sa famille et explose en ouvrant son cœur, et c'est plutôt troublant. Moi aussi, ce texte m'a pas mal ébranlé. »
Iris et moi hochons la tête en même temps. En repensant au texte de l'audition écrit par Adam que j'ai lu chez moi, je suis à nouveau traversée par toutes les émotions qui ont jailli en moi à ma toute première lecture, une cascade de sensations qui m'a plongé dans un torrent de sentiments. Comme une cascade, la lecture de l'extrait m'a fait glisser en pente raide jusqu'à un torrent violent et profond, où, la tête sous l'eau, mes sens confus, je me sentais plus chamboulée que jamais. Sans que je m'en rende compte, mes yeux s'humidifient et je commence à trembler.
« Et puis... j'enchaîne, hésitante, bredouillante. Je veux dire... Je... Je n'aurais jamais pensé que...
- Que c'est ce que nous, the gays, on pouvait ressentir ? » Finit Iris à ma place d'une voix infiniment douce.
J'acquiesce, reconnaissante. Puis me paralyse.
« Nous... ?
- Ah, oui, rit Iris avant de se gratter l'arrière du crâne, l'air un peu gênée, se mordant la lèvre dans un geste que je me surprends à trouver adorable. Je te l'ai pas dit, mais je suis lesbienne, j'aime les filles. Donc, je m'y connais plutôt bien sur le sujet, ha ha... Je pensais que tu le savais. »
Je ne sais pas pourquoi, mais en voyant Iris se confier à moi ainsi, je sens mon pouls accélérer, touchée qu'elle me confie cela. Et j'en ignore également la raison, mais apprendre qu'Iris est lesbienne me fait sentir... Différente ? Je ne sais pas, c'est déstabilisant, mais cette simple information me réchauffe tout entière, retournant mon ventre et mon cerveau de façon plutôt agréable et me faisant sourire comme une dingue sans que je puisse le contrôler. Iris aime les filles. Et ça ne me concerne certes absolument pas, mais ça me rend définitivement heureuse.
« Pourquoi je le saurais ? Je demande en souriant tendrement.
- Je ne sais pas, fait Iris en riant nerveusement (Sérieusement, elle est adorable quand elle est nerveuse) (A quoi je pense, là ?) Mon style, mes piercings, mon eyeliner, c'est un peu évident, non ? Et puis, la plupart des personnes LGBTQ+ ont une sorte de « gaydar » et arrivent à savoir assez facilement l'orientation sexuelle des gens. Moi, par exemple, sans vouloir me vanter, je suis plutôt bonne, » Affirme Iris en m'affublant d'un clin d'œil avant d'éclater de rire.
Je ne réponds rien. Je suis confuse. Les sourcils légèrement froncés, je tourne et retourne les paroles d'Iris dans ma cervelle. Est-ce qu'elle vient juste d'assumer que j'étais LGBTQ+ ? Est-ce qu'elle pense que je le suis ? Quelque part, ce fait me trouble.
« Heu... Je balbutie, mal à l'aise. Je ne suis pas... Je n'aime pas... Je veux dire... »
Iris n'a pas l'air de comprendre. Puis, lorsqu'elle saisit enfin ce que je souhaite formuler sans parvenir à mettre des mots dessus, je vois ses sourcils se dresser et ses yeux s'écarquiller.
« Ah... Tu n'es pas... ? Oh. Autant pour moi, j'ai cru, désolé.
- Pas de problème, j'ajoute aussitôt de façon un peu trop précipitée. On peut tous se tromper. »
Un silence gênant suit mes mots. Iris se gratte la nuque, embarrassée. Quand à moi, j'ai le regard baissé, fixant mon assiette de pâtes sans goût, n'osant pas les toucher. Les paroles d'Iris tournent en boucle dans mon esprit, encore et encore, me troublant plus que je ne pourrais jamais l'admettre. Pourquoi Iris a-t-elle pensé que j'aimais les filles ? Est-ce que je ressemble à quelqu'un qui aime les filles ? Louise (Je l'avais presque oublié, celle-là), ne nous entendant plus parler, relève la tête de son téléphone, et nous observe l'une après l'autre, sourcils froncés.
« Et bien, grosse ambiance ! Iel s'exclame soudainement, nous faisant sursauter, Iris et moi. Il y a eu un mort ici ou quoi? Vous avez des mines de déterrées. »
Iris et moi échangeons un regard, yeux sombres dans yeux verts, sans répondre à Louise. Mais apparemment, iel n'est pas du genre à patienter pour qu'on lui réponde. Poupée Gothique se lève de sa chaise, sans avoir avalé une miette de son repas, son plateau encore intact. Puis elle nous lance :
« Bon, je sais pas pour vous, mais moi, je n'ai pas faim. Je vais fumer dehors. Vous venez ? »
Encore une fois, la petite brune n'attend aucune réaction de notre part et s'en va aussitôt, jetant au passage son plateau dans la poubelle prévue pour. Dan l'imite, refermant son livre et enfilant sa veste avant de la rejoindre à l'extérieur en passant par la porte de sortie menant la cafétéria à la cour du lycée. Je me retrouve donc seule à table avec Iris, mon assiette de pâtes à peine entamée. Mais après tout, tant pis, elles sont vraiment dégueulasses. Alors, après avoir échangé un long regard interrogatif avec ma camarade de théâtre, je prends également ma veste, saisis mon plateau et le largue avant de suivre Louise et Dan à l'extérieur, rapidement imitée par Iris.
***
<This Town ~ Kygo ft. Sasha Sloan>
Nous retrouvons rapidement les deux dans la cour. Ils nous attendaient.
« Je connais un coin pas mal pour être discrets, déclare Dark Lolita en cachant un paquet de cigarettes et un briquet dans une des poches de sa jupe. Je fume depuis que je suis dans ce lycée, alors je connais un peu les endroits où se cacher pour se rouler une cigarette sans être cramé par les surveillants. Suivez-moi. »
Je m'exécute à son ordre, tout comme Dan et Iris, et nous précédons tous les trois Louise se diriger dans le fond de l'établissement. La cour de notre lycée est coupée en plusieurs parties, et l'une, la plus enfoncée et discrète, est là où se trouve deux bâtiments modulaires contenant une salle de classe chacun. Ils sont vraiment moches, tous les deux en pavé droit et construits dans un plastique qui a dû être blanc il y a un temps, mais ressemble désarmais à un gris sale. On dirait des boîtes. Effectivement, le secrétariat, manquant de salles de classe, a fait installer ces deux bâtiments modulaires dans la cour du lycée, soi-disant provisoirement. Ils n'étaient prévus que pour un an, car l'effectif d'élèves dans le lycée était censé diminuer l'année suivante et donc permettre au proviseur de supprimer des classes. Malheureusement, l'effectif des élèves n'a pas baissé, ni l'année suivante, ni celle d'après. Résultat, cela fait maintenant huit ans que les bâtiments sont là, selon le grand frère d'Emily qui était en seconde lorsqu'ils ont été installés. Provisoire mes fesses.
« Tu fumes ? » Me lance Louise lorsque nous nous approchons de l'une des boîtes grises.
Je secoue la tête.
« Génial, marmonne t-iel dans sa barbe. Je vais encore être seul.e. »
Non, je ne fume pas. Je me rappelle, lorsqu'on avait environ huit ans, avec Zoé, on avait fait un genre de pacte, une promesse de l'une à l'autre qu'on avait prononcé solennellement en se tenant par les petits doigts. On avait juré que jamais on ne boirait d'alcool, que jamais on ne fumerait, ni se droguerait (Histoire vraie : à l'époque, j'avais déjà entendu le terme « drogue », mais je n'avais pas bien compris ce que c'était et j'en avais conclu que c'était comme un peu la cigarette. Du coup, en primaire, je ne saisissais pas quand les adultes en parlaient en affirmant que c'était interdit. Si c'est illégal, pourquoi donc voit-on autant de gens fumer dehors ? Pourquoi ne se font-ils pas attraper par la police ? Et, si c'est une pratique bannie, pourquoi en vend-on ouvertement dans des drogueries ?). On s'était dit « promis, juré, craché » et on avait même craché dans un verre après ça. Bon, à présent, à l'âge de seize ans, je sais que pour l'alcool, c'est raté. Mais je suis quand même restée à deux tiers fidèle à ma promesse : pour l'instant, je n'ai jamais fumé de cigarette, même électronique, et jamais testé de drogues. La pensée que de façon inconsciente, j'ai quand même à demi respectée le vœu de la petite fille de huit ans que j'étais et de sa meilleure copine, me fait sourire doucement. Nostalgique, je rejoue mes souvenirs d'enfance dans mon esprit sans cesser de sourire.
Louise se tient donc près d'un des bâtiments modulaires. Elle jette un coup d'œil à droite et à gauche pour vérifier qu'aucun pion ou professeur n'est dans les environs, puis, constatant que les seules personnes dans la troisième partie de la cour sont un petit groupe d'adolescents qui discutent sans nous prêter attention, elle se glisse sur le côté pour se faufiler derrière. Dan et Iris l'imitent, et je les suis, un peu étonnée. Derrière la boîte en plastique gris qui nous sert de salle de classe se trouve un petit espace, entre le bâtiment et la haute barrière qui délimite l'établissement et nous empêche de quitter le lieu. Il fait environ un mètre de hauteur et huit mètres de longueur, allant tout le long du bâtiment modulaire. L'endroit, utilisé seulement par les fumeurs du lycée comme Louise, conserve une certaine magie, un certain mystère. Comme il n'a pas été nettoyé depuis des années, des centaines de petites plantes s'échappent des fissures du béton. Je regarde marguerites, pâquerettes et autres s'étirer des lézards du sol et de la barrière, déployer leurs feuilles d'un vert vif et leurs pétales blancs, roses, bleus ou jaunes. Contre le mur de la barrière, qui est complètement tagué, se tombe sur ce qui a du être un banc, autrefois, avant l'installation de ce que nous appelons des « B.M. ». Aujourd'hui, complètement inutilisé, il tombe en ruine. Son bois semble pourri à certains endroits et sa surface est complètement recouverte de tags, de petits dessins, de comptes Instagram cités au feutre, de numéros de téléphone suivis de messages n'ayant rien de très catholique ou de slogans comme « ACAB », soit « All cops are bastards » en anglais. Heureusement, le banc a l'air suffisamment solide pour accueillir un poids humain, car lorsque Dan s'effondre dessus pour reprendre sa lecture, il grince à peine.
Louise, sans prêter attention à nous, sors de sa poche un paquet de cigarettes ainsi qu'un briquet entièrement noir affublé d'un sticker blanc représentant une tête de mort. Elle s'appuie contre le mur tagué et fait glisser une cigarette hors de son paquet. Agilement, de ses longs doigts blancs et fins, elle fait tourner l'objet dans sa main, entre deux doigts, puis coince la cigarette entre ses lèvres maquillées de noir. Puis iel saisit le briquet et fait glisser son pouce sur la roulette, le protégeant du vent avec son autre main. Le gaz s'active, une flamme naît et prend vie, d'abord minuscule, elle s'agrandit et flambe fièrement d'une belle couleur bleue. Louise approche la flamme au bout de sa cigarette pour la rendre incandescente. Puis, après avoir rangé son briquet dans un pli de sa robe, iel saisit à nouveau l'objet fin et l'éloigne de sa bouche, renversant sa tête en arrière pour souffler un nuage de fumée vers le ciel. L'émanation grise s'élève quelques instants avant de se diffuser dans l'air. Louise reste une poignée de secondes ainsi, ses yeux d'un bleu de glace se perdant dans l'infinité grise s'étendant au-dessus de nous. Puis elle reprend une bouffée.
Nous restons tous silencieux. Je ne sais pas pourquoi, mais ce coin pour fumeurs a quelque chose d'irréel, de féérique, de presque religieux. Personne ne parle, alors je n'ose rien dire. Je regarde Louise dont la façon de fumer me fascine presque. Absorbée dans chaque mouvement qu'iel exécute, je scrute ses doigts souples parcourir la cigarette, le mouvement de sa tête lorsqu'iel renverse son visage vers le ciel gris, la chorégraphie de la fumée qui s'échappe de ses lèvres noires entrouvertes, tournant et se courbant telle une danseuse étoile. Iris, elle, s'est assise à même le sol, sur le béton gris, parmi les fleurs perçant sur le sol. Elle est en tailleurs, les mains entre ses jambes, les yeux fermés comme si elle somnolait. En l'observant de plus près, je remarque qu'elle se balance légèrement de gauche à droite, dans un mouvement si léger que je faillis ne pas le percevoir. Même si elle ne bouge pas véritablement, elle aussi, elle est fascinante. Je me perds dans la contemplation de ses tresses rouges dansant lorsque le vent souffle un peu plus fort, ses narines palpitant au rythme de sa respiration, ses paupières fermées dont les cils sont si longs qu'ils effleurent ses pommettes. Dan, lui, est perché sur le banc, et lit en silence, l'expression neutre, l'air inébranlable. Pourtant, en le regardant un peu mieux, je remarque ses sourcils se froncer légèrement ou sa main mate s'élever jusqu'à son front pour dégager les mèches sombres qui lui tombent devant les yeux. Le silence n'est pas gênant, il est agréable, reposant. D'ailleurs, ce n'est pas vraiment un silence : même on ne dit pas mot, il y a toujours le bruit des pages du livre de Dan qui se tournent ou celui de Louise tirant sur sa cigarette. C'est plutôt une écoute, une observation collective du monde qui nous entoure. Une célébration silencieuse de la vie. J'ai l'impression que ce n'est pas la première fois que ces trois-là se retrouvent ici, derrière ce « B.M. », et répètent ce rite plutôt étrange.
Je ne sais pas exactement combien de temps nous restons ainsi, Dan lisant, Iris pensant, Louise fumant, moi les observant. A un moment donné, après avoir terminé sa seconde cigarette, Louise en écrase le bout contre le bois pourri du banc pour l'éteindre et la glisse dans la première poubelle qu'elle trouve. Puis elle range son briquet et son paquet de cigarettes, et part simplement, sans un mot, sans un geste, comme si c'était une évidence, que c'était la fin de cette parenthèse hors du monde. Presque en même temps, Dan referme son livre, Iris se relève, et ils suivent tous les deux Louise dans la cour. Je les rattrape et le retour à la réalité me frappe de plein fouet. Je suis encore désorientée par rapport à ce que je viens de vivre, mais je me sens également étrangement apaisée.
Alors que nous déambulant tous les quatre dans la cour sans but précis, en attendant la sonnerie de treize heures vingt-cinq qui marquerait la reprise des cours, je vois Iris s'approcher de moi.
« Encore désolé pour tout à l'heure, s'excuse t-elle en venant marcher à mes côtés.
- C'est rien, je réponds rapidement, sans la regarder. Tu n'as pas besoin de t'excuser. Et si on peut juste oublier cette histoire, ce serait cool.
- Oui, oui, bien sûr. Je comprends. OK. Cool.
- Cool, » Je répète.
Silence gênant. Quelques mètres devant nous, Louise et Dan bavardent de tout et de rien.
« T'as quoi comme cours après ? Reprend Iris.
- Anglais, je réponds. Ou maths, je sais plus. Je suis toujours un peu perdue avec mon emploi du temps, chaque année, il me faut genre six mois pour l'apprendre, j'avoue dans un rire. Et toi ?
- T'inquiètes, c'est pareil pour moi, pouffe Iris. Moi, j'ai musique. »
Je dresse un sourcil et me tourne vers elle, étonnée.
« Attend, on peut faire de la musique au lycée ? Je croyais que ça disparaissait après le collège, comme les arts plastiques.
- On peut en faire en option, tout comme les arts plastiques, explique Iris en riant. Et j'ai choisis option musique. Dis, ça t'arrives de te renseigner sur ton lycée ? » Ajoute t-elle d'un ton moqueur, un rictus amusé sur ses lèvres carmin, une lueur taquine dansant dans ses yeux sombres.
Je pouffe.
« Pas vraiment, j'admets avant de demander : Du coup, tu dois aimer la musique, hein, puisque tu subis des heures de cours en plus pour ça ? Tu chantes, ou tu joues d'un instrument ?
- Un peu des deux, dit Iris avec un sourire. Mais je ne suis pas vraiment douée.
- Tu plaisantes ? Je ne t'ai pas encore écoutée, mais je suis persuadée que tu es géniale. »
Un sourire timide se dessine sur le visage d'Iris. C'est adorable de la voir comme ça, alors qu'elle est la plupart du temps sûre d'elle et confidente, je constate qu'elle peut également être timide et humble. Certes, comme le dit si bien Edward, la confiance en soi, ça rend sexy, mais je me permettrais d'ajouter que la timidité, ça rend adorable. Durant une poignée de secondes, nous nous fixons simplement, iris verts dans iris noirs, en souriant doucement. Je ne sais pas pourquoi, mais le regard sombre d'Iris, profond et intense, me trouble et me bouleverse de l'intérieur. Sentir ses yeux me détailler et me sonder me fait rougir sans que je puisse le contrôler. Je baisse les yeux, rompant notre contact.
« Et du coup, t'aimes quoi comme musique ? Je demande, toujours sans la regarder. Quels sont les artistes qui t'inspirent ? Si t'as choisi cette option, tu dois avoir de supers goûts.
- Je ne sais pas, ris nerveusement Iris en se grattant la nuque. J'ai des goûts plutôt classiques.
- Allez, dis ! J'insiste, catégorique. C'est quoi le groupe que tu écoutes en boucle en ce moment ?
- Baaah... Hésite Iris en regardant le ciel gris. Je dirais que ces derniers jours, j'écoute énormément de Twenty One Pilots. Pas très original, je t'avais prévenu. »
Mes yeux s'arrondissent. Je me tourne brutalement vers elle.
« On s'en fiche que ce ne soit pas très original, ils sont géniaux ! J'adore ce groupe aussi.
- Vraiment ? » S'étonne Iris en baissant son regard vers moi.
Elle a l'air sincèrement surprise. Je pouffe à sa réaction et, soudainement, nous nous mettons à parler de musique. Je ne m'y connais pas aussi bien qu'Iris, pour sûr, et alors qu'elle analyse le rythme des morceaux, leur construction et la capacité vocale des chanteurs et chanteuses, je ne sais que dire si une chanson me plaît ou pas. Nous découvrons avec bonheur que nos goûts sont assez similaires et que nous aimons un peu près les même groupes. En plus de Twenty One Pilots, nous parlons d'artistes comme Panic! At the disco, Fall Out Boy... Je lui parle évidemment de Yungblud avec des étoiles dans les yeux. Iris affirme qu'elle ne connaît pas le chanteur, mais, en riant devant mon air suppliant, elle promet qu'elle ira voir dès ce soir qui est l'artiste. Je lui conseille d'écouter des musiques de lui comme « Parents », « Polygraph Eyes », ou encore « 11 minutes », et, bien sûr, « Mars ». Elle acquiesce, l'air véritablement concernée par ce que je lui dis. Même lorsque je pars dans un délire de fangirlage sur Yungblud, elle se contente de rire et de me taquiner, l'air pas ennuyée le moins du monde. Je me sens écoutée et ça fait du bien. Nous continuons à discuter musique jusqu'à ce que la sonnerie résonne et que nous soyons obligées de retourner en cours, à mon plus grand regret.
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